[INONDATION] Entre les griffes, s'accrochent des promesses [avec Tempête de Suie]

▬ Guerrière

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« - HEY ! »

Son grondement a le mérite de forcer Nuage de Feuille à rouler ses billes vers lui. Et elle plaque ses oreilles contre son crâne, la moue particulièrement grognon.

« - Être blessée ne te permet pas de me manquer de respect, 'gaffe à ce que tu dis !
- Ben voyons ! T'sais bien que c'est pas ça. »

C'est vrai que c'est pas ça, elle sait qu'elle a raison, qu'elle n'est pas en train de lui manquer de respect. Nuage de Feuille déteste cette attention étrange qu'on lui porte. Et surtout, elle n'aime pas voir Tempête de Suie « s’inquiéter » pour elle. C'est du vent.
Griffes et crocs de sortis, Tempête de Suie s'avance vers elle, la surplombe, tandis qu'elle demeure allongée, de biais. Nuage de Feuille tourne sa tête vers lui et le fixe sans sourciller.

« - Écoute-moi bien, petite tête, commence-t-il, et ce surnom paradoxalement mignon ne suffit pas à adoucir sa voix grondante. Il semble que la guérisseuse t’as donné trop de pavot et te fais un peu trop planer. »

La queue de Nuage de Feuille s'agite et ses babines tremblent, hésitent à dévoiler les crocs cachés juste en-dessous ; sa « petite tête » bien ronde et harmonieuse s'en retrouve déformée par une grimace, vexée à son tour.

« - Tu n’es certes pas mon amie, mais tu es ma camarade, mon apprentie qui plus est. C’est une raison suffisante pour s’inquiéter. »

Feuille pouvait sentir qu'il avait encore beaucoup à dire, mais le mâle se retient, souffle du nez pour calmer ses nerfs. Ah ! Maintenant qu'ils en étaient là, elle était plutôt d'avis qu'il aille jusqu'au bout mais soit.

« - La prochaine fois, viens me chercher, au lieu de sortir seule. »

L'apprentie qui s'était quelque peu redressée en réponse à l'attitude de son référent, se rabaisse à cette dernière phrase. Ses sourcils se froncent et elle semble sévère, amère, peut-être un peu désemparée aussi. Un soupir lui échappe et elle se dandine le temps de rentrer ses pattes avants sous son corps.

« - C'est ma responsabilité, tout ça. »

Ses yeux retombent eux aussi, se perdent sur le sol, ne fixant plus rien de spécifique. Elle parle d'une voix calme, étrangement grave.

« - Bientôt, ce sera plus ton problème. T'auras plus besoin de t'occuper de moi, de faire comme si t'en avais quelque chose à foutre. »

Sa bouche se tord, son œil brille et elle sent un pincement lui prendre le ventre et le cœur.

« - J'comprends pas en fait. On n'a jamais fonctionné comme ça. Pas d'sentiments ou de... quoi que ce soit de gentil. »

Il ne peut pas dire le contraire. C'est la vérité, depuis ce jour où elle est revenue vers lui, où elle lui a demandé de durcir son entraînement le plus possible, il n'a plus été question de sentiments quelconques. Nuage de Feuille a bien ravalé comme il le fallait son hypersensibilité pendant toutes ces lunes jusqu'à oublié qu'elle en avait, des sentiments, des émotions.

« - J'suis pas morte. Et puis si c'était arrivé tu t'en serais remis, c'est bon. Rejoindre les ancêtres ? La bonne blague... »

Elle ne le regarde plus. Elle ne le regarde plus et elle n'avoue pas qu'en vérité, ce qu'elle pense au plus profond d'elle,

C'est que ça aurait été très bien comme ça.

▬ Guerrier

Elle se méprenait. Sur toute la ligne. Il n’avait jamais été question de ne plus avoir de sentiment. Il fronçait les sourcils sous l’énervement, prit une grande inspiration pour se calmer mais qui ne servit à rien.

- MAIS T’ES CON OU QUOI ? TA MERE T’AS PONDU PAR LE CUL A LA NAISSANCE OU BIEN ?

Il avait gueuler si fort qu’il sentit l’odeur caractéristique de la guérisseuse tricolore qui vint jeter un œil à l’intérieur de la tanière, se demandant ce qu’il se passait. Mais le guerrier l’ignorait. Les informations rentraient par une oreille et ressortaient par l’autre chez la novice. Il soupira, presque las finalement, mais il n’allait pas lâcher l’affaire.

- J’ai l’impression que t’as pas saisi pourquoi je t’engueule. Ou peut-être que tu veux pas saisir ? Je sais pas, p’tet que t’es devenue con comme un caillou en tombant ? Dis-moi si c’est compliqué ce que je t’explique. Si t’as besoin que j’aille chercher un chaton, pour que tu puisse avoir des explications à ton niveau, tu me le dis, hein ?

Un nouveau soupir pour se calmer, l’odeur de la guérisseuse qui est toujours là. Il lui lance un regard, pour lui faire comprendre qu’elle peut partir. Mais elle reste quand même en faction à l’entrée de la tanière. Le guerrier pointa une griffe sur la novice, l’air toujours aussi sévère.

- Tant que tu seras mon apprentie, tu seras sous ma responsabilité, tes actes sont aussi les miens. Tu n’avais rien à faire dehors. Ensuite… Il ferme un court instant les yeux avant de reprendre. Même si, effectivement, tu ne m’aurais pas manquer, tu penses pas que tu disparition aurait fait de la peine à, je sais pas moi, ta famille, par exemple ? Arrête de penser qu’à toi. Tant que tu vis dans un Clan, t’es pas la seule concernée par tes actions. Jamais.

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▬ Guerrière

« - MAIS T’ES CON OU QUOI ? TA MERE T’AS PONDU PAR LE CUL À LA NAISSANCE OU BIEN ? »

Elle ne sursaute pas. Les hurlements de Tempête de Suie elle les connaît par cœur ; ce n'est pas la première fois et vraisemblablement ce n'est pas la dernière non plus. Feuille se contente d'encaisser, de bouillonner dans son cœur, la mine tendue et les oreilles abaissées.

« - J’ai l’impression que t’as pas saisi pourquoi je t’engueule. Ou peut-être que tu veux pas saisir ? Je sais pas, p’tet que t’es devenue con comme un caillou en tombant ? Dis-moi si c’est compliqué ce que je t’explique. Si t’as besoin que j’aille chercher un chaton, pour que tu puisses avoir des explications à ton niveau, tu me le dis, hein ? »

L'apprentie ne lui accorde pas un regard, elle s'y refuse. Elle n'en a plus aucune envie mais elle l'écoute ; comme elle l'a toujours fait, depuis le début. Nuage de Feuille a écouté chacun des mots de Tempête de Suie.

« - Tant que tu seras mon apprentie, tu seras sous ma responsabilité, tes actes sont aussi les miens. Tu n’avais rien à faire dehors. Ensuite… Même si, effectivement, tu ne m’aurais pas manquer, tu penses pas que tu disparition aurait fait de la peine à, je sais pas moi, ta famille, par exemple ? »

Elle pourrait presque le couper, pour vomir dans ses oreilles tout ce qu'elle a sur le cœur. Sauf qu'elle ne le fait pas. Nuage de Feuille reste là, de marbre, seule l'expression de son visage indiquant son implication dans la conversation – quoique transformée en monologue de son référent dorénavant. Elle voudrait lui dire que non, là tout de suite elle n'en a rien à foutre, que ça ne l'intéresse pas de savoir comment se sentiraient les gens si elle crevait. Elle voudrait lui dire qu'elle est fatiguée, tellement, tellement fatiguée. Que, parfois, elle voudrait que tout s'arrête, elle voudrait lui expliquer qu'elle est perdue et qu'elle ne sait plus ce qu'il se passe dans son corps, son cœur, dans sa tête éclatée. Qu'elle ne sait plus ce qui est bon ou mauvais, qu'elle n'est plus certaine de savoir faire la distinction. Qu'elle ne comprend plus à quoi peut bien servir toute cette mascarade.
Peut-être qu'elle voudrait lui dire que lui il lui manquerait si il partait. Qu'elle serait triste. Au fond, c'était peut-être ça. Maintenant qu'elle a la confirmation définitive qu'il ne se préoccupe pas d'elle en tant que personne, ça lui fait mal. Peut-être qu'elle aurait voulu – aurait eu besoin – d'entendre l'inverse.

« - Arrête de penser qu’à toi. Tant que tu vis dans un Clan, t’es pas la seule concernée par tes actions. Jamais.
- Laissetomber. »

Elle murmure ces quelques mots si vite et si bas qu'il n'est pas certain que Tempête de Suie ait pu les saisir. L'apprentie déglutit et sa moue devient plus dure encore ; habitée par une rage froide, un chagrin à peine dissimulé.
Un long moment passe, durant lequel elle ne dit rien. Feuille se contente de l'immobilité la plus totale, calmant lentement la tempête qui bouille dans son estomac. Puis profondément elle inspire.

« - Vas-y c'est bon, expire-t-elle. Laisse-moi maint'nant. »

Sa voix se brise un peu, mais il n'y a aucune larme à voir, aucun sanglot à entendre. De toute façon, elle tourne la tête, lui faisant dos pour de bon. De la queue Nuage de Feuille chasse l'air, lui indiquant explicitement la sortie.

▬ Guerrier

Nuage de Feuille murmure quelque chose, mais si vite et si bas qu’il ne comprend pas ce qu’elle dit. Alors, comme une invitation à répéter, il stoppe là son sermon pour la fixer en silence. Et vite, ce silence envahit la pièce et ils sont juste là, assis, à se regarder. Et avec une patience dont il fait rarement preuve, Suie attends. Et puis, finalement, la novice parle.

« - Vas-y c'est bon. Laisse-moi maint'nant. »
- Non.

Il s’est redressé et ne détache pas son regard de la blessée, l’air sévère. Elle n’aura pas le dernier mot, surtout pas avec lui. Elle ne l’a jamais eût, après tout. Et ça n’allait pas commencer maintenant.

- Je te l’ai déjà dit, je décide quand partir. Tu vas encore m’avoir sur le dos pour un moment.

Il avait l’impression que cette conversation allait partout et nulle part à la fois. Il n’arrivait pas à comprendre ce que voulait dire la gamine et il avait l’impression que ses mots ne l’atteignaient pas. C’est comme s’ils se voyaient sans se voir vraiment.

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▬ Guerrière

« - Non. »

Elle soupire, lasse ; ce n'est pas comme si elle attendait autre chose de sa part. Pourtant Nuage de Feuille aimerait vraiment qu'il disparaisse, qu'il la laisse tranquille. Elle voudrait être seule avec elle-même.

« - Je te l’ai déjà dit, je décide quand partir. Tu vas encore m’avoir sur le dos pour un moment. »

L'apprentie peut sentir sur elle son regard appuyé, elle sait qu'il ne la lâche pas et qu'il ne la lâchera pas. Pas de sitôt en tout cas.

« - Pff... Fais c'que tu veux. C'est pas grave. »

Elle s'en moque ou, du moins, elle se convainc qu'elle s'en moque. Tempête de Suie peut très bien la détester autant qu'il veut, la maudire pour avoir sois disant désobéis, ne pas avoir écouté ses conseils, ça ne change rien de toute façon. Le mal est fait et c'est trop tard.

Ce n'est pas lui qui s'est fait choper par la mort. Il ne sait pas ce que c'est. Comment c'était, d'être au bord du vide, coincé entre les serres du grand duc. Elle les sent encore, se refermer autours de ses flancs, son souffle gelé sur ses oreilles. Grisant, et terrifiant à s'en pisser dessus.
Feuille se rappelle parfaitement de chaque instants de cette nuit. Lorsque son dos a heurté la surface de l'eau en un claquement qui a retentit dans chacun des os de son corps, lorsqu'elle l'a vu et entendu hurler la perte de sa prise tant désirée. Puis lorsqu'elle était partie, aux portes des étoiles.

Et, soudain, ça la frappe comme une évidence. Nuage de Feuille rouvre les yeux, lève lentement sa tête, une oreille pointée sur lui. Tournant finalement son visage dans sa direction, elle le fixe sans honte, son visage calme et froid. Elle ne sait pas du tout si c'est le bon moment pour parler de ça. Juste après s'être engueulée avec lui, ce n'est sans doute pas l'idéal.

« - Il faut que je te dise quelque chose... d'important, je crois. »

Quelques instants encore elle hésite puis, détournant les yeux, elle avoue :

« - J'ai vu une chatte. Une... morte, j'imagine. Elle m'a demandé de te dire... »

Nuage de Feuille plisse les yeux, essayant de se remémorer ses mots exacts et, lorsque sa phrase lui revient, un ricanement discret lui échappe. Elle secoue la tête et continue :

« - … que tu étais aussi borné que ton « crétin » de paternel. Elle t'a traité de crétin toi aussi d'ailleurs. Ses mots, pas les miens, ok ? »

À nouveau Nuage de Feuille lui jette une œillade, désolée, amusée et un peu curieuse aussi. Elle ne sait pas qui était cette magnifique chatte, ni même quel était son nom, mais si elle se permettait de telles familiarités avec Tempête de Suie c'est qu'ils devaient être importants l'un pour l'autre.
Et puis elle en a marre de se disputer. Ils ne sont pas d'accord de toute façon. Alors autant profiter de cette diversion pour passer à autre chose...

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