take me on a roadtrip -end

et ils avançaient
péniblement et
au fil de toutes
leurs pensées qui
s'entrechoquaient

Un grand tapis de brume se déroulait sous leurs pattes douloureuses, comme une allée pour les deux corps couronnés de laurier désintégrés. Au son des pattes de ce duo de victorieux qui marchaient péniblement sur la surface, le soleil s'était levé avec un grand bâillement, colorant le tout d'une myriade de couleurs particulièrement étincelantes. Alors qu'on aurait pu comparer les deux félins a des marionnettes brisées divaguant sans but, le ciel au-dessus de leurs têtes en avait décidé tout autrement; ses rayons caressaient avec douceur les arbres et son haleine soufflée coloriait les nuages de rouge et d'orange, les sentiments de la voûte se fichant avec amabilité dans les yeux du jeune fils des bourrasques. Épuisé par sa longe journée et soirée, boitant et agrémentant la marche de longues ouvertures de sa mâchoires, il traînait la pattes depuis quelques minutes déjà. En effet, la puanteur du chemin du tonnerre et la fatigue de la bataille l'enserrait peu à peu, enroulant ses pattes et lui chuchotant à l'oreille douceur et invitation pour le forcer à se coucher un instant dans l'herbe moelleuse en contrebas.

— Huumpf..

Les prunelles de Nuage du Vent, perdues depuis plusieurs minutes dans ce lit qui l'appelait avec vivacité, finirent pas se poser avec supplice sur le corps de son camarade. Il ne voulait pas retarder le chemin, mais était trop éreinté pour même faire un pas de plus; le seul choix qui se montrait à lui était de s'écraser dans les fleurs et de dormir sans jamais se réveiller. Suivant donc le fil de ses pensées moelleuses, il s'arrêta soudainement en hérissant son pelage, se laissant tomber dans un grand bruit mats sur les plates-bandes à côté de lui.

— Coup de.. Foudre.. Je peux m'arrêter un instant ? Je suis vraiment fatigué..

La tête enfoncé dans un bouquet d'herbes à l'odeur nauséabonde (tout empestait le monstre), le petit poussa un long soupir, remuant avec difficulté ses muscles endoloris. Ceux-ci tempêtèrent avec des grognements à la suite de ce petit mouvement, prouvant au rouquin qu'il devait effectivement prendre le temps de respirer une minute ou deux. Clan des étoiles, ce que sa tanière lui manquait ! Il trouva néanmoins le courage de relever son crâne perdu entre les pétales blanches, le cou tout tordu pour lâcher;

— Comment tu as connu Museau Bleu, au juste ? Je t'ai pas demandé…

Avec un peu de chance, ce serait une histoire longue et son repos encore plus bienfaisant…

Stac-clic stac-stac  clic stac-clic stac-stac  clic
sta cca tto

de griffes
sur l'a sphalte

causant tics
aux oreilles
du du o

À quoi il avait pensé?...

Huff...

À quoi il avait foutrement pensé pour se convaincre que c'était une bonne idée en ce moment de se torturer aux clics et aux tics de cette longue expédition sans explic  ation du chemin du tonnerre? --Ça recommence...

— « Coup de.. Foudre.. Je peux m'arrêter un instant ? Je suis vraiment fatigué..

Non il voulut lui dire, mais tout ce que son corps entreprit fut un las pivot d'une patte pour tourner lourdement sa tête et peser un regard sans conviction sur le petit qui-- et il s'était déjà couché dans l'herbe, piquant de frustration le Bengal qui fit le tour de la carte du ciel des yeux en poussant le grognement d'un râle ce-faisant.

— UUUUuuuGGGhhHHHHHhh. »

Mais maintenant qu'ils s'étaient libérés des cliquètement de leurs griffes contre le chemin il put inspirer une brève bouffée de liberté. La fatigue le prenait de partout et son masque faisait peine à voir dans sa face - il cherchait à sourire et à jouer les sereins qui avaient toute leur patience mais ses commissures s'étaient crispées, asymétriques, ses narines s'étaient dilatées pour se permettre une meilleur amplitude respiratoire et ses paupières se plissaient par intermittence - même ses sourcils ne savaient plus où se placer, où s'arquer ou ou se froncer. Puisqu'il s'était arrêté cependant toute la force cinétique de sa détermination lui tomba dessus comme un poids et il posa son gros fessier par-terre, les épaules basses.

— « Comment tu as connu Museau Bleu, au juste ? Je t'ai pas demandé…
— Comment j'ai quoi?...

Perdant le fil, le bengal ronfla de mécontentement, avant de chuinter:

— Eh, dis voir, les Terres d'la Rivière sont juste à côté, t'es sûr que t'as pas envie de, je sais pas, te convertir pour aller vivre avec Mumuse? Ça s'rait pas génial??

On s'verrait à la frontière, tu boufferais d'la tanche pendant que je m'enfile un écureuil ou ta mère, vraiment, qu'est-ce qu'elle a d'SPÉCIAL ta LANDE,  heing ???

Sa plainte fit s'envoler à tire d'ailes quelques oiseaux qui chassaient les vers appâtés par la moiteur de la rosée du matin.   Oh.   Adieu déjeuner.

— Comment j'ai quoi?...

Nuage du Vent, la tête étendue comme un vieux membre mort dans les fleurs, remua le bout de sa queue comme réponse à celui qui avait rebondit sur sa question. Son museau contre une pétale cristalline et ses paupières lourdement décidées à couvrir ses prunelles, ce seul mouvement lui enleva toute l'énergie qui restait en son corps vidé de vie. Et s'il.. Se permettait une petite sieste de seulement quelques secondes.. Une respiration dans le noir, puis une autre.. Seulement le temps de farfouiller un peu dans les beaux rêves d'écureuils et de landes, — oh, mais en était-ce un, là-bas, qui grignotait une noix prêt d'un buisson d'ajonc tout jaune ? Mais oui ! Rempli d'excitation, Nuage du Vent trottina avec joie pour aller l'observer, ravi de voir que la petite bête ne bougeait pas alors que son lui lourd semblait faire plus de bruit que trois orages en même temps. Penchant sa tête rousse vers les deux oreilles, il exécuta un grand sourire étincelant en claquant sa mâchoire pour attirer l'attention du rongeur; celui-ci releva avec un brusque mouvement son visage, mais… Des yeux jaunes et d'énormes poils lui sortaient de ses oreilles alors qu'il grossissait, grossissait et hurlait en écartant ses dents pointues et son corps massif pour crier;

— Eh, dis voir,
les Terres d,la Rivière sont juste à côté, t'es sûr que t'as pas envie de,
je sais pas, te convertir pour aller vivre avec Mumuse? Ça serait pas génial??
— hhhuu ?

Les pattes en l'air, le cœur battant la chamade et les yeux écarquillés, sa tête finit par ressortir du buisson de fleurs blanches alors qu'il tentait de se calmer, mais —

— On s'verrait à la frontière, tu boufferais d'la tanche pendant que je m'enfile un écureuil ou ta mère, vraiment, qu'est-ce qu'elle a d'SPÉCIAL ta LANDE,  heing ???

Un clignement d'yeux accueillit la fin du discours de Coup de Foudre, son compagnon roux l'observant sans rien dire et orné d'un air étrange sur le visage. La vision de l'écureuil aux poils d'oreilles foisonnants et à la taille de trois gros arbres empilés l'un par dessus l'autre se répercutait dans son crâne comme une balle de ping pong, le rendant inapte à analyser les phrases emplies de venin du bicolore serpent; mais que disait-il donc ? Un ricanement le prit soudainement à la gorge alors que son corps se secouait sous des spasmes de plus en plus violent, un rire détraqué l'envoutant alors que tous ses muscles hurlaient de douleur sous la joie éphémère du petit apprenti. Pris de panique devant son rire qui avait éclaté sans préavis, des larmes vinrent bien vite s'ajouter au combat de ses émotions, le fils du vent se déchirant les pleurs et le rire en regardant son compagnon à travers le filtre flou de son regard mouillé. Hoquetant, frustré et hilare, il finit par grogner, sa tête vacillant sous les vapeurs horribles du chemin du tonnerre, sous la faim et la fatigue — agrémenté de douleur et d'un énorme sourire;

— C'est vraiment la.. Il s'étouffa avec son sanglot
C'est vraiment la pire lande du.. du... du m-MONDE

L'écho de sa plainte se réverbéra dans ses oreilles et raviva un tic dedans et Coup de Foudre abaissa sa tête, vidé, vaincu, atterré, et prêt lui aussi à aller se rouler dans l'herbe s'il vous plaît. Ce n'était pas le seul à être au bout du rouleau, son compagnon non plus ne savait plus contrôler ses émotions alors au lieu de les vivre poliment, une à la fois, il les vécu tout en même temps en riant et en pleurant et en hoquetant - confondant le pauvre Bengal à tête cassée qui tourna cette-dernière pour observer d'une curiosité morbide ce rare spectacle.

— C'est vraiment la.. Il s'étouffa avec son sanglot
C'est vraiment la pire lande du.. du... du m-MONDE

Coup de Foudre se hissa sur ses quatre pattes pour se traîner à l'accotement où était tombé le petit soldat, venant le bousculer d'une patte.

— Mais c'est, mais c'est TA lande, t'as bien l'DROIT d'l'aimer, TA lande ! Moi c'est la forêt que---*

Sa voix mourut dans sa bouche et ses yeux s'arrondirent dans sa face et ses moustaches eurent un rebond car de la forêt les avait effectivement suivis--

— Vent.

Coup de Foudre eut un mouvement de recul, enjambant maladroitement l'apprenti à moitié endormi. Il manqua de tomber, se rattrapa sans grâce, pila sur place et balaya les herbes d'un swish et d'un autre de la queue et ses babines se retroussèrent:

— vENT VENT VENTVENTVENT    LÈVE-TOI BORDEL, VENT.

Car à une distance de quelques longueurs de queues s'était réveillé un blaireau - un putain de blaireau, frais d'une bonne nuit de sommeil et dispo, et son petit déjeuner à lui s'étant visiblement manifesté sous la forme d'un bengal fatigué et d'un petit rouquin déjà blessé. Et la nature était aussi opportuniste que lui alors déjà il se lançait vers eux « Pas encore !!! »

Coup de Foudre caracola sur place pour motiver ses membres à s'échauffer mais après hier? Après hier il n'avait plus le moindre carburant pour s'échapper. Un éclair de génie (c'est à dire, pas du tout) le prit soudain alors il héla à l'apprenti:

— « Surtout ne perd pas ton temps à essayer de le séduire, t'as compris ?!   Magne-toi !!

Le petit apprenti — ou plutôt le minuscule chaton, la barrière était mince en cette matinée — hoquetait avec une concentration presque dramatique en tentant de reprendre son rare air, trop fatigué pour même énoncer une autre parole. Les fleurs écrasées sous son corps devenaient encore plus attrayantes après le dernier effort d'évacuer ses larmes brûlantes, car ce fut la goutte d'eau de trop; tout ce qu'il voulait, c'était s'échouer dans l'herbe et roupiller jusqu'à la nuit. D'un froncement de sourcil rageur, il décida alors de se recoucher comme déni contre la vie, posant rageusement sa tête contre le sol au son et au mouvement des pattes du matou;

— Mais c'est, mais c'est TA lande, t'as bien l'DROIT d'l'aimer, TA lande ! Moi c'est la forêt que---

Un long espace glissa entre son dernier mot, le rouquin grommelant silencieusement entre ses moustaches pour s'apprêter à riposter à ce que l'autre allait dire. Non, les landes, il ne les aimaient pas ! Non, non, et encore non !

— C'est franchem…
— Vent.

Dans les limbes du repos et de l'envie de se recoucher, il réussit néanmoins à relever un tantinet sa tête, se rendant compte que la voix vibrante du mâle avait changé de ton. Au fin fond de sa parole mélodieuse, une lueur qu'il reconnaissait bien avait pointé le museau: un grincement bien spécifique… Qui ne présageait rien de bon. Son intuition se confirma alors qu'il lâcha un '' Aie ! '' quand Coup de Foudre l'écrasa, puis se mit à s'activer comme le faisait parfois Crocs Nacrés quand il était angoissé;

— vENT VENT VENTVENTVENT LÈVE-TOI BORDEL, VENT.

… Sauf que ce n'était clairement pas le même genre d'angoisse. Bondissant comme un ressort sur ses quatre pattes, il se glissa prêt du tonnerreux en s'accotant sur son corps, son cœur battant la chamade dans sa cage thoracique. Même s'il était extenué, tanguait de son effort pour se lever et mourait presque d'une faim urgente, son odorat ne lui mentait pas… Quelque chose de plus, ou plutôt quelqu'un, était arrivé en ces lieux. Et s'il avait pu faire une erreur sur l'effluve, il ne pouvait maintenant plus se mettre la tête dans le sable comme une grosse autruche.

Parce qu'il y avait une énorme bestiole qui les regardait
Et qui… Lentement… Prenait de la vitesse
« Pas encore !!! »
Et s'élançait vers les deux chats
Trop vite

Son cerveau lançant un long '' biiiiip '' tant l'information n'arrivait point à circuler, il resta là, gueule entrouverte et yeux écarquillés en observant le machin blanc et noir accourir vers eux. Mais qu'est-ce qu'était donc cette ignoble créature ?! À la vitesse qu'elle battait pour arriver près des deux, il aurait dû se douter qu'elle n'était point là pour taper une petite discussion, mais l'adrénaline ne frappa pas tout de suite son vieux corps délaissé. Il se mit donc à marmonner en vitesse des prières déconstruites, fermant avec violence son regard en laissant ses pensées divaguer vers les étoiles. clan des étoiles clan des étoiles clan des étoiles clan des --

— Surtout ne perd pas ton temps à essayer de le séduire, t'as compris ?!
Magne-toi !!

Se réveillant à la voix du plus vieux, il ébouriffa avec violence son pelage en feulant violemment, reprenant son instinct de survie par le même coup. Son épaule blessée le lançait beaucoup trop pour une course rapide, mais il pouvait au moins trotter en gémissant de douleur; ce fut donc ce qu'il fit en s'activant derrière le tricolore, ne trouvant même pas le moyen d'analyser le fait qu'il avait inclus '' séduire '' dans cette situation complètement folle.

— Et, et, hhhh (il haleta un bon coup), t-t'as une idée ?? Grogna le mâle alors qu'il jeta un coup d'oeil derrière lui ---- FouuuDREEE ? Je voudrais pas PAS ÊTRE NERVEUX MAIS IL se rapproche PLUS VITE QUE nécESSaire.. S'exclama-t-il en ne s'occupant point de sa voix montant dans les aigues. Puis enfin, il dérapa contre la chaussée brûlante à ses coussinets; …
MAIS.. pourquoi ON S'ENFUIT DE CE CÔTÉ ?!!!





on va mourir ici, pas vrai?

Nuage du Vent lui fonça dessus avec la légèreté d'un pétale de fleur et Coup de Foudre y réagit en sortant l'épaule et une cuisse pour entourer l'apprenti de sa queue, fixant ses yeux sur le prédateur qui leur fonçait dessus. Aucun poil de son dos ne s'était levé, aucun feulement ne lui avait échappé de la gueule - sans préambule il se saisit de la joue de l'apprenti pour le tracter devant lui et lui pousser la croupe d'un coup de nez.

— « Et, et, hhhh, haleta Nuage du Vent en se mettant à trotter, vite suivi du Bengal qui ne lâchait plus du tout des yeux le prédateur qui s'approchait. T-t'as une idée ??
— ... Tsk.

Alors, une idée. Pour un chat qui avait d'habitude la tête froide (lire: 18h de repos!!!) les idées ce n'était pas ça qui lui manquait, mais en ce moment sa tête valsait violemment entre tenter le tout pour le tout et se battre (et les chances n'étaient pas de son côté) ou se laisser tuer, quoi, c'est bon, ils avaient eus une belle vie...       ...Nuage du Vent est un apprenti.       ...J'ai dit belle, pas longue.

— « ---- FouuuDREEE ? Je voudrais pas PAS ÊTRE NERVEUX MAIS IL se rapproche PLUS VITE QUE nécESSaire..
— La ferme ! le mordit le Bengal sans se rendre compte que lui comme l'apprenti trottinaient en diagonale sur le chemin du Tonnerre en s'éloignant de la sécurité du rebord.

Son protégé n'en manqua pas une pour lui relever:

— MAIS.. pourquoi ON S'ENFUIT DE CE CÔTÉ ?!!!
— VENT --, mais le Bengal s'interrompit et toute l'urgence de la situation s'était dissipée d'un seul coup dans son esprit.

Les mécaniques tournaient - autant celles physiques que psychologiques et l'engrenage en marche lui fit soudain constater toute l'étendue de leur situation. Qu'ils étaient pourchassés par un blaireau affamé? Ça allait de soi, mais pas seulement. Aussi il fouilla les alentours d'un œil expert à la recherche d'un arbre et soudain fut frappé d'un souvenir.

Attention, un souvenir, alors que son esprit peinait à raisonner depuis tout les efforts dépensés la veille, ne voulait rien dire de concret: ses yeux lui dépeignirent le portrait abstrait d'une scène près du chemin du Tonnerre où il s'entendit rire, en hauteur, dans le confort d'un arbre, mais l'arbre n'était pas important -- en contrebas il se rappelait avoir vu Mistigris poursuivi d'un éclair fauve qui jailli de l'orée et aussitôt Coup de Foudre émergea de son souvenir pour faire volte-face et bander les muscles, le souffle court. Stategy Shift.

Les chiffres et les probabilités s'écrivaient devant ses yeux et il les baissa pour analyser la terre noire et nauséabonde du chemin du Tonnerre, mais aussi les empreintes laissées par les monstres dessus.

— « Vent. Son ton s'était fait ferme, lui jetant à peine un regard en biais. L'obscurité du matin fit reluire un éclat anis dans ses yeux: Mets-toi exactement derrière mes jarrets et couche-toi sur le ventre, serre ta queue entre tes pattes, et pour l'amour des Étoiles, quoi qu'il arrive,

ne  bouge   plus. »

Il attendit qu'il obéisse - lui, il avait mieux à faire.

Il ne pourrait pas attaquer le Blaireau comme il se devait mais peut-être pouvait-il l'effrayer un peu ou le ralentir, leur économiser du temps. Brusquement Coup de Foudre s'avança en pas de chassé vers le Blaireau pour le surprendre -- il n'y avait pas de peur dans ses yeux -- il n'y avait même rien du tout, que les froids calculs d'un individu dont l'émoussement émotionnel et l'absence de conscience lui étaient enfin utiles.

Comme les chiens la veille, le blaireau n'avait aucun éclat de lucidité dans les yeux. Il ne vivait pas en société dans un clan de blaireaux, ne connaissait rien d'autre que l'opportunisme comme tout le reste des animaux... Cependant, de s'attaquer à un chat qui n'eut près d'aucune réaction devant lui qui galopait vers eux le décontenança un peu - plus encore lorsque ce même chat se précipita vers lui. Pataud, le mustélidé recula sa tête, claqua ses dents dans le vide avant de s'étirer comme un ressort et de tenter de le griffer - mais Coup de Foudre la vit : l'impulsion électrique dans les hydrauliques de son muscle pour le faire sursauter à son ordre et compléter son attaque. En limitant les mouvements il esquiva d'un pivot comme un toréador son taureau, provoquant l'animal non pas en lui décochant un coup (il n'en avait pas l'énergie) mais en tendant son cou pour lui chiper une bouchée de ses poils.

Un grognement du nom de vent fut tout ce qui sorti de la gueule de Coup de Foudre avant qu'il ne se balance dans l'instant '' déconnecté '', arrêtant de parler pour fixer le vide sans autres informations. Hu ? Était-ce la finalité de son plan magique ?! Paniqué, le visage du petit se déforma alors que le bruit des pas du blaireau se rapprochait, ses pupilles se dilatant alors que le rouge de ses veines venait prendre de plus en plus de place dans son blanc: l'on aurait dit un animal pris au piège, ses oreilles rabattues sur son crâne et son regard divaguant vers le haut. Clan des étoiles, qu'avait-il fait pour se ramasser dans cette situation ?! Était-ce à cause de la guerre qui avait éclaté dans le tonnerre, ou juste parce qu'il le méritait ? Ses moustaches hérissées vibraient d'incompréhension et sa queue bougeait avec de brusques mouvements, prouvant que son corps reprenait le dessus; son esprit, par contre, était aussi mort que celui de son compagnon… Jusqu'à ce qu'il fasse volte face.

— Vent. Le matou roux releva ses yeux écarquillés vers son aîné, trouvant un masque qui ne vibrait que de sa propre peur dans ses yeux vitrés. Comment faisait-il pour ne pas fuir plus loin que jamais -- et plus vite que ça ?
Mets-toi exactement derrière mes jarrets et couche-toi sur le ventre, serre ta queue entre tes pattes, et pour l'amour des Étoiles, quoi qu'il arrive,

ne  bouge   plus.

un silence se glissa entre les deux corps
un clignement d'yeux de nuage du vent
son cœur dans sa cage qui battait trop fort
et le visage, un miroir brisé sur les yeux de l'éclair

— Ok.

Il traîna ses pattes d'un air détaché, exécutant les demandes du mâle en sentant son ventre se crisper d'une angoisse nouvelle. Au fond de son être, il savait très bien ce que ce tricolore voulait faire, même s'il essayait de rejeter l'idée le plus loin possible de son esprit; ce ne pouvait pas vraiment être ça, pas vrai ? Mais alors qu'il se tapissait sur la surface irritante, immobile et la queue coincée sous ses pattes bizarrement calmes, il ne put se mentir encore une fois de plus. Il était. Au milieu. Du chemin du tonnerre.

Au milieu du chemin du tonnerre !

Là où plusieurs quadrupèdes des clans avaient péris ou avaient tout simplement disparus, là où il avait échappé à la mort une première fois -- pour ensuite y retourner se faire tuer ! Clan des étoiles, mais bon sang, bon sang, pourquoi ? Ce mâle était complètement éclaté s'il pensait… S'il pensait pouvoir faire… Un haut le cœur remonta en vitesse dans le corps du jeune, celui-ci plissant ses yeux pour fermer sa vision du monde et retenir le dîner qui ne demandait qu'à sortir. Plus loin, ses oreilles pouvaient capter les crissements de griffes et les grognements agressifs de ce gros animal bicolore, mais Nuage du Vent n'avait pas envie d'apercevoir ce spectacle. Coup de Foudre allait se faire tuer, pas vrai ? Il allait rouvrir ses yeux et le cadavre pourri de son nouveau compagnon allait se matérialiser comme celui de cette Vent du Désert, les mâchoires de cette créature allait se refermer dans un dernier supplice sur lui —

broummm
Nuage du Vent rouvrit ses yeux.
broummm
Ses pattes avaient commencées à trembler.
broummm
Mais point par sa peur; non, plutôt…
broummm
Par un tremblement qui faisait vibrer
broummm
Tout son corps en même temps.

un monstre.

et pas qu'un petit. Car, même si le membre du clan de la forêt lui avait demandé de ne pas bouger, il ne put se retenir — il pivota avec une lenteur spectrale sa tête, quittant les deux combattants pour fixer un point derrière lui. Loin là-bas, comme un mirage qui grossissait de plus en plus, se matérialisait une forme immense, scintillante au soleil; le jaune de sa carapace brûlait ses yeux et une horrible puanteur augmentait, mais... Quelque chose clochait. Car ce truc n'était pas normal. La bête qui avait failli le tuer, avec sa mère, était énorme, certes !, mais ne faisait pas plus de trois gros buissons empilés l'un par dessus l'autre. Lui… Lui… Lui en faisait au moins 10 ! Énorme, grinçant et long comme un arbre, il s'approchait vers les trois âmes de plus en plus vite, ses yeux de glace noir le fixant en exécutant un énorme et lugubre

bIIIIIIIIIIIIMP

— Merde.
fut tout ce qu'il trouva à dire.

Pas vraiment au milieu, mais pas sur le bord non plus. Il l'avait installé pile au milieu d'une voie, pile entre deux grosses empreintes marquées dans la terre noire. Il tourna autour de son adversaire pour se mettre dans un angle-mort derrière, l'animal musqué peinant à se tourner assez vite pour l'attraper. Coup de Foudre profita de sa position pour regarder Nuage du Vent, puis plus loin derrière l'apprenti où le soleil se levait, puis par terre à ses pattes en y pianotant des griffes car la terre s'était mise à vrombir de plus en plus fort. Il darda son regard dans celui du blaireau sans ciller - parfait.

Le vrombissement devint un tremblement et il zieuta rapidement sur l'apprenti pour s'assurer que ce-dernier n'avait pas dérogé de sa position initiale -- et soudain l'ombre. L'ombre en contre-jour les recouvrit une seconde en les surplombant de toute la hauteur de sa carlingue et Coup de Foudre voulut s'empresser pour se décaler et se mettre dans son chemin mais son geste se fit trop tard - le blaireau lui faucha la cuisse, Coup de Foudre alla paître dans la terre noire en roulant sur une épaule, les quatre fers en l'air, mais son cœur ne s'affolait pas à cause de la peur, non : électrisé par l'adrénaline il donna un vif coup de hanche dans le vide pour se juxtaposer à quelque degrés près--

« Merde. »

Et lorsqu'il vit le blaireau lui sauter dessus avec toutes ses dents les grosses Côtes du monstre lui bloquèrent la vision du ciel en les aveuglant tous les deux et en les assourdissant des décibels de son hurlement. Entre le fumet du blaireau, la fumée du Monstre, le crissement de l'impact, les grosses secousses dans la terre - Coup de Foudre se sentit galvanisé en inspirant lentement son air, secoué de petits chocs de plaisir dans les moindres recoins de son corps.

Quelques battements plus tard le ciel réapparut ; le Monstre disparut, poursuivant sa course-folle, sans ne jamais savoir que deux chats étaient étroitement passés entre ses dix roues pour achever un blaireau - ou ce qu'il en restait, grossièrement étalé sur le chemin du Tonnerre comme du beurre encore froid sur une rôtie.

Encore sourd et immobile, Coup de Foudre eut cependant un rictus en songeant à tout ce qu'il ferait à Mistigris en rentrant - sans le savoir, ce-dernier venait de leur sauver la vie.