|BLIZZARD| gros train de vie → toucan - end

— Je vis pas ici chaton, mais dans le Verger. »

L'autre, là, qui se croyait drôle, en le prenant au mot! Alcidés balaya le plancher d'un coup de queue énervé.

— « N'essaie pas de changer de sujet !

Alors Toucan changea de sujet :

— « Enfin, avec la tempête dehors, je crois que ça va devenir mon pied-à-terre pour quelques temps.
— « Ne-...
— On dirait qu'on est coincés ici...
— --... »

L'élan de réprobation du tout petit chat se refroidit en même temps que lui, et sa peau subit la secousse d'un autre frisson. Son oreille eut un tic : dehors, la tempête s'était mise à siffler tout en creusant la neige de sillons pour couvrir leurs empreintes jusqu'au seuil. La tempête était si forte qu'elle entra dans son esprit en lui enlevant l'arôme de toute les pensées capables de le calmer. Coincés ici.

Coincés ici, mais pour combien de temps? Et coincé ici, avec Toucan? La tempête prit son cœur qui se mit à battre plus vite, et un coup de vent de travers qui le prit aux pattes le fit sursauter si brusquement qu'il s'était précipité aux côtés du solitaire. Plus spécifiquement : dans ses côtes, dont les aspérités de sa cage thoracique frottaient contre son poil.

— ... ...

Too close for comfort, Alcy voulut s'écarter mais sa chaleur corporelle jointe à celle de Toucan était le seul réconfort dans cette prison de bois crépi, dont les articulations grinçaient d'on ne sait quoi. L'anatomie de l'endroit lui était inconnue et il n'avait pas l'habitude de faire face à quelque chose que son apprentissage de guérisseur ne lui permettait pas de réparer. Non-- pourquoi aurait-il besoin de guérir un moulin? Quel idiot.

— « Le froid commence à rentrer, tu... ça te déranges si...?

Il se sciait les lèvres à tenter de lui demander de rester comme ça, contre lui.

Oula non, il y avait méprise, qui parlait de chasteté? Alcidés aurait bien gonflé ses plumes pour se faire paraître plus gros et prendre la défense mais le froid le rongeait tellement qu'il laissa la remarque lui couler dessus comme de l'eau sur un canard. Disons-nous-le, de l'eau très froide sur le dos d'un canard idiot qui aurait bien fait de migrer avec les autres.

« C'est pas une question de chasteté! » il aurait aimé rétorquer, le dos rond. Ou bien encore « Je ne suis pas encore guérisseur... », mais tout ce qu'il parvint à murmurer, en levant juste un peu sa tête du parquet, en se collant juste un peu plus contre le solitaire, à peine audible à l'oreille, fut « Ç-ça va... »

Une série de frissons le secoua.

« On devrait s'éloigner d'ici. » Ses pensées avaient leur sens mais les Landes de sa tête ne verdoyaient plus autant, recouvertes d'une fine couche de givre d'épuisement. Les arômes se perdaient dans le froid. « Pourquoi on reste près du vent? Ça n'a pas de sens. » Il s'entendait penser, seulement il n'avait pas la force d'accorder raison à sa propre raison. « Pourquoi je ne fais rien...? » Car il ne disait plus rien, ne faisait plus rien, et il était là, à apprécier le gel du blizzard, malgré sa haine contre celui-ci, car il donnait une raison derrière ce contact qui l'avait rapproché à l'autre.

Il reposa sa tête contre le parquet, sur un soupir, laissant à la queue de Toucan le loisir de le serrer un peu plus contre lui. Il n'avait pas la force de protester. Il n'avait pas envie. Il voulait trouver les pelisses de Tante Cœur Fleuri, et de celle d'Alby, aussi, et s'endormir, longtemps, hiberner le temps de la tempête, et à son réveil tout rentrerait dans l'ordre. Et comme il ferait chaud - il se sentait presque se rouler sur le dos pour aider le soleil dorer son ventre tout blanc. Et plutôt que les rafales qui criaient il était accueilli d'une brise et de dizaines d'odeurs familières, des plantes qui poussaient près de la tanière des guérisseurs. ... Quel beau rêve...

Son anxiété l'épuisait. Le blizzard l'épuisait. Les morts de froid l'épuisait - si seulement ils n'étaient pas morts, comme tout le monde. Si seulement ils avaient eus le feu de la survie en eux. Comme lui. Comme Toucan. Il ne se rendait pas compte que sa queue s'agitait derrière lui, par à-coups, ni ne s'était rendu compte qu'il s'était presque échoué sur le solitaire, vaincu pour la fatigue, le froid, et le poids des attentes que les survivants du Clan mettaient sur lui et sa tante pour les sauver du fléau.