Vraiment fatigué (avec Hibou Nocturne) - end

Il était lâché seul dehors ce jour-là parce que paraissait-il que sa mère en avait marre ! Quelques minutes auparavant, Petit Renard l'avait un peu énervé en gagnant trois fois de suite à cache-cache, alors ils avaient rapidement commencé à se bagarrer, en bons chatons, sans se blesser, mais avec hargne, jusqu'à ce que Perche Farouche décide de rentrer Petit Renard.

" Vous me faites honte. " reniflait la reine en laissant là le chaton blanc qui avait essayé de lui tirer les poils des pattes avec sa petite patte grise.

Il décida donc d'explorer le camp. Peut-être y trouverait-il, avec un peu de chance, Nuage de Quartz ou Nuage de Nuit. Celui qu'il recherchait particulièrement, c'était Pluie Battante, son parrain à qui il adorait faire peur. Immense, ce guerrier avait le don de le mettre à l'aise.

Mais alors qu'il restait tapi à l'ombre du saule pleureur auprès duquel les grands pouvaient assister aux assemblées, ce fut quelqu'un qu'il ne connaissait pas qui fit mine de s'approcher de lui. Un très grand, plus grand que Nuage de Nuit.

" Qui t'es, toi ? " lança le chaton, recroquevillé, en dévisageant l'inconnu.

S'il était plutôt effrayé, il s'efforçait bravement de paraître curieux, et légèrement réprobateur. Un peu comme les grands quand ils avaient de bonnes raisons de se méfier de lui. On cachait sa trouille comme on pouvait.

Je revenais de l'antre du guérisseur, prévenant Nuage des Ruisseaux de mon énième nuit sans dormir, regardant donc les Etoiles pour passer le temps et panser le manque de mes soeurs et de mon demi - frère. Avant de dormir cette nuit, je devais alors passer chercher des graines de pavot en espérant qu'elles m'emportent dans le monde du sommeil cette fois. Je ne pouvais pas trop en prendre en plus, l'apprenti guérisseur faisait bien attention que je ne devienne ni dépendant, ni résistant à ces petites graines de sommeil. Sauf que la fatigue dont j'aurais besoin le soir m'assommait en plein jour. Je me baladais dans le camp, les pattes traînant par terre. J'avais de telles poches sous les yeux qu'elles pourraient traîner à terre elles aussi je pense. Je m'arrêtai un moment pour lâcher un grand bâillement. Mâchant deux trois fois dans le vide pour me réveiller, je clignais exagérément des yeux pour le même effet. En faisant ça, je fis enfin la mise au pont de ce qui était devant moins. Mon regard détacha la silhouette grise, touuute petite. La petite boule de poils parla, demandant mon identité. Je plissai les yeux, réfléchissant à quel était le nom du chaton. Je traînais tellement peu près d'eux pour ne pas les contaminer que depuis la portée des Cailloux, je ne connaissais pas leurs prénoms, et vaguement de qui ils étaient les enfants. Je toussai un peu pour avoir la voix moins rauque. Par contre elle état toujours fatiguée.

" Moi c'est Hibou Nocturne. Le plus souvent je joue à cache cache dans l'antre du guérisseur, c'est normal si tu ne me connais pas, je veux pas être trouvé. "

Vivement que je joue à cache cache dans les Etoiles pour ne pas importuner des petits plein d'avenir avec mes maladies..

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" Moi c'est Hibou Nocturne. Le plus souvent je joue à cache cache dans l'antre du guérisseur, c'est normal si tu ne me connais pas, je veux pas être trouvé. "

Patte Grise se demanda un moment à quel point le grand se moquait de lui. C'était rare d'en entendre dire qu'ils jouaient à cache-cache, en encore plus rare lorsqu'ils n'avaient pas l'air de plaisanter. Mais bon, un grand comme lui... de toute façon ça peut pas se cacher, ça dépasserait forcément toujours un peu quelque part.

" Ouais ben te moque pas de moi ! " lança le chaton en arquant le dos pour paraître plus impressionnant. Non, ce Hibou Nocturne n'avait pas tellement l'air de vouloir lui faire du mal, alors il pouvait bien essayer de l'impressionner un peu. Le ton bizarrement dur, il reprit : " De toute façon des comme toi j'm'en fais tous les matins, t'as même pas l'air costaud. "

Et à ce moment-là, alors qu'on s'attendait presque à le voir courir après sa queue pour prouver sa prétendue force, son air méfiant et sévère disparut et il eut l'air de se rappeler d'un seul coup de ce que le guerrier venait de lui dire.

" Attends quoi tu vas chez le guérisseur ?! "

Quelques souvenirs remontaient en même temps que le mot "guérisseur".

" Mais ça sert à rien ! Il a même pas réparé la bouche à papa ! Il est nul d'abord ! "

Violence gratuite de la part du chaton qui avait imaginé, plus que constaté, la façon dont son PAAAUVRE papa n'avait pas pu être soigné. Oh il n'oserait jamais parler ainsi à Nuage des Ruisseaux en personne, et encore moins à sa mère, mais il était persuadé que si le guerrier cherchait un guérisseur, alors il était forcément dans la même situation que son papa.

" T'as mal où ? Tu pues pas du bec, toi. Papa il est parti ailleurs, lui, quand il a été trop malade. "

C'était sans doute la meilleure décision à prendre. Personne ne croyait qu'il reviendrait un jour, mais peut-être que loin d'ici habitait un vrai guérisseur capable de réparer même les plus gros bobos. Ce serait tellement bien si papa pouvait revenir avec le même sourire qu'avant...

Et maman elle serait tellement contente...

La chaton prit mouche alors que je n'avais même pas voulu me moquer de lui. Je grimaçai un peu à moi - même, observant que je ne savais plus vraiment me comporter avec les chatons. Ou bien était - ce les chatons qui avaient changé ? Il arqua le dos et je le regardai de mon regard sans énergie. Il rétorqua qu'il pourrait me battre sans problème et je souris mollement. Le petit n'avait pas tort. Je me sentais si faible que je ne saurais pas quoi faire en cas de combat, même avec un jeune apprenti. Devais - je déserter en cas de combat ? Ou partir et prier de partir au moins en beauté pour rejoindre ma Taupe et ma Grogro ? Tandis que je me ramollissais, Patte Grise gagnait en énergie avant de se dégonfler d'un coup, réagissant au mot "guérisseur". Son changement d'humeur me fit dresser un sourcil, alors que je m'asseyais car rester sur mes pattes sans rien faire.. Autant économiser de l'énergie.

Patte Grise commença à s'exciter que Nuage de Ruisseaux était nul. Je fronçai les sourcils. Je lui aurais bien fait la leçon s'il n'avait pas préciser que c'était la non guérison de son papa qui lui faisait "détester" l'apprenti guérisseur. Peut - être qu'en grandissant il comprendra...

"Il est pas si nul tu sais. "

Sinon je serais déjà parti, laissant des gens comme ce chaton derrière moi, médisant quelqu'un qui ne l'a pas mérité ,car il aura fait tout ce qu'il a pu. Mais.. il n'y avait plus que Patte de Loutre de mon côté. Le vétéran avait sûrement plus de sagesse que la boule grise. Cette dernière continua encore de parler. Il s'intéressa à ma maladie, maladie que moi - même ne connaissait pas, que même Nuage des Ruisseaux ne savait pas mettre un nom dessus. Je n'allais pas bien, point. Je fermai les yeux pour réfléchir à comment l'expliquer à un chaton. Yeux fermés pas trop longtemps sinon j'avais peur de me laisser partir dans le sommeil. J'ouvris ma bouche un peu pâteuse, mais qui ne puait pas effectivement.

" Alors, comment dire... J'ai pas mal comme si t'avais une épine dans la patte. J'ai euh.. mal.. au sommeil ? Et à la faim. J'ai pas faim, j'ai pas sommeil, enfin la nuit. Mais on ne sait pas vraiment ce qui me fait mal.. donc vaut mieux pas trop rester près de moi tu sais.. "

Sourire fatigué pour tenter une pédagogie. Interdire absolument un truc aux enfants les poussera à transgresser cette barrière. Je ne le voulais pas. Laisser moi être le seul malade. Mais pas tout seul. Les grands savent au moins être assez prudents quand ils sont avec moi. Les chatons étaient trop... imprévisibles et énergiques.

" Puis, si je pars tout seul, je mourrai sans doute. "

Bon, un peu cash cette dernière phrase. Mais c'était la vérité.

[Horriblement désolée du retard]

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" Alors, comment dire... J'ai pas mal comme si t'avais une épine dans la patte. J'ai euh.. mal.. au sommeil ? Et à la faim. J'ai pas faim, j'ai pas sommeil, enfin la nuit. Mais on ne sait pas vraiment ce qui me fait mal.. donc vaut mieux pas trop rester près de moi tu sais... Puis, si je pars tout seul, je mourrai sans doute.
- Pffffff je suis même pas sûr que ton bobo il ferait peur à Petit Goujon " rétorqua le chaton, un peu dédaigneux, qui tournait autour du guerrier à la recherche d'une petite égratignure quelque part sur lui. Mal au sommeil et à la faim... C'était que de la comédie, tout ça...

" T'as qu'à voir ma maman, elle fait que de se plaindre qu'elle arrive pas à dormir à cause de nous, mais en fait elle dort TOUT LE TEMPS. " se moqua-t-il même. Il releva quand même la tête rapidement, pour s'assurer qu'il n'énervait pas le guerrier, et quand ce fut fait, continua de lui tourner dans les pattes.

Il n'avait même pas un semblant de blessure ! Quelle chochotte ! Il avait dû se faire piquer par une toute petite puce ridicule et maintenant il jouait aux malades. Petit Renard avait déjà essayé cette stratégie une fois pour se faire bichonner par leur maman. C'était trop pitoyable, mais ça avait marché.

Le mioche s'arrêta devant Hibou Nocturne pour poser son unique patte grise sur le bout d'une de ses pattes, en essayant d'appuyer aussi fort qu'il pouvait. Bien sûr, un chaton aussi chétif que Patte Grise ne pouvait pas empêcher un grand de lever une de ses pattes, mais il eut quand même un regard triomphant en direction du guerrier.

" Tu vois je te touche et j'ai rien du tout. Et toi par contre tu peux plus bouger ! " le provoqua-t-il. " Moi j'avais pas peur de papa quand il était malade. C'est que des histoires tout ça, en fait. Je pourrais toujours manger et dormir... D'ailleurs ta patte elle me plaît bien... Même si elle sent pas très bon... "

Pour se donner un peu en spectacle, il fit même mine de s'étendre sur le bout de la patte du guerrier comme s'il s'agissait d'une place douillette dans la pouponnière, puis de fermer les yeux. Ses oreilles, toujours dressées, trahissaient qu'il écoutait encore ce que lui racontait le guerrier, mais juste pour l'énerver, il faisait semblant de dormir et de trouver ça trop ennuyeux pour lui.

Je regardais l'air non convaincu du petit, donc je ne savais toujours pas le nom après réflexion. Il m'expliqua que son frère n'aurait même pas peur de mon "bobo", et je reniflai un coup. Avoir mal, l'insomnie, le manque d'appétit, effectivement ça ne faisait pas peur. Mais mourir pourrait bien effrayer des chatons, si encore ils savaient ce que signifiait mourir.. La mort en tout cas ne me faisait plus peur. Pas grand chose ne me retenait en bas, or je n'étais pas pressé de partir non plus. J'allais juste attendre mon sort, c'était tout ce que je savais faire après tout. Même pas capable de garder sa famille... Le chaton enchaîna avec sa mère et je le regardais avec une pointe d'envie parler de sa famille. Sa maman se plaignait ? Ca devait être le fils de Perche Farouche alors, la pauvre avait 4 enfants en pleine forme. Cependant elle était toujours là pour eux. Je n'avais jamais entendu ma mère râler je pense, ou alors, une fois, en pleurant. Je ne l'ai plus revue après ça. Leur maman était plus forte que la mienne et ils devraient être reconnaissants de chaque râlerie qu'ils "subissent".

Le chaton bicolore continua de me tourner autour pour juger ma maladie et ça commençait quand même à m'agacer. Il ne le voyait peut - être pas mais moi je connaissais le danger de mon mal. Et quand il toucha ma patte, fanfaronna qu'il n'avait rien et se coucha même dessus, ce fut trop. Il allait être malade, j'allais le contaminer. Il allait mourir par ma faute et je rendrai triste Perche Farouche, ses frères, ses soeurs, sa famille sera si triste de le perdre, si triste. Nuage de Taupe, Nuage de Taupe non ! Pourquoi tu es partie !! Ce de ma faute de ma faute de ma faute de...

J'avais violemment relevé la patte durant mon court moment de panique intense. Il ne devait pas me toucher non. Mais... je n'avais pas voulu lui faire mal ! Oh non, je venais de lancer un chaton de .. 2, 3 lunes ? Alarmé, je couru vers le petit blanc et gris, et je calai mes oreilles contre mon crâne.

" M..ince ! C-ca va ? Je n'ai pas voulu te lancer pardon, pardon.. Mais faut pas me toucher d'accord ? J'ai une maladie qui fait mourir alors je ne veux la donner à personne, tu comprends ?? "

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Ce jour-là, Patte Grise fit sa première expérience de vol. Il était costaud, Hibou Nocturne ! Bon, peut-être pas autant que Nuage de Nuit, mais à son atterrissage, Patte Grise se sentait quand même tout ragaillardi, à un tel point qu'il se roula par terre pour se mettre sur le dos, les pattes en l'air et la langue à moitié tirée, dans une caricature de position de mort.

" M..ince ! C-ca va ? Je n'ai pas voulu te lancer pardon, pardon.. Mais faut pas me toucher d'accord ? J'ai une maladie qui fait mourir alors je ne veux la donner à personne, tu comprends ?? " fit presque aussitôt le guerrier qui s'était précipité dans sa direction.

Il eut tellement de mal à ne pas rire qu'il compressa son thorax violemment, provoquant, une, deux, trois grosses toux bien impressionnantes pour un si petit chaton. Une boule de poils s'échappa à la quatrième, et le chaton, qui sentait que le guerrier paniquait, fit semblant de continuer à se convulser.

Mais son rire, assez vite, finit par trahir sa blague de mauvais goût. Un rire farceur, puissant, généreux, et indicateur d'une santé solide en dépit de sa position grotesque.

" Je t'ai touché maintenant PFFPFPFPFPFPFPFFF Comme je suis malade PFFPFPFPFPPFPFFFFF Comme j'ai mal !! " lançait-il entre deux éclats de rire, dans une imitation un peu moqueuse de l'anxiété du guerrier. Il fallut encore quelques secondes au sale gosse pour retrouver tout son calme et se remettre sur pattes.

Avec un large sourire, il regardait Hibou Nocturne, qui se trouvait toujours tout près de lui. Et l'insolente confiance mêlée d'amusement qui se lisait dans le regard du chaton n'était pas sans évoquer la nouvelle idée de bêtise surprenante qu'il s'apprêtait à commettre.

Les moustaches de ce guerrier étaient si belles, après tout... Il s'amuserait bien à les lui trifouiller, si on lui en laissait l'occasion.

Patte Grise reste sur son dos en tirant la langue. Un courant électrique de stress me parcouru. Si jamais il lui est arrivé quelque chose, Perche Farouche allait me démonter si facilement. Jamais sous estimer une maman. Son poitrail se leva violemment une fois, deux fois, puis beaucoup trop de fois à mon goût jusqu'à ce qu'une boule de poils en ressortir et que des rires la suive. ...Oh. Bon bah, il allait bien ? Je me reculai un peu, n'ayant pas vraiment la tête à me la prendre avec un chaton. Ce dernier continua son cinéma en pouffant très bruyamment, se plaignant d'être malade comme je l'avais prévenu. Sauf qu'il ne me prenait pas du tout au sérieux et je n'avais plus la force de lui faire rentrer ça dans le crâne. Même les chatons ne m'écoutaient pas et ça m'enfonça dans mon estime de moi même. Peut - être que si je ne m'étais pas effondrer, si j'avais encore eu mes piliers Taupe et Grogro, j'aurais été un bon modèle pour les petits ? Mais là je n'étais plus qu'une menace et s'ils ne le voyaient pas, je l'assumerais tout seul, même si je devais m'exiler du camp (mais du clan, le seul truc qui me restait et pour qui je me donnais encore). Le chaton beaucoup trop vif et surtout beaucoup trop attiré par des contacts tactiles avec moi, je préférais me retirer. Vraiment vraiment fatigué. La queue traînant presque à terre, j'haussai les épaules impuissant.

" Bon, va jouer aux malades avec ta portée alors. Et laisse le vrai malade mourir dans son coin ce sera mieux ainsi. "

Je fis allais lentement mes pattes jusqu'à l'antre des guerriers, gardant avec difficulté la tête pas trop large. Même plus la foi d'édulcorer mes propos pour le chaton. Un soupir sorti de mes poumons fatigué et se transforma en toux avant que je lâche à moi - même..

" P'têt que je devrais faire comme Matin Embrasé... "

Je m'arrêtais un instant, pensif, puis je secouai la tête.

" Non.. non.. Je vais mourir si je suis tout seul. Je dois encore servir mon clan, je peux pas me laisser mourir. "

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De toute évidence, Hibou Nocturne n'avait pas le coeur à rire. Mais Nuage Gelé ne le sentait pas non plus fâché, ni même réprobateur. Il était simplement triste. Peut-être regrettait-il un passé révolu, un peu comme tous les autres grands dans leurs instants les plus sinistres. Ce que les temps d'avant avaient dû être beaux, pour que les chats que connaissait Patte Grise soient si nombreux à les regretter !

Souvent, le petit gringalet regrettait d'être si jeune, de n'avoir jamais pu comprendre quoi que ce soit à ces pensées mystérieux qui s'emparaient des autres, et qui ravivaient en eux une nostalgie certaine. Il devinait qu'une partie du monde, la plus belle peut-être, lui serait à jamais inaccessible, et se convainquait qu'il ne lui restait rien d'autre qu'un avenir angoissant. Quitter la pouponnière ? Mais que deviendrait-il, sans sa maman et Eau Turquoise pour veiller sur lui ? Que devenaient au fond tous ces grands chatons qui disparaissaient de sa vie ? Nuage de Quartz était toujours là, il sentait sa présence, mais désormais, il vivait une vie mystérieuse, inaccessible, incompréhensible.

Patte Grise, en fait, était, avant d'être un farceur ou un gringalet, un très grand trouillard. Et c'était la présence de mystères inquiétants et de perspectives sombres, dans le monde autour de lui, qui entretenait en permanence cette grande crainte qui était la sienne. Pour chasser tout ceci, pour vivre, il avait besoin de s'oublier, de se rassurer, de s'attirer quelque estime, quelque considération, quelque sympathie. Et le jeu était son arme.

" Bon, va jouer aux malades avec ta portée alors. Et laisse le vrai malade mourir dans son coin ce sera mieux ainsi. " lâcha le guerrier. Patte Grise aurait tout à fait pu dire la même chose que lui pour rire, mais pas après ce silence nostalgique. Pas après avoir vraiment réfléchi, comme venait de le faire Hibou Nocturne.

Patte Grise était en train de songer à un plan pour ensoleiller un peu la triste existence du grand mâle qui ne lui faisait plus face car il s'éloignait de lui, quand ce dernier s'interrompit soupira, et toussa.

Ce soupir, cette toux, c'était au fond quelque chose de terrible, qui réveilla chez le chaton le souvenir âpre des derniers jours de son père. Il détestait être regardé, à cette époque. Il voulait la solitude, la paix, alors que partout, tout le monde l'appelait. Le chaton trottina pour le rattraper, conscient que peut-être, ce guerrier n'était pas ce qu'il avait l'air d'être.

" P'têt que je devrais faire comme Matin Embrasé... Non.. non.. Je vais mourir si je suis tout seul. Je dois encore servir mon clan, je peux pas me laisser mourir. "

Il avait tout entendu, et cela le fit beaucoup réfléchir. Car il avait également entendu beaucoup des derniers mots de son propre père, et une pensée, particulièrement, l'avait marqué. Lorsqu'un guerrier, même incroyable comme Matin Embrasé, réalisait qu'il ne pouvait plus servir son Clan, à cet instant précis, il n'était plus un guerrier. Il était un malade, un ancien, autre chose, quelqu'un qui n'avait plus comme raison de vivre que la seule reconnaissance que le Clan voulait bien lui accorder.

Et de toute évidence, le Clan de la Rivière était Clan ingrat, car Matin Embrasé s'était senti meurtri. Personne n'avait jamais vraiment vu l'âme généreuse et formidable qu'il avait abrité. Personne n'avait jamais vraiment entendu ses tourments. Il avait eu le sentiment, toute sa vie, de marcher contre le temps qui passait, comme un rocher se dressait dans les torrents jusqu'à se briser.

Ces impressions-là saisissaient Patte Grise très confusément. Il était bien trop jeune, bien trop malhabile, bien trop indiscipliné pour véritablement savoir ce qu'était le problème, et encore moins d'où il venait. Mais il était persuadé d'une chose : le Clan était injuste envers un des plus dévoués des siens. Et Perche Farouche en tête, qui chassait de sa vie tous les malades, et qui les traitait comme s'ils n'étaient que poison, au lieu de leur dire ce qu'ils attendaient qu'on leur dise, ce qu'ils méritaient pourtant d'entendre.

" Tu sais t'as l'air de chasser méga-bien ! Heureusement que t'es là quand même parce que Maman elle est trop nulle. A chaque fois qu'on va boire elle me dit qu'elle pêche mais elle trouve jamais rien. Et après elle dit que c'est ma faute ! " racontait le petit, qui ne voulait plus lâcher ce guerrier jusqu'à avoir obtenu de lui un sourire.

Il voulait connaître l'aspect de la joie, chez Hibou Nocturne. Craignait-il ou souhaitait-il y retrouver quelque chose de la joie de son père, d'autrefois ?

J'entendis encore des bruits de pattes derrière moi, et si j'avais eu encore assez d'énergie, je me serais sans doute mis en colère. Les chatons ne comprenaient - ils donc jamais que l'on interdisait des choses pour leur bien ? Les yeux noirs de cernes, j'allais encore repousser le gamin dans les pattes de sa mère mais ce dernier changea d'un coup d'attitude, et passa de garnement à chaton impressionné. "Impressionné" plutôt. Je n'étais ni grand ni musclé, rien d'imposant. Ma dégaine aurait pu être associé à un chat important seulement si j'étais guérisseur, ce qui n'était pas le cas. Je levai un sourcil face à la remarque du petit.. dont je ne savais toujours pas le nom. Mais vu les scènes qu'il pouvait produire, j'aimerai éviter une autre démonstration dramatique. Moi, l'air de chasser méga bien ? Je reniflai et le mis face à la réalité.

" Un méga chasseur, moi ? C'est mes pattes dénuées de muscles qui te fait dire ça ? C'est gentil de le penser mais sache que ce n'est pas vrai.. "

Puis chasser signifiait plonger mes griffes et crocs contaminés dans la viande qui allaient nourrir quelqu'un d'autre, alors je chassais peu, juste pour moi, pour pas rendre malade un guerrier en bon état. Ou un chaton trop collant.

" Puis je suis sûr que ta maman n'est pas si nulle, tu as dit toi même qu'elle était fatiguée de s'occuper de vous quatre. Chiche que quand vous seriez apprentis, elle péchera la plus grande pile de poissons que t'as jamais vu. "

Les mamans étaient les plus fortes le plus souvent, à supporter des boules n'énergie toute la journée, à leur produire du lait, les surveiller, les éduquer, à se battre pour leur bien être et leur sécurité... Qu'est ce que j'aurais aimé avoir une maman plus forte.. Mais bon, le petit blanc et gris n'allait sûrement pas retourner près de sa mère vu qu, de ce que j'avais déjà entendu, il n'était pas trop dans une phase de reconnaissance pour le moment. Je m'assis, me disant que j'allais devoir faire du donnant donnant.

" Bon, tu veux faire quoi ? Tant que ce n'est pas sortir du camp ou venir me faire un bisou, ça ira... "

Faible peut - être, mais je voulais la paix dans le fond. Me plier à la volonté d'un chaton était la seule idée et solution que j'avais eu vu que je ne savais pas asseoir mon autorité. Et je déglutis en pensant que ce gars là allait bien en profiter. Le prix pour être enfin entendu ?

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