Idole des jeunes ☼ Nuage d'Argent - end

Coeur Fleuri ne réagissait pas de suite. Elle ne semblait plus vraiment être dans son corps, comme se trouvant dans une transe.. Je pensais qu'elle parlait au ancêtre, naïve que je suis. Elle revenait à elle, s'approchant à petit pas de moi. Elle fixait la plante avant de s'exclamer :

"-Ah ! Du bouillon blanc ! Ce n'est pas encore exactement la saison, mais ça pourrait m'être utile malgré tout. On s'en sert pour apaiser la toux, ça peut toujours servir pour les anciens."

Avec une grâce et une délicatesse que j'atteindrais que dans mes rêves les plus lointains, la guérisseuse cueillait la fameuse plante, dites bouillon blanc. J'étais assez heureuse, pour ne pas dire fière, d'avoir trouver quelques choses qui pourrait lui être utile. Voulant faire la conversation sans doute, Coeur Fleuri commençait à parler avant de me pousser d'un grand geste. Je me retrouvais sur mes petites fesses. La soigneuse du Vent m'informait ensuite, tout en reculant à son tour :

"-Recule, Nuage d'Argent, il y a un serpent !"

Je me relevais avec lenteur, pensant que l'animal ne me verrait pas.. La logique quand tu nous tiens. Je restais figée sur place, ne sachant pas vraiment comment agir. La bestiole écailleuse me glaçait le sang. Elle nous fixait, autant apeuré par nous que l'inverse. Se sentant menacée, elle se rapprochait de Coeur Fleuri. Dans un élan suicidaire, je poussais la guérisseuse à la renverse. La vipère me sautait donc dessus à défaut de prendre une tendre part de la gentille soigneuse. Je me retrouvais au sol, l'animal s'enfuyant à la découverte d'une porte de sortie.

HRP:

Nuage d'Argent semblait engourdie. Je supposai qu'elle devait être terrifiée par la vision de cette drôle de bête, mince comme un doigt. Moi-même, je n'étais pas à mon aise, et je restais immobile devant l'animal semblable à un poisson terrestre, incapable de savoir s'il s'agissait d'une couleuvre ou d'une vipère. Dans les deux cas, je n'aurais pas aimé qu'elle me saute à la gorge, mais l'une était venimeuse, l'autre pas ...

Soudain, alors que j'étais sur le point de prendre une décision (attaquer frontalement ou fuir), l'apprentie me bouscula de côté. Je tombai lourdement, incapable de rétablir mon équilibre, et me redressai d'un trait, le temps de voir le serpent couler loin de nous ... Et de constater que Nuage d'Argent gisait à terre. Mon sang se glaça dans mes veines, alors que je trottinais fébrilement vers l'apprentie.

« Bon sang, mais qu'est-ce qu'il t'a prit ? »

Ma voix était blanche, tandis que je voyais la morsure sur la peau de la petite femelle. Je m'en voulais affreusement de ne pas avoir réagi à l'approche du reptile. Un peu fébrilement, je réfléchissais à ce qu'il fallait faire en cas de morsure de serpent. De l'argile pour calmer la douleur et absorber un peu de venin, mais on trouve ça où ? Au détour de la rivière sans doute, mais j'en suis trop loin ... Je devais commencer par désinfecter la plaie à l'eau claire. Ensuite, je pourrai bander la plaie, mais sans trop serrer et surtout sans garrot, pour ne pas que le venin stagne, s'il y en avait. Nuage d'Argent ne devait pas trop s'agiter : si du poison coulait dans ses veines, accélérer la pression sanguine pouvait aussi accélérer la montée du venin au cœur. Mais ici, sans personne ... Je n'ai que peu de chances de tomber sur un félin en patrouille. Alors il faut marcher, en espérant très fort que la vipère n'ait pas eu le temps de libérer du venin.

« Nuage d'Argent ... Il va falloir te lever très, très, très doucement. Tu t'appuieras et on va marcher lentement jusqu'au campement. Surtout, ne force pas, tu ne dois pas te fatiguer. »

HRP :

La morsure me faisait un mal de chien.. Sans rire, j'avais jamais eu aussi mal. J'avais même l'impression que c'était ma dernière heure. Allongée, je me tournais sur le dos pour regarder le ciel pensant à ma nouvelle demeure. Coeur Fleuri arrivait à mes côtés, me sermonnant :

"-Bon sang, mais qu'est-ce qu'il t'a prit ?"

Je tournais ma tête vers elle, tentant une réponse. Malheureusement, aucun son ne sortait de ma petite gueule. La guérisseuse semblait un peu désorienté. C'était foutu, j'allais trépasser. Mais bien vite, la soigneuse du Vent reprenait son sang froid. Elle m'informait :

"-Nuage d'Argent … Il va falloir te lever très, très, très doucement. Tu t'appuieras et on va marcher lentement jusqu'au campement. Surtout, ne force pas, tu ne dois pas te fatiguer."

Je laissais un petit soupir sortir de ma gorge en entendant le mot 'lever'. J'avais trop mal pour bouger.. Mais s'il le fallait.. J'allais devoir m'y faire et suivre les indications de Coeur Fleuri. Je prenais mon courage à deux pattes et me redresser avec la plus grande précaution, m'appuyant sur la guérisseuse. Je lui faisais un sourire, grimace. Je voulais la rassurer quant à mon état. Voulant paraître moins stressée et désorientée qu'il n'y paraît.

Nous commençons ensuite à marcher d'une marche si lente qu'un escargot pouvait nous envier. J'avais le temps de détailler les brins d'herbe parcourant le sol. Bien que j'étais en compagnie d'une formidable guérisseuse.. Je n'arrivais pas à me sortir l'idée qu'il s'agissait de mon dernier jour sur cette terre. Est ce que je laisserais une empreinte de moi sur cette terre ? Qu'ai je accompli ? Rien.. Je n'étais même pas guerrier.. Mourir en apprentie. Triste vie que celle là.

HRP:

Cœur Fleuri avançait prudemment, le cœur battant la chamade et le souffle court. L'exercice n'était pas son fort, et quand bien même il ne s'agissait que d'une apprentie, elle pesait lourd sur la guérisseuse ... Du coin de l’œil, elle guettait d'éventuelles plantes qui pourraient lui être utiles pour soigner Nuage d'Argent. Et effectivement, elle repéra [dé plantes], elle en ramassa en un éclair et revint soutenir l'apprentie. Enfin, après une très longue marche, épuisées, elles eurent le campement en vue. En arrivant, l'écaille demanda au premier guerrier qui lui passait sous la patte d'accompagner lentement Nuage d'Argent jusqu'à sa tanière.

Elle précéda l'apprentie et fourragea furieusement dans ses étalages afin de trouver des remèdes contre le venin. La guérisseuse attrapa de l'acerola, quelques feuilles de souci et décida de mettre du thym de côté, au cas où l'apprentie commencerait à paniquer. Il ne leur restait que quelques maigres tiges de grande camomille, et bien qu'elle ait ramené de l'épiaire laineuse, leur réserve restait faible, pourtant elle en aurait besoin pour redonner des forces à l'apprentie ... Cœur Fleuri secoua la tête. Elle penserait à tout cela plus tard, elle avait d'autres priorités pour l'instant.

« Tu m'as l'air faible, mais pas à l'article de la mort. Il est possible que la vipère t'ait mordue sans libérer de venin ... Mais je préfère te soigner comme si elle t'avait inoculé le poison. »

L'écaille mentait un peu : les effets du poison se manifestaient différemment selon les félins, et elle était complètement dans l'expectative. Elle pressa les feuilles de souci et écrasa les baies d'acerola afin d'en extraire le jus, et intima à la tigrée d'avaler le tout. Elle avait réuni les deux seules plantes qu'elle possédait, capables de prévenir ou de guérir des infections. Elle n'avait pas vraiment mieux sous la patte ...

« Ça te fera du bien ... Tu te sens comment ? »

Je n'avais même pas accompli un seul exploit. J'étais vraiment rien.. Même pas un grain de sable dans un désert. Personne ne se souviendrait de moi. C'était l'une de mes plus grandes angoisses, celle qui rongeait mon cœur à chacun de nos pas.

C'est bien après la rédaction du maigre bilan de ma vie que nous avions le camp en visuel. Arrivée en son sein, la guérisseuse me déléguait à un guerrier trop fatigué pour m'emmener jusqu'à ma dernière demeure. Je remerciais le guerrier d'un regard, pensant qu'il serait la dernière personne à me voir en vie, la guérisseuse exceptée.

Mon cortège arrivait enfin à la tanière de la guérisseuse, bien après mon hôte. Elle était en train de chercher de quoi atténuer ma douleur.. Elle revenait vers moi, me regardant de haut en bas avant d'annoncer :

"-Tu m'as l'air faible, mais pas à l'article de la mort. Il est possible que la vipère t'ait mordue sans libérer de venin ... Mais je préfère te soigner comme si elle t'avait inoculé le poison."

Je me sentais revivre.. Je n'étais pas mourante finalement ? Mais ce sentiment d’inachevé, de n'avoir rien accompli de ma vie quant à lui restait bien présent. Quand bien même le soulagement de voir le fil de ma vie continuer était puissant et emplit mon cœur jusqu'à rompre de satisfaction. Cette sensation d'échec le contrecarré plutôt violemment. C'est un bien beau conflit interne tout ça.

Coeur Fleuri me donnait des plantes que j'avalais avec plusieurs hauts le cœur.. Ce n'était pas le meilleur mets du monde, pour ne pas vous le cacher.. Bien que je me doute qu'avoir des hauts le cœur avec une bonne gastronomie ne doit pas être courant. La guérisseuse me demandait ensuite :

"-Ça te fera du bien ... Tu te sens comment ?"

J'avais mal.. Assez même, mais, je ne sais pas.. Rien de particulier. J'avais juste mal. Fixant la guérisseuse, un peu dans les nuages. Haussant légèrement les épaules, je lui répondais par coupure :

"-Je sais pas.. Rien n'est différent.. J'ai mal.. Je vais pas mourir ? Tu vas me sauver.. T'es la meilleure.. Ca soulage ton machin, c'est quoi ?"

« Je sais pas.. Rien n'est différent.. J'ai mal.. Je vais pas mourir ? Tu vas me sauver.. T'es la meilleure.. Ça soulage ton machin, c'est quoi ? »

La guérisseuse soupira de soulagement et s'autorisa même à sourire. L'apprentie avait l'air dans les vapes, mais qu'elle garde de la suite dans les idées la rassurait sur son état. Et puis, elle aimait bien qu'on lui pose des questions sur les plantes ! Ça n'intéressait d'habitude pas grand-monde, même pendant ses cours de premiers soins ...

« La meilleure, je ne crois pas. Il y a eu bien des guérisseurs avant moi, tu sais ... Mais non, tu ne vas pas mourir. Ce que je t'ai fait avaler, c'était un mélange de baies d'acerola et de feuilles de souci pressées. On les utilise d'habitude plutôt pour prévenir ou guérir les infections. »

L'écaille reniflait Nuage d'Argent, se concentrait pour sentir des changements de température. Elle ne semblait pas trop en avoir, même si l'endroit où la vipère l'avait mordue avait quelque peu gonflé. Cœur Fleuri intima à l'apprentie de rester là où elle était, tandis qu'elle galopait chercher de l'eau. En revenant, elle avait une boule de mousse imbibée de liquide.

« Je vais désinfecter la plaie, ça risque de faire un peu mal. Mais dis-moi plutôt, les plantes t'intéressent ? Qu'est-ce que tu aimes bien faire, quand tu as du temps libre ? »

Elle tentait de distraire la tigrée tandis qu'elle s'appliquait à désinfecter la plaie rougeoyante. Elle avait cessé de saigner, et Cœur Fleuri en profitait pour l'aseptiser au maximum. Elle commençait à préparer un cataplasme tandis que la jeune féline parlait ...

J'avais l'impression d'avoir manger un truc hallucinogène, non pas que j'en avais déjà fait l'expérience avant.. Mais j'avais la sensation d'être dans un autre monde.. C'était assez étrange quand même.. Et puis d'ailleurs, comment on pouvait faire des comparaisons sur des ressentis qu'on avait jamais vécu nous même ? Ce fameux inconscient collectif. C'est fou cette histoire. Un truc de malade perché. Je vous le dis. Je laissais mes petites pensées délirantes de côtés pour me concentrer sur le sourire de la guérisseuse ainsi que sa voix :

"-La meilleure, je ne crois pas. Il y a eu bien des guérisseurs avant moi, tu sais ... Mais non, tu ne vas pas mourir. Ce que je t'ai fait avaler, c'était un mélange de baies d'acerola et de feuilles de souci pressées. On les utilise d'habitude plutôt pour prévenir ou guérir les infections."

J'hochais la tête comme une débile en entendant les noms des plantes utilisées.. J'aurais bien aimé les retenir mais je n'arrivais déjà plus à me souvenir de la premier. Acecola ? Ametola ? Qui sait ? Mais le deuxième était imprimé.. Enfin, restait plus qu'à se souvenir à quoi cela pouvait bien servir à l'avenir. La dame guérisseuse me demandait de pas bouger pendant qu'elle s'éloignait élégamment chercher je ne sais quoi. Je regardais sa petite pelisse s'éloigner en souriant, attendant son retour qui n'était pas bien long. Revenant avec une boule de mousse. Je supposais qu'elle était imbibée d'eau ou d'un autre liquide translucide. M'expliquant toujours ce qu'elle me faisait, Coeur Fleuri reprenait ses instructions :

"-Je vais désinfecter la plaie, ça risque de faire un peu mal. Mais dis-moi plutôt, les plantes t'intéressent ? Qu'est-ce que tu aimes bien faire, quand tu as du temps libre ?"

Me donnant de quoi réfléchir, je ne sentais presque pas la douleur. Contente de pouvoir donner mon point de vue sur la question, je me lançais dans une tirade :

"-Je trouve que connaître autant de plantes et leurs utilités.. C'est vraiment bluffant.. Enfin, j'veux dire. Les combattants c'est des mouvements, c'est un enchaînement parfois. Mais retenir quelque chose qu'on ne voit pas. C'est plus dur. Comment voir que cette plante elle désinfecte ? C'est pas simple à mon goût.. T'façon c'est toi la plus forte. T'es la plus grande force de notre clan. Sans toi, il n'y aurait pas de clan en soi.. C'est bien beau de faire la gueguerre mais si personne peut soigner les combattants, à quoi ça sert ? A rien.. A rien.. C'est tout. On serait rien sans toi. RIEN, je te dis."

La distraction fonctionnait étonnamment bien, Cœur Fleuri put donc tranquillement faire son travail - ça lui changeait de cette teigne de Nuage de Guépard !

« Je trouve que connaître autant de plantes et leurs utilités.. C'est vraiment bluffant.. Enfin, j'veux dire. Les combattants c'est des mouvements, c'est un enchaînement parfois. Mais retenir quelque chose qu'on ne voit pas. C'est plus dur. Comment voir que cette plante elle désinfecte ? C'est pas simple à mon goût.. »

La guérisseuse sourit franchement. Elle ne dénigrait en rien le savoir des guerriers, qui demandait également un long entraînement et des perfections tout au long de la vie - et demandait une concentration de tous les instants lors d'un combat ou d'une chasse. Mais elle trouvait la réflexion de Nuage d'Argent intéressante : les plantes ne racontaient pas leurs fonctions, elle n'exprimait en rien leurs vertus. Comment diable leurs ancêtres avaient-ils pu trouver tant d'utilité à autant d'herbes ?

« T'façon c'est toi la plus forte. T'es la plus grande force de notre clan. Sans toi, il n'y aurait pas de clan en soi.. C'est bien beau de faire la gueguerre mais si personne peut soigner les combattants, à quoi ça sert ? A rien.. A rien.. C'est tout. On serait rien sans toi. RIEN, je te dis. »

Coeur Fleuri ne put s'empêcher de rire. De telles louanges étaient adorables mais en devenaient presque gênantes, elle n'avait pas réellement l'habitude qu'on porte son rôle aux nues - on se contentait de constater qu'elle devenait fort utile en cas d'épidémies ou de patte cassée.

« C'est gentil, Nuage d'Argent, mais ne dénigre pas ton rôle et celui de tes aînés. Vous avez un savoir technique que je n'aurai jamais, pour moi aussi, c'est impressionnant de voir ce que vous savez faire ! »

Elle renifla à nouveau l'air, observa de près la blessure, écouta attentivement la respiration de la tigrée. Toujours rien d'alarmant ... Elle songea qu'elle allait tout de même garder un œil sur sa petite patiente.

« Je pense que je vais te garder en observation pour le reste de la journée. Je dormirai non loin, n'hésite pas à m'appeler. Tu te sens mieux, quand même ? »

HRP :

Je n'étais pas dans mon meilleur état, et cela devait bien se voir. Bien que je le pensais vraiment, je déballais une longue tirade sortit du fond de mes pensées. Moi qui vouait un culte aux guérisseurs. Étrange pour une apprentie guerrière.. Mais Coeur Fleuri ne faisait que rire doucement avant de répondre :

"-C'est gentil, Nuage d'Argent, mais ne dénigre pas ton rôle et celui de tes aînés. Vous avez un savoir technique que je n'aurai jamais, pour moi aussi, c'est impressionnant de voir ce que vous savez faire ! Je pense que je vais te garder en observation pour le reste de la journée. Je dormirai non loin, n'hésite pas à m'appeler. Tu te sens mieux, quand même ?"

Je m'installais correctement en entendant que j'allais passer le reste de la journée dans sa tanière. Un bon moyen pour la voir en action.. C'était déjà ça de pris. Au moins le reptile n'avait pas toucher à la gentille guérisseuse. La faiseuse de miracle me regardait toujours. Je me décidais à lui répondre après un petit temps de réaction :

"-Ca va.. Tu dois avoir du travail.. Faut pas que je te retienne va.."

Je lui faisais un large sourire avant de poser ma tête sur mes pattes et de fermer les yeux. Je soupirais longuement avant de me mettre sur le côté, espérant trouver le repos. Il fallait bien que je récupère de cette petite aventure. Et dire qu'on était partit à la chasse aux remèdes. On avait récolter une paire de croc et une bonne frayeur.. Moi qui avait peur de mourir. C'était absurde.. Coeur Fleuri veillait sur moi. Rien ne pouvait m'arriver.