Quand t'es petit, tout est grand ! [PV Museau Bleu] - Fin

« SANGSUE ! TU CONNAITRAS JAMAIS MON SECRET AVEC MEME MUSEAU BLEU ! »

Autant pour la discrétion, songea l'intéressée, remuant des moustaches avec amusement et réprimant un rire, mais laissant s'esquisser un sourire doux, aimant et sincère sur son visage à la tache bleutée. Décidément, son petit-fils était désarmant d'innocence, de douceur et d'enthousiasme, mais aussi immensément drôle et attachant... Mais après tout, elle aurait du se douter de cette réaction, de la part du chaton à la grande tache mauve et aux yeux vairons qui, ayant tour à tour boudé son refus, sautillé d'excitation concernant leurs sorties, et claironné à sa sœur la moitié de ce petit détail, levait à présent son regard or et saphir vers elle pour lui poser une question, son tout petit visage empli de curiosité sincère, illuminant ses traits ronds de bébé.

« C’est quoi un secret ? »

Adorable. Maladroit, mais absolument adorable.
Comment seulement envisager de lui en vouloir ?
Elle se glissa délicatement derrière Hippocampe
Lui couvrit les yeux d'une patte, l'entourant de la queue
Et lui glissa, en un murmure accompagné d'un rire léger:

« Un secret, c'est quelque chose qu'on ne dit pas aux autres.
C'est quelque chose qu'on partage qu'à deux, et qu'on garde.
Précieusement. Alors on ne le crie pas au monde, d'accord ? »

Le chaton de l'eau qui n'aimait pas le poisson enchaîna
Avec toute la curiosité des enfants de son âge
Et la belle lieutenante sourit, en cherchant les réponses;
Il l'amusait tellement ! Une étincelle d'espoir, de joie.
Bonheur sur petites pattes, trébuchant sur le chemin de la vie.

« C’est vrai ? Je peux commander à la lune ? Et elle obéït ? Elle obéït à tout le monde la lune ? Ou seulement moi parce que Maman, c’est la Reine de la Lune ? Parce que Pépé Corbeau c’est une étoile et que Mémé Turquoise est une fille du ciel donc du coup, donc, nous aussi on vient du ciel ? »

Elle répondit, tout en l'observant chasser une libellule.
Et il riait, il riait; et en l'entendant rire, elle fit de même.
Et elle riait, elle riait; à cet instant, elle était heureuse.

« Je ne sais pas, c'est la lune qui choisit ! » fit-elle, malicieuse. « On a tous les anciens dans les étoiles, et certains sont plus proches du ciel que d'autres, comme les guérisseurs, mais qui sait, peut-être que la lune t'écoutera aussi ? »

Une tentative d'attraper
La petite créature ailée
Chute, roulé-boulé
Et Hoppi Carpe de s'arrêter
Les quatre pattes en l'air
Et la tête à l'envers

« J’ai réussi à l’attraper ? »

« Pas vraiment, non ! » répondit Museau Bleu, avec un ronron, le relevant.
« Mais moi, je peux t'attraper, si tu ne cours pas vite te cacher ! »

Et elle lui lança un grand sourire espiègle.

« Promis, je garderais le secret ! »

La lieutenante du Clan de la Rivière, à cet instant, n'était plus qu'une grand-mère heureuse, attendrie par la petite boule de poils blanche et violette qui, après avoir appris ce qu'était un secret, venait de lui faire sa promesse d'enfant; il la faisait rire, ce garçonnet tout aussi maladroit qu'attachant... Et auprès de lui, ne serait-ce qu'un moment, elle pouvait oublier le monde, son rôle, le code, ses soucis et toutes les petites choses qu'elle devrait gérer. Les chatons ne s'imaginaient pas les responsabilités qui venaient avec le rôle de lieutenant, de chef, ou même de simple guerrier ! Eux ne voyaient que le nom d'étoile de leur meneur, et les légendes, les grandes histoires, les contes de pouponnière qu'on transmettait, encore et encore, des récits de grandeur, d'honneur et de victoire... Ou au contraire, le récit de ceux qui avaient trahi les étoiles et bafoué le code. C'étaient des leçons, d'une certaine manière, quoique celles-ci soient des plus simplifiées - la muse, elle, avait depuis longtemps compris que le monde n'était pas tout blanc ou noir, mais gris, en réalité. Mais il était trop tôt pour que Petit Hoppi Carpe apprenne tout cela, et rien ne garantissait même qu'il l'apprenne un jour; alors pour l'heure, la jolie femelle à l'épaisse pelisse de sable et d'écume se contenta d'un rire quand son protégé bondit sur elle plutôt que de s'enfuir.

« Han ! Non ! Tu m’auras jamais Etoile de Suie !
Je vais te chasser hors de mon Clan, moi Etoile d’Hippocampe ! GRRARRRH ! »

Un feulement espiègle, plein de défi, tandis qu'il tambourinait sur sa patte, faisait mine de la mordre, en une attaque qui manquait encore juste un peu de technique... Museau Bleu s'en amusa, faisant mine de secouer doucement sa patte pour le décrocher, donnant la réplique, joueuse, en se parant du souvenir de l'ancienne cheffe du Clan qui vivait dans les bois: massive, grognon, agressive, sur la fin, ayant fait alliance avec les Lunar Pods, contre la Rivière, l'Ombre et le Vent ! Mais la vétérane aux yeux de jade n'avait pas envie de repenser à la terrible Assemblée de la Lune Rouge, à ces envahisseurs et à tout ce sang qui avait coulé... Alors, elle se contenta simplement de se défendre, le laissant "l'attaquer" avec bonne volonté.

« Tu m’enlèvera pas ma sœur ! »
« Je suis Étoile de Suie ! » grogna-t-elle.
Elle faisait des grimaces pour faire rire le petit.
« Et je peux faire absolument tout ce dont j'ai envie ! »

Ils jouèrent ainsi encore pendant un moment; il tapait ses pattes, elle le décrocha par la peau du cou; il grimpa sur son dos, elle vit mine de rouler pour le désarçonner; il courut après sa queue, pour se retrouver néanmoins avec, penché sur lui, le visage malicieux de sa nouvelle amie. Mais surtout, quand au terme d'une bataille rendue épique par la bonne volonté, les gestes et les mimiques de la plus grande des deux protagonistes, le plus jeune se mit, quoique enthousiaste, à bâiller, Museau Bleu ne retint pas son rire et l'attira vers elle pour une dernière étreinte, douce, tendre et ronronnante. Hoppi Carpe était sa petite boule de bonheur, mais pour l'heure, elle devait retourner à ses occupations, retrouvant Étoile d'Or plutôt que les chatons. Quant à lui, il serait sans doute content de retrouver sa maman, sa sœur et son nid... Elle souffla gentiment:

« Tu devrais aller dormir un peu, petit guerrier. Ne t'en fais pas, je reviens vite jouer. »

Un petit coup de langue, une pression du museau pour le faire avancer;
Ses taches bleues et celles, violettes, du garçonnet, se confondaient,
Tandis qu'il babillait, innocent et joyeux. Sa famille, son univers...
Alors, tandis qu'elle raccompagnait l'enfant et saluait sa propre fille, Méduse,
Museau Bleu sentit une nouvelle fois des océans d'amour submerger son cœur.
Ils ne le savaient pas, mais elle veillait sur eux, à jamais, et les aimerait toujours.

Ils étaient son trésor, sa vie et son bonheur.