LP ◊ Tu m'expliques ce que tu es en train de faire ? (ft Emeraude) - end

La proposition de la guerrière semblait avoir coupé la tentative de réplique de sa cadette, restée la gueule ouverte, sa petite langue rose se dessinant derrière ses crocs enfantins, ses yeux d'émeraude étincelant et sa fourrure de feu flamboyant. Museau Bleu retint un sourire, mais ne put le camoufler quand les perles vertes scintillantes du regard de la chatonne se parèrent d'espoir, se fixant sur elle plus sûrement que si elle lui avait promis la forêt, le ciel et les étoiles, malgré l'incrédulité se lisant encore sur son jeune visage. La petite féline devait sans doute penser que les adultes voulaient l'empêcher de mener ses projets alors qu'ils ne voulaient que la protéger, de la mauvaise saison, des Lunar Pods et des autres Clans... On se croit si fort, quand on est enfant, capable de tout faire, sans voir que ce monde et nos rêves sont disproportionnés, par rapport à nous, que nos illusions peuvent être brisées trop facilement, et nous avec, nos vies aussi. Aucun des guerriers ne voulait échouer davantage, aucune parent perdre ses petits, aucun adulte constater d'autres disparitions. C'était tout... Étoile de Pierre ne pouvait pas se permettre de perdre une nouvelle vie, et eux leur lieu de vie. Le temps viendrait pour de nouvelles batailles... Mais pas maintenant, pas encore. Petite Émeraude, désormais sur ses pattes, miaula, enthousiaste et tournant la tête de tous côtés sans parvenir à décider par où commencer son plan :

« Oh ! Tu nous aiderais ? Ouais ! Ce serait trop bien ! On serait invincibles et puis plus personne ne nous interdirait rien ! »

Museau Bleu esquissa un sourire sincère en approuvant. Cette petite était réellement spéciale, et le félin qui s'en ferait une apprentie aurait de nombreuses capacités à exploiter, de même que de nombreuses règles à fixer... Un joli brin de guerrière se dessinait sous ses yeux, avec une tentative d'organisation, de commandement, beaucoup d'indépendance, de la force et une volonté de travailler ensemble, de protéger et de secourir les autres. Une petite princesse de feu. Une étincelle ardente. Brillante d'espoir, brûlante de courage, chaleureuse d'affection et lumineuse de sensibilité. La jeune féline parlait encore, faisant la liste de ce qu'elle devait faire, et cette fois, la guerrière beige et grise bleutée de sable et d'écume ne fut pas surprise.

« Il faut que je prévienne Petit Blaireau ! »

Son meilleur ami, son frère de lait, son complice de bêtises, et le fils de la vétérane. Elle devrait veiller sur lui, aussi, comme d'habitude. Il la considérait comme une bonne amie de jeux, et elle le protégeait, sans qu'il devine son secret. Elle l'aimerait pour toujours.

« Et Petite Opale aussi ! »

Sa sœur. La fratrie de pierre précieuse était très liée, et Quartz et Améthyste leur manquaient, alors il était logique que les sœurs s'unissent pour retrouver les autres. D'ailleurs, il y avait sans doute un dernier complice dans l'histoire, un dernier nom prononcé comme à contrecœur par la Petite Émeraude, la suite de sa phrase expliquant rapidement ce qui la retenait. Un peu de mal à partager cette volonté de diriger, bien sûr... Et des idées sans doute opposées, que Museau Bleu avait déjà remarquées. En grandissant, il leur faudrait trouver un équilibre.

« Et... Petit Jaspe, bon, parce qu'il est super fort. »

Avec un sourire, l'adulte fit une proposition à la petite chatonne, le soleil jouant dans les fourrures d'été et d'automne, d'océan et de forêt en flammes. Après tout, cela pourrait toujours lui servir, et cela servirait sans doute au "plan" tout en restant modéré et dans les limites de ce que les autres accepteraient. La faire sortir du camp serait compliqué, mais un jour, peut-être, elle pourrait demander à Douce Orchidée l'autorisation d'emmener Petite Émeraude en promenade avec elle. En attendant...

« Ils dorment encore, il est tôt... En attendant, tu veux que je t'entraîne ? »

Ils dorment encore, il est tôt... murmura doucement Museau Bleu, avec toujours le même sourire compatissant et amusé. Petite Émeraude haussa les épaules et ses yeux se levèrent vers le ciel. Ben oui ! C'était toujours pareil ! Il n'y en avait que pour le sommeil ! Il n'y avait guère que Petit Blaireau pour être aussi casse-cou et dynamique que Petite Émeraude. Petite Hyène et Petite Améthyste aussi, parfois, mais moins. Quant à Petite Opale et Petit Quartz... même pas en parler !

« Pfeuheuheu » Elle rigola, un air espiègle et gentiment moqueur sur sa bouille d'enfant. « De toute façon, Petite Opale, même quand il est tard, elle dort encore et toujours ! Faut pas compter sur elle ! » Elle éclata de rire.

Mais Museau Bleu avait raison. Il était tôt et le camp était vide. C'était d'ailleurs bien pour ça qu'elle en avait profité pour essayer d'en sortir sans se faire voir... Mais... En attendant, tu veux que je t'entraîne ? Mais Museau Bleu lui proposait quelque chose de clairement plus entretenant ! Et même supra utile, parce qu'il en faudrait, de la force et de la ruse, pour réussir son plan de sauvetage ! Oui ! C'était décidé ! Telle allait être l'aide que Museau Bleu allait lui apporter : elle serait sa mentor d'un jour !

« OH OUI ! Comme ça je deviendrai super giga mega forte et même que la grosse Suie pleine de soupe et de cicatrices, elle pourra même pas rien faire ! » Petite Émeraude s'enflamma et se mit immédiatement en posture d'attaque, la queue fouettant l'air. Seuls ses yeux rieurs trahissaient le jeu.

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La consigne de Museau Bleu était claire : attaquer. Cela convenait très bien à Petite Émeraude, le garçon manqué, la casse-cou, l'intrépide, la bourrine. D'ailleurs, elle était déjà en position de bagarre bien avant que la guerrière ne lui intime l'ordre d'attaquer ! Cette position d'attaque, elle l'avait apprise lors de ses nombreux jeux avec les autres chatons du Clan, et entre autres, Petit Merle, le plus vieux d'entre eux, qui serait bientôt apprenti, et Petit Jaspe, son frère, qui était vraiment un petit con mais qui avait l'avantage d'être fort, et Petite Émeraude aimait se mesurer à lui. Ensuite, elle s'entraînait avec Petit Blaireau et ensemble, ils faisaient vraiment un duo remarquable. Petite Émeraude, malgré son jeune âge, avait donc déjà pratiqué beaucoup les bagarres, et si elle ne faisait clairement pas le poids contre un apprenti, et encore moins contre un guerrier, c'était déjà plutôt bien venant d'une si petite chose.
Petite Émeraude ne réfléchit pas longtemps avant de lancer sa première attaque. Elle jaugea bien mal l'équilibre des forces qu'elle avait mises dans ses pattes arrières, si bien qu'elle fut complètement déséquilibrée et chancela, avant de trébucher carrément devant les pattes de Museau Bleu. Elle atterrit ventre contre terre et son museau se remplit de terre gelée. Mais plutôt que de se vexer ou de pester contre le monde entier, la petiote se releva et retourna en courant vers l'endroit d'où elle était partie.

« Attends ! Attends ! Pouce ! Je recommence ! » criait-elle en retournant se mettre en position d'attaque.

Elle se recroquevilla à nouveau sur elle-même, l'avant de son corps plaqué contre le sol - elle frissonna, c'est qu'il était froid ! -, la queue fouettant l'air derrière elle, l'arrière-train légèrement relevé afin de permettre à ses pattes de se concentrer sur l'effort qui allait leur être demandé. Cette fois, la rouquine géra mieux son équilibre et réussit à s'élancer vers Museau Bleu à une vitesse fulgurante. Mais elle n'avait pas prévu son attaque, elle se contentait d'attaquer à l'aveugle, comme un bourrin, en espérant pouvoir désarçonner l'immense guerrière comme par magie.
Elle atterrit lourdement contre les deux pattes avant de Museau Bleu : celle-ci ne broncha pas, ne recula pas d'un poil. Par contre, Petite Émeraude rebondit comme une balle de mousse et retomba en arrière, sur les fesses. Son poil, déjà ébouriffé en temps normal, était désormais un véritable champ de bataille : décoiffé, mouillé par endroit, sali à d'autres, couvert de terre et de poussière. Elle avait vraiment un air rigolo ; mais ce n'était pas vraiment l'effet escompté.

Finalement, Museau Bleu, légèrement amusée, n'eut pas beaucoup à bouger. Les essais de Petite Émeraude, si sa position, développée grâce à des entraînements avec Petit Merle et les autres chatons, ne furent pas très concluants : normal, elle n'était encore qu'une chatonne, pour l'instant. Mais face à une telle innocence croyant pouvoir attaquer le Clan du Tonnerre pour délivrer ses proches, la guerrière aux yeux verts fut presque désarmée. Elle aussi avait eu des rêves totalement irréalisables. Et tenter d'impressionner son père, Étoile Pâle, pour qu'il soit fier d'elle malgré son appartenance au deuxième sexe, avait, les premiers temps, largement occupé la tête de sa liste... Elle était parfois encore nostalgique de ce chef qui, finalement, lui avait donné son nom de guerrière, son approbation et des compliments précieux, après sa réussite. Et si elle avait parfois envié ses frères de portée, voulant les dépasser pour elle aussi obtenir un regard, sans eux, elle se sentait parfois seule. Ils s'étaient souvent entraînés avec elle, eux aussi...
Premier essai, raté. La petite féline, dosant mal sa force, fut très vite déséquilibrée, et s'effondra au sol avant même de toucher la guerrière, qui eut un regard approbateur quand la petite flamme se releva vivement de la terre gelée pour se replacer, demandant avec persévérance une nouvelle chance. Dans son cœur, la chatonne avait gagné une petite place emplie d'une grande affection, et ce fut avec patience et souriante que Museau Bleu attendit la nouvelle tentative. Cette fois, la stabilité, la force et la vitesse étaient considérablement mieux dosées, mais en l'absence d'une tactique, la petite silhouette embrasée n'avait aucune chance face à une guerrière plus grande et plus forte qu'elle - et égalant certains mâles. Au contraire, à cause de la stabilité de l'aînée, la toute petite rebondit et tomba en arrière, la pelisse déjà toute tachée mais la détermination scintillant dans ses yeux. Avec un ronron, la femelle à la fourrure de sable et d'écume attendit que sa cadette se relève, reprenne sa position, puis se plaça à ses côtés pour lui donner quelques conseils.

« Tu ne peux pas attaquer un chat plus grand et fort que toi comme tu attaquerais quelqu'un qui possède la même silhouette et la même corpulence. Tu es vive et forte, pour ton âge, sers-toi de ces qualités : fais mine de porter un coup en hauteur, et le chat se baissera. A ce moment-là, saute, et accroche-toi à son dos pour le frapper tout en restant hors d'atteinte. D'accord ? »

Le mouvement pouvait paraître un peu trop complexe, mais en l'occurrence, c'était l'occasion ou jamais de le lui montrer, vu la différence de carrure entre elles. Et cela impressionnerait peut-être son futur mentor... Dans un Clan où un peu du sexisme des anciens chefs restait présent, les apprenties femelles devraient faire leurs preuves, elles aussi. Comme elle l'avait fait, du temps où elle se nommait encore Nuage Bleu. La guerrière reprit alors sa place face à Petite Émeraude, et hochant doucement la tête, lui fit signe qu'elle pouvait essayer - sans trop utiliser ses griffes, bien sûr ! Ensuite, elle lui expliquerait le moyen de parer cette attaque, et lui donnerait une ou deux autres techniques, d'attaque ou de défense, avant de lui proposer un petit jeu...

Petite Émeraude s'était relevée et remise en position immédiatement après avoir repris ses esprits. Pas gênée le moins du monde par son pelage emmêlé, elle s'était contentée de se secouer brièvement puis s'était plaquée au sol dans l'idée de tenter une nouvelle attaque. Mais Museau Bleu s'était levée. La chatonne la regarda s'approcher d'elle et fut surprise de voir la guerrière se positionner à ses côtés afin de lui montrer la correcte position - Petite Émeraude se félicita d'ailleurs d'en être assez proche. Museau Bleu lui proposa ensuite un plan d'attaque, lui suggérant que puisqu'il y avait un sérieux désavantage de taille en défaveur de la chatonne, il lui fallait user de ruse. Cette idée plut énormément à Petite Émeraude : elle avait de la force, elle était bourrine, mais l'idée de connaître plusieurs techniques de combat et de combattre ses ennemis par sa ruse lui plaisait plus encore. Ainsi, elle serait invincible !
Quelle chance ! pensa-t-elle, au lieu de me gronder pour ma bêtise, Museau Bleu est en train de m'entraîner ! Elle sourit, non sans rester concentrée sur les paroles de la guerrière. Il lui fallait tout emmagasiner, afin de tout retenir et de tout exécuter parfaitement au moment de l'attaque ! Et puis, ensuite, au réveil des autres chatons, elle pourrait les provoquer en duel et leur montrer comme elle était super forte ! Même Petit Merle ne pourrait rien contre elle !
Museau Bleu s'était replacée face à la rouquine. Il était temps de faire ses preuves. Mais comment faire mine d'attaquer en hauteur ? Elle faisait face à Museau Bleu, et elle sentait déjà son cou la tirailler à force de lever la tête pour la regarder dans les yeux. Depuis sa petite taille, elle ne voyait pas trop comment elle pourrait lui sauter sur le dos, même si la guerrière se baissait : elle faisait bien le triple de sa taille ! À cette pensée, Petite Émeraude se démotiva complètement et soupira, déclarant forfait. Ben dis donc, c'était pas facile de s'entraîner ! Finalement, c'était pas plus mal qu'elle ne soit pas encore apprentie ! Elle pouvait faire la flemmarde si ça lui chantait.

« J'abandonne ! Tu es trop forte pour moi, Museau Bleu ! » déclara-t-elle, à la fois vexée de ne pas se montrer à la hauteur, et soulagée d'ôter tant de pression de ses petites épaules rousses.

Petite Émeraude était si petite ! Elle montrait de belles qualités pour une future guerrière, mais sa capacité à se concentrer était encore très peu développée. De plus, elle ne saisissait pas bien l'importance de s'entraîner longuement : elle se fatiguait vite et son attention se détournait encore trop rapidement de ses objectifs, et des efforts à faire pour les atteindre.
Elle fila dans les pattes de la guerrière, fit quelques zig-zag entre elles, puis se faufila derrière la femelle et d'un bond maladroit, lui sauta sur le dos. Après quelques secondes d'escalade fastidieuse, elle finit par grimper sur ses épaules, passa sa petite tête par-dessus et regarda Museau Bleu, collée à sa joue.

« Dis, Museau Bleu, comment on fait les bébés ? » lui demanda-t-elle, une curiosité espiègle se lisant dans son regard. Elle avait déjà posé plusieurs fois cette question aux grands du Clan, et chaque fois, elle avait eu le plaisir de les voir s'emmêler dans leurs explications : entre ceux qui se montraient agressifs pour ne pas répondre et ceux qui bafouillaient et se perdaient dans leurs mots, demander cela était devenu de loin le jeu favori de Petite Émeraude. Elle avait hâte de voir comment Museau Bleu s'en tirerait !

« J'abandonne ! Tu es trop forte pour moi, Museau Bleu ! »

Finalement, la séance d'entraînement semblait vouloir s'interrompre, puisque sa petite protégée et apprentie d'un jour semblait fatiguer - sa petite taille ne l'aidait clairement pas - et perdre de sa concentration, ce qui s'avérait normal pour un chaton. Même quand elle serait apprentie, les premiers temps, il faudrait veiller à ne pas trop l'épuiser, comme les autres chatons : l'entraînement de guerrier n'était pas facile, le rôle de mentor non plus, et c'était une tâche aussi délicate que merveilleuse de pouvoir former un élève qui deviendrait un bon élément pour le Clan. Museau Bleu avait été mentor, par le passé, avait aidé d'autres de ses camarades pour les entraînements de leurs novices, et elle aimait cette ambiance et le lien très particulier qui se tissait parfois. Mais Petite Émeraude n'était pour l'instant pas une "Nuage", et elle avait encore du temps devant elle pour développer autant son endurance que sa focalisation. Pour autant, son espièglerie était restée intacte, identique, et la lueur malicieuse dans ses grands yeux jade promettait des idées emplies d'amusement... Sans doute aux dépends de son interlocutrice. La guerrière sourit, tout en se demandant ce que la jeune flamme aux jolis traits harmonieux pouvait encore avoir derrière la tête. Quel plan avait-elle encore fomenté cette fois ? La réponse arriva vite, et si elle était inattendue, elle semblait familière : la chatonne au pelage d'automne et de feu se faufila entre les pattes de son aînée, grimpa maladroitement sur son dos - une de ses petites griffes effleura la peau de Museau Bleu au passage - et, bien installée sur son perchoir, posa la fameuse question qui avait parfois réussi à désarçonner d'autres guerriers sous le regard compatissant et très amusé d'une Museau Bleu trouvant la situation divertissante... Était-elle sûre pour autant de faire mieux ? Pas exactement, mais elle essaierait. Son regard dirigé vers la petite femelle rousse qui collait sa joue à la sienne, la féline à la pelisse beige et grise bleutée chercha ses mots. Elle aurait bien aimé esquiver, mais le regard posé sur elle indiquait clairement qu'elle ne s'en sortirait pas. Clan des Étoiles, aidez-moi ! Aigue-Marine, heureusement que seule une de tes filles est aussi extraordinairement douée pour ce genre de choses.

« Dis, Museau Bleu, comment on fait les bébés ? »
« Amusant que tu demandes ça à une guerrière qui n'en a jamais eu. » s'amusa faussement l'aînée. « De manière simple, les deux chats s'accouplent, et de la semence du mâle et des œufs que la femelle porte en elle, se développent des petits qui sont un mélange des deux. Les portées comptent généralement d'un à cinq petits. - A part les cas spéciaux, bien sûr. »

Fiou. Ça, c'était fait. Et les ancêtres savaient qu'elle n'avait pas la moindre envie d'en reparler. Par certains égards, la petite lui rappelait sa mère, Aigue-Marine. Gentille, curieuse, loyale à ses proches, à son Clan. Et dans le même temps, tellement affirmée malgré son jeune âge, au contraire de la guerrière qui avait rejoint les Etoiles et qui, au début, avait un peu douté d'elle. Mais peut-être que ce n'était qu'un masque : Museau Bleu connaissait bien ce genre de choses, elle qui n'enlevait jamais le sien...

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De manière simple, les deux chats s'accouplent - Petite Émeraude fit une drôle de tête en entendant ce mot - et de la semence du mâle - Petite Émeraude fit une mine de dégoût en entendant ce mot - et des œufs que la femelle porte en elle - Petite Émeraude pencha la tête de côté, se demandant ce que Museau Bleu voulait dire par "œuf", il y avait des œufs comme ceux des oiseaux dans le ventre des reines ? se développent des petits qui sont un mélange des deux. Les portées comptent généralement d'un à cinq petits. - A part les cas spéciaux, bien sûr. À la fin de l'explication de Museau Bleu, Petite Émeraude affichait une expression étrange, qui était un mélange entre le dégoût que ces informations lui avaient provoqué, et l'incrédulité face au phénomène complexe qu'elle n'arrivait pas à comprendre dans son essence. La version des reines était plus simple : un papa et une maman s'aiment fort et quand ils se font des gros bisous, paf, ça fait des bébés ! - même si Petite Émeraude avait toujours douté que ce soit vrai, en voyant l'air embarrassé des chattes face à la terrible question. Quoi qu'il en soit, elle n'était pas plus avancé avec les explications de Museau Bleu : c'était quelque chose de trop compliqué pour une si petite chose. Comme l'avait dit Étoile de Pierre un jour : « Tu comprendras quand tu seras plus grande. », sentence que Petite Émeraude acceptait difficilement, se sentant mise à l'écart.

« C'est dé-goû-tant ! » clama-t-elle en tirant la langue dans une mine de dégoût, comme si on venait de lui faire goûter un poisson avarié. « Eh ben moi, j'aurai jamais de bébés ! » scanda-t-elle ensuite, déterminée. « Non mais des œufs ! On n'est pas des oiseaux tout de même ! »

Indignée, elle se laissa glisser le long de la patte droite de Museau Bleu et atterrit souplement au sol. Elle s'éloigna légèrement d'elle, désireuse de ne plus se casser le cou à la regarder depuis sa toute petite taille, puis reprit la parole.

« Pourquoi t'as jamais eu d’œufs dans ton ventre, toi, Museau Bleu ? » demanda-t-elle finalement, perplexe.


Hors RP:

Les multiples expressions faciales qui se dessinèrent sur les traits fins de la petite féline rousse valaient bien cette discussion, provoquant un certain amusement en Museau Bleu, qui ne put s'empêcher de remuer doucement des moustaches, retenant un petit rire. Elle avait simplement donné une réponse, après tout... Sans doute pas celle que les reines donnaient d'habitude, mais bon, Petite Émeraude n'y croyait pas vraiment et cela, la guerrière beige et grise bleutée le savait. Par contre, elle n'était pas sûre que sa cadette comprenne tout à fait ce qu'elle venait de dire. Mais au moins, l'épreuve de cette question était passée, et la réaction provoquée était divertissante. En effet, la moue dégoûtée de la toute petite s'accompagna bientôt d'une sentence, délivrée comme une évidence. Et en y réfléchissant, c'était une réaction que Museau Bleu aurait sans doute eue, au même âge. Comme quoi, parfois, les adultes répondaient qu'ils comprendraient plus tard pour une bonne raison... Mais pour autant, si l'opinion pouvait changer au fil du temps, l'aînée considérait que donner des explications pouvait se faire tôt, même s'il fallait protéger les chatons de certaines choses - la guerre, par exemple, bien qu'ils aient échoué.

« C'est dé-goû-tant ! Eh ben moi, j'aurai jamais de bébés ! Non mais des œufs ! On n'est pas des oiseaux tout de même ! »

Tout en écoutant la minuscule flamme si brillante, encore perchée sur son dos et se laissant glisser le long de sa patte avant pour retrouver le sol et se mettre face à elle - cette fois à distance suffisante pour que leurs regards se croisent sans que leur nuque ne crie grâce -, la vétérane repensa à Aigue-Marine. Douce, belle, gentille et merveilleuse Aigue-Marine, qui méritait tant son bonheur avec Étoile de Pierre - les deux amoureux avaient vécu si difficilement le règne d’Étoile du Corbeau. La mère de Petite Émeraude, mais aussi de sa fratrie de pierres précieuses, mêlant améthyste, quartz, opale et jaspe... La guerrière lui manquait, et son bonheur avait été trop bref. C'était injuste. Les décisions et les règles d’Étoile du Corbeau avaient été injustes. Et elle le savait. Le pire, c'est qu'elle s'en sentait presque coupable, parce que quelque part, elle avait été sa meilleure amie, par le passé, peut-être la seule guerrière qu'il ait respectée, et elle ne pouvait se défaire de l'idée qu'il aurait pu l'écouter. Elle l'avait aimé, tellement. Vraiment, sincèrement, aimé. Mais pour autant, elle était clairement consciente qu'il n'était pas un chef populaire, et ne pouvait le reprocher. Cette période avait été difficile, pour toutes les femelles, y compris elle, car si le meneur ne lui avait jamais mis de pression pour se marier, ou ne l'avait pas dépréciée, elle avait eu à subir les règles, appliquées par les suivants de son chef. Et malgré tout, elle s'en était bien sortie. Et quelque part... Et si c'était sa faute ? Une pointe de remords lui serra le cœur, en pensant à l'ancienne lieutenante, et à leur meneur actuel, son compagnon.

Pardon, Lapis Lazuli... Je suis tellement désolée.

« Pourquoi t'as jamais eu d’œufs dans ton ventre, toi, Museau Bleu ? »

Ramenée à la réalité par un miaulement curieux de sa petite interlocutrice, la guerrière de sable et d'écume vit un kaléidoscope d'instants se rejouer dans sa tête : son amitié avec le jeune guerrier qui deviendrait Étoile du Corbeau, le support qu'il lui avait apporté avant de l'abandonner, le sentiment de trahison, la réconciliation, l'amour, ensuite. Et sa portée, désormais cachée, ne pouvant vivre à ses côtés. C'était son secret, et de toute façon, une histoire trop compliquée, composée de gris et non toute faite de lumière ou d'obscurité. Seule Eau Turquoise savait, et ainsi, la situation resterait. Du moins, l'interpelée l'espérait. Et elle pouvait dire sans aucun doute qu'elle ne discuterait pas de tout cela avec la chatonne à cet instant. Elle répondit alors, cherchant un peu ses mots avant de commencer :

« Parce que pour avoir des chatons, il fallait se marier à son compagnon... » - ce que je n'ai pas fait - « Et moi, j'ai choisi de ne pas me plier aux règles, pour garder ma liberté et parce que je ne voulais me marier que par amour, alors je suis restée seule. » - mais j'ai quand même eu des petits avec celui qui avait édicté ces lois - « En plus... La situation était un peu compliquée pour les femelles, dans le Clan, avant que ton père n'accède au pouvoir, au temps d’Étoile du Corbeau. » - et j'étais la meilleure amie de ce chef que beaucoup diront injuste et indigne, ce que je ne peux qu'approuver, son amante alors qu'il avait déjà une compagne.

Avec sa chance, Petite Émeraude voudrait sans doute en savoir plus...

Petite Émeraude fixait Museau Bleu droit dans les yeux, réellement intéressée par la réponse qu'elle allait lui donner. Oh, la petite était curieuse, comme tous les chatons de son âge, et comme eux aussi, elle n'avait pas de gêne à parler des sujets qui fâchent - d'autant plus que là, elle n'aurait pas pu se douter qu'elle avait mis les pattes là où Museau Bleu ne souhaitait sûrement pas aller. Mais la guerrière n'en montra rien, la chatonne ne remarqua rien, et les choses se firent ainsi, en toute simplicité. Les sentiments de Museau Bleu étaient dissimulés, à l'abri de la compréhension de Petite Émeraude, et c'était bien comme ça.
Parce que pour avoir des chatons, il fallait se marier à son compagnon... Et moi, j'ai choisi de ne pas me plier aux règles, pour garder ma liberté et parce que je ne voulais me marier que par amour, alors je suis restée seule. Liberté. Le mot résonna dans la tête de Petite Émeraude, qui était tellement prise à réfléchir dessus qu'elle n'écouta pas ce que disait ensuite Museau Bleu. Liberté, liberté, liberté... C'était un concept abstrait, et pourtant quand elle l'entendait, la rouquine se voyait courir à travers champs, libérée de toute règle restrictive, poussée par un sentiment sans limite qui lui permettait d'être... libre. Ce mot sonnait comme une douce mélodie à son oreille, et la plongeait dans un état rêveur qu'elle chérissait tout particulièrement. C'est là qu'elle comprit : depuis sa naissance, c'était après ça qu'elle courait. C'était pour cela qu'elle multipliait les bêtises, les tentatives de fuite du camp. Ce n'était pas tant qu'elle s'y trouvait mal ; c'était simplement pour découvrir la liberté, se défaire de toutes ces chaînes imaginaires qui lui interdisaient de nombreux actes.

« Eh bah moi, quand je serai grande, je serai comme toi ! » dit-elle fièrement, se dressant haut sur ses pattes, comme si elle voulait se grandir. « Libre ! Je serai libre ! »

Un petit cri de victoire s'éleva de sa gorge rousse.
Oh, bien sûr, il était naïf de croire cela. Elle ne se doutait pas une seconde que Museau Bleu n'avait pas vraiment été libre, et qu'aucune femelle ne l'avait été. Ni aucun mâle : la vie de Clan offrait ses avantages, mais la liberté n'en faisait pas partie. C'était le prix à payer pour vivre en communauté.

« Tu sais quoi ? » Petite Émeraude venait de s'approcher de Museau Bleu et, après avoir regardé à droite et à gauche, elle lui avait chuchoté à l'oreille : « Dans la pouponnière, tout le monde veut que Petit Blaireau et moi, on se marie ! » Elle rigola, pensant à Petite Opale et Petite Hyène tout particulièrement. « Mais on est bien trop occupés à s'amuser, alors on n'a pas le temps ! »