[Épilogue] Retour au Statut Quo [feat. Danse du Cerf] -end

Zénith.

Le soleil lui tape sur la tête, dans les poils d'oreilles, sur le dos - sur toute sa cape de marbrures sombres. Et pourtant l'air est frais, car c'est l'automne. Mais ses coussinets lui font mal et chauffent et ses articulations grincent et il puise de l'énergie d'un puits d'on ne sait où rien que pour réussir à se traîner. Lorsqu'il met une patte dans l'herbe haute, lorsque les arbres, même s'ils perdent leurs feuilles, le couvre de leur ombre, il sort de sa transe et relève lentement la tête pour se situer.

... Il se laisserait tomber juste là.

Sans cesser de marcher, il lève les yeux aux branches.

... Pas l'énergie de grimper.

Mais il trouve la force de faire risette - un faible sourire qui se déforme sur le hoquet de la fin d'un rire d'auto-dérision qui le fait se stopper au beau milieu de la forêt, à mi-chemin entre la frontière et la palissade du campement. Il n'a pas envie de rentrer. De revoir toutes ces têtes qu'il a l'habitude de côtoyer, sortir d'un assaut. Il n'a pas envie de les voir nourrir un sentiment de vengeance contre leurs voisins de la Lande mais c'est là tout le problème d'un sentiment : même si on sait d'où vient sa souche, il croît quand même, et se tord de nœuds de justifications en cherchant, avide, à s'abreuver des rayons d'un soleil de fausse-justice.

Zénith

Danse du Cerf, perché dans une branche d'un grand arbre près du campement, se frottait en ronronnant contre son palace qui lui servait de nouveau nid improvisé. Le soleil calquant son bonheur à la perfection, le matou a l'air débauché se laissait fondre au soleil, la tête écrasée sur l'écorce et les quatre pattes se balançant dans le vide; une position de perfection. Après une extraordinaire nuit où il s'était battu corps et âme, il se sentait aussi aérien que la boule lumineuse dans le ciel bleuté; en vérité, il flottait. Les moindres parcelles de sa carcasse réchauffée repensaient avec extase à ce moment où il avait planté ses griffes dans son ennemi, ou quand il l'avait évité, jouant avec lui pour l'amener vers la crevasse de la mort à chaque frémissement de ses muscles. Il y avait longtemps qu'un aussi beau moment s'était présenté à lui comme dans un rêve.. Suivi d'une parfaite matinée passée à déguster une proie de choix, étendue entre les bras de l'arbre qui était le meilleur gratteur de tout l'univers !

Maiiiis….
Mais.
Mais !

Quelque chose gâchait le plaisir du tricolore. En effet, les moindres plaisirs de sa vie devaient impérativement être partagés à quelqu'un de très particulier. C'était sa tradition envers lui-même, qu'il avait murmuré un soir d'étoiles brillantes -- pour se moquer de celles-ci, certes --, mais ça ne changeait rien au fait que --- Rah ! Où était donc passé ce maudit Coup de Foudre ?! Ne pouvait-il donc pas se réjouir du fait qu'il avait failli tuer un lapin de la lande et qu'il avait explooosé comme une étoile filante dans son combat ?! Tu dois toujours être parti quand j'ai besoin de toi, grogna-t-il pour son propre cas, fronçant les sourcils en se sentant soudainement beaucoup trop maussade.

Son nouvel état attristé et fâché gâcha son beau moment dans son arbre, le faisant grommeler de frustration alors que son visage changeait de forme. Avec la vivacité d'un félin qui venait de passer toute la soirée à se battre, il se décocha à l'aide d'un saut maladroit de son perchoir, se prenant quelques branches dans la gueule avant de s'éclater sur le sol, son corps dans une position un peu bizarre.

Il rigola.
Rien de cassé, au m..
hahaha
Ses oreilles se dressèrent sur son crâne.

Ooooooh ! Mais mais mais, mais ce rire ! Il le reconnaissait, ce hoquet gloussement, même s'il était tout petit et pas du tout joyeux ! De nouveau lumineux comme le soleil du Zénith, Danse du Cerf se mit à trépigner sur place, oubliant tous ses soucis en pensant au fait que son meilleur ami était probablement très proche de lui en ce moment même. Sa première idée fut de crier à tue tête son nom, mais il se sentit soudain pris d'une humeur coquine; il l'avait abandonné pendant toute la nuitée, il pouvait bien le prendre par surprise, mmhh ? Ravi de son petit coup, il se coucha dans la forêt pour glisser comme une couleuvre à travers la végétation, le museau pointé vers le haut pour recueillir des effluves de son éclair sur pattes. Trouver l'origine du fumet ne fut donc pas très difficile, même si celui-ci était mélangé à une autre odeur qui fit déformer son visage d'un dédain de dégoût.

AH !

FouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuUUUUuuuuudre !

S'exclama un cerf complètement surexcité, oubliant tout de suite le fait qu'il voulait le surprendre en le voyant traîner des pattes dans la forêt. Véritable électron vivant, il agrandit sa bouche et ses yeux tout ronds, se mettant à piétiner sur lui-même pour masser le vide devant lui. L'habituelle machine de ronron qui s'allumait à chaque fois qu'il voyait son Foudrou s'enclancha avec un brusque bruit, une avalanche d'amour dévalant de sa gorge comme un vieux moteur qu'on redémarrait; ce fut seulement là qu'il se décida à filer en direction du mâle, le ventre à ras le sol et les oreilles couchées sur son crâne. Ses yeux plissés d'un bonheur si intense qu'il faillit les fermer et s'écraser comme un légume sans âme devant son ami, il débarqua droit devant lui en braquant ses pattes arrières sur le sol, glissant sur l'arrière train pour arriver à une - ET UNE ! - queue de souris devant son préféré de toujours.

— Foudre ! Répéta-t-il, son visage translucide s'ouvrant comme une rivière béate de sentiments positifs. Tu m'as manquééé, dis donc ♫

Il plongea sa tête sous le menton du félin foncé, plus bruyant qu'un arbre frappé par les éclairs; le museau passant dans tous les coins du cou du guerrier, sa queue s'enroulant autour de son corps, il se contorsionna pour encore plus se rapprocher du mâle, son cœur battant d'une immense joie.

— T'as manqué tellement de belles choooooses au clan ! Il y avait une guerre, ils ont attaqués en plein dans le campement, t'imagines, haha ? Et je me suis battu comme une bête pendant touuuute la nuit ! Il y avait du sang, des cris, des boules de poils ET ! s'exclama-t-il en criant le dernier mot, se jetant sur le dos pour fixer son ami d'en bas; J'AI VU TA FILLE SE BATTRE ! En fait, elle se battait pas, non, elle riait je crois, mais en fait euh c'est la même chose parce que j'ai beaucoup ris en cette soirée et que - qu.. Arrêtant soudainement d'essayer de masser le ventre de son ami de ses griffes, il se releva d'un air fâché, son faciès subitement boudeur devant le mâle. Puis, d'un ton accusateur;
T ' é t a i s
o ù
d ' a i l l e u r s ?

Et parce qu'il méritait un dernier câlin, boule de bonne humeur et d'énergie de retrouver son compagnon de toujours, il replongea une dernière fois son museau dans son pelage, soufflant avec bonheur. L'amour avant la colère !

— Ahah Foufou, tu sens vraiment mauvais ♡ !

Là, immobile sous la percée des branches, il voulut se remettre en marche pour atteindre le campement et la tanière des guerriers (car il lui restait bien un nid là-bas) qu'il se rendit compte que plus rien ne bougeait. Ni sa queue, ni sa tête, ni ses pattes, ni l'articulation de ses phalanges et même pas ses babines.

Son corps était immobile, malgré les impulsions nerveuses qui lui électrocutait les membres.

Ses oreilles eurent à peine un sursaut lorsqu'il entendit une voix l'appeler:

« FouuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuUUUUuuuuudre ! »

Et toute la cavalerie d'un seul chat déboula vers lui. Les pattes de Danse du Cerf écrasèrent la terre et son ventre y glissa et sa queue ferma sa foulée derrière en ondoyant comme un serpent entre la végétation qui s'asséchait de la forêt. Il eut un bond en ligne droite et après avoir filé comme une flèche il se freina aussitôt sur les fesses, en glissant par-terre et le vent de son arrêt souffla au visage du bengal qui cilla à peine, même lorsque les cils de son comparse effleurèrent les siens.

— « Foudre ! Les émotions de Danse du Cerf étaient tellement fortes qu'elles avaient l'air violentes, et il arrivait parfois au Bengal de se demander s'il ne s'était pas construit cette personnalité, lui aussi. Son visage débordait de bonne humeur et Coup de Foudre dut légèrement reculer le nez pour ne pas s'en aveugler.
— Tu m'as manquééé, dis donc ♫
— Cer-- il s'interrompit car l'autre alla déjà se ficher la tête sous la sienne --e^erf.»

Incapable de bouger, c'est donc à ravir qu'il prit le soudain rapprochement physique du guerrier snowshoe avec tellement d'énergie qu'il créa une pression dans son cou. Mais la pression, même douloureuse, était agréable, alors Coup de Foudre ferma les yeux pour se laisser masser par les puissants ronrons de son camarade. Bien vite sa tête se sépara de la sienne puisque Danse du Cerf plongea son museau partout dans ses poils, dans son cou - il protesta à peine d'un rire - et dans sa nuque.

— « T'as manqué tellement de belles choooooses au clan ! « Mhm? » Il y avait une guerre, ils ont attaqués en plein dans le campement, t'imagines, haha ? « Ha hah » Et je me suis battu comme une bête pendant touuuute la nuit ! Il y avait du sang, des cris, des boules de poils ET ! Brusquement la tempête de poils contre lui et dans son faciès s'écarta puisque Danse du Cerf se jeta sur le dos pour le fixer d'en bas, tandis que le Bengal s'abaissait de plus en plus comme si ses pattes n'auraient bientôt plus la force de le faire tenir debout.

— « J'AI VU TA FILLE SE BATTRE !

Boule? Coup de Foudre se laissa distraire par les pattes et les griffes qui boulangeaient son corps, se laissant de plus en plus engourdir par la fatigue.

En fait, elle se battait pas, non, elle riait je crois, mais en fait euh c'est la même chose parce que j'ai beaucoup ris en cette soirée et que - qu..

Et Cerf s'en rendit compte.

T ' é t a i s
o ù
d ' a i l l e u r s ?

Coup de Foudre n'avait pas rouvert ses yeux, et son corps tangua un peu vers l'avant qu'il fut retenu par celui de Danse du Cerf qui s'était relevé en pagaille, les poils en aussi mauvais état que les siens, pour se coller à lui à nouveau.

— « Ahah Foufou, tu sens vraiment mauvais ♡ !

Le bengal eut à peine le murmure d'un ronron, laissant tout son poids retomber contre le snowshoe qui le supportait.

— ..... ....... Long. »

Long à expliquer, longue était sa nuit, long était le chemin (autant l'aller que le retour), le temps lui semblait long... qui sait, vraiment, par où il devait commencer. Les poils mi-longs de Cerf étaient confortables et il s'alourdit progressivement contre lui.

Coup de Foudre ressemblait vraiment à un légume inerte. Perdant toute consistance musculaire en dégradé, comme si on lui enlevait sa force de vivre en l'aspirant, il se laissait avec une lenteur soporifique choir vers lui, pour ensuite — aoutch ! — s'écraser complètement sur son corps. Le matou surexcité fit gonfler son pelage en continuant à ronronner, plantant ses griffes sur le sol pour essayer de ne pas tomber à la renverse sous le poids de son ami. Un câlin !

— ..... ....... Long.
— …. Long ! Répéta-t-il après lui.

Il était mystérieux quand il le voulait, tien ! Qu'est-ce qui était long ? Les arbres étaient longs, si on prenait son mot à la base; essayait-il de lui dire qu'il avait fait une course dans les branches pendant toute la nuit ? Mais cela ne faisait pas de sens, non ? Sinon, pourquoi aurait-il des petites coupures et pourquoi, pourquoi puerait-il comme ça ? Perdu dans les montagnes russes de ses pensées pendant une ou deux minutes, il finit par lâcher un gros soupir en plantant plus profondément ses griffes dans le sol, labourant celui-ci alors qu'il glissait vers l'arrière à cause du mâle évaché. S'il ne voulait pas finir en galette, le matou aux yeux de glace allait devoir trouver une technique ! Jetant un regard vers la gauche et la droite, Danse du Cerf finit par trouver une petite place où les herbes n'avaient pas encore totalement perdu de leur moelleuse substance, faisant grimacer le félin;

— Tient bon, Foudre !
Je vais te sauver !

Plus tirant qu'aidant à marcher, il fit avancer son corps et celui de l'autre sur quelques mètres, s'écrasant finalement dans le nouveau lit qui abritait les deux compagnons. Il fit attention à ne pas laisser le corps de l'autre s'écraser avec un brusque mouvement dans leur nouveau palace et amorti sa chute, tout cela en gardant ses habituels ronrons réconfortants. Maintenant couché, il s'approcha de l'autre en passant sa patte arrière sur son flanc, rajoutant celle avant un peu plus haut pour coincer l'éreinté dans une étreinte protectrice. Puis, posant son museau humide sur le front du tricolore, il entreprit lentement, mais sûrement, de commencer une longue toilette de son pelage entremêlé.

— T'es allé attaquer le chlan du vent chur leur territoire, ou choi ? Arriva-t-il finalement à dire, la langue posé sur la fourrure emmêlée en essayant avec ferveur de défaire les nœuds.

... Et progressivement son poids pesa de plus en plus sur son camarade qui se retrouvait maintenant à camper des pattes pour ne pas tomber à la renverse, écrasé. Heureusement Cerf était débrouillard (et désinhibé) : il planta ses dents dans le guerrier engourdi pour le tirer dans l'herbe avec lui.

— « Tient bon, Foudre ! Je vais te sauver !
— Mrf. »

Incapable de se défendre ou de protester, le bengal sentit ses pieds traîner au sol et l'air de sa translation dans l'espace. Puis, il sentit la chute - ni lente, ni rapide, son coude trouva la moelleur de l'herbe puis le reste de son épaule et de son flanc et on le déposa tout doucement sur un lit de ronrons. Coup de Foudre sentit un peu d'air sortir de son nez mais sans plus, il n'eut donc aucun geste lorsque son comparse se précipita sur lui, contre lui aussi, pour le flanquer d'un postérieur et d'un avant-main et se tordre le cou avec vigueur en lui faisant sa toilette. Les crochets de ses lapées étaient si rudes et collants que sa tête n'en finissait pas de dodeliner. Et Coup de Foudre eut un sourire, résigné à se laisser faire, à apprécier autant l'attention que la position. Ce n'était pas les seuls crochets qu'il voulait sur lui...

— « T'es allé attaquer le chlan du vent chur leur territoire, ou choi ?
Les bruyantes secousses du ronron de Danse du Cerf masquèrent les toutes petites vibrations du sien.
— ...Jamais. »

Jamais il n'attaquerait un Clan - pas depuis la Lune Rouge, pas depuis qu'on lui avait prouvé qu'il y avait une alternative à verser du sang sur la terre. Il tendit le cou faiblement, en entrouvrant tout aussi faiblement la paupière, entrevoyant le sombre chat et son demi-masque en face:

— « ... Plus bas...? ♡

— ...Jamais.

Surpris par la vitesse de la réponse de son ami (il était presque sûr que celui-ci s'était endormis sous les coups de langue), Danse du Cerf stoppa ses pourlèchements pour essayer de le regarder en biais. Coup de Foudre était un légume beaucoup plus résistant, à ce qu'il paraissait ! Et un joli, en plus, poussant encore des ronrons - doux, faibles - mais bien présents. Ce seul fait anéanti le reste des mauvaises pensées dans le crâne du félin, le rendant absolument béat et débordant d'un amour qui semblait lui suinter par tous les pores de sa peau. Sa langue reprit donc son chemin du lavage, le muscle s'attaquant à son cou pour ensuite descendre sur le pelage entortillé de son tonnerreux préféré. Moustaches relâchées et queue immobile, le nettoyeur vivait jusqu'aux étoiles cachées la joie qui embaumait son corps, tentant de transmettre celle-ci à Foufou par sa bouche insistante. Comme si l'autre avait deviné son intention, ses yeux éclairs ambrés caressèrent les siens alors que sa bouche s'ouvrait, laissant passer de ce ton que seul lui pouvait avoir;

— ... Plus bas...? ♡

Danse du Cerf gonfla son pelage avec un autre ronronnement, laissant la douceur de ces mots prononcés rentrer au plus profond de lui. Plus bas, mmrrr ? Pétrissant maintenant le ventre du foncé avec modération, il ajouta avec tranquillité une griffe dans le grand massage qu'il effectuait, pas assez profond pour blesser son compagnon, mais ! bien assez pour le titiller.

— Haha... Foufou, t'es pas assez fort pour ça ♡ ! Mais si j'accepte…
Je vais pouvoir savoir ce que t'es allé faire dehors toute la nuit ?

Ses yeux se réduisirent en deux fentes provocatrices alors que les commissures de sa gueule s'étiraient, laissant entrevoir une possibilité de marchandage de son côté. Le matou marbré ne devait pas être très étonné de sa réaction, après tout… C'était lui qui l'avait élevé comme ça, et c'était lui aussi qui lui avait montré beaucoup de techniques en cette discipline qui demandait assurément bien plus que de simples efforts. Mais bon — et il continua le trio de ronron, de palpation et de léchage —, Coup de Foudre allait peut-être simplement s'endormir entre ses pattes qui s'occupaient de lui comme un chef ? De tous les choix qui se présentaient devant son esprit constitués de montagnes russes, il ne voyait que la fin des tours tête à l'envers et des descentes à cent degrés; les réponses à ses questions.

s'il te plaît ?

Sa requête avait fait se bouffir son ami d'une certaine fierté, et d'un certain orgueil, assommant le pauvre bengal reposant contre lui avec le son d'un ronron encore plus fort, joint bientôt d'un massage de la pulpe des coussinets et du bout de ses griffes. Il n'aurait pas pu demander mieux, Coup de Foudre se laissa succomber à l'attaque d'une petite secousse de la patte, un tressaut imperceptible de l'autre, à peine, puis sa tête se versa lourdement sur le côté dans l'herbe en fermant ses paupières.

— « Haha... Foufou, t'es pas assez fort pour ça ♡ !
— Nn... -*
— Mais si j'accepte…

Il voulait tellement sortir les griffes, tellement pousser ses pattes quelque part ou lui rendre ses coups de langue mais voilà qu'il se sentait perdre pied avec la réalité, et en s'imaginant rendre à Cerf tout le poids de ses intérêts sa langue se mouva dans sa bouche qu'il entrouvrit, échappant sa salive par le coin.

— Je vais pouvoir savoir ce que t'es allé faire dehors toute la nuit ?

La dernière chose qu'il vit furent les pupilles de Danse du Cerf se contraindre en deux fentes et son cœur eut un petit sursaut d'excitation, et il brûlait de lui répondre ou le provoquer à son tour mais naaan, tant pis et au Diable tout : lorsque sa paupière se referma et que le soleil s'évanouit derrière, sa conscience en fit de même, dissipant en poussière le Cri du Monstre, l'attaque du blaireau sur sa cuisse, les railleries de lui et son apprenti contre la Lande du Clan du Vent " qui n'était pas si mal " et même les évènements de la veille, cette nuit, à se retrouver coincé avec Étoile d'Or...

Il eut comme un sursaut - comme un hoquet, ses poils se hérissant à son insu en revivant le sentiment de presque noyade qui avait failli avoir raison de lui mais il s'apaisa bien vite sous les minuties de Danse du Cerf. Ses pensées se décousaient, il s'entendit expirer en laissant le soin à son camarade de tout (lui) faire...

« Alors c'est la lande qui me quittera, Coup de Foudre ! C'est la lande ! »

Danse du Cerf enserra avec quiétude ses pattes autour du mâle alors qu'il penchait sa tête vers lui, l'observant tressauter et ouvrir la bouche pour laisser passer quelques filets de salives sur son pelage. Loin de trouver ce fait horripilant, le matou aux yeux de glaces poussa un léger ronron, caressant le front de Coup de Foudre de sa mince queue; les questions pouvaient attendre après le sommeil de son ami, pas vrai ? Il était extenué, et cette fatigue se transmutait à lui comme une lourde vague, le rendant presque aussi rabattu que le guerrier à demi endormi sur lui. Mais - et il se fit la promesse, terminant la toilette du quadrupède avant de reposer sa tête contre le sol -, il n'allait pas fermer l'oeil avant de voir son préféré léguer son âme à Morphée. Il pouvait bien baver un peu contre lui et se blottir contre les courbes de ses muscles surmenés qu'il ne rouspèterait pas, comprenant que l'autre avait enfin besoin de ne plus s'agiter partout. Même les plus brillants astres avaient besoin d'arrêter d'illuminer le ciel parfois, n'est-ce pas ? Ce fut donc d'un discret mouvement qu'il s'approcha de l'oreille de Foufou, lui glissant de sa voix mélodieuse et gracieuse;

— Ça attendra demain…
Repose-toi bien, je serai là à ton réveil ♡

Puis le dernier réveillé s'approcha une dernière fois de son compagnon, s'emboitant comme une pièce manquante dans l'espace délicat du félin. Les deux mâles allongés au sol, assemblés parfaitement comme la lune dans un ciel nocturne, poussèrent un dernier soupir collectif avant de s'assoupir, la tête du matou expressif reposant d'une caresse sur le front de l'autre. Et avant de se léguer aux ténèbres, une dernière parole…

— et pour encore longtemps.