[INONDATION - flashback] Soft Moans of the Remains [avec Nuage de Glycine]

▬ Guerrière

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Soudain, il se lève. Nuage de Feuille ne sait pas trop pourquoi, mais elle sent ses veines pulser, de plus en plus fort, à ses oreilles. Quelque chose titille son organe vital, comme un vent de panique. Elle n'arrive pas à en flairer l'origine, tandis qu'elle suit Glycine du regard.
Les sourcils de l'apprentie se froncent. Sa gueule s'entrouvre, mais rien n'en sort.
Nuage de Glycine fouine avec acharnement dans les réserves de Jolie Rafflésie, désordonnant complètement les plantes médicinales. Ce matin, Feuille se souvient avec quel soin Serre de Chouette les avait rangé.

« - Du pavot... du pavot, du pavot. Ils doivent bien en avoir, ici... »

Il blablate dans sa barbe, si bien que l'oreille de sa sœur, encombrée par ses pulsations, est obligée de tiquer pour se concentrer sur ses mots.

Là.
À la première larme qu'elle voit couler. C'est comme se prendre ce vent violent, en plein dans le visage, il est si puissant qu'il semble capable de tout emporter. Il malaxe tout avec ferveur, écrase ; bientôt, ce sera l'implosion et il ne restera strictement rien.
Parfaitement, elle voit aussi parfaitement les touffes de poils qui volent et le sang qui suinte.
Non, pas vraiment en fait. Ses yeux exorbités ne fonctionnent plus très bien. En fait, c'est plutôt comme si elle pouvait ressentir la douleur. L'intensité brûlante ; mais pourquoi est-ce gelé ?
Le cœur de la chatte cesse de battre et se serre, avant de reprendre, si vite. Elle l'entend dans ses tympans et elle le sent dans sa poitrine. Un instant elle se dit : « mais faites-le taire, à jamais ! », pourtant cette pensée s'efface. Parce qu'un mur tombe devant elle, voilant le fil de ses mots internes, il n'y a plus rien à comprendre.

C'est comme si elle pouvait tout avaler. Soudainement, ses tympans explosent ; Nuage de Feuille n'entend rien, et tout a la fois. Elle a l'habitude. Pourtant, c'est différent.
Dans sa gueule elle attrape les sensations, les sentiments, les émotions de son frère comme on cherche a choper l'oiseau qui passe sous notre museau. Sauf que ses plumes sont de pierres taillées, elles lui détruisent les muqueuses et la langue. Lorsqu'elles passent dans son œsophage, puis dans son estomac, elles s'amusent a frotter les parois. C'est douloureux, peut-être, c'est normal.

Nuage de Feuille se mouve enfin, sans plisser ou refermer ses yeux elle s'approche de cette bête qui chouine et qui chouine et qui chouine encore, étalée là sur le sol. Il est si petit maintenant ? Il lui semble minuscule ; elle aimerait le laisser là, entre ses deux grandes guibolles rousses. Elles ne tremblent pas. Il peut s'y cacher si il veut.

La renarde s'étire et s'essouffle en silence. La forme crisse, monte et monte encore, lentement, jusqu'à atteindre ce point culminant. Et lorsqu'elle retombe en plongeant, elle est telle l'eau qui éclabousse ; comme cette goutte d'eau, au fond de la tanière, qui éclate sur le sol.
Elle n'entendait que son propre cœur, maintenant elle entend le sien, aussi.
Ses pattes comme des lassos s'agrippent fermement et se referment autours du cou sanguinolent. Elle serre contre elle, use de tout son poids pour plaquer au sol cet animal blessé. C'est cela, elle le garde contre elle, bien au chaud, contre ses pulsations. Pour que jamais il ne puisse s'échapper, que jamais il ne puisse bouger, que jamais il ne puisse se griffer, que jamais il ne puisse se tuer.

Frère et sœur de peine, si magnifiquement enlacés qu'on croirait au meurtre passionnel.

La lune, cette grasse gourmande, ne laisse aucune couleur subsister dans son royaume. Alors, lorsque les pelages se mélangent, on ne voit plus la différence. Les respirations deviennent une, et ce tambour battant, il se calque lui aussi sur le rythme étrange, dépourvu d'harmonie, de l'autre.

Accrochée ainsi à son frère, Feuille ne pense plus. Il n'y a plus rien a dire, sans doute.

Elle n'a aucune larme. Non, à la place, elle préfère lécher les siennes. Le sel dans sa gueule, ne fait qu'un avec la pierre.

♪ Apprenti Administratrice

Le monde n'était plus qu'un vaste océan de ténèbres. Il ne restait rien à Nuage de Glycine, rien d'autre que la panique. Sa vue se brouillait à mesure qu'il étouffait. Les couleurs s'évanouissaient pour laisser place à des nuances de gris toujours plus sombres. Les bruits, autour de lui, s'étaient tus pour se voir remplacer par un grésillement sans fin. C'est alors qu'il revit tout. L'odeur du sang - ces effluves de fer qui envahissaient toute la forêt. Le corps inerte et ensanglanté de sa sœur au sol.
- Jolie Rafflésie... continuait-il d'appeler d'une voix étouffée. Jolie Rafflésie-
Il ne savait même plus vraiment où il se trouvait. Il savait juste que sa soeur avait failli mourir, encore, et qu'il y avait du sang.

Alors il était planté là, comme un con, à ne rien pouvoir faire (comme d'habitude), même plus respirer par lui même. Un poids sur les épaules, dont il ignorait tout de la nature. Planté au sol, incapable d'avancer. Incapable de changer les choses. Incapable d'aider.

Incapable de vivre.

Nuage de Glycine pleurait, pleurait encore et encore à n'en plus pouvoir, jusqu'à froler l'inconscience, à force de rester trop loin de l'oxygène.

Il voulait que tout s'arrête pour de bon.

Tout.

Hors-RP : je pense qu'on va pouvoir approcher de la conclusion ? :')

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Autres signas:

▬ Guerrière

Elle l'entend murmurer, elle l'entend très bien et ça lui déchire le cœur. Inlassablement.
Nuage de Feuille s'enfouit, de plus en plus, dans le pelage abîmé et suintant de son cou, jusqu'à s'approcher des oreilles, jusqu'à s'approcher de la gueule. Et à son tour elle se met à murmurer ; ce ne sont que des bruissements, des mots si petits, si minuscules, des messes basses dignes des plus lourds secrets. Ceux qui sont grands, ceux qui sont inavoués, ceux que l'on garde pour soi, comme une chanson que l'on ne délivre qu'à quelques âmes. La sienne, et celle de l'être le plus cher au monde.

Lentement, elle laisse son corps glisser sur le sien, jusqu'à retomber sur le côté. Elle passe sous sa patte, quelle anguille, si discrète. Feuille le force, en douceur, à se retourner presque sur le dos et appose sa gorge tout contre la sienne, ses longues pattes l'enserrant toujours, plus gentiment.
De lourds ronronnements entravent petit à petit les mots à peine audibles, jusqu'à les remplacer complètement. Elle redresse enfin ses oreilles, ferment ses yeux, au fur et à mesure que la panique de son frère se calme.
Les frémissements de sa gorge, la tendresse de ce bruit grave, ils emplissent la tanière des guérisseuses. Même les gouttes d'eau ont cessé leur insupportable ballet.
Et, lorsque les habitantes de ces lieux rentreront, elles verront qu'ils sont toujours là, qu'ils n'ont pas bougé. Accrochés l'un à l'autre, comme ce fameux jour de tempête, le jour où ils sont nés.

Dors, dors. Disparaît dans ton propre rêve, ou allonge-toi dans ceux que j'invente : il y a du soleil, il fait chaud, on s'y sent bien. Même si c'est faux, nous y construirons notre royaume.

FIN

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