Enfant-Clown [RP Solo]

Sur le seuil de sa tanière, elle observait. Elle observait la vie, ces chats qui font comme si rien n’avait existé, insouciants de tout, inconscients de tout. Elle les détestait. Juste pour être là, pour exister.

Elle qui voulait juste briller.

Elle qu’on avait remisé au fond d’une tanière sombre, comme un objet indésirable.

Elle jeta un œil à l’intérieur, dans son nid. Là, dormaient quatre boules de poils, deux à elle, deux à une défunte. Elle avait accepté de les nourrir parce que ses propres chatons avait un ou deux jours de plus. Pourtant, elle les détestait. Sans eux, elle serait loin de tout ça.

Au fond de la tanière, elle avisa une femelle claire à l’air niais. Elle la haïssait. Partager sa tanière est un supplice. Plus d’une fois, elle rêvait de l’étrangler avec sa litière. Elle n’aurait plus à la supporter, à la voir batifoler au quotidien. Cette femelle lui donnait envie de vomir. Et ses enfants encore plus. A cause d’eux, cette femelle blanche l’avait abandonnée du jour au lendemain. Comme deux étoiles, une au ciel et l’autre sur terre. Elle n’aimait pas cette femelle, mais au moins, pendant de court laps de temps, elle s’occupait d’elle, elle l’observait. Elle avait brillé pour quelqu’un. Avant d’être mise de côté, laissée pour compte, avec seulement un mentor d’emprunt. Elle la haïssait si fort. Elle voulait la voir morte. Morte. MORTE.

Dans le camp, elle vit une patrouille se former d’un mâle fauve, une femelle rousse et un mâle blanc et fauve qui lui fit un signe de la tête quand il l’a vit. Elle les détestait, eux aussi. Même pas ils ne lui avaient proposé de partir avec eux. Parce qu’elle était punie, confinée, dans un endroit où elle étouffait. Privée de liberté. Était-ce là tout ce qu’elle méritait ?

Elle regarda le promontoire, elle détestait ce qu’il représentait. Ou plutôt ce qui le représentait. Lui, qui était censé être un exemple pour la communauté, pour les autres et qui n’était un exemple pour rien du tout. Elle le détestait. Il avait un poste qu’elle convoitait, pour lequel elle se donnait corps et âme, pour sauver une communauté vouée à la déchéance, qui s’éloignait de la lumière. Lui qui faisait régner une paix factice, qu’un rien ferait voler en éclat. Et les autres qui le croyaient. Elle détestait tout ces naïfs qui n’avaient que du brouillard pour idéal. Lui qui l’avait punie pour un peu de respect. Lui qui essayait de lui faire aspirer à des idéaux qui n’était pas les siens. Elle se refusait de fermer les yeux. Jamais elle ne ferait confiance aux autres. Pas alors qu’elle n’avait pas confiance en sa propre communauté.

Cette femelle, qui ressemblait tant au chat du promontoire, elle en était jalouse à crever. Elle l’avait imitée. Cette femelle aussi, avait abandonné ses chatons à la pouponnière pour reprendre son activité. Et on ne lui avait rien dit. Pas la moindre remarque sur son comportement. Alors pourquoi elle en avait eût, elle ? Qu’est-ce qu’elle avait fait pour avoir un tel traitement ?

Près de la réserve de nourriture, elle avisa un mâle tricolore et un mâle noir, plus jeune. Ils étaient en train de manger, à parler et rigoler. Elle en était jalouse aussi. Même lui avait trouvé sa place, pourquoi pas elle ? Qu’est-ce qu’elle devait faire pour se sentir bien, ici ?

Et ce bengal disparu, qu’elle avait passé des jours à chercher. Il avait disparu, elle l’enviait. Il lui manquait, et elle lui en voulait. De l’avoir laissée derrière, de vivre probablement une meilleure vie que coincé ici. De toute façon, elle ne manquerait à personne. Alors pourquoi est-ce qu’elle était encore ici ? Qu’est-ce qu’elle devait faire pour s’évader d’ici physiquement ou spirituellement ?

Si on la privait de son cœur, trop attachée aux traditions et à une communauté qui ne l’appréciait pas, serait-elle enfin libre ?

Quelque chose lui percuta la patte et elle tourna la tête pour observer ce que c’était. Une pomme de pin, une simple pomme de pin. Et derrière elle, deux chatons. Ils n’osaient pas lui demander de leur renvoyer leur jouet. Et alors qu’elle prenait le jouet en gueule, le plus gros des chatons s’avança vers elle en tremblant, lui demandant d’une petite voix polie de rendre le jouet. Jouet qu’elle écrasa dans sa gueule avant de le cracher aux pattes du plus jeune. Qui éclata en sanglot. Une reine sortit de la tanière, lui lança un regard noir en comprenant la scène. Regard noir qu’elle lui rendit.

Elle détestait cette communauté qui ne lui donnait pas autant qu’elle se donnait pour elle. Elle qui s’était battue pour protéger son nom et son honneur. Elle qui ne supportait pas que l’on puisse insulter cette communauté. Cette communauté qui l’a traitait en paria. Tout ça parce qu’elle admirait le mauvais fantôme. Tout ça parce qu’elle avait souhaité un peu de respect.

Mais ce qu’elle détestait le plus, en cet instant, c’était ces maudites étoiles. Ces étoiles qui prenait, sans jamais rien donner d’autres que des malheurs. Elles ne lui accordaient même pas un peu de lumière. Parce qu’elle était la fille d’une de leur ancienne servante ? C’était injuste. Elle n’avait rien demandé. Elle qui, depuis petite, nageait à contre-courant pour se démarquer, la voilà qu’on la noyait sous la masse.

Tout ça pour des étoiles qui ne la regardait pas. Et si, à son tour, elle cessait de regarder les étoiles, qu’est-ce qu’il se passerait pour elle ? Est-ce qu’elle pourrait mieux respirer ? Se sentir libre ?

Ou au contraire, ce serait briser la branche sur laquelle elle est assise ?

Elle qui marchait en équilibre sur un fil très mince et qui pouvait basculer à tout instant d’un côté ou de l’autre.

Elle qui détestait tout et tous le monde, jusqu’à elle-même.

Elle, qui voulait juste briller.