Les ânes sont gris (avec Pluie Battante) - end

Son parrain lui caressait le dos avec la queue, mais Patte Grise ne se sentait tout de même pas à l'aise à cet endroit, et ça ne fit qu'empirer lorsqu'il sentit Pluie Battante se détacher pour s'approcher de l'origine du bruit et lui répondre :

" Ce bruit ? C’est l’eau de la cascade qui vient dans le bassin. Mais ce n’est pas dangereux. Regarde. "

Il osait à peine regarder dans cette direction, mais cette impression qu'il avait maintenant qu'ils ne se touchaient plus d'être exposé l'y força. Et il fut surpris de voir que Pluie Battante souriait. Il avait l'air sûr de lui. Mais pourtant, ce bruit, ces vibrations... Toute cette puissance dégagée semblait tellement au-delà de ce qu'un chat pourrait jamais représentée. Il essaya de gémir.

" Arrête, arrête, c'est dang... "

Mais son parrain semblait ne rien entendre. Le bruit était assourdissant, et le chaton ne faisait là-dedans que murmurer, avec difficulté d'ailleurs.

" Approche-toi, n’aie pas peur, tu ne crains rien, tu verras. Même moi je peux le faire. Viens, Patte Grise. Je suis là en cas de problème, de toute façon. " le gourmandait-il en s'enfonçant peu à peu dans cette eau qui ressemblait à un piège.

" F-Fais at-t-t-at... " le mioche éternua sans finir son mot, et dut baisser la tête avant de la relever, les yeux écarquillés de terreur, pour piailler aussi fort qu'il le pouvait :
" FAIS ATTENTION ! "

Il tourna la tête vers le mur d'eau qui s'abattait, alerte. Il n'y avait rien vu de particulier, mais pour lui, cette chute d'eau était par sa seule présence menaçante. Elle était immense, elle bougeait, et elle faisait du bruit. A croire qu'elle vivait et qu'elle s'apprêtait à dévorer Pluie Battante sous ses yeux impuissants et terrifiés.

Patte Grise semble terrorisé. Il ne s’approchera pas. Je hausse les épaules, tant pis, peut-être quand il sera plus grand ? Je sors et je secoue une à une mes pattes histoire de dégager le plus d’eau possible de mon pelage. Je m’approche de mon filleul et lui offre un coup de langue sur le crâne, entre les deux oreilles pour le réconforter.

- Bon, c’est pas grave, une autre fois. On rentre ? Ta mère doit commencer à avoir faim et je dois accompagner Nuage des Ruisseaux en cueillette.

Je vais récupérer mon poisson resté sur la berge et je commence à quitter le bassin, faisant signe au petit de me suivre. Mais comme je sais qu’il n’est pas très pressé de rentrer, je marche d’un pas assez lent, qu’il puisse profiter de l’extérieur un petit moment encore.

[C'est court, mais je pense qu'on arrive à la fin, là]

Le soulagement qui envahit Patte Grise au moment où son parrain décida de revenir vers lui fut assez formidable. Ouf, songeait-il. Pluie Battante ne s'aventurerait pas plus dans cet endroit inquiétant, et il ne s'éloignerait pas davantage de lui non plus. Car ce qui était pire que le vacarme de cette chute d'eau, c'était peut-être, pour le chaton, d'avoir l'impression de l'affronter seul. Mais lorsqu'il restait caché entre les pattes de son parrain lorsqu'on lui léchouillait les oreilles, Patte Grise était déjà beaucoup mieux.

" Bon, c’est pas grave, une autre fois. "

Il se promit sans doute qu'il ne laisserait jamais plus son parrain se séparer de lui, et son léger tremblement s'estompa progressivement en un ronronnement un peu plus vaillant.

" On rentre ? Ta mère doit commencer à avoir faim et je dois accompagner Nuage des Ruisseaux en cueillette.
- Mmmmh... " concéda le petit en ronchonnant un peu, car il se doutait que sa mère ne serait pas vraiment ravie de le revoir, même s'il venait avec un poisson elle trouverait sans doute quelque chose à dire. Et puis... Il n'avait pas envie de quitter Pluie Battante.

D'ailleurs, pendant tout le début du chemin, il ne le lâcha pas, comme s'il avait peur que la cascade les suivre. Et ce ne fut qu'à proximité du camp qu'il se mit enfin à marcher normalement à côté du grand matou borgne, du côté où il voyait, d'ailleurs.

" Dis dis... je peux prendre le poisson ? " demanda finalement le mioche, qui s'imaginait comme les petits se l'imaginaient souvent que rien ne pouvait être plus génial que d'être celui qui porterait le poisson jusqu'au camp. Ses petites mâchoires et ses jeunes crocs laissèrent échapper plusieurs fois la proie, mais malgré tout, ce fut bien lui qui parvint tant bien que mal, dans la pouponnière, à balancer l'animal sous les yeux de sa mère, conscient que son entrée triomphale en tant que porteur-de-poisson avait attiré l’œil de Petit Renard.

" C'est cadeau de Pluie Battaaaaaante ! " expliqua-t-il tout bas à sa mère, en songeant peut-être qu'il parviendrait à faire croire à ses frères qu'il avait lui-même pêché cette bête à peine moins lourde que lui.

" Lave-toi bien. " soupira la reine en réponse, l'air pas tellement contente de le voir encore tout sale.

Parce que le poisson tombé plusieurs fois par terre par sa faute lui avait laissé tout plein de mucus, d'immondices et d'écailles dans le pelage, et surtout autour des crocs. Un peu dépité, mais pas vraiment surpris par cette réponse de sa mère, le mioche se dirigea donc jusqu'à Eau Turquoise, qui, elle, trouverait sans doute un peu de temps pour l'aider à être propre. Et qui ne manquerait pas de lui demander, il l'espérait du moins, ce qu'il avait fait au juste, avec Pluie Battante.

Spoiler:

Patte Grise resta caché un moment sous mon ventre et je faisais de mon mieux pour le rassurer. Je suppose qu’il a vu beaucoup de choses aujourd’hui et qu’il en a beaucoup à assimiler, ça ne doit pas être facile, quand on est aussi petit que lui. Je me demande bien comment j’étais à son âge. Aaaah, si seulement je pouvais m’en souvenir. Peut-être Cœur de Bruine pourra me donner la réponse ?

" Dis dis... je peux prendre le poisson ? "

Il me fait un peu sursauter, j’étais un peu perdu dans mes pensées, à tenter vaguement de me souvenir de ma vie antérieur. Mais rien ne m’est venu à l’esprit, uniquement des souvenirs récent. Comme d’habitude.

- Bien sûr, tiens !

Je pose le poisson devant le chaton, lui donnant des conseils pour mieux le porter et affirmer sa prise dessus, comme, bah, le tenir par les nageoires caudales, par exemple. Mais c’est vrai que le poisson, c’est archi glissant et que la bête à écaille va souvent rencontrer le sol, laissant des marques de son passage sur le pelage de Patte Grise.

De retour au camp, nous nous dirigeons droit vers la pouponnière et là, le chaton bicolore fanfaronne à lançant le poisson au sol devant Perche Farouche. Cette dernière ne semble pas très impressionnée et demande juste au petit de se laver parce qu’il est sale. Pourquoi avoir fait des chatons, si c’est pour se montrer aussi froide avec eux ? Pas étonnant que Patte Grise la fui comme le Mal Vert.

J’appelle Patte Grise pour lui dire au revoir d’une lèche sur le front. Lèche que je donne à tous ses frères et sœurs avant de quitter la pouponnière, allant retrouve Nuage des Ruisseaux.

HRP: