Les cris sont devenus leurs rires ☼ Etoile Vaillante - end

L'Amour est mort, Jacques Brel

Cœur Fleuri était assise à l'entrée de sa tanière, le cœur palpitant encore des révélations de sa nièce. Amoureuse d'un solitaire, elle ? Elle n'y croyait pas. Ou plutôt : elle ne voulait pas y croire. Son esprit se fracturait au fil des jours, au fil des heures. Elle, si calme d'habitude, se laissait entraîner par les secrets, les doutes, les douleurs du quotidien, et son cerveau devenait une tempête perpétuelle. Elle ne savait plus où donner de la tête ...

Les événements s'étaient trop vite enchaînés : d'abord, la troupe curieuse des chats de la Lune, ensuite sa nièce venue la tenir en aparté, et maintenant sa sœur qui revenait au campement, sans les intrus. L'écaille, dans un élan de lâcheté, voulut fuir la cheffe, mais leurs regards se croisèrent. En soupirant, Cœur Fleuri l'invita d'un geste de la queue à la suivre dans sa tanière. Elle ne voulait pas que son apprenti et que ses patients l'entendent, aussi elle se plaça aussi loin que possible d'eux. A voix basse, en fixant la rouquine qui arrivait dans les yeux, elle dit d'un ton fataliste :

« Bon. De quoi tu veux parler en premier ? »

Ne pas rester dans l'émotif et aller directement au cœur du problème.

HRP :

Je rentrai dans le camp, le coeur lourd. Lourd de colère, lourd de chagrin. Je ne semblais n'être que l'ombre de moi-même. Je ne donnai pas d'autres directives, laissant à Tâche d'If le soin de s'en occuper. Je croisai le regard de ma soeur, qui savait parfaitement ce qui l'attendait. Je la suivai alors, la tête vide. Je voulais que tout ça soit un mauvais rêve. Un cauchemar. Force de l'Ours se rapprocha de moi pour me proposer d'attendre que la nuit porte conseil pour parler à ma soeur. Je l'envoyai bouler sèchement. Qu'il dégage un peu et me laisse tranquille. Il n'avait rien à me dire. Je repensai à ce jour où j'avais vu Coeur Fleuri regarder différemment mon compagnon... Et la colère revint. Sourde, froide.

Je m'assis en face de celle qui fut ma moitié de coeur, de sang de pensée. Ce lien qui nous unissait était déchiré. S'il n'était pas encore rompu, il était lourdement endommagé.

"Tu connaissais les conséquences de ton action. Pourquoi as-tu tenu à discréditer mon autorité, non seulement devant le clan réuni mais aussi devant ces ... choses? Ils venaient de nous menacer je te rappelle."

Ma voix était pour le moment calme, mais si froide... Si froide. Je ne me souvenais pas lui avoir un jour parler ainsi. Ce n'était que pour ma mère que je réservai cette voix, et encore. Elle semblait plus froide que la glace elle même.
Mais je n'avais pas encore le courage de regarder l'écaille droit dans les yeux.

Cœur Fleuri fuyait le regard de sa sœur, et elle voyait qu'elle faisait de même. Elles avaient beau diverger par leurs opinions, elles n'en restaient pas moins du même sang et de la même éducation ...

« Tu connaissais les conséquences de ton action. Pourquoi as-tu tenu à discréditer mon autorité, non seulement devant le clan réuni mais aussi devant ces ... choses ? Ils venaient de nous menacer je te rappelle. »

La guérisseuse secoua la tête d'un air agacé. Elle s'en voulait. Un guérisseur était censé être neutre, interpréter les signes des Etoiles, conseiller son chef s'il lui en faisait la demande, mettre en garde à l'aide des signes qu'il percevait le Clan ... Somme toute, elle avait un rôle assez plat et exempt de tout pouvoir de décision. Et pourtant, c'est ce qu'on attendait principalement d'elle : la neutralité totale dans les conflits inter-claniques, rester dans son coin en barbotant dans son bain de plantes et de médecine, bref, une activité passive au possible. Et cela, Cœur Fleuri commençait à avoir du mal à l'accepter.

La pression provoquait des nuits peuplées de cauchemars, les plaintes de ses patients étaient innombrables, et les guérisseurs disparaissaient les uns après les autres. Elle était la plus expérimentée de tous, et cela lui plaisait étrangement d'avoir une sorte de légitimité en tant qu'aînée. Le pouvoir, l'autorité, tous ces artifices dont elle s'était passés jusqu'à maintenant lui manquaient parfois. Elle se sentait écrasée par leurs Etoiles, par leurs ridicules guerres inter-claniques, par ce trop-plein de félins rappelés trop tôt à leurs Ancêtres, par leurs règles absurdes et par le manque d'une famille à elle, de possibilités de s'épanouir et de latitude de décision.

En pensant, elle fronçait les sourcils, et gardait les crocs serrés. Elle finit par ouvrir la bouche, et son ton ne fit qu'augmenter au fil de ses mots :

« Je savais ... bien sûr que je savais ! Et quoi ? Je devais rester sur le côté et te voir corriger ces inconnus sans rien faire ? Ah, attends, j'aurais dû applaudir, peut-être ? Bravo, Etoile Vaillante, vous venez de sauter sur des étrangers alors que vous avez l'avantage numérique et les handicaps en moins, quel courage, quelle bravoure, le Clan du Vent vous en remercie ! Ça fait un super tableau, j'aime beaucoup ! Et ton autorité, sincèrement ... Si tu as fait quelque chose d'idiot, que tu sois guerrière, chaton ou cheffe, ça ne change rien. De quoi as-tu si peur pour que ce soit une des premières choses dont tu me parles ? »

Incapable de maîtriser sa colère, elle fouettait l'air de la queue. Elle avait conscience de sa propre agressivité, et finit par soupirer en attendant la réaction d'Etoile Vaillante - qui ne se ferait sans doute pas attendre.

HRP :

Mon corps entier était sous tension. Machoires serrées, muscles tendus, regard fixé sur un point. Le silence était pesant. Nous étions là, dans sa tanière, où non loin de là se tenait peut être des patients, ou peut-être pas, ou peut-être Nuage d'Alcidés, ou peut-être pas. J'en avais que faire à ce moment là. A vrai dire... J'avais tout oublier. J'étais dans cette bulle imperméable au reste du monde, où les deux uniques protagonistes se tenaient l'une en face de l'autre, brisant ce lien qui leur était si cher et qui avait mis toute une vie à se tisser...

La voix de ma soeur résonna. Son ton ne fit que monter de plus en plus, ce qui ne fit que m'hérisser davantage :

« Je savais ... bien sûr que je savais ! Et quoi ? Je devais rester sur le côté et te voir corriger ces inconnus sans rien faire ? Ah, attends, j'aurais dû applaudir, peut-être ? Bravo, Etoile Vaillante, vous venez de sauter sur des étrangers alors que vous avez l'avantage numérique et les handicaps en moins, quel courage, quelle bravoure, le Clan du Vent vous en remercie ! Ça fait un super tableau, j'aime beaucoup ! Et ton autorité, sincèrement ... Si tu as fait quelque chose d'idiot, que tu sois guerrière, chaton ou cheffe, ça ne change rien. De quoi as-tu si peur pour que ce soit une des premières choses dont tu me parles ? »

Je la foudroyai du regard, en grognant. Grognement sourd, qui provenait du fin fond de mes tripes. Peur? Qu'est-ce-qu'elle croyait, que je prenais mon rôle à la légère?? Evidemment que j'avais peur. Ma réplique cingla, d'une voix froide... et moi aussi, je commençai à perdre contrôler de moi-même et par conséquent de mes paroles et intonnations :

"De quoi ai-je peur? Tu te fous de moi? Tu crois quoi, que c'est simple d'avoir à sa charge tout un clan? J'ai même pas été nommée lieutenant! Moi même je ne reconnais qu'à peine mon autorité alors imagine les autres? Tu veux quoi, qu'à l'arrivée de l'hiver, que le clan soit poussé à des coups d'état au sein même du clan?? Faut-il que je te rappelle cte prophétie dont tu m'avais parlé, avant la mort d'Étoile de Sable? Alors oui je prends à coeur mon autorité!"

Je marquai une pause pour ne pas crier encore plus. Mais mon regard se posa sur la blessure que moi, Étoile Vaillante, je lui avais causé. Sa propre soeur. Sa faute. Ma faute. Pour des inconnus.
Toutes mes fibres s'embrasèrent. Me contenir était vain. Alors j'éclatai, folle de rage:

"Madame qui souhaite protéger ces chers inconnus... Peut-être que toi tu as pitié d'eux parce que leur chef est à moitié aveugle... Moi tu sais ce que je vois??? Je vois surtout des félins qui ont pu traverser TOUT notre territoire et TROUVER notre camp sans avoir alerté PERSONNE! Comment expliques-tu cela?? Ils ne nous connaissaient pas et s'invitent en nous menaçant de mort? Tu voulais quoi, que je laisse passer ça sous prétexte qu'ils étaient moins nombreux?? "

Ma queue fouetta l'air avec exaspération. Mon regard croisa le sien. Quelque chose en moi se déchira de nouveau. Je savais que cette discussion ne nous mènerait nulle part au fond de moi, et ne causerait que plus de dommages qu'il n'en avait déjà. Mais c'était plus fort que moi. Pour qui me prenait-elle? Je secouai la tête, et lui jetai une oeillade furieuse. Et déçue.

"C'est pas comme si j'allais les tuer non plus... Tu me prends pour qui Coeur Fleuri."

Spoiler:

Pleader, alt-J

Elle leva les yeux au ciel. Bien sûr qu’un chef avait des responsabilités ! Et elle, peut-être qu’elle n’en avait pas ? Cœur Fleuri se savait un peu dure, Etoile Vaillante passait après une cheffe qui avait tardé à nommer son lieutenant et leur avait peut-être amené les foudres du Clan des Etoiles, ainsi qu’un lieutenant qui avait déserté finalement déserté son Clan … Elle devait faire fi des remarques sur sa montée au pouvoir, et cela était sans doute compliqué. Mais tout de même ! Tout de même, rien n’expliquait sa violence !

Puis vint le mot « prophétie ». Le poil de l’écaille se hérissa. Et voilà, encore les Etoiles sur le tapis ! Les Etoiles par-ci, les Etoiles par-là, c’est une punition des Etoiles, c’est une récompense des Etoiles ! Mais bon sang, quand est-ce qu’on parle de NOS choix ? Cœur Fleuri leva finalement les yeux, juste à temps pour capter le coup d’œil dérobé de sa sœur sur sa blessure. Instinctivement, elle balaya l’emplacement de la morsure, comme pour éviter qu’Etoile Vaillante ne se concentre dessus. Sans doute en garderait-elle une cicatrice, mais là n’était pas le sujet.

« Madame qui souhaite protéger ces chers inconnus... Peut-être que toi tu as pitié d'eux parce que leur chef est à moitié aveugle... Moi tu sais ce que je vois??? Je vois surtout des félins qui ont pu traverser TOUT notre territoire et TROUVER notre camp sans avoir alerté PERSONNE! Comment expliques-tu cela?? Ils ne nous connaissaient pas et s'invitent en nous menaçant de mort? Tu voulais quoi, que je laisse passer ça sous prétexte qu'ils étaient moins nombreux?? »

Elle ouvrit la gueule, elle aurait voulu dire quelque chose pour la calmer, quelque chose pour lui dire qu’elle ne la détestait pas, quelque chose, de juste, de bon, mais les uniques mots qui tombèrent de sa bouche furent :

« On croirait entendre maman … »

C’était la seule phrase qu’elle avait réussi à former à partir de tout ce qu’elle pensait et ressentait. L’insulte ultime, la plus dure de toute : tu ressembles à quelqu’un que je n’aime pas. Quelqu’un que nous n’aimons pas, et je le sais. Elle s'en voulut instantanément et tenta de se rattraper piteusement, comme un albatros jeté sur les planches d'un navire :

« Enfin c'est que … oui bien sûr, je sais que c'est dur, je sais que tu as eu ton poste après des temps compliqués dans notre Clan mais … mais pourquoi la violence ? Qu'est-ce que tu deviens ? Pourquoi tu as eu cet instinct de leur sauter au cou ? Et pourquoi, pourquoi nous vivons tout ça ? Tu ne te poses donc aucune question ? Tu agis, c'est tout, parce qu'il le faut ? Parce que tu crois que c'est ce que les Etoiles veulent ? Parce que QUOI, Vava, QUOI ? Quelle est ta raison ? Quelle est ton excuse ? »

Elle emphasait sur certains mots, pour ne pas couler, couler et se noyer dans ce flots d’émotions, de pensées, d’interdits, d’injustices et d’incompréhensions. La colère revint, faisant trembler ses babines et ses faibles pattes. Le disputant à la culpabilité, à la haine et aux larmes, elle baissa les yeux en songeant : une prophétie … Une vaste blague, oui.

« On croirait entendre maman … »

Ces mots tombèrent, et eurent sur moi l'effet d'une douche froide. Je déglutis. Comment pouvait-elle ainsi me comparer? Cette mère que nous avions haïe, critiquée voir prise en pitié, ensemble, patte dans la patte. Coeur Fleuri savait l'impact que cela aurait sur moi. Elle savait que cela me... briserait. Que cela déchirerait la complicité que nous avions. Elle l'avait forcément fait sciemment. Pour me poignarder en plein coeur. Une boule se forma dans ma gorge, mon ventre se noua. Mon visage s'était obscurci. Meurtrie, je la toisai. Je l'écoutai continuer à déverser ce flot de paroles incessant, où le thème premier était la violence. Ma violence. Ma colère explosive s'était transformée sous ces eaux glaciales, pour devenir colère froide. Attitude froide et distante. Signe proche d'une rupture. Jamais je n'avais été comme ça avec elle. Avec ma propre soeur.

"Ce monde est violent Coeur Fleuri. Arrête de faire ton enfant et redescends sur terre. Qu'est-ce-qui t'arrive? Tu te comportes comme un chaton que l'on confronte trop tôt à la réalité de la vie."

Je gardai ce regard sévère et dur sur Coeur Fleuri. L'écaille osait me donner des leçons. Qui était-elle pour cela? Je tapai du pied en grognant. Mon pelage s'était gonflé sous l'émotion. Je me sentais comme cet animal sauvage, blessé par des chasseurs, qui tente le tout pour le tout pour suvivre. Qui revêt ce masque, masque d'animal imposant et dangereux, afin de cacher sa faiblesse, ses peurs, son chagrin. Tout se mélangeait.

« Ce monde est violent Coeur Fleuri. Arrête de faire ton enfant et redescends sur terre. Qu'est-ce-qui t'arrive? Tu te comportes comme un chaton que l'on confronte trop tôt à la réalité de la vie. »

Cœur Fleuri feula. Elle n'écoutait rien, elle ne comprenait rien !

« Vraiment ? Me traiter d'enfant moi ? Est-ce que tu as été la guérisseuse de trois chefs différents ? Est-ce que tu as vu mourir deux d'entre eux devant tes yeux ? Est-ce que tu as vu Petit Silence, défiguré et détruit à vie par un Monstre, sans pouvoir rien faire ? Est-ce que tu l'as vu tous les jours se décomposer un peu plus ? Est-ce que tu as vécu l'impuissance, est-ce que tu as vécu l'injustice de ne pas pouvoir avoir de famille pour une raison inconnue, est-ce que tu as vu des dizaines de gens mourir, EST-CE QUE TU L'AS VÉCU ? »

Elle parlait vite, si vite que son propre cerveau était dépassé parce ce qu'elle disait, par ce qu'elle expulsait. Elle avait hurlé de douleur, hurlé ce qui lui écrasait la tête et la poitrine depuis des dizaines de lunes, hurlé le fardeau du guérisseur, qu'elle avait gardé depuis si longtemps enfoui en elle ... Ce n'était pas tant à sa sœur qu'elle en voulait, ou du moins pas autant qu'il y semblait, c'était contre elle, contre leurs Ancêtres, contre leurs traditions, contre tout ce qui lui semblait absurde et injuste en ce bas-monde. C'était sa révolution, sa rébellion, celle qu'elle n'avait jamais osé s'accorder. Et cette révolution s'incarnait dans cette scène grotesque dont elle était la principale actrice.

« Oui, j'en veux au monde ENTIER comme une adolescente, mais qui m'aide ? Qui me répond ?! Personne, personne et SURTOUT PAS LES ETOILES ! »

La guérisseuse se leva, commença à faire les cent pas sans réussir à organiser ses pensées. Son souffle était court, l'anxiété la gagnait. Tout lui échappait, tout lui glissait des mains, elle sentait sa tête tournée alors que tous ses démons sortaient et l'assaillaient. Les prophéties, belle histoire ! Les accidents, qu'y pouvait-elle ? A quoi ressemblerait le monde si elle n'était plus guérisseuse ? A quoi servait-elle encore ? Quel était son but, quel était ce qui l'animait dans la vie ? Est-ce qu'elle avait tout raté ? Tout tournait et retournait dans sa tête.
Le temps n'était plus à discussion mais aux explosions.

Elle feula. Je fis de même. Et elle se mit à hurler.

« Vraiment ? Me traiter d'enfant moi ? Est-ce que tu as été la guérisseuse de trois chefs différents ? Est-ce que tu as vu mourir deux d'entre eux devant tes yeux ? Est-ce que tu as vu Petit Silence, défiguré et détruit à vie par un Monstre, sans pouvoir rien faire ? Est-ce que tu l'as vu tous les jours se décomposer un peu plus ? Est-ce que tu as vécu l'impuissance, est-ce que tu as vécu l'injustice de ne pas pouvoir avoir de famille pour une raison inconnue, est-ce que tu as vu des dizaines de gens mourir, EST-CE QUE TU L'AS VÉCU ? »

Je grondai. Une raison inconnue? C'est elle qui l'avait cherché. C'est elle qui n'a jamais voulu accepter la réalité de la vie, qui a toujours cherché à fuir la violence en devenant guérisseuse. Guérir pour ne pas frapper. Oui je l'avais vu ce gosse. Mon adorable Petit Silence. Je l'avais ramené au camp, ensanglanté. Cette blessure aussi était de ma faute. J'avais laissé mon propre petit fils sortir du camp en pleine nuit. Mais pire que ça, j'avais laissé Coeur Givré délaissé son éducation car j'étais une mauvaise mère. J'étais une mauvaise mère, une mauvaise grand-mère. Je refusai d'être une mauvaise chef juste parce que Coeur Fleuri se prenait d'élans de justice d'amour et de paix pour tous. Ce monde-là n'existait pas, et qu'elle le refuse me mettait hors de moi. Je fulminais.

« Oui, j'en veux au monde ENTIER comme une adolescente, mais qui m'aide ? Qui me répond ?! Personne, personne et SURTOUT PAS LES ETOILES ! »

Je ricanai. Mais bien sûr, c'est la faute des étoiles. C'est la faute de nos ancêtres évidemment. Où allons-nous si notre propre guérisseur perdait confiance en eux. Confiance. Comme si elle en méritait. Elle qui reluquait mon propre compagnon. Je grondai. Je ne menai pas de raisonnement normal, lucide et guidé par la raison. Tout s'entrechoquait, s'emmêlait.

"Pourquoi y'aurait-il pas une raison à cette absence de réponse hein? Ptetre que tu n'as que ce que tu mérites. Je sais pas moi. Y'a rien que tu caches? Les Étoiles savent tout pourtant, tu devrais être celle qui le sait le mieux. J'ai remarqué ton regard vers Force de l'Ours. "

Voix froide, calme, tranchante. La paranoïa était en train de retourner mon cerveau. Je mélangeai tout tout tout, faisant un amalgame de tout. Rien n'avait de sens. Toutes les frustrations ressortaient, mais de manière désordonnée, confuse ce qui n'engrengeait que chaos et douleur. Ce regard qu'elle avait lancé à mon compagnon. C'était l'image qui s'affichait en moi. C'était une image qui me torturait depuis bien longtemps, depuis cette sortie toutes les deux. Je n'en avais parlé à personne. Il semblerait qu'il était temps. Peu m'importait à cet instant l'impact que cela aurait sur ma soeur. Je ne faisais que ressortir toute ma rancoeur sans faire attention aux conséquences.

Et pourtant... Ne seront-elles pas dramatiques?

Spoiler:

La solitude, Barbara

Etoile Vaillante ricana. Cœur Fleuri, d'habitude si maître d'elle-même, qui gardait au possible son sang-froid et son calme lors d'événements qui la décontenançaient, se laissait totalement gangrener par ses émotions négatives. Elles commençaient à se bouffer entre elles, alors qu'elles avaient compté l'une sur l'autre si souvent pour comprendre les autres, comprendre leurs propres sentiments, et se soutenir dans les moments durs. Maintenant, elles se jetaient des bâtons dans les roues, sous le joug de leurs propres problèmes, et ne voyaient pas à quel point leurs mots pouvaient les assassiner. Elles se vidaient comme des ballons de baudruche percés, qui s'envolaient comme des oiseaux ivres et se cognaient à de vieilles blessures …

« Pourquoi y'aurait-il pas une raison à cette absence de réponse hein? Ptetre que tu n'as que ce que tu mérites. Je sais pas moi. Y'a rien que tu caches? Les Étoiles savent tout pourtant, tu devrais être celle qui le sait le mieux. J'ai remarqué ton regard vers Force de l'Ours. »

Cœur Fleuri eut un instant d’absence, totalement décontenancée par cette attaque soudaine. Un petit hoquet lui échappa, et elle enchaîna plus vite que l’éclair :

« Mais ça … ça n’a rien à voir ! Tu deviens totalement timbrée ou quoi ? Et puis tu ne m’écoutes pas, tu mélanges tout ! Tu … Comment tu peux croire que j’ai des vues sur ton compagnon ?! Tu perds la tête ma pauvre vieille ! Les Etoiles se moquent de moi, les Etoiles se moquent de nous ! Cette prophétie ne nous a jamais aidées, ni toi, ni moi, ni notre famille, ni même notre Clan ! Elle ... Si les Etoiles m'entendent, qu'elles me châtient, mais, par toutes les étoiles du ciel, par le soleil et la lune, qu'elles m'éclairent au moins une fois dans ma vie, ou qu'elles m'excommunient à jamais ! »

Le mensonge, elle n’avait pu que mentir, la culpabilité l’avait prise à la gorge et avait tordu son honnêteté. Son cœur était comprimé d’angoisse, et elle sentait la pression, toujours plus, toujours plus, qui appuyait sur ses nerfs et ses sentiments. Désespoir, désespoir de ne pas arriver à l’atteindre, de ne pas se croire elle-même, de mentir à tout le monde, de se sentir piégée, piégée et engluée dans ses responsabilités. Et finalement s’étouffer dans sa propre réalité altérée, dans son monde encotonné, si parfait, où elle était une sainte, où elle sauvait le monde entier. Mais le monde n’était pas comme ça …

HRP :

« Mais ça … ça n’a rien à voir ! Tu deviens totalement timbrée ou quoi ? Et puis tu ne m’écoutes pas, tu mélanges tout ! Tu … Comment tu peux croire que j’ai des vues sur ton compagnon ?! Tu perds la tête ma pauvre vieille ! Les Etoiles se moquent de moi, les Etoiles se moquent de nous ! Cette prophétie ne nous a jamais aidées, ni toi, ni moi, ni notre famille, ni même notre Clan ! Elle ...
Si les Etoiles m'entendent, qu'elles me châtient, mais, par toutes les étoiles du ciel, par le soleil et la lune, qu'elles m'éclairent au moins une fois dans ma vie, ou qu'elles m'excommunient à jamais ! »

Je serrai les dents, la foudroyant du regard de plus belle. Qu'est-ce-qui lui prenait? Des picotements démangeaient mes pattes, comme si la violence se portait garante de la solution à notre problème. Un coup de patte bien placé, et ne serait-ce pas fini ? J'enfonçai mes griffes dans le sol, les emprisonnant dans la terre meuble, comme si les enfouir permettrait d'enterrer ces pulsions malsaines et dévastatrices.

"Les Étoiles... parce qu'elles ne sont pas là pour dicter notre conduite, nous tenir par la main, que tu les renie? Tu te prends pour qui? Quelle guérisseuse es-tu pour parler d'elles ainsi?? Du vent qui plus est!! Nous sommes les gardiens de la Pierre de Lune ! Notre lien avec eux et sacré et toi tu te permets de le bafouer !! Tu es … décevante..."

Ma voix tremblait de colère... de rage... et de désespoir. Désespoir d'avoir été trahie par ma propre soeur, ma propre soeur qui reniait ses propres ancêtres. La voix de la sagesse, celle à qui j’aurais confié mon âme, ma vie, devenait à mes yeux une voix félonne qui ne pouvait que cracher du venin, une voix à bannir à jamais de mon existence…
Je croisai une nouvelle fois son regard. Les sentiments, les émotions, les souvenirs s’entrechoquaient. Ils s’emmêlaient dans un tourbillon de confusion, tapant, cognant toutes les parois de mon cerveau à en donner un mal de crâne fou. Ce regard… Il me transperçait. Ce n’était plus une simple dispute, c’était une bataille. Une guerre sans aucune pitié où seul l’instinct de survie permettait d’en réchapper. J'explosai et hurlai :
.
"Tu sais quoi Coeur Fleuri???? Si nos Étoiles te répugnent tant? VA-T-EN! » Ma voix se fit dédaigneuse. Les sons créés avaient pour unique but d’infliger de mortelles blessures à mon ennemie. C’était la loin du plus fort. « Oh tiens va rejoindre ces étrangers hideux que tu chéris tant et que tu te plais à défendre... N'ont-ils pas un autre culte qui, lui, pourrait t'éclairer???? "

Je m’étais retrouvée au-dessus d’elle, l’écaille plaquée au sol, moi lui crachant au visage. Au loin, on pouvait entendre la voix de Force de l'Ours qui demandait aux venteux de sortir du camp chasser un peu, plutôt que d'écouter comme des commères. Mais moi, je ne l'entendais pas. Tout était fini. D'amour inconditionnel, j'étais passée à une haine incommensurable... Comme quoi... La frontière entre les deux n'est jamais loin.
C’était un tableau dramatique qui se peignait. Le feu, Étoile meneuse, qui venait étouffer sa source, son oxygène, son liant avec la vie, sous les yeux ou les oreilles estomaqués de tout un clan…