Tout est une question d'attitude et d'assurance [PV Rusty] - end

Lui qui s'était enthousiasmé à la pensée que sa requête soit très simple. En plus, contrairement à Monsieur Sugaar, la chatte du coin ne semblait pas dotée de la curiosité nécessaire pour la pousser à lui poser plus de questions. Au moins elle était honnête (parfois trop):

— « Je ne sais pas ce que c’est…
— Oh...
— Mais si ça peut t’aider, j’ai vu un monstre gigantesque tout à l’heure… Il se dirigeait vers la ferme, je crois.
—   Oh !!
Rusty hocha la tête (la ferme?), mais voilà que la chatte poursuivait en s'emmêlant un peu dans ses explications: 'fin, je sais pas, j’ai pas regardé où il allait. Ça fait peur les monstres ! Plus d’un chat ont finis écrasés par leurs pattes rondes. Tu devrais t’en méfier.
— .... Un...   monstre ... »

Il ne l'avait pas remarqué mais cette chatte du coin semblait nettement moins assurée maintenant. Elle avait l'air nerveuse même, et Rusty s'attristait à l'idée qu'il lui causait des ennuis plus il restait ici. C'était décidé, il trouverait dans quelle direction était allé le " Monstre ", et il rentrerait chez lui! Et il mettrait derrière lui toutes ces histoires de patrouilles barbares.

Rusty se tut donc pour réfléchir. Un camion prenait nettement plus d'espace qu'une voiture sur la route, alors peut-être qu'aux yeux des chats claniques ( « nous sommes un Clan de chats sauvages » ) ce qui lui semblait évident leur était abstrait, et vice-versa? Il se rappelait distinctement de Sugaar qui avait appelé une rue un « Chemin du tonnerre ». Peut-être qu'un « Monstre », c'était leur façon de voir un camion?

— « Si tu me dis à quoi ça ressemble, je pourrais peut-être t'aider.
— Je promets de faire de mon mieux, mais plus vous m'en dites, plus je réalise que nous venons de deux mondes différents...

Car même s'il était heureux d'avoir une chance de lui expliquer ce qu'il cherchait, la tâche serait nettement plus difficile à exécuter que l'imaginer. Et il ne savait pas si sa tentative porterait ses fruits ou...

— Je... vais tâcher de vous montrer, à l'aide de... il se sentait ridicule, mais le pire venait.   ...de charades.

Ainsi on put voir un Rusty se coucher en miche de chat dans l'herbe de la pente qui marquait la frontière entre le terrain plat des landes d'un côté et l'autoroute de l'autre. On put le voir serrer sa posture pour étirer le cou et poser le nez au sol, esquissant la silhouette du pare-choc du camion, puis assouplir sa colonne pour que son petit gabarit ne devienne la caisse ; on put voir sa queue avoir un mouvement nerveux en tentant de se tenir proche de lui pour que le tout petit bout derrière ne devienne un pot d'échappement ; enfin il roula ses poignets dans l'herbe pour imiter les "pattes rondes" que tâchait de lui décrire la chatte du coin.

Un peu embarrassé, Rusty regardait ailleurs.

— « Et ils font ce bruit:       BBBBBBVRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRR (et il s'était mit à vrombir comme une génératrice électrique en poussant le ronron le plus fort de toute sa vie) R R R RRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRRR

Le ronron de la calico le fit sursauter et il redressa vite ses deux oreilles triangulaires sur sa tête, tout en se redressant lentement de sa position-camion pour regarder son interlocutrice dans les yeux.

— Belle imitation.
— ! Il les baissa sans n'être capable d'enlever le vilain petit sourire à ses babines. Il claqua même de la langue pour se récompenser, mettant fin à l'exécution de son idée en se relevant lentement sur ses pattes. Il ne tremblait plus : ni de peur, de chagrin, ni de ronron de son imitation de camion.
— M...merci...
— Il semblerait que ce que tu appelles camion se nomme monstre chez moi. (Un autre ronron puisqu'elle confirmait sa théorie) Nous craignons beaucoup les monstres et évitons de nous en approcher. Celui que j’ai croisé tout à l’heure s’éloignait dans cette direction, suis-moi.
— --Avec joie!

Et après avoir un peu hésité, la chatte sauvage étira sa patte pour descendre la pente et marcher en dehors des hautes herbes, longeant le lieu de rencontre entre la bande d'accotement de l'autoroute et la broussaille. Rusty se mit aussitôt derrière, à la queue-leuleu, tout en se calquant au rythme de son pas. Il dut admettre avoir jeté quelques coups d’œil, en direction des des arbrisseaux qui formaient la frontière physique du Clan de ce coin. Une part de lui craignait de voir un chat surgir au travers des fourrés et lui sauter dessus, compréhensible mais l'autre part, l'autre part s'y intéressait avec une curiosité morbide qu'il ne se connaissait pas. Un frisson à l'origine d'on-ne-sait où le prit au dos.

Il remit ses yeux devant.

— Il s’éloignait en direction de la ferme.

Rusty put en effet discerner la silhouette d'une infrastructure au loin. Arrivé au talus, il s'avança de quelques pas de plus en levant haute sa queue au-dessus de sa croupe, la recourbant au bout comme une serpe, en se tendant sur le bout de ses orteils comme si c'eut put l'aider à y voir mieux de loin.

— Est-ce qu’il y est allé ou pas, je ne sais pas.
— Ça ne fait rien, il lui dit, en inclinant sa tête en signe de reconnaissance, manquant le mouvement de la queue et donc la transe qui s'en serait suivi. Vous en avez fait beaucoup pour moi. »

Il posa une patte au sol comme s'il l'appuyait sur quelque chose, et croisa ses postérieurs d'un habile pas-de-chassé pour se tourner d'une volte et lui faire face : il s'était remis de sa crise de larmes, avait une meilleure contenance, mais ses oreilles étaient quand même un peu basses de honte vu comment il avait failli nuire à ce Clan de chats sauvages. Il lui sourit néanmoins:

— « Vous avez toute ma gratitude.

Il aurait aimé en faire plus mais il savait qu'en ce moment, la seule manière de l'aider, c'était de partir. Alors c'est ce qu'il fit, en levant une patte toute aussi hésitante que celle de la chatte du coin plus tôt, craignant s'aventurer sur le territoire d'un autre qui sait, mais motivé par l'espoir de retrouver le camion, le camionneur, et le chemin vers la maison.