I turn my back on you | W/ Etoile du Serpentaire - abandon

Call of Silence

Cela faisait 2 longs jours que l’empereur pouvait à peine bouger. Ses côtes lui faisaient terriblement mal, descendre et remonter le grand sapin pour accéder à son antre était devenu un vrai calvaire. Si bien qu’à présent, le meneur de l’Ombre restait dans ce trou trop sombre pour lui. Il avait besoin d’être seul, sans ses catins qui lui tournaient autour. Le Serpentaire était capricieux, mais il avait besoin de temps pour réfléchir. Pourquoi avait-il risqué sa vie pour deux misérables guerriers ? L’une était aussi douce qu’un nuage, possédant un caractère digne d’un chat du Clan du Vent, tandis que l’autre n’était qu’un amnésique au passé flou et au caractère trop instable. Qui avait ridiculisé son Clan à l’Assemblée. Aucun ne méritait de vivre. Alors pourquoi le souverain s’était jeté dans la mêler comme un héros qu’il n’était pas ? Il avait bien pensé agir ainsi pour que le Clan l’adule encore plus, et que les deux guerriers lui soient éternellement reconnaissants, mais la vérité était qu’il s’en fichait. Il n’avait pas d’explication. Si ce n’est que lui aussi, il était faible face à l’appel de la mort. Étoile du Serpentaire, faible ? C’était un comble.

D’un mouvement brusque il se releva, feulant de rage. Ses griffes trouvèrent l’écorce de l’arbre quand une attaque furieuse. L’empereur était en colère, en colère contre lui, contre ce qu’il était devenu et ce qu’il était sur le point de devenir. Ses griffes laissèrent encore une empreinte plus profonde dans le bois de l’arbre, rendant plus sinistre qu’il ne l’était déjà. Le Serpentaire détestait son antre. Il n’était pas le roi de l’ombre qu’il voulait être. Un peu de lumière ne faisait de mal à personne.

Il avait tourné en rond comme un lion en cage depuis longtemps. Jour Pluvieux lui avait rapporté que certains membres du Clan ne supportaient pas la présence de Toucan dans le Clan. Les dissidents se gonflaient petit à petit. La rébellion se lèverait un jour. Et ce serait la fin du Serpentaire. Sa haine pour le Clan des Étoiles et ses actions l’empêcheraient de retrouver son frère dans la mort. Mais c’était une punition suffisante pour un monstre.

Il s’était enfin endormi. L’empereur avait toujours mal dormi, surtout depuis quelque temps. Les graines de pavot données par Esprit Soucieux le soulageaient quelque peu, sans être pour autant très efficace. Ses siestes étaient agitées, des souvenirs venant s’infiltrer dans ses nuits sans rêves. Il n’aurait jamais dû tuer son père. Il aurait dû le faire souffrir, le torturer jour après jour, le gardant entre la vie et la mort. Qu’il succombe seul, et tombe dans l’oubli, le Néant total. Qu’il ne puisse plus jamais revenir hanter l’esprit de son fils. Il ne dormait pas vraiment, il somnolait, comme dans un état second, la fatigue lui pesait sur les épaules.


« Y-y-y’à quelqu’un ? Je-e viens apporter un moineau. Non, une souris, pardon, une souris. J’ai pensé que… que tu-VOUS pouviez avoir faim. E-et je me suis dit que les souris c’est bien bon alors… J’en ai apporté une. Et puis… hem… merci pour l’autre fois… Je… voudrais pas plus déranger… »


Le charbonneux ouvrit grand les yeux. Il était rare qu’un membre de son clan, autre qu’une concubine ou de sa garde rapprochée ne vienne le voir. Que lui voulait-elle. Sa fine silhouette se dessinait à l’entrée de l’antre du meneur et il reconnut sans mal la femelle qu’il avait sauvée quelques jours plus tôt. Que venait-elle faire là ? Lentement, il se releva, et s’approcha. Sans même un regard pour son apparence, qui risquait de surprendre la guerrière, avec son poil ébouriffé, terne, la toile d’araignée qui entourait ses côtes et ses yeux fatigués, le Serpentaire était loin de sa prestigieuse image. Peut-être ne devrait-il pas se montrer ainsi. Tant pis. Il avait soudainement envie d’un peu de compagnie extérieure. Il s’assit, à la frontière entre l’ombre et la lumière, frontière qu’il semblait pourtant avoir franchie depuis longtemps.


« Bonjour Flaque d’Eau. Comment allez-vous ma chère ? » Ses yeux se déposèrent sur la proie que lui avait apportée la guerrière. Son ventre se mit à gronder. Depuis combien de temps n’avait-il pas mangé ? « Il est rare qu’on me vienne me voir ainsi. Penses-tu que ta vie vaut aussi bien que cette maigre souris ? » Il lâcha un petit rire rauque. Il n’avait plus envie de faire le méchant. « Merci Flaque d’Eau. Tu as l’air aussi troublé que moi, est-ce le temps qui ternit ton joli sourire, ou bien est-ce autre chose ? »


Ramenant la souris prêt de lui dans un maigre sourire, le chef croqua sans envie dans la chair encore tendre. La guerrière n’allait sûrement pas raconter ses peines aux bourreaux du Clan. Mais le mâle ne put s’empêcher de rester là, à attendre qu’on lui parle d’autre chose que de politique et de dissident.

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Call of Silence

Il leva ses yeux de sa proie, planta ses yeux vairons dans ceux de la guerrière. Il y lut de la surprise, de la pitié, de la compassion. Il n’avait pas besoin des élans d’amour d’une femelle au cœur mouds. Il n’avait besoin de personne. Et pourtant il se sentait étrangement seul. Comme une bouteille à la mer. Flaque d’Eau s’assit, restant dans l’entrée de la tanière du chef, se réchauffant à la lumière tandis que le Serpentaire restait dans la froideur de l’ombre. Elle cligna des yeux, son visage était doux, aussi doux qu’une mère regardant ses chatons pour la première fois. Serre du Cygne avait-elle regardé ses enfants de la sorte avant de mourir ? L’empereur sortit les griffes, les plantant dans la chair de la souris qu’il tenait entre ses pattes.


« J-je doute d’avoir un aussi joli sourire que Douce Ancolie… De nous deux, qui est le plus troublé ? Vous avez mauvaise mine, mon cher. »


Il serra les dents. C’était quoi ce masque d’inquiétude qui se dessinait sur le visage de la calico ? Il avait vu la même chose sur le minois de Douce Ancolie. Il n’était devenu que l’ombre de lui-même ? La noirceur de son cœur avait eut raison de lui pour que tout le monde le regarde ainsi ? Où étaient les rêves de grandeur de l’empereur ? La terreur qu’il lisait sur le visage de ses ennemis ?


« Oh, je ne voulais pas dire ça ! Bien sûr, vous êtes blessés, c’est ce renard qui… Mais si Volonté de Fer et moi n’étions pas partis vers le Passiflore, si nous avions appelés à l’aide… Non je veux dire, ce… c’était mon idée ! Je lui ai proposé. Et à cause de moi tout ça arrive, tu es blessé et moi aussi et maintenant Ancolie doit se faire un sang-d’encre… J’avais pas envie de te voir mourir ! C’est vrai, il faut me croire ! Tu as des chatons et je… j’aime bien les chatons. »


Pour un renard. Et la vie de deux guerriers. Il aurait dû s’en passer. Ne pas intervenir. Et les voir mourir. Oh, oui il aurait dû. Il avait un royaume à diriger, des fils à éduquer. Une compagne a aimer. Avant qu’il ne devienne aussi fou qu’elle. Flaque d’Eau baissa les yeux, penaude.


« Est-ce… est-ce que personne n’est venu te voir ? Même… Douce… » Elle sourpira. « C’est vraiment sombre ici. Pourquoi ne pas faire entrer un peu de lumière ? »


Douce Ancolie passait régulière le voir. Autant que Petit Fauve et Petit Scorpion lui permettait. Jour Pluvieux venait faire son rapport. Le frère et la sœur étaient les personnes les plus proches du Serpentaire. Les seuls qui comptaient réellement. Les seuls à pouvoir comprendre pourquoi cette tanière était si sombre, pourquoi le meneur la détestait tellement et pourquoi il était impossible d’y faire entrer de la lumière. Étoile du Serpentaire n’avait plus le droit d’être heureux.


« Où est passé le grand Étoile du Serpentaire ? C’est sûrement ça que tu demandes hein. Tu croyais peut-être que je n’étais qu’un tyran sans émotion, un chat ne vivant que pour le sang et le pouvoir ? Le masque tombe ma chère, voilà ce que je suis en vrai. » Un grognement monta dans sa gorge, la colère qu’il gardait pour lui, contre lui remontait. Qu’est-ce que cette Flaque d’Eau lui avait fait ? « J’ai 9 vies, Flaque d’Eau. Un fléau et une bénédiction. Si ce qui nous sert d’ancêtres m’a donné cette chance, ou cette malédiction, ce n’est pas pour rien. Qui aurait envie de venir voir le Serpentaire hein ? Je lis dans tes yeux comme dans un livre ouvert. Mon allure te fait pitié, toi qui as peur du grand méchant oiseau que je suis. »


Ses griffes grincèrent contre le bois, ses yeux se plissèrent, ses crocs se découvrirent. Puis il se détourna, reprenant son long cercle d’animal en surchauffe. Flaque d’Eau était-elle une dissidente ? Ou bien était-elle trop pure mais préparait autre chose ?

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