Le froid c'est pas chaud || ft. PETIT BLAIREAU -end

Maman, fatiguée par nos bêtises, nous a mis de force hors de la pouponnière, dix minutes plus tôt. C'est du grand n'importe quoi en réalité, parce qu'on est tout à fait sages. Je suis encore en colère contre ma maman, enfin un peu, parce que dehors et bien il fait froid et on n'est pas en sécurité. En fait c'est surtout parce qu'il fait froid, il y a quand même deux guerriers pour nous surveiller après tout.

Je me suis donc éloignée de ma fratrie pour me réfugier derrière la pouponnière, à l'abri du vent. J'aurais bien voulu jouer avec eux, mais si je ne fais pas attention, mon museau tombera gelé à cause du froid. J'ai prévenu mes frères et sœurs mais ils ne me croient pas. Tant pis pour eux, je ne vais pas risquer de perdre ma truffe, sinon j'aurais plus d'odorat et pourtant c'est toujours utile pour la chasse, plus tard.

Je suis seule dans mon coin, roulée en boule et les pattes sur les oreilles quand quelqu'un me secoue doucement. Ma tête se relève et le froid me saisit vite le visage. Que cette personne se dépêche de me dire ce qu'elle me veut, parce que le froid c'est pas cool du tout. C'est Petit Blaireau, un de mes frères, qui est penché au-dessus de moi, sa la tête toute proche de moi. C'est bête, si j'avais relevé trop vite la mienne, ça lui aurait donné un coup et du sang aurait sûrement coulé, parce que j'ai trop de force. Et si le sang glace, accroché au nez, et qu'on tire dessus, le nez il se décroche ? J'ai bien envie de le frapper pour voir, mais comme ça fait mal et que c'est impoli, je le fais pas.

— Tu veux quoi ? Si tu as peur pour ton nez, je peux te faire une petite place, je suis gentille.

Petit Blaireau il est tout excité, il sautille sur place comme un idiot et c'est amusant à regarder. Par contre ce qu'il dit est moins drôle, parce que ça implique qu'il ne reconnaît pas sa sœur (donc moi, vous suivez ?) et du coup j'ai un peu peur pour sa santé mentale. En plus il me confond avec la neige, mais la neige c'est tout blanc et moi j'ai des taches de couleur. Je vais peut-être devoir le frapper, pour lui remettre les idées à l'endroit : la neige, elle est moins importante que moi, c'est dommage pour elle mais c'est comme ça.

— Maisss heuuu …, je proteste. J'en dis pas plus : il est bête et il ne comprendrait pas, toute façon.

Et puis il continue de parler de n'importe quoi, il dit même que maman va nous manger le museau. Moi, je la connais bien, et je sais qu'elle n'est pas aussi méchante que le froid. Petit Blaireau il veut me faire peur et se moquer de moi, sauf que du coup je le sais et je ne vais pas me laisser faire. Alors je me lève. Le mauvais vent, qui n'est pas très fort mais pas très chaud non plus, me fait trébucher. Mince ! Ça va encore se moquer de moi. Je me redresse vite face à lui, il n'a pas intérêt de rigoler, le petit frère !

—  Tu dis des bêtises en plus !, J'ai mis mon air un peu triste et un peu en colère aussi. Moi je sais que tu mens, et maman elle est trooppp gentille d'abord!

Bah oui, c'est bien pour ça qu'elle est une maman en fait. Et puis comme elle a sept chatons, et que c'est beaucoup, elle doit être sept fois plus gentille que les autres ! Ah oui, et puis avec nos aînés (mais je me souviens plus trop d'eux, donc chuuttt…) ça fait encore plus de gentillesse. Quand même, on en a de la chance d'être ses enfants !

J'ai de la chance d'être la fille de maman oui, mais vraaiiimmmeent pas d'être tombée sur Blaireau comme frère … En plus il a les yeux tout grands ouverts, penser au froid arracheur de museau ça l'amuse plus que ça lui fait peur, je crois. Pourtant, il sent pas son nez se glacer ? Moi le mien j'étais sortie depuis pas très longtemps que déjà je le sentais moins et qu'il bougeait plus trop quand je lui demandais. Mais du coup, peut-être qu'en fait le froid il fait pas tomber le museau mais il se contente de geler pour toujours et à … comment c'est l'expression déjà ? Pour toujours et à tout le temps ! Bah franchement c'est pas beaucoup mieux, parce que au final je pourrais plus l'utiliser non plus.

Je fais ma tête de celle qui réfléchie pendant que Blaireau il accuse absolument tout le monde entier. J'ai l'air hyper super-méga concentrée, avec les sourcils foncés et les lèvres serrés. J'exagère beaucoup pour faire ma tête, à cause du noir et blanc qu'est un peu long à la détente.

— Chuuttt! , je fais sans trop ouvrir la bouche. JE SAIS ! En fait ça sera juste gelé. Le froid il prend la truffe, il la glace, et après c'est plus usable.

Oui, sauf que comme maman elle nous a mis dehors, ça serait sa faute ? Et les guerriers qui nous surveillent, c'est leur faute aussi ? NON, NON, NON ! Je veux pas y croire. Peut-être qu'en fait les grands y sont plus résistants que nous et du coup y comprennent pas trop-trop ce qu'on risque ? Je jette un coup d'œil à Blaireau, qui est le seul à m'avoir écouté dans tous les frères et soeurs.

— Maman et les guerriers y sont pour rien, y savent pas. Du coup, faudrait un abri, mais on peut pas aller dans la pouponnière, parce que maman, bah elle veut pas.

Je vais un plus vers la clairière, pour voir bien comme il faut toutes les cachettes et ça fait "tilt" dans ma tête. Enfin non ça fait pas de bruit dans mon cerveau, sinon ça serait trop bizarre, mais les grands ils utilisent ce mot pour dire ça alors je vois pas pourquoi pas moi. Bref, on a cas aller dans la tanière des apprentis jusqu'à ce qu'on puisse rentrer pour téter. En plus je serais bientôt une apprentie moi aussi donc ça dérange personne.

— Blaireau, Blaireau !J'ai la voix toute contente. On peut aller là, ils sont tous partis s'entraîner !

Je suis moins heureuse quand je vois les deux guerriers au milieu du chemin. C'est sûr, ils voudront pas qu'on y aille.

Blaireau il comprend un peu le problème sans même que je lui dise alors je suis re-contente. Par contre, il est pas super utile : sa seule idée pour pas être vu où trop suspect c'est de faire semblant de dodo. Du coup, mon frère noir et blanc s'allonge sur les cailloux et ferme les yeux. C'est pas intelligent et les guerriers y vont bien se douter d'un truc. Un chaton, ça dort pas dehors. En tout cas, moi je n'ai jamais vu ça. En même temps je suis petite, donc j'ai pas tout vu dans tout le monde. Les guerriers arrivent presque à nous, mais je suis encore sur mes fesses à regarder Blaireau. Du coup, je fais ce qui me passe par la tête : je recule un peu et lui saute dessus avec mon cri de grande guerrière. BIM ! Pile quand les guerriers y sont là.

— YEAAHHHHHH!

J'ai un peu mal à la patte arrière, mais je suis courageuse et je fais comme si j'avais rien. Je suis tombée sur le dos de Blaiblai avec les pattes écartées. Il gigote en couinant un peu, et c'est trooopppp marrant ! Je lève les yeux tout doucement (faudrait pas que les grands me voient, vous comprenez ?) : les guerriers sont là, ils nous regardent. Y en a un qui sourit, mais l'autre il est pas joyeux du tout ! Peut-être que sa maman l'a disputé juste avant . Le pauvre ! Je fais semblant de pas avoir vu les guerriers et j'embête encore Petit Blaireau avec mes pattes. Il ronchonne, pas trop heureux que je l'ai eu par surprise. Je lui mordille aussi l'oreille, pas fort du tout. Quand je lève ma petite tête de nouveau, il y a plus personne.

— On y va, je chuchote à son oreille.

Je cours le plus vite possible, sans regarder si Petit Blaireau me suit. Vite, vite, il faut pas qu'on me voit ! J'arrive devant la tanière des apprentis et je m'arrête un peu. C'est grand, tout cet espace que pour nous deux !

Ici c'est tout grand et en plus c'est joli, c'est nouveau. Y a pas beaucoup de nids. Plus que dans la pouponnière, mais des plus petits. Je trottine un peu avec mes papattes pour voir où est la meilleure place : c'est pour quand je serais apprentie, dans pas longtemps. Moi je sais bien compter, et dans quatre lunes c'est bon. En plus, maman elle a dit que quatre lunes, ben ça passe vite. Du coup je suis contente. Je regarde Blaireau, mais il a une grimace énervée. Oh, il est pas content, lui ? Pourtant on est chez les z'apprentis, alors il devrait ! Non, il est vraiment pas content, même qu'il hurle dans mes pauvres z'oreilles. Il dit qu'il est pas du manger, sauf que moi je le sais déjà. Il est un peu bizarre, pourquoi il dit ça ? Je fais pas trop attention et je secoue la tête, vite, vite, de en haut à en bas. Au milieu de la tanière, y a un joli nid qu'à l'air tout doux.

Le museau tout glacé de Blaiblai il touche ma peau qu'était chaude et du coup je sursaute en faisant « hiii ! ». Il se plaint que ça sent pas bon ici, mais en fait c'est juste différent. Moi je me décale un peu, parce que son nez il encore froid, froid, froid.

— Tu veux quel nniiidddd ? Je vais vers mon futur nid et je m'assois dedans. En plus, il sent bon celui-là ! Je suis Nuage de Edelweiss !

Il est bien mon nid. Pas trop devant et j'ai pas froid. Pas trop derrière et je suis pas seule. Je m'allonge avec yeux ouverts, parce que si je ferme les yeux, ben ils verront plus. Et même que du coup, je saurais pas si la pouponnière elle re-ouvre.