On recommence du début ! ○ Patte de Loutre - end

Enfin une matinée où je peux dormir. Je dois avouer que ces derniers-temps je me sens plus faible que d'habitude. Cela doit être à cause de la mauvaise saison qui arrive à grande vitesse. Voilà déjà de bonnes heures que je me tourne et me retourne dans ma litière juste pour ne pas avoir à affronté le temps extérieur bien que je ne sache pas s'il fait beau ou moche. Mon oreille tique lorsque j'entends mon nom à l'entrée de la tanière :

« Patte de Loutre … Euh … Bonjour … Désolée de te déranger mais on doit aller chasser, du coup j'avais pensé à la rivière, vu que personnellement je suis plus douée pour le poisson que les souris haha, enfin si ça te va ? Je t'attends dehors. »

Comme je ne reconnais pas la voix – et que je tourne le dos à l'entrée de la tanière, je me laisse tourner sur l'autre flanc. Je plisse les yeux et très vite je reconnais la silhouette à contre-jour. Il s'agit de Papillon Blanc, l'ex compagne de Langue Assoiffée. Nous n'avons pas vraiment discuté depuis que l'on se connaît – bien que cela fasse un paquet de lune. J'hésite entre deux possibilités de réponse, soit je la gêne soit je me montre gentil car elle n'a pas déjà l'air très à l'aise de devoir chasser avec moi. Lorsque je veux répondre je me rends compte qu'elle n'est plus là. Je soupire et me lève avant de la rattraper dans le camp :

« Allons à la Rivière alors ! »

Dis-je en baillant avant de reprendre :

« Sinon comment tu vas depuis le temps ? Nous n'avons pas vraiment eu l'occasion de discuter. Et prend pas cet air tout gêné avec moi, je ne vais pas te manger, c'est promis ! »

Le sourire au babine, je prends la direction de la sortie du camp et jette un coup d’œil pour m'assurer qu'elle me suive :

Son premier réflexe est de rire nerveusement et sa gêne s’accentue d’autant plus. Je ne sais pas comment m’y prendre, je ne veux pas la gêner parce qu’elle est gentille mais je ne veux pas qu’elle se braque.

« Ca va ça va … »

Se contenta-t-elle de dire. Je soupire et la suit hors du camp dans un silence presque morbide. On marche et je ne sais plus quoi dire pour qu’elle se lâche. Elle racle alors sa gorge de manière très peu élégante ce qui me fait hausser un sourcil. Elle se décide enfin à parler :

« Oui on n’a pas trop parlé toi et moi … En même temps, vu comment Langue est un moulin à paroles, c’est parfois dur d’en placer une, hein, hahaha … Enfin il est gentil hein mais il parle vraiment trop, tu trouves pas ? Et … Et toi quoi de neuf ? »

J’incline la tête surpris de la tournure de la discussion. Je ne pense pas qu’elle veuille dire du mal de son ami, je comprends très vite qu’elle tente de justifier le fait qu’elle ne m’ait pas parlé. Je ronronne et reprend :

« Il est très bavard c’est vrai, mais cela fait des lunes que je ne lui ai pas parlé. Et pour moi rien de neuf, et toi … J’ai cru entendre que ton mariage approchait ! Hâte de voir la cérémonie ! »

Je ronronne à nouveau et donne un petit coup de museau sur l’épaule de la guerrière. J’aimerai être à sa place et trouver ma moitié. Je soupire et la regarde, un sourire légèrement faux sur le visage.

L'avancée de la discussion ne semble pas détendre Papillon Blanc qui bégaye, hésite et se sent coupable de quelque chose. Patte de Loutre ne comprend pas toute l'interprétation de la guerrière mais il la respecte quand même et essaye de la gêner le moins possible au fil de la discussion. L'adaptation est ce qui permet à une espèce de survivre. La guerrière finit par articuler :

« Ou ... Oui ! Je suis très contente. Pluie est un merveilleux compagnon, il mérite un beau mariage. J'espère que ça se passera bien ... J'espère te voir à la cérémonie, alors. Ça ... Ça me ferait plaisir. »

Surpris, le mâle ronronne et hoche la tête de haut en bas. Bien sûr qu'il sera là à la cérémonie. Bien qu'il ne porte pas Pluie Battante dans son cœur - de part son lien proche avec Taupe - il se doit d'être là pour Papillon. Après tout, ils se "connaissent" et se côtoient depuis des lunes. Un peu de soutient ça fait toujours du bien.

« J'aimerais que tu me parles un peu de toi. Pour ... Pour faire connaissance ? Désolée, je suis pas super douée pour tout ce qui est ... relations sociales, tout ça tout ça ... »

Il ne s'attendait pas à ce que la guerrière s'intéresse à lui. Tellement qu'il ne sait même pas quoi lui répondre. Il se contente de lâcher une blague pour détendre l'atmosphère :

« Je n'avais pas remarqué … Je suis surpris ! Ahaha. Il n'y a pas grand chose à dire sur moi : j'attends un apprenti, je suis seul et dévoué à mon clan. Rien de bien trépidant tu vois … »

Le constat sur sa vie lui serre la gorge. Il est vrai que le mâle a toujours été très seul dans sa vie. Il n'est jamais tombé amoureux et pense pas pouvoir l'être un jour. Il commence à envier le bonheur des autres ce qui le détruit que plus.

Plus la discussion avance, plus la guerrière est gênée. Patte de Loutre ne comprend pas vraiment pourquoi car - de son côté - il met tout en œuvre pour que la femelle se sente à l'aise et puisse discuter librement avec lui. Suite au terrible constat de sa vie, Papillon Blanc semble très gênée et se contente de répondre par un vieux proverbe :

« T-tout vient à point à qui sait attendre ? »

Il rigole. Après tout, ce genre de discussion, il pouvait les avoir qu'avec elle. Elle est tellement maladroite que ça en devient attachant. Après tout, il la connaît depuis tellement de temps et ça c'est toujours passé de la sorte alors … Pourquoi est-ce que ça changerait ? Pour se rattraper, elle reprend :

« Ce-ce que je veux dire … C’est que parfois tu restes très seul très longtemps, alors tu t’éloignes encore plus des autres … mais parfois c’est juste grâce à une personne, un sourire, une phrase que tout s’éclaire, et là tous les petits bonheurs s’additionnent, parce que tu te rends compte de tout ce qu’il y a déjà autour de toi et … Ca règle pas le problème de pas avoir d’apprenti, ou d’être seul, mais ça permet de rester ouvert à tout ce qu’il peut t’arriver de bien. Euh voilà. »

De pire en pire … pensa-t-il. Il ronronne, toujours autant amusé par cette maladresse. Son amie finit par se taire. Si elle pouvait devenir rouge, elle ressemblerait à une tomate. Ne laissant pas le temps à Patte de Loutre de répondre, elle s'excuse :

« Nuage d’Ambroisie ! Je lui ai promis … Il faut que je retourne au campement. A ... Au revoir ! »

Elle tourne les talons et part - en courant - le laissant seul. Il a l'air un peu con comme cela mais il ne le prend pas mal. Cela fait des lunes qu'il connaît la guerrière, il savait bien que leur discussion se terminerait ainsi.