LP ◊ Tu m'expliques ce que tu es en train de faire ? (ft Emeraude) - end

« Eh bah moi, quand je serai grande, je serai comme toi ! Libre ! Je serai libre ! »

Le verdict empli de joie, de fierté et de détermination qui s'éleva dans le miaulement de Petite Émeraude retourna le cœur de Museau Bleu. Il restait encore beaucoup à apprendre pour la jeune féline se tenant face à elle, et son désir d'indépendance, de liberté totale, qui s'exprimait déjà dans ses bêtises quand elle tentait de se défaire de liens invisibles, devrait s'estomper légèrement. Être libre, certes... Un peu. Beaucoup plus que lors de son enfance, et bien plus que sous le règne d’Étoile du Corbeau. Mais pour autant, mâle ou femelle, cette fois, tous étaient égaux, tenus par des loyautés, à leur famille, leurs amis, leurs proches, leurs camarades, ainsi que des règles, celles du Code du Guerrier. La liberté complète était impossible. Pour autant, la guerrière à la pelisse beige tachée de gris bleuté, écume et sable se mêlant, était heureuse de sa vie, heureuse des liens qui l'attachaient et qu'elle avait choisis, et de ceux qu'elle avait refusés : ainsi, elle n'avait pas été emprisonnée par certaines obligations, et conservait entièrement sienne l'allégeance de son cœur.
La petite voulait être comme elle ? Un sentiment étrange envahit l'aînée, dont le regard de perles de jade fixait toujours les jolies gouttes ciselées d'émeraude de la chatonne qui se tenait devant elle, pelisse de flammes ébouriffé et grand sourire. Un sentiment de tendresse, de joie, de fierté, et aussi d'un peu de peine : douce amertume que celle qui s'empara d'elle à ce moment, tandis qu'elle faisait le vœu aux Étoiles, à ce moment, que la jeune féline ait une autre vie et fasse moins d'erreurs. Elle esquissa un sourire, comme un petit remerciement et un encouragement.

« Tu sais quoi ? »

Petite Émeraude venait de s'approcher de Museau Bleu et, après avoir regardé à droite et à gauche, elle lui avait glissé à l'oreille quelques mots, en une confidence qui amusa doucement la guerrière. Du reste, tout en racontant, la rousse au pelage de flammes et de feuilles d'automne riait aussi, et une lumière joyeuse dansait dans ses prunelles. Se rappelant du cou de sa cadette, la femelle à la fourrure bicolore s'allongea, afin que la petite n'aie plus à étirer la nuque pour interagir avec elle.

« Dans la pouponnière, tout le monde veut que Petit Blaireau et moi, on se marie ! Mais on est bien trop occupés à s'amuser, alors on n'a pas le temps ! »
« Et toi et Blaireau, vous voudriez vous marier ? » demanda avec une curiosité espiègle la mère du jeune chat, tout en riant doucement de tant d'innocence et approuvant la conception de la vie qu'avait la petite femelle.

Et toi et Blaireau, vous voudriez vous marier ? demanda Museau Bleu, l'air attendri et amusé. Petite Émeraude n'y faisait pas vraiment attention : pour elle, toutes ces histoires d'amoureux, de mariage et de bisous, ça ne l'intéressait pas vraiment, et d'abord, elle n'y comprenait pas grand chose. C'était du chat-rabia ! Elle ne comprenait pas pourquoi certains félins, au camp, dormaient l'un contre l'autre alors qu'ils n'étaient pas de la même famille, ni pourquoi ils ronronnaient si forts quand ils étaient ensemble, et encore moins pourquoi ils passaient leur temps à se coller le museau. C'était une affaire de grands, et elle leur laissait volontiers.
Alors la rouquine n'eut pas besoin de beaucoup de temps pour répondre à la question que lui avait posé la jolie guerrière au poil clair parsemé.

« Pouah ! Non ! »

La mine de dégoût qu'affichait Petite Émeraude était particulièrement rigolote. Tous les chatons avaient dû passer par ce stade, dans leur petite enfance, où l'amour leur paraissait dégoûtant. Sauf peut-être les petites fifilles à leur maman qui rêvaient du matou charmant, mais Petite Émeraude, elle, rêvait d'aventures et de liberté, et de rien d'autre !
Mais, à tout bien y réfléchir...

« Mais ça veut dire quoi, se marier ? C'est se donner des bisous ? »

Parce que oui, Petite Émeraude ne savait même pas vraiment de quoi elle parlait.

Au moment même où la question s'était envolé de sa gueule étirée en un doux sourire, Museau Bleu put voir à l'expression de sa cadette ce que la rousse pensait, et cela ne fit qu'augmenter son amusement, tandis qu'elle se remémorait ses propres pensées là-dessus. Clairement, l'amour, le mariage, ce n'était pas pour la jeune féline qu'elle avait été, rêvant de liberté, de fierté et d'aventure, et même par la suite, elle avait préféré préserver un peu de son indépendance, comprenant parfaitement le masque de dégoût qui s'était dessiné sur les traits délicats de la petite chatonne. Quand on était enfant, on ne s'intéressait pas vraiment à ce genre de choses, encore moins quand on était, comme elle, une garçon manqué s'intéressant davantage aux techniques de combat qu'aux sentiments et renfermant en elle ses émotions. Non, vraiment, l'étincelle flamboyante face à elle, avec ses grands yeux vert émeraude, ne la surprenait pas, et la femelle aux yeux de jade se reconnut dans cette silhouette encore menue qui promettait d'être une guerrière au sacré caractère.

« Pouah ! Non ! »

Pourtant, la curiosité aidant et le premier mouvement de recul passé, Petite Émeraude demanda :

« Mais ça veut dire quoi, se marier ? C'est se donner des bisous ? »

Devant tant d'innocence et face à la question, la guerrière à la pelisse de sable et d'écume s'accorda un moment de réflexion, afin de chercher une réponse qui ne soit pas trop liée à sa vie, pas trop guimauve et pas trop fausse. L'amour, c'était compliqué, c'était beau, c'était douloureux, c'était vaste, c'était tellement variable ! C'était difficile à décrire, immense, imprévu, sincère et... Se marier, c'était accepter de laisser tomber une part de sa liberté, en soi. Museau Bleu souffla alors, gentiment :

« C'est trouver quelqu'un en qui tu as assez de confiance, et pour qui tu ressens assez d'affection et de loyauté, pour accepter de passer le reste de ta vie à ses côtés. C'est une preuve d'amour, même si je pense qu’Étoile du Corbeau voyait plutôt les choses comme... Un moyen de nous enchaîner. »

Sa voix s'était faite plus douce. Un peu douce-amère, en fait.
Imposer les mariages ne devrait pas se faire. Jamais.
Un mariage devait se faire par amour. Mais il n'avait pas choisi.

« Se marier, c'est une promesse. Mais ça n'a de valeur que lorsque tu la fais de ton plein gré, parce que ce faisant, tu laisses échapper une partie de ta liberté. »

Petite Émeraude écouta avec attention les explications de Museau Bleu. La tête se penchant régulièrement d'un côté et de l'autre, on voyait très clairement qu'elle réfléchissait à tout ce que la guerrière lui disait. Mais son air perplexe montrait tout aussi clairement qu'elle ne comprenait pas vraiment ce qu'on lui expliquait. Le mariage, l'amour, l'engagement, c'était des notions qu'un chaton avait du mal à envisager et à comprendre. Elle y arriverait lorsqu'elle serait plus grande : c'était dans l'ordre des choses.
La chatonne aux yeux vert forêt n'avait pas à sa disposition les ressources intellectuelles nécessaires pour comprendre ce qu'entendait Museau Bleu lorsqu'elle disait que le mariage pouvait enchaîner, priver de liberté. Le mariage n'était pas quelque chose de matériel, ce n'était pas des liens, pas une prison, au sens matériel du terme. Alors, comment ça pouvait avoir un impact concret sur la liberté d'un félin ? Non, c'était trop complexe à comprendre.
Petite Émeraude retenait néanmoins le tout début des explications de Museau Bleu : on se mariait avec quelqu'un en qui on avait une grande confiance et un grand amour. Et ça, la petite était en mesure de comprendre ce que ça signifiait.

« Bah alors je pourrais me marier avec Petite Opale ! » déclara-t-elle, absolument certaine de son cou. Elle avait effectivement une entière confiance envers sa sœur, bien qu'elle déplorait son manque de dynamisme. « Ou Petit Blaireau, oui... Mais c'est pas pareil... »

Et en effet, sans qu'elle ne puisse expliquer pourquoi : ce n'était pas pareil. Avec Petite Opale, c'était comme s'il s'agissait d'une partie d'elle, car elles étaient de la même famille, avaient le même sang et étaient forcément liées d'une façon particulière.
Petit Blaireau, lui, était son pote à la vie à la mort, et elle avait aussi très confiance en lui. D'ailleurs, ils s'amusaient beaucoup ensemble, et elle l'adorait. Mais... C'était comme si c'était un étranger, il n'appartenait pas à sa famille, même s'ils grandissaient ensemble.

Aux yeux d'une si petite féline, les explications du mariage de la guerrière à la pelisse de sable et d'écume devaient sembler bien étranges et compliquées... Dans ses yeux verts, jolies perles d'émeraude, une certaine perplexité s'était mise à scintiller, tandis qu'un masque d'incompréhension sur ses traits fins s'étaient esquissés. Elle comprendrait par la suite, "quand elle serait plus grande", même si ce genre de réponse vexait souvent les chatons. Elle comprendrait un jour. De la même manière, les serments, les chaînes invisibles, éternelles, intangibles, de cette cérémonie, l'amour, les allégeances du cœur, elle les comprendrait ensuite. La notion de liberté que cette idée de se lier à son compagnon entraînait, la petite étincelle ardente à la fourrure de feu ne pouvait réellement la comprendre. Pas encore. Museau Bleu, elle, avait douté, longtemps, et si encore aujourd'hui elle conservait son indépendance, c'était peut-être parce que bien qu'amoureuse d’Étoile du Corbeau par le passé, elle voyait ses défauts, et avait peur d'offrir son cœur à un autre chat, quel qu'il soit, parce qu'il aurait alors influence sur sa vie: elle ne voulait pas être prisonnière de ses sentiments. D'autant que si la vétérane admettait ce genre de choses, elle ne s'attacherait encore que davantage à un autre chat, et sa loyauté, impossible à reprendre, serait dangereuse. Le meilleur moyen de ne pas se faire briser le cœur était parfois d'agir comme si l'on en avait pas...

« Bah alors je pourrais me marier avec Petite Opale ! » déclara la chatonne, qui, au terme de sa réflexion, semblait sûre d'elle et contente. « Ou Petit Blaireau, oui... Mais c'est pas pareil... »

Bien sûr que non, ce n'était pas pareil. Museau Bleu eut un petit sourire, tandis qu'elle observait sa nouvelle protégée: l'idée que Petite Émeraude se fiche éperdument pour l'instant de se marier avec un mâle ou une femelle l'amusait assez, et lui faisait plutôt plaisir. Pas de codes concernant les sentiments, pour l'instant, pas même de pensées concernant ce genre de choses, seulement l'affection pour sa famille et ses amis: la petite pensait avec simplicité, et dégageait une joie qui apaisait son aînée... Avec un ronron, la guerrière beige et grise bleutée expliqua doucement:

« Petite Opale est ta sœur, et bien que tu l'aimes et aies une parfaite confiance en elle, c'est un peu différent. Il y a différentes sortes d'attachement, et si je ne suis pas d'accord avec ceux qui placent le couple au-dessus de la famille, ce n'est pas le même type de lien. »

Une demi-seconde de réflexion plus tard, la mère de Petit Blaireau ajoutait:

« Du coup, on ne se marie pas avec quelqu'un de sa fratrie, même si on les aime et qu'on a une totale confiance en eux. Le mariage, c'est davantage... Choisir quelqu'un d'autre pour intégrer notre famille. »

Cette fois, Museau Bleu avait bel et bien perdu Petite Émeraude. Toutes ces explications au sujet de quelque chose de si abstrait, toutes ces informations concernant les différents types d'amour et d'attachement, toutes ces règles et lois sociales... C'était bien trop pour un petit être d'à peine deux lunes. D'ailleurs, la rouquine avait complètement décroché et se laissait de plus en plus déconcentrer par l'activité florissante du camp : la matinée avançait et ça commençait à grouiller autour des deux femelles.
Au loin, Petite Émeraude reconnut les voix de Petit Blaireau et de Petite Opale. Ils étaient sûrement réveillés, enfin ! Cela laissait présager beaucoup d'amusement et des discussions à n'en plus finir. Il n'était plus question d'essayer de fuir hors du camp. De toute façon, il y avait désormais bien trop de félins réveillés et présents : la discrétion n'était plus permise.

« Est-ce que tu vas me punir, Museau Bleu ? » demanda finalement Petite Émeraude.

Elle était habituée à ce qu'on la punisse : depuis sa naissance, elle enchaînait les bêtises et d'ailleurs, pour beaucoup dans le Clan, Petite Émeraude équivalait à bêtise. Malgré tout, sa réputation ne semblait pas en pâtir : on l'appréciait globalement. Sans doute lui pardonnait-on encore tous ses méfaits parce qu'elle était encore très jeune.
En tout cas, elle était habituée à être punie et n'y faisait plus vraiment attention lorsque c'était le cas. Puisque Museau Bleu l'avait prise en train d'essayer de sortir du camp - ce qui était interdit - et qu'en plus, elle avait détérioré l'un des remparts de ce dernier - ce qui était également défendu -, la petiote s'attendait logiquement à être punie.

Autour des deux félines, le camp s'était peu à peu réveillé, animé, et les voix familières se faisaient entendre, l'esprit de Museau Bleu, bien qu'elle reste concentrée sur sa cadette, commençant à réfléchir à la suite de sa journée et au meilleur moyen de se rendre utile pour le Clan. Il faudrait qu'elle aille pêcher, quand elle le pourrait: elle aimait l'eau, et était une des meilleures, tandis que sa chaude pelisse beige et grise bleutée la protégeait parfaitement du froid. Du reste, elle n'était pas blessée... Le ton enfantin de Petit Blaireau, discutant avec Petite Opale, plus loin, la fit sourire: elle aimait son fils, tellement! Du reste, Petite Émeraude, elle aussi, semblait commencer à échafauder de nouveaux projets, et bien que la guerrière, Fille de la Rivière, à la fourrure de sable et d'écume, ait apprécié ce moment avec la petite flamme face à elle, il était peut-être temps d'y mettre fin. Jade et émeraude, en perles de pierres précieuses scintillantes, se croisèrent, les regards s'accrochant tandis que la plus jeune demandait:

« Est-ce que tu vas me punir, Museau Bleu ? »

En théorie, elle aurait du. La petite à la pelisse de feu se parant de soleil faisait de nombreuses bêtises, et les punitions pleuvaient sur elle malgré un nombre de lunes restreint. Détériorer la barrière protégeant le Clan en tentant de s'en enfuir, alors que le Code l'interdisait, aurait valu de sévères remontrances à la chatonne si un autre adulte l'avait surprise; mais la vétérane, pour cette fois, décida de fermer les yeux. Le meneur avait autre chose à gérer que les escapades de sa fille, la plupart des guerriers étaient inquiets ou concentrés sur l'idée de se remettre. Et puis... L'étincelle ardente aux yeux verts avait ses raisons d'agir ainsi: ses frères et sœurs. L'amour et la loyauté, Museau Bleu les comprenait. Elle esquissa alors un sourire, et, complice, murmura:

« Pour cette fois, nous dirons que je n'ai rien vu. Va t'amuser, allez. »

C'était une belle journée qui commençait.

Pour cette fois, nous dirons que je n'ai rien vu. Va t'amuser, allez. Museau Bleu regardait toujours Petite Émeraude avec ce mélange de sentiment maternel, d'amusement et de tendresse. C'était un regard que beaucoup de chatons connaissaient, mais Petite Émeraude, elle, en attirait souvent d'autres : des regards agacés par ses insolences, des regards las de ses bêtises, et parfois même des regards sarcastiques lorsqu'elle se faisait punir. Rares étaient les félins qui la supportaient et, plus encore, qui l'appréciaient vraiment. Il y avait tout de même Étoile de Pierre - mais c'était normal, il était obligé, c'était sa fille ! -, il y avait aussi Eau Turquoise, sa maman de lait, et aussi Écaille d'Or, sa marraine. Museau Bleu semblait désormais s'ajouter à la liste.
Quant aux chatons, c'était tout l'inverse : la majorité appréciait Petite Émeraude, l'admirant pour sa force ou sa capacité à toujours s'amuser et à créer de super aventures. Il y en avait seulement quelques-uns qui semblaient ne pas l'apprécier : Petite Méduse paraissait souvent lasse de son trop-plein d'énergie - un peu comme Petite Opale, qui était également flegmatique, mais qui était sa sœur et donc, ne pouvait pas ne pas l'aimer - et Petit Merle, le plus grand des chatons, qui allait bientôt être apprentis, se montrait souvent froid avec la rouquine, sans doute agacé par son comportement de petite princesse de la pouponnière, rôle qu'il tenait auparavant.

En tous les cas, Museau Bleu avait réussi, en l'espace d'un instant, à s'accorder une place de choix dans l'estime de Petite Émeraude. Cela s'était encore plus vérifié lorsqu'elle l'avait exemptée de punition, quand un autre grand ne s'en serait pas privé ! À l'annonce de ce verdict ô combien satisfaisant, Petite Émeraude s'était dressée sur ses pattes, l'air conquérant, et avait tourné les talons en direction des voix amies qu'elle avait bien l'intention de rejoindre. Elle s'était éloignée de quelques bonds lorsqu'elle s'arrêta net, sembla réfléchir un instant, puis se retourna et courut à nouveau vers Museau Bleu.
Elle se plongea sans retenue dans son poil épais et aussi doux que du duvet d'oiseau, et elle s'y frotta en ronronnant, en guise de remerciement.
Puis elle s'éloigna à nouveau, ses yeux émeraudes à la recherche de son copain de toujours : Petit Blaireau.


Hors RPG:

Il y avait de la surprise dans les yeux verts de Petite Émeraude à l'entente du verdict énoncé par son aînée, et la guerrière eut un doux sourire en voyant la chatonne à la fourrure de feu déconcertée par ce simple acte de gentillesse. Il était vrai qu'à cause de ses bêtises, la princesse de la pouponnière se faisait souvent reprendre et punir par la majorité des guerriers, mais Museau Bleu préférait agir avec douceur cette fois, comprenant bien les actes de sa cadette et désormais, en quelque sorte protégée - même si son comportement maternel envers elle la surprenait également elle-même. La meilleure amie de son fils avait su, en si peu de temps, s'accorder une petite place dans l'océan de son cœur... Mais la tendresse que la guerrière montrait devait être rare, pour la jeune orpheline : Étoile de Pierre l'aimait, bien sûr, mais il pleurait sa compagne et dirigeait le Clan, Eau Turquoise et Écaille d'Or offrant à la petite rousse tout l'amour qu'elles pouvaient mais la majorité des adultes lui reprochant ses bêtises. Et si les autres chatons adoraient Petite Émeraude, ils avaient son âge, ce qui était sans doute différent.

Heureuse de la décision de Museau Bleu, sa cadette s'était éloignée de quelques bonds agiles, petite boule de fourrure, étincelle ardente et dansante absolument adorable, mais elle se retourna bientôt pour courir vers la guerrière, qui, cette fois, se laissa également surprendre par la minuscule silhouette se blottissant contre elle. Avec toute la douceur du monde, elle ronronna doucement, sa fourrure épaisse caressant délicatement la fille d'Aigue Marine et l'abritant en un refuge doux comme des ailes de maman oiseau, appuyant tendrement son museau contre le haut du crâne de la petite en un geste empreint d'affection. Enfin, quand Petite Émeraude se détacha d'elle et s'éloigna pour rejoindre Petit Blaireau, la mère de ce dernier les couva un instant d'un regard plein d'amour, et se dirigea elle aussi vers ses camarades de Clan, prête à reprendre les activités pour ce dernier. Alors, d'un pas léger, elle s'approcha de Douce Orchidée : la lieutenante avait-elle quelque chose de particulier à demander ?