All I Did was Ask Questions [Feat. Étoiles] - end

D'aussi près il vit Étoile Vaillante pour ce qu'elle était vraiment - rien du tout. Vide, un Mirage qui devint flou en la voulant nette. Il lui envoya un coup de patte mais elle fit comme un reflet sur la surface et ondoya, avant de disparaître (il sursauta) et réapparaître à côté de Taupe, derrière. C'était à n'y rien comprendre, car il avait touché Taupe, plus tôt (leur nez-à-front, sa patte sur elle, sa queue et ses ronrons)... Pour lui, ça avait été réel. Mais peut-être car Taupe était une amie, à l'inverse d'Étoile Vaillante, qui, selon leurs lois arbitraires, était une Ennemie, et ce-malgré son statut d'Étoile (ou, dans le cas de Coup de Foudre, "en raison de").

La tempête se souleva avec son dos, la poudrerie se mit à follement tourner autour de lui en lui givrant les os et des arcs d'éclairs jaillirent de ses yeux, dévalant ses marbrures en raidissant sa queue tout au bout et brusquement le Blizzard disparut. Les arbres aussi. Les éclairs, et Coup de Foudre sentit comme de l'herbe sous ses pattes, baissant le nez, échappant un hoquet de stupeur face à cette bataille d'abstraction qui le fit se reculer d'un pas, hébété.

— « Elle s'y est mise. » eut le culot de lui dire l'Étoile, et si Coup de Foudre se sentit se tendre en se préparant à un autre bond, « Tu  mens ! » ses muscles se bloquèrent dans leur position et l'herbe, gluante, l'immobilisa sur place.

Une brise slalomma les fleurs de sa plaine imaginaire et fit danser leurs poils mais en particulier ceux de l'ancienne cheffe du Clan du Vent, s'engouffrant en bourrasque en tourbillonant autour d'elle - Coup de Foudre compris qu'elle avait pris le contrôle de sa propre tête, et elle avait bien fait de l'immobiliser car sa rage, à l'instant, l'aurait transformé en brasier.

— « Il faut bien que tu comprennes que oui, Secret du Firmament était empreinte de bonnes intentions. Mais que les codes ont une raison d'exister et que par conséquent, les actes ont une conséquence.

Chaque fois qu'elle appuyait un mot, il plissait un peu plus les dents, jusqu'à ce qu'il ne relâche tout d'un râle de frustration. Le prenait-elle pour un chaton!? Le-- il se sentait lourd. Immobile, immobilisé et impuissant face à qui-sait quels autres pouvoirs elle détenait sur lui, sur Eux tous, et le bengal abaissa sa tête, et laissa tomber son arrière-train dans l'herbe. Le vent dansa dans ses poils qui s'étaient déchargés et, ses motifs, asymétriques, lui coulaient sur le corps, descendant ses pattes, souillant comme du goudron son petit carré de terre où elle le détenait.

— « ...Alors explique-moi leur raison.

La brise souffla à nouveau, et le bengal secoua sa tête.

Pourquoi vos Codes encouragent la discorde entre les Clans, pourquoi vos Codes étranglent les guérisseuses, pourquoi vos Codes nous obligent à vous remercier pour chacune de nos proies alors que c'est nous qui les attrapons. Explique-moi, Étoile Vaillante.

Ses deux oreilles tombèrent de chaque côté de sa tête et toute l'électricité dans ses yeux disparut, délaissant, dans l'herbe, non plus un guerrier proche d'avoir atteint sa taille adulte, mais plutôt un apprenti maigrichon qui n'avait pas encore appris à entretenir son corps et se rendre captivant.

Juste un chat, avec ses moustaches qui n'étaient pas lissées, juste un chat sans la rondeur de ses joues, juste un chat sans ses belles marbrures et juste un chat sans l'éclat dans les yeux.

— Je veux juste comprendre. »

...

— « ...Taupe,
tu trouves ça juste?

D'être forcée de souffrir toute ton après-vie sans être auprès de celle que tu aimais?

Pour la première fois de sa vie, sa tête était une plaine paisible et le vent ne criait plus. Tout ses plans et ses calculs et son mimétisme coulaient leur eau noire dans l'herbe tout en lui fuyant les pattes, mais il ne ressentait aucun besoin de les reprendre.

Son désir de comprendre était sincère, et cette sincérité toucha Taupe, qui, après s'être essuyée les larmes, consentit à répondre à ses interrogations du mieux qu'elle le put:

— « C'est difficile effectivement, elle sanglottait encore, mais.. mais j'ai trouvé d'autres personnes que j'aime.

La réponse ne lui seyait pas. L'apprenti releva sa tête pour fixer son regard sur la petite chatte rondelette qui voulut sourire, et qui se ravisa. Pouvait-on vraiment la blâmer? Dans sa situation.

— Et même si nous pouvions vivre tous les deux.. ça n'aurait pas été possible. N'est - ce pas encore plus cruel de forcer quelqu'un d'aller à un endroit qui ne veut pas de lui ?
— ...
— Je préfère être loin de lui que de le voir noyé de regards.

Étoile Vaillante hocha sa tête, captant l'attention de l'apprenti:

— Ma sœur n'est pas non plus ici. Cœur Fleuri, elle aussi pourtant, était nourrie de bonnes intentions. »

La placidité de son expression fut trahie par une toute petite asymétrie dans ses oreilles. Elle en avait baissé une, et Nuage Foudroyant regarda tour à tour ces deux Invincibles Étoiles se rappeler comme lui du temps où elles étaient des chattes, marchant encore leurs pattes sur terre comme eux autres pauvres mortels. L'avait-il touchée? Car Étoile Vaillante s'était comme radoucie:

— « Les codes ne sont pas là pour entraîner la discorde.

Ils sont là pour maintenir un équilibre.

Il y a, toutefois, toujours des digressions, des mauvaises interprétations, ou surtout, des écarts, qui eux, peuvent avoir des conséquences dramatiques.

Plonge-toi donc dans le passé, dans les récits. Retourne donc à ses fondements.

Et à l'entente de ces mots les yeux du bengal, dépouillé de ses apparats, s'éclairèrent à nouveau.

— Il ne s'agit pas que de toi Coup de Foudre. Il ne s'agit pas que d'elle.

Il s'agit de l'équilibre des Quatre Clans, ensemble.

— Vous...

Et la lueur dans ses yeux s'intensifia avec l'effroyable réalisation qu'il en tirait de toute cette conversation:

— Vous continuez de souffrir. »

Étoile Vaillante prônait l'importance d'obéir pour avoir le droit de se mériter une après-vie heureuse auprès de ceux qu'elle aimait, mais arrachée de sa soeur Coeur Fleuri, pouvait-on vraiment appeler cette après-vie un "Paradis"? C'était pareil pour Taupe: bien qu'elle s'était "repentie" d'avoir rejoint les Lunar Pods et d'avoir enfanté des enfants de demi-sang, elle devait maintenant subir pour l'Éternité cette déchirure qui la séparait de son amant. Tout ça pourquoi, déjà? Pour les apparences ? Car sinon on le "noirait de regards" ? L'Éternité était-elle un concept si abstrait pour eux qu'ils n'étaient pas capables de réfléchir à, oh je ne sais pas, la possibilité d'apprendre à connaître Cyanure? de lui trouver des qualités? Bordel - ne serait-ce qu'un seul misérable point en commun?!

Le rêve grésilla - une partie de la plaine disparut, et le terrain, en un clin d'oeil, était devenu inégal, mettant les Étoiles sur une colline en bloquant le guerrier à son pied. Coup de Foudre ne releva pas la bizarrerie du paysage. Il ne se releva pas, non plus, demeurant assit, les pattes dans ses marbrures qui s'évasaient et s'épaississaient en flaque de plus en plus opaque.

— « L'équilibre des Quatre Clans ensemble, hein.

...Tu sais, Vaillante, tout ce qu'elle a voulu, c'est être mère.   Ça m'aurait suffit de jouer les bons pères avec elle.

Il aurait pu dire à Lycaon qu'il n'avait aucune idée d'où venait son nom. Comme ils auraient ri! Et Fifi en aurait profité pour lui raconter l'histoire de ces loups mouchetés mus d'un fort esprit de famille. Il aurait pu dire à Ciel de se le réapproprier - comme Firmament l'avait fait de son nom. Avec Brisé ils lui auraient patiemment parlé de sa tête cassée, et d'à quel point il avait fait de ses faiblesses une force. Peut-être qu'à Louve ils se seraient abstints de lui révéler que son nom venait de l'esprit un peu effarouché de leur mère et sa propension physique à elle.

Dans le Clan on les aurait noyés de regards, "le tombeur avec l'ancienne guérisseuse", mais qu'à cela ne tienne au moins il aurait été avec elle. Ils auraient plaisanté tous les jours. Elle aurait pleuré plusieurs autres, et il aurait été près d'elle pour la serrer lorsqu'elle en aurait eu besoin. Il lui aurait parlé de Douces Caresses, de Tigre, il lui aurait parlé des mâles, peut-être qu'il lui aurait présenté Pivoine? Ils se seraient eclipsés du Clan, parfois, pour faire mine d'aller "cueillir" des plantes. Elle aurait été heureuse. Elle aurait volé de ses propres ailes. Aurait suivie la voie qui lui aurait plue plutôt que de courber la tête à toutes les contraintes qui l'avait tant pesée.

Il aurait accepté de vivre le reste d'une vie simple, avec elle. Il aurait accepté de mettre ses ambitions de côté - après tout, ce n'est pas comme si on l'écoutait. Il aurait pu laisser mourir toutes ses idées. Il aurait pu.

« Plus maintenant. »

Le Blizzard se leva à nouveau et frappa de plein fouet la colline en la faisant s'effriter en gros morceaux de motte de terre et d'herbe. Lui-même fut projeté dans l'abîme et au travers du tourbillon son regard s'agrippa à celui de Taupe, puis celui d'Étoile Vaillante, plus avec de la colère ou du ressentiment mais avec une détermination qu'il n'avait plus lieu de brider.

Il les avait entendues.

Il savait qu'elles souffraient encore. Une part de lui voulait changer la structure de l'après-vie, mais peut-être le système des morts imitait simplement celui des vivants?

Très bien! Alors il le changerait.

Il rouvrit sa bouche (il sentit ses mâchoires douloureusement se desserrer) mais le Blizzard happa sa voix qui s'égosilla, puis, tout le reste.

Blanc.

Vent du Nord leva les yeux vers la lune. Ses rayons baignaient son pelage blanc dans une lumière presque argentée. Avec un peu d’imagination, elle se serait crue aux Étoiles. La guérisseuse prit une grande inspiration, se concentrant sur les milles odeurs de la lande pour se détendre. Parfois, et ces derniers temps plus que jamais, elle ressentait le besoin de s’isoler. Bien sûr, elle l’était déjà sous bien des aspects : isolée des autres par son rang, isolée des autres dans sa tanière solitaire, isolée des autres après les avoir tous perdus — tous laissé mourir. Mais il lui fallait une vraie isolation : la plus extrême de toutes, celle ou personne ne pouvait l’approcher, ni lui parler, ni la voir pleurer ou l’entendre crier. Celle qui lui permettait de faire en sorte que, peu importe ce qu’elle pouvait faire, dire ou penser, personne ne viendrait remettre en question la stabilité de la guérisseuse du Clan du Vent. À leurs yeux, le Clan resterait sauf, doté d’une guérisseuse capable de tenir tête même au plus froid des vents du nord. Tout le monde continuerait d’être rassuré : ce qui s’était produit avec Nuée d’Alcidée et Nuage Silencieux, laissé sans mentor, ne se reproduirait plus jamais. Tout le monde continuerait de voir en elle une guérisseuse impartiale, forte, un peu trop froide et cassante, et qui tenait droit sur ses pattes sans jamais fléchir.

La vérité était toute autre. La petite femelle trébucha dans l’herbe lorsqu’elle s’essaya à la course, se ramassant misérablement au sol, et laissant au passage une longue trace verte de chlorophylle sur son flanc. Courir lui manquait. Ou plutôt, courir sans jamais tomber. Vent du Nord avait l’impression de tomber tout le temps. Une chute continuelle qui ne s’arrêtait jamais, comme si on lui avait arraché les ailes. Mais quoi ? Mais qui ? Qu’est ce qui avait pu, peu importe sa nature, lui arracher les ailes, la poussant à tomber ? Ses questions demeuraient sans réponse. Elle ne trouvait qu’une seule certitude : celle qu’elle ne pouvait pas se permettre de plonger plus profondément dans l’abime. Qui la remplacerait si elle sombrait ? Avoir à sa tête une guérisseuse misérable était toujours préférable que de n’avoir pas de guérisseur du tout. On lui avait prit ses ailes ? Très bien; elle s’en referait des nouvelles et reprendrait son envol. Elle n’avait pas d’autre choix.

Plus ou moins résolue, Vent du Nord se redressa. Elle s’ébourra pour chasser l’herbe, posant son regard sur ce qui se dressait face à elle : les hautes-pierres. Elle redoutait, comme depuis toujours, la prochaine réunion qui s’y dresserait avec les autres guérisseurs. Elle redoutait par dessous tout de revoir les visages disparus de ceux qu’elle aimait, ou pire encore — de ne pas les y trouver.
Cependant, c’est une autre silhouette qu’elle trouva. Sombre, effilée, mais surtout inconnue. Même de loin et dans la nuit, elle le devinait facilement : ce chat n’était ni un chef, ni un lieutenant, ni un guérisseur ou son apprenti. En résumé, quelqu’un qui n’avait pas à y être. Elle attendit de s’assurer qu’il pénétrait bien les lieux, pour ne pas se mettre en chemin pour rien, et quand elle en fut convaincue, elle se redressa sans perdre de temps.

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Elle trouva le chat près de la Pierre de Lune, inconscient. Dans la noirceur du lieu, la guérisseuse ne reconnu que son odeur : celle du Tonnerre. Ce n’était donc pas un solitaire perdu. Il était bien venu ici pour une raison, mais laquelle ? Elle essaya de le réveiller plusieurs fois. D’un coup de patte d’abord léger puis beaucoup plus fort, en l’appelant d’un « Hey ! », sans trop hausser la voix dans ce lieu sacré... mais rien n’y fit. Pire encore : le matou était là depuis bien trop longtemps, et, facteur ajouté à son rêve qui avait eu l’air agité, à en juger par ce qu’elle avait vu, il commençait à manquer d’air. En résumé, il fallait le sortir de là au plus vite.
Vent du Nord fulmina, extériorisant ses émotions dans un grondement sourd, puis l’attrapa par la peau du cou pour le tirer vers la sortie. L’inconnu du Tonnerre était trop grand et trop lourd pour elle, petite chatte du Clan du Vent qui ne faisait pas autant d’exercice qu’un guerrier ou qu’une sentinelle. Lever la tête pour le soulever était difficile, si ce n’est impossible, et ses pattes rencontraient sans cesse le dos du félin pour s’y cogner, menaçant de la faire trébucher. Tant pis. Elle le saisit par une patte arrière, enfonçant ses crocs dans la chair — elle n’avait pas d’autre choix — et le tira de cette façon, retraçant le chemin inverse que celui qu’elle avait emprunté pour venir jusqu’ici. Ça lui laisserait des traces, lui ferait mal et le blesserait, mais c’était soit ça, soit elle le laissait mourir ici. De toute manière, s’il n’était jamais venu, ça ne lui serait jamais arrivé. Il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même, et avait plutôt intérêt à la remercier une fois sorti d’affaire.

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Non, en fait, il allait la remercier à son réveil. Sinon elle lui arracherait la langue, pour lui donner une bonne raison de ne pas le faire. La guérisseuse se sentit presque libérée lorsqu’elle perçu derrière elle la lumière du soir pénétrer dans les tunnels. La sortie était proche. Depuis combien de temps n’avait-elle pas fourni un tel effort ? Ses membres et sa nuque la brûlait tant que son cerveau la suppliait de laisser le chat ici et d’arrêter, mais elle irait jusqu’au bout. Et enfin, la lumière de la lune.

Sitôt sortis, elle le lâcha, et s’effondra pour obéir à ses muscles qui lui exigeaient un peu de repos. Ses poumons réclamaient tout l’air dont ils avaient manqué, et son coeur battait dans sa poitrine comme un tremblement de terre. Ses yeux disparates ne se portèrent pas immédiatement sur l’inconnu pour l’identifier : ce n’était pas sa priorité. Mais lorsqu’elle croisa son corps encore endormi, il ne lui fallu qu’une fraction de seconde pour le reconnaître. Et qu’importe si ses membres n’en pouvaient plus, Vent du Nord se leva d’un bond, comme si le guerrier s’était soudain transformé en renard. Ses pupilles se dilatèrent, et le gout de son sang dans sa gueule lui donna une violente nausée.

Coup de Foudre.

Celui qui avait.... avec Secret du Firmament... Que faisait-il ici ? Parmi tous les chats de Cerf-Blanc, pourquoi lui ?! Sa tête lui tourna quelques secondes — était-ce l’effet du choc ou du manque d’oxygène des hautes pierres ? Elle se força à se calmer, prenant de grandes inspirations et surtout beaucoup de recul, pour éventuellement se focaliser sur autre chose et arrêter le tourment de pensées qui s’agitait dans sa tête. Elle trouva quelque chose pour se distraire : la plaie qu’elle avait causé sur sa patte, qu’il fallait maintenant soigner si elle voulait qu’il quitte cet endroit le plus vite possible. Il avait déjà causé assez de tort comme ça.

Vent du Nord ne s’éloigna pas trop pour rechercher ses plantes, gardant toujours un œil sur le blasphème vivant qu’était Coup de Foudre. La sélection de remèdes étant limitée au milieu de ces rochers presque tous nus qu’elle devrait improviser avec ce que la nature daignerait lui apporter. Et visiblement, elle n’était pas très coopérative pour aider le lieutenant. Mis à part une bonne dose de toile d’araignées et de la mousse imbibée d’eau, elle ne trouva rien d’autre. Pas d’anti-douleur, il ferait donc sans.

La guérisseuse fut rassurée de le trouver toujours endormi quand elle retourna à ses côtés. Le soigner serait plus facile, pour elle. Le simple fait de le toucher lui coutait — elle avait l’impression de commettre un méfait, un pêcher, de se laisser corrompre à chaque nouvelle seconde. Mais elle serra les crocs, et se mit à la tache. Sa patte nettoyée et pensée de toiles, il n’y avait maintenant plus qu’à attendre qu’il se réveille. Vent du Nord garda près d’elle une boule de mousse supplémentaire, dont il aurait besoin à ce moment. Sa gorge devait être aussi sèche qu’un jour de canicule.

Elle ne le lâcha pas du regard lorsque Coup de Foudre commença à regagner ses esprits. Un regard dur, plein de colère et d’incompréhension, mélangé à de la peur et du dégoût. Voilà tout ce que lui inspirait ce chat qui, sans même le connaître, lui donnait l’impression qu’elle le connaissait déjà trop à son gout. Elle resta silencieuse, ne sachant pas quoi dire, et lui envoya la boule de mousse d’un coup de patte, sans aucune douceur dans son geste.

Vent du Nord travailla toujours plus sa respiration à mesure que le bengal se réveillait. Inspire. Expire. Inspire pour ne pas t’enfuir, pour rester sur place et le raccompagner là où il devrait être. Expire pour garder ton calme, pour te débarrasser des mauvais sentiments, pour ne pas crier.

Respire.

Chaque seconde qui passait, chaque geste de plus qu’effectuait l’étranger lui donnait envie de hurler. De lui demander des réponses. De lui demander « pourquoi ». Pourquoi avoir brisé une guérisseuse. Pourquoi être venu ici si, de toute évidence, il détestait les Étoiles et leur riait au nez ?
Elle resta de marbre, comme une statut sans vie, mais si bien sculptée qu’elle en dégagerait des émotions même dans l’immobilité la plus totale.

— « _Merci... ?

Elle ne lui répondit qu’en soufflant, très fort, expirant au passage tout l’air accumulé dans ses poumons et imbibé de sa tension et de son angoisse. La guérisseuse était venue seule dans les landes pour se ressourcer et faire le vide dans sa tête, pas pour... se retrouver face au chat qui rejoignait sans aucune difficulté son top 3 des chats indésirables et indésirés dont on se passerait bien et qu’il ne valait mieux pas rencontrer, classement non exhaustif partagé avec Feulement et Cobra Royal qui, par le plus grand des hasards, étaient eux aussi lieutenants. Vers quel désastre pouvait bien se diriger les quatre Clans de Cerf-Blanc...

— Eu_{h --...}

Elle ne lui répondit pas immédiatement, laissa couler plusieurs longues secondes, presque minutes, de silence. Parler... lui parler lui demandait un effort considérable, un certain temps de concentration. Après tout, il était le seul chat qui à sa connaissance, de son vivant et même bien des lunes auparavant, avait commit ce crime. Même le meurtre, déjà bien rare, était plus fréquent. La rareté, ajoutée à l’aspect exceptionnel et à la gravité de cet acte par deux fois répété rendait ce dernier bien pire qu’il ne l’était réellement.

— Vent du Nord, répondit-elle sèchement, vomissant au passage tout le dégoût, le mépris, la colère et la peur qu’elle ressentait envers lui. Guérisseuse du Clan du Vent, collègue de Secret du Firmament. Tu dois bien connaître ce rang, non ? Coup de Foudre ? Normalement, j’ai rien à t’apprendre. »

Et merde.

Il sorti les griffes — elle le vit immédiatement, et son corps réagit instinctivement. Elle prit la défensive, se leva, gonfla son pelage, arrondit son dos et cracha furieusement, comme une apprentie face à un blaireau, conscient qu’il n’avait aucune chance, misant tout sur la chance et l’apparence pour survivre. Il voulait la tuer il allait la tuer, sa tête lui hurlait qu’elle allait mourir, et cette pensée lui sembla rationnelle bien qu’elle ne s’attarda pas dessus. Après tout, il avait commit l’interdit avec la guérisseuse du Tonnerre. Pour faire une chose pareille, plusieurs fois, il fallait bien se moquer des Étoiles, alors qu’était une guérisseuse à ses yeux ? Qu’est ce que ça changerait, pour lui, s’il la tuait ?
L’instant ne dura que quelques fractions de secondes, ses griffes se rétractèrent aussi vite qu’elle furent sorties. Mais Vent du Nord ne se détendit pas. Elle resta à une bonne distance de lui, terrifiée et en colère, avec une conscience dans un coin de sa tête qui lui rappelait qu’il était capable du pire.

— ... Et tu m'as sauvé? »

Vent du Nord fit les grands yeux, puis éclata de rire. Ce n’était pas un rire qu’elle avait désiré : il était venu là sans demander son avis. C’était un rire instictif, froid, brisé, qui déchargeait toute la pression qu’elle supportait depuis qu’elle était entrée dans les hautes pierres pour le récupérer.

« À QUOI CROIS-TU QU’ON SERT ?! POURQUOI TU CROIS QU’ON EXISTE, COUP DE FOUDRE ? AHAHAHHHHHHHHHHHH »

Son fou rire s’éteignit difficilement, lui faisait mal au ventre et lui donnait envie de vomir. Elle ne voulait pas rire. Elle ne voulait pas crier. Elle était juste... blasée. Fatiguée. Le chat dont tout le monde avait parlé quand la nouvelle s’était répandue, celui qui l’effrayait plus encore que tous les méchants dont on lui avait conté les aventures dans les histoires qu’elle aimait tant enfant, était ce chat ? Celui totalement déséquilibré, perdu, incapable de tenir droit, qui posait des agissait comme un gamin et posait des questions ridicules ? Ça ne tenait pas debout. Comme Coup de Foudre et elle, au fond, parce qu’elle s’écroula maladroitement par terre, allongée de façon chaotique sur la pierre froide, incapable de dicter davantage d’ordres à ses muscles. Même l’adrénaline n’y parvenait plus.

« T’as pas l’air au courant qu’on a des règles. Et parmi elles, celle de ne jamais laisser un chat qui a besoin d’être secouru, quelque soit son Clan ou ses origines. Même la dernière des crevures de la forêt. La preuve. »

Elle ne détacha toujours pas son regard de lui, pour s’assurer qu’il ne sortirait plus les griffes. Mourir en ayant sauvé le blasphème vivant de Cerf Blanc serait la mort la plus ironique et la plus ridicule qu’on pourrait lui offrir. Plutôt crever en s’étouffant avec de la mousse.

« Pourquoi t’as fait ça ? »

Secret du Firmament. La Pierre de Lune. Tout. Pourquoi tu es comme ça, Coup de Foudre ? Pourquoi tu es Coup de Foudre ?