Ils feraient éclore l'espoir ~ ft Feulement - abandon

Nuage du Mimosa s'était réveillée tôt ce matin-là - enfin, si on pouvait seulement parler encore de se réveiller; sortie de ses rêves par un cauchemar de griffes et de sang, au cœur de la nuit, elle n'avait pas su se rendormir, et, prise d'insomnie, avait choisi de rester dehors, observant les étoiles et se récitant, pour s'apaiser, les noms et les propriétés des plantes qui la rendaient heureuse. Son royaume végétal, de feuilles, de fleurs, de petites écorces et de minuscules baies, sous les constellations, à cette petite fille qui aurait voulu, en d'autres circonstances, devenir guérisseuse; mais elle ne pouvait pas - Nuage du Corbeau avait été choisi. Alors, elle n'était que son amie, son aide, un peu aussi, et à présent, une autre voie s'ouvrait à elle, se traçait sous ses pas: celle d'apprentie guerrière. Mimosa se battrait, patrouillerait, soignerait, un peu, et chasserait pour son Clan, ses proches, ses amis, sa famille, son frère et ses deux sœurs... Et même si la jeune fleur d'or n'aimait pas particulièrement le combat, elle ne relâcherait jamais ses efforts; elle devait devenir forte, et libre, et courageuse, juste pour pouvoir aider les personnes qu'elle aimait - et par conséquent, il fallait s'entraîner.

Seulement voilà: Chant d'Alouette l'avait prévenue qu'elle devait se rendre en patrouille, et que si l'apprentie le désirait, elle pouvait aller s'entraîner sans elle, jusqu'à ce qu'elle la rejoigne - Mimosa savait aussi qu'au fond, l'idée, c'était qu'elle devienne plus indépendante, et elle profiterait de ce moment, en l'absence de sa gentille mentor, pour prendre son envol... Pourtant, elle n'avait pas envie d'aller, seule, répéter des mouvements, et sa fratrie, ses amis, arrangeaient des sorties avec leurs mentors, l'aube venue - à l'exception de Nuage de Lys, qui dormait encore, puisqu'elle avait été de patrouille la veille au soir. Alors, elle se retrouvait seule; même Nuage des Orages était lui aussi parti, à présent - mais ça, ça ne la dérangeait pas... Ne restait que Feulement Nuageux, en guise de camarade pour des combats; peut-être que d'autres auraient refusé - sûrement en fait: mais elle, elle voulait en profiter, et s'approcher de lui, pour tisser un lien. Elle avait espoir, après tout; et elle voulait apprendre à connaître ce chaton arraché à son Clan, ce novice désormais agressif, différent, et secret à ses yeux. Personne n'est complètement mauvais... Et la petite fleur, princesse de soleil, voulait chercher un peu de lumière dans son cœur, malgré les ombres; elle ne savait pas pourquoi, peut-être qu'au fond, elle croyait encore, tout simplement, à l'amitié, à l'amour, au bonheur. Loin des autres, sans jugement, elle se décida donc à approcher Feulement.

Ne me juge pas mal, mais considère-moi plutôt comme
quelqu'un qui de temps en temps a le coeur trop lourd.

Se glissant dans la tanière encore plongée dans la pénombre, sa silhouette tigrée se dessinant contre le jour et le bleu doux du ciel matinal, les bruits de la forêt l'accompagnant et ses prunelles scintillant comme des petits soleils, la jeune apprentie fleurie s'approcha donc de son aîné, se gardant néanmoins soigneusement de le toucher - il n'apprécierait sans doute pas, et quoique tactile, sa cadette, réservée, timide, le craignait -, et, d'une voix douce, miaula quelques mots. Tout ce qu'elle espérait, c'est qu'il ne le prenne pas mal.

« Feulement Nuageux ? » appela-t-elle doucement. « Feulement, s'il te plaît.
Réveille-toi; je ne voudrais pas te déranger, mais, tu viens t'entraîner avec moi ? »

Dans la pénombre, sa pelisse sombre se fondait, en faisant un prince de ténèbres, et les quelques rayons de soleil effleuraient son corps amaigri par la privation des Enfants de la Lune, sa pelisse couturée de cicatrices, tableau d'horreur faisant presque frissonner; il n'avait qu'une lune de plus qu'elle et pourtant, il semblait tellement, tellement loin ! Avec compassion, elle contempla cette silhouette aux os ça et là saillants - même elle, très mince, si fine qu'elle en paraissait fragile, ne voyait pas ainsi son squelette se dessiner sous sa peau; qu'avait-il donc subi ? Pourtant, elle s'interdisait toute pitié: elle serait gentille, elle serait douce, elle serait amicale, oui; mais jamais elle n'aurait pitié, parce qu'il le prendrait mal, et parce qu'elle respectait cette fierté-là. Ce fut donc d'un air tranquille, aussi posé que délicat, un petit sourire s'esquissant sur son visage, faisant éclore les fleurs, qu'elle attendit une réponse. Elle avait pris sa décision: si elle ne pouvait être rien d'autre, au milieu de la tempête, elle serait un refuge.

Vous pouvez toujours, toujours donner quelque chose
Même si c'est seulement la gentillesse.

Parce qu'il était agressif, coléreux, particulier
Avec davantage d'ennemis que d'alliés
Mais un Clan, c'était une famille, des amitiés
Et si il oubliait, elle lui réapprendrait.

« Je t'attends dehors. » souffla-t-elle, d'une voix légère, quand il se leva.

Elle ressortit sur la pointe des pattes, petite danseuse
Jouant sur un fil, funambule; fragile, timide, gracieuse,
Elle prenait des risques, avec pareil camarade; audacieuse,
Elle eut néanmoins un sourire, au soleil, aux sapins; elle était
Heureuse.

Je crois, je continue à croire, malgré tout,
que dans le fond de leur cœur,
Les gens sont réellement bons.

Quel étrange spectacle devaient-ils former, côte à côte, duo que personne n'approchait, aux yeux des guerriers, en s'arrêtant d'abord près du tas de gibier; Chant d'Alouette lui avait permis de se servir, avant d'aller s'entraîner, lui indiquant qu'elles iraient, par la suite, en forêt pour chasser, alors Nuage du Mimosa l'avait écoutée; elle choisit une proie, parmi les plus petites du tas, mangea en silence, salua d'un petit sourire Nuage du Corbeau, qui passait par là, se dirigeant vers la tanière des anciens, puis leva ses yeux clairs vers Feulement Nuageux, paisible et respectueuse tout à la fois. Elle ne le pressait pas, mais voulait se montrer son égale, droite à défaut d'être fière: elle était réservée, douce, tendre, sensible, aimante, peut-être; mais elle était aussi loyale, rusée, et très intelligente - et elle avait compris, d'ores et déjà, que si elle était faible, il ne la respecterait pas. Alors elle avait chassé sa peur, ne laissant plus que la détermination emplir son cœur, et bientôt, quand tous deux furent prêts, ils sortirent du camp et se mirent en route. Pensive, la fille d'Étoile Maudite réfléchit une seconde, considéra ses options, sur l'endroit où mener le fils de Serpentaire: le charnier était un lieu risqué, ils auraient trop à surveiller les rats pour pouvoir s'entraîner; le cèdre calciné, c'était le lieu de sa promenade avec Nuage d'Aulne, et au-delà de cela, l'arbre immense mais noir cendre n'était pas exactement la symbolique de ce qu'elle voulait exprimer; quant au marais, c'était boueux, et elle se rappelait trop bien de l'humeur massacrante de Feulement, à son retour de l'entraînement avec Feuille de Houx - non, ça n'irait pas non plus; elle sourit pour elle-même, en choisissant le lieu. La clairière où ça et là, les fleurs poussaient, jolies, délicates: oui, c'était le bon endroit; au milieu des Passiflores, loin de tous les jugements, ils feraient éclore l'espoir.

" Feulement Nuageux ? "

L'avait-on appelé. D'une voix douce, presque enfantine et emplie de bonnes ondes. Doucement le mâle sombre leva la tête lorsque de nouvelles paroles furent gentillement glissées à son attention.

" Feulement, s'il te plaît. Réveille-toi; je ne voudrais pas te déranger, mais, tu viens t'entraîner avec moi ? "

Les yeux ambrés de l'aspirant se posèrent sur la femelle qui venait de l'extirper de son sommeil. Il la reconnaissait. Ce joli minois fin, cette silhouette gracieuse et fragile. Quel était son nom déjà? De quelle fleur sagissait-il? Du Lys ou du Mimosa? Bien qu'il ne se rappelait pas de son prénom il se souvenait parfaitement de la mauvaise impression qu'elle lui avait faite. Toutefois, si elle souhaitait s'entraîner, alors très bien. En soit, dans son attitude rebelle, Feulement Nuageux était relativement obéissant. Acceptait plus ou moins ce qu'on lui demandait tant qu'on ne le faisait pas chier. Ou tant que la tâche n'allait pas totalement à l'encontre de sa personnalité.

" Je t'attends dehors. "

Il se dressa et observa avec méfiance la jolie brune quitter la tanière. Son comportement contrastait clairement avec celui qu'elle avait adopté lors du baptême pour défendre sa sœur. Et cela ne plaisait pas au prince déchu. Était-ce une stratégie mise en place pour l'amadouer? Jouait-elle un double jeu? Voulait-elle quelque chose de sa part? Qu'elle demande directement plutôt que de l'inviter à un entraînement aussi douteux que soudain.

Voyons Feulement, reprend toi. Le monde entier n'est pas mauvais. Le monde entier ne souhaite pas ta mort.

Pourtant il en était persuadé. Mais la douceur de Mimosa faisait éclore l'espoir qu'un jour il apprenne à voir la vie sous ses plus belles couleurs.

Ils mangèrent en silence. N'échangèrent que quelques regards. Le fils du serpentaire restait muet. Cherchant parfois d'une œillade un signe de malaise venant de la petite fille qui ne montrait pourtant pas de faille. Souriante. Gentille. Mais pas apeurée. Et ses yeux d'or ne reflétaient que bonté. Pas de mépris, pas de colère ni de pitié. Et en soit, cela lui réchauffait le cœur sans qu'il ne le sache lui-même. Qui était donc la dernière personne qui l'avait regardée ainsi? Sa défunte mère.

Ce singulier duo quitta donc le camp en cette mâtiné rafraîchissante. Feulement Nuageux se contenta de suivre la brune sur ce territoire qu'il commençait maintenant à connaître partiellement.

Et alors qu'elle le guidait plus profondément dans la pinède il finit enfin par rompre le silence:

" Pourquoi est-ce que t'veux t'entraîner avec moi? "

Demanda t-il de sa voix qui contrastait tant avec celle de la douce Nuage du Mimosa. Étrangement, contrairement au charnier, l'air se faisait de plus en plus agréable au fur et à mesure qu'ils approchaient de leur destination. L'odeur était bonne et reposante. Le sol se recouvrait d'herbe plutôt que de boue. Piquant doucement la curiosité de Feulement Nuageux.

Les deux silhouettes aux yeux ambrés poursuivirent leur chemin en silence, pendant un moment, contrastées mais unies dans ce voyage initiatique aussi étrange que magique, Mimosa ne pouvant que remarquer leurs différences: les pelisses, plus ou moins sombres, l'une lisse et brillante et si douce, l'autre couturée de cicatrices; les corps, l'un déjà massif, fort, quoique marqué par les privations et les mauvais traitements, l'autre fin, délicat, gracieux, agile, et, quoique grand, très mince, presque fragile. Ils cheminaient ensemble, malgré tout, et la jolie fleur souriait, observant la nature autour d'elle, et la pinède, le vent frais jouant dans sa fourrure tigrée; c'était une belle journée qui commençait.

Une journée loin des cris et des coups
Loin de ce baptême gâché par le conflit
Loin de cette atmosphère tendue, glacée
Qui subsistait, dans la tanière des novices.

Une journée loin des préjugés
De la colère, des manipulations
De la haine et des rivalités
Une journée pour se redécouvrir
Et qui sait, tisser une amitié...

La princesse de soleil aurait sans doute paru un peu folle, aux yeux de son frère, ses sœurs et son ami, mais elle croyait vraiment en cette décision, et elle voulait essayer - alors elle le faisait, sans personne pour le lui reprocher. De toute façon, elle suivrait toujours son cœur, alors... Autant que personne ne puisse le commenter - ce qui aiderait sans doute, aussi, à s'approcher de Feulement Nuageux. Mimosa adorait sa famille et ses amis, vraiment, mais juste cette fois, la nouvelle apprentie à la couronne de fleurs était contente qu'Aulne, Violette, Lys et surtout Ouragan ne soient pas là, et plus que tout, plus que tout, elle était contente de pouvoir prendre à part Feulement, sans Nuage des Orages. Non, vraiment, dans son cas, le projet la ravissait, et qu'importe si elle était beaucoup trop optimiste ! Son camarade, en revanche, s'interrogeait, et lui posa une question logique, engageant enfin la conversation.

« Pourquoi est-ce que t'veux t'entraîner avec moi? »

Sa voix rauque, basse, était tout le contraire de la mélodie posée et cristalline de Nuage du Mimosa, mais la jeune fille ne s'en plaignit pas. Sous leurs pas, l'herbe tendre annonçait la clairière fleurie, et le parfum délicat embaumait l'air, tout en douceur; enfin, au détour d'un chemin, entre les pins, les Passiflores apparurent. Tournant la tête vers le jeune mâle, elle souffla donc, paisible, curieuse:

« Et pourquoi pas ? »

Un sourire plein de gentillesse,
Des yeux clairs, emplis de confiance.
Loyauté et douceur; des lacs de soleil
Limpides, lumineux, qui répondaient
Sans même besoin de mots.

« J'avais envie de compagnie pour m'entraîner - seule, ce serait un peu compliqué.
Et je n'ai aucune raison de ne pas vouloir que ce soit toi, comme tu dis, Feulement.
Tu n'as peut-être pas une bonne image de moi, étant donné notre dernière confrontation;
Mais que j'aie choisi de défendre ma sœur ne signifie pas que j'ai quelque chose contre toi.
T'as pas à être mis à l'écart, et je ne serai pas la cervelle de souris qui le fera.
T'es un novice. Moi aussi. Peut-être que je crois encore à l'espoir et l'amitié ? »

Quelques pas, encore
Entre les arbres
Dans la clairière
Au milieu des fleurs
Blanches, mauves
Elle se retourna
Face à lui
Regards ambrés
Semblables, différents
Un sourire timide

« Appelle-moi naïve ou faible si tu veux mais...
On a tous droit à une deuxième chance, non ?
Si tu veux bien m'en accorder une ? »

Elle ne lui dirait pas qu'elle faisait la même chose, tout simplement parce qu'elle avait déjà pris sa propre décision, et qu'il le prendrait peut-être mal; elle n'avait pas envie de l'énerver, et aucun besoin de lui reprocher des choses qui appartenaient au passé; les autres se chargeaient bien assez de lui faire comprendre que cette deuxième chance au sein du Clan était précieuse - elle voulait tout simplement lui montrer qu'elle pouvait aussi être... Heureuse. La jeune fille réservée se tut; elle n'avait pas l'habitude de parler ainsi, de s'affirmer, de s'exprimer, à ce point, hormis les moments avec sa famille. Alors, elle lança, pour changer de sujet:

« Bon, on commence ? Entraînement au combat ? »

Doucement les multitudes de petite fleures montrèrent le bout de leur nez, peuplant toute une clairière joliment éclairée par les rayons du soleil et remplissant l'air d'une odeur douce et envoûtante. Un lieu bien plus agréable aux sens que ce qu'avait pu connaître l'apprenti jusqu'ici.

" Et pourquoi pas ? "

Elle avait tourné la tête vers lui et il tourna la tête vers elle. Posant son regard dur et légèrement confus dans la douceur de ses prunelles emplis de bonnes attentions.

" J'avais envie de compagnie pour m'entraîner - seule, ce serait un peu compliqué. Et je n'ai aucune raison de ne pas vouloir que ce soit toi, comme tu dis, Feulement. Tu n'as peut-être pas une bonne image de moi, étant donné notre dernière confrontation; Mais que j'aie choisi de défendre ma sœur ne signifie pas que j'ai quelque chose contre toi. T'as pas à être mis à l'écart, et je ne serai pas la cervelle de souris qui le fera. T'es un novice. Moi aussi. Peut-être que je crois encore à l'espoir et l'amitié ? "

Il lui fallut quelques secondes pour recevoir le message de la jolie fille. Quelques secondes pour l'analyser et encore plus de temps pour se demander si elle se moquait cruellement de lui. La silhouette de la brune, elle, en profitait pour le distancer. Mais elle se tourna, l'invita à la suivre, glissant gentillement:

" Appelle-moi naïve ou faible si tu veux mais... On a tous droit à une deuxième chance, non ? Si tu veux bien m'en accorder une ? "

L'aspirant ne savait pas exactement quoi répondre à ce discours plein d'espoir et d'espérance. Voilà bien la première personne qui essayait de devenir son amie. Autre qu'Orages évidemment. Mais la relation était différente entre ces deux-là. Toujours méfiant, il ne croyait qu'à moitié en les déclarations d'amours de la jolie fleure. Elle voulait certainement quelque chose, elle aussi, le manipulait-elle? Feulement Nuageux plissa légèrement des yeux lorsqu'il finit par bouger afin de la rejoindre, et quand elle lui demanda:

" Bon, on commence ? Entraînement au combat ? "

Il lui répondu d'un ton trahissant clairement ses doutes:

" Tu veux te lier d'amitié avec moi, en te battant? "

Pas qu'il voulait faire autre chose mais en soit, le gamin ne savait rien de ce qu'était réellement l'amitié. N'avait-il pas lier un lien si fort avec Orages en se battant dans la boue avec ce dernier lorsqu'il était enfant? Si. Les deux passaient leurs temps à se sauter dessus. Était-ce ainsi que l'on apprenait à s'apprécier mutuellement?

Méfiance.
Observation.
Doute.
Deux regards se mêlèrent.
Quelques secondes s'écoulèrent.
Un sourire
Léger comme une plume
Dansant au gré du vent
Fragile comme une fleur
Frissonnant dans l'automne.

Si Mimosa n'avait pas vu le jeune chat comme trop fier pour cela, elle aurait pensé qu'il avait presque peur de cette attitude douce et amicale qu'elle lui opposait, grand sourire et prunelles d'or scintillantes; mais pourquoi appréhenderait-il cette rencontre ? Se faisait-elle des idées, à présent ? La jeune fille brune tigrée ne savait pas trop comment réagir: que dire, si d'aventure son camarade l'interrogeait davantage, ou s'énervait ? Mais plus que la colère... Ce fut du scepticisme qui joua sur son visage et dans sa voix déjà grave s'unissant parfaitement à son nom, tandis qu'il lâchait quelques mots, semblant un peu perdu.

« Tu veux te lier d'amitié avec moi, en te battant ? »

Dit comme ça, c'était quelque peu étrange, évidemment, mais... Oui, aurait-elle voulu dire. Comme ça ou autrement, j'aimerais me lier d'amitié avec toi. Et oui, si je dois me battre pour ça je le ferai. Oui, j'y tiens. Oui, tu as ta place et tes allégeances toi aussi. Ses mots moururent avant d'atteindre ses lèvres. Quelle étrange paire faisaient-ils... Elle, la fille du chef présent, princesse de soleil, introvertie mais lumineuse, petite étoile, petite fleur, printanière et jolie, fraîche et rieuse, avec si peu de connaissances sur la guerre. Lui, le fils de l'ancien chef, prince des ténèbres, fort, imposant, brutal, un peu sombre, feu dévorant, pourtant aussi glacé que l'hiver, couvert de cicatrices, renfrogné, et désarmé dès lors qu'on parlait d'amitié. Rassérénée par cette découverte, comprenant peut-être qu'elle avait aussi des choses à lui apprendre, Mimosa lui lança un regard tout pareil à ceux d'avant, et, lentement, chuchota:

« Bah... Pour se faire des amis, faut apprendre à se connaître. D'une manière ou d'une autre. »

Elle s'approcha, lentement, de quelques pas, se plaçant bien face à lui, s'assurant de ne pas lui tourner le dos; elle était réservée, mais c'était toujours un des premiers conseils des guerriers... Ce faisant, elle haussa gentiment les épaules et rit, espiègle:

« Je n'allais pas te proposer de cueillir des fleurs, si ? Même si je parle plantes avec Muguet.
Et chasser, ça peut se faire seul. En plus, ça demande, plus que tout, de la discrétion.
Disons que j'allie l'utile à l'agréable - s'entraîner, et éventuellement nous lier d'amitié.
Parce que, partager une proie, ça se fait aussi, mais je ne pense pas que tu aies...
Que tu aies confiance en moi, pour ça. » Plus posée et sérieuse, sa voix ténue s'adoucit.
« Disons que c'était un compromis. Passer du temps avec toi, simplement. »

C'était bien trop de mots, pour la petite fée, qui avait tant de mal à s'affirmer - mais juste une personne, c'était moins pire qu'un groupe. Oh, Clan des Étoiles, elle laissait les rêves de devenir meneur aux autres - et renonçait tout autant au grade de lieutenante; hormis son royaume de plantes, où elle pouvait parler avec Petit Muguet ou Nuage du Corbeau pendant des heures, qu'on la remarque peu lui allait très bien. Lui, rêvait-il de devenir meneur, un jour ? Est-ce que le Clan, la loyauté aux autres, ça avait encore un quelconque sens à ses yeux ? Et la grande famille de l'Ombre ? Et... Elle stoppa ses pensées. Lui fit un petit signe, une proposition muette, qu'elle accompagna finalement d'un:

« Tu commences ? »

Parce qu'elle avait encore
Trop de délicatesse
Trop d'innocence
Trop de tendresse
Pour se résigner à frapper
La première. Surtout là.
Un entraînement, pas un jeu;
Un jour viendrait-il donc,
Son premier vrai combat ?

La belle petite fille
Ne voulait pas
Infliger des blessures
Distribuer la peine
La douleur, la peur
Non, elle aurait voulu
Les soigner, les guérir
Et offrir du bonheur.

Elle s'approcha; la fourrure du prince déchu s'hérissa légèrement par instinct, réflexe, reste d'une enfance emplie d'abus et de colère.

" Bah... Pour se faire des amis, faut apprendre à se connaître. D'une manière ou d'une autre. "

Feulement Nuageux calma doucement ses pulsions sauvages. Redressant sa tête basse et menaçante pour soutenir le regard de la princesse ensoleillée. Ses paroles si douces, pleines d'amour et de tolérance l'auraient normalement directement placées au rang d'avorton naïf aux yeux de l'aspirant sombre. Pourtant, elle l'approchait avec assurance et continuait d'insister sur le fait qu'elle souhaitait se battre avec lui. Et pour cela, il devait lui accorder qu'elle possédait une certaine force. Mais était-ce assez pour qu'il lui accorde sa confiance? Absolument pas. Comme un chien battu par ses précédents maîtres, dressé au combat, il lui faudrait du temps. Beaucoup de temps et de la patience pour pouvoir le caresser à nouveau sans risquer de se faire mordre. C'était un travail long, qui apprendrait autant au canidé qu'à son sauveur à grandir. Ensembles.

" Je n'allais pas te proposer de cueillir des fleurs, si ? Même si je parle plantes avec Muguet. Et chasser, ça peut se faire seul. En plus, ça demande, plus que tout, de la discrétion. Disons que j'allie l'utile à l'agréable - s'entraîner, et éventuellement nous lier d'amitié. Parce que, partager une proie, ça se fait aussi, mais je ne pense pas que tu aies... Que tu aies confiance en moi, pour ça. Disons que c'était un compromis. Passer du temps avec toi, simplement. "

Il avait toujours du mal à comprendre la femelle brune. A la prendre au sérieux. Se demandait toujours pourquoi elle voulait de lui et se le demanderait pour encore longtemps mais ne chercha pas à lui exprimer ses doutes. Ou à lui répondre. Car il ne savait tout simplement pas quoi lui dire.

" Tu commences ? "

Elle lui faisait face, à quelques pas de lui, prête. Feulement Nuageux hocha lentement de la tête, contractant ses muscles et étudiant un instant du regard la jolie fleure. Pourrait-il directement lui faucher les pattes comme Feuille de Houx lui avait indirectement appris à faire? Il jugea qu'il n'en avait pas besoin. Une attaque de front suffirait certainement à renversé son adversaire inexpérimentée semblant aussi légère et fragile qu'une plume.

Alors sans attendre il se jeta en sa direction, utilisant sa force brute pour lui rentrer dedans de plein fouet. Ses agressions manquaient encore de précision et de technique, mais doucement Feulement Nuageux apprenait. Tout deux roulèrent au sol, écrasant sur leur passage violent les fleurs colorés.

Comme à son habitude, sans même le réaliser lui-même, ses griffes lui échappèrent bien vite et se plantèrent dans la fourrure de la douce Nuage du Mimosa.

Geste involontaire en soit, mais douloureux.

Prince des Ombres.
Fourrure hérissée.
Musculature présente.
Silhouette massive.
Regard ambré enflammé.
Colère, douleur et détermination.

Pour la première fois depuis le début de ce petit voyage, Nuage du Mimosa eut un instant d'appréhension, comprenant instantanément qu'il était plus fort, plus puissant, et plus lourd qu'elle; elle ne gagnerait certainement pas par la force, et en l'absence, pour tous deux, de beaucoup de technique, partait donc avec un net désavantage... D'autant qu'elle n'aurait pas le temps de s'éloigner; il fonçait déjà, droit sur elle, la renversant d'un seul bond et la plaquant au sol. Les deux corps s'écrasèrent au sol, roulant dans une étreinte qui n'avait rien de doux et rien de délicat, au milieu des pétales de fleurs; Feulement Nuageux n'avait plus rien d'un novice qui, quoique froid, pouvait peut-être être approché; c'était un félin décidé, se battant pour lui-même, et pour sa vie, considérant son attitude - et ses griffes, qui se plantèrent dans la fourrure tigrée, dans la chair, aussi; la princesse de soleil retint le moindre gémissement de douleur, ravalant les larmes qui lui montaient aux yeux. Ce n'était pas un entraînement, s'il sortait les griffes, alors pourquoi faisait-il cela ? Pour lui faire payer quelque chose ? Qu'est-ce qu'elle avait fait ? Elle aurait voulu lui demander, lui poser ces mille questions qui lui brûlaient la langue et tournoyaient dans sa tête, mais comment s'expliquer ? Comment comprendre ? Comment s'assurer qu'il ne la punissait pas, et qu'elle n'avait pas dit quelque chose de mal ? D'autres que la jolie fleur auraient simplement considéré le jeune mâle comme un fou, dangereux, violent, et possiblement d'autres amabilités du même genre, mais la brunette aux yeux d'or ? Elle avait son complexe d'infériorité, toute sa douceur, et avant toute chose, elle se remettrait en question - toujours. Alors, tout en se démêlant de son camarade de tanière et en se relevant pour s'éloigner un peu, elle réfléchissait; quand il lui fit face, elle comprit alors une chose, à la manière d'un rayon de soleil traversant les feuillages pour éclairer les fleurs, dans la clairière: ses combats à lui n'avaient pas été des entraînements - c'était des affrontements réels, auprès des Lunar Pods, pour vivre. Une moue délicate se dessina sur son visage, et elle rit, amusée, quelque part:

« Bon. Je prévoyais pas de chercher des plantes aujourd'hui, mais soigner ça en secret serait préférable. C'est pas plus mal, au moins, je pourrai travailler ce que Nuage du Corbeau m'a appris récemment. »

Mais sa douce voix, patiente et cristalline, était sérieuse, quand elle reporta son attention sur l'autre novice. Aucun reproche, même si elle avait un peu mal au flanc, là où il l'avait blessée, laissant des traits écarlates.

« Feulement, tu n'as pas besoin de sortir les griffes... On s'entraîne. C'est pas un vrai combat.
C'est juste pour s'améliorer - et j'ai choisi cet entraînement parce que moi j'ai beaucoup à travailler.
Mais c'est fait pour ça, les amis, pour s'entraider. Ça sert à rien de se faire mal l'un à l'autre, de toute façon. On est du même Clan... Quand on se battra pour de vrai, on surveillera les arrières de l'autre, se protégera. »

Elle n'avait pas envie d'un vrai combat
Mais elle ne lui expliquerait pas ça
Parce que même avec ses frère et sœurs
Même avec son meilleur ami, elle n'en avait
Rien dit. Elle ne pouvait tout simplement pas
Leur laisser savoir que se battre n'était pas
Ce dont elle rêvait. Du fond du cœur
Elle avait choisi sa voie: elle les protégerait.
Et puisqu'elle ne serait jamais guérisseuse, alors
Elle devrait se battre, petite fille au cœur d'or.
Sans violence gratuite, seulement si nécessaire,
Et ça, elle l'expliquait au fils du Serpentaire.

« On la refait sans les griffes ? Cette fois, tu ne m'auras pas ! »

Et cette fois, quand il bondit, elle était prête, vraiment.
Les pattes du chat sombre ne frappèrent que le vent.

Finalement la princesse des fleurs réussie à se défaire de la douloureuse prise de son adversaire. Ils se firent face. Et au grand étonnement de l'apprenti sombre elle rigola. D'un rire pur, sincère. Pas d'insultes. Pas de feulements. Pas de colère comme il y était tant habitué. Confus, à nouveau, le prince déchu observa à cette scène étrange.

" Bon. Je prévoyais pas de chercher des plantes aujourd'hui, mais soigner ça en secret serait préférable. C'est pas plus mal, au moins, je pourrai travailler ce que Nuage du Corbeau m'a appris récemment. "

En secret? Pourquoi? Qui y avait-il de mal? N'étais-ce pas un risque commun de la vie des guerriers? D'un apprenti en formation? Se battre, mordre, saigner, souffrir, enduré, apprendre, s'endurcir.

" Feulement, tu n'as pas besoin de sortir les griffes... On s'entraîne. C'est pas un vrai combat. C'est juste pour s'améliorer - et j'ai choisi cet entraînement parce que moi j'ai beaucoup à travailler. Mais c'est fait pour ça, les amis, pour s'entraider. Ça sert à rien de se faire mal l'un à l'autre, de toute façon. On est du même Clan... Quand on se battra pour de vrai, on surveillera les arrières de l'autre, se protégera. "

S'entraider, se protéger, des amis, ne pas se battre avec les griffes. Dur à comprendre. Tant de mots étrangers à ses oreilles déchiquetés par l'abus, la violence, les ténèbres.

"On la refait sans les griffes ? Cette fois, tu ne m'auras pas !
- Ok... "

Miaula t-il simplement à voix basse. Toujours plus ou moins obéissant temps qu'on ne le repoussait pas, temps qu'il ne se sentait pas agressé ou menacé. Même un peu compréhensif quand on le comprenait. Encore, il l'aurait traité de faible et aurait refusé de coopérer si elle ne s'était pas redressée en rigolant. Si elle avait montrée un signe de peur, de fragilité. Mais elle parlait naturellement, comme si la chose était évidente. Il jugeait le combat sans armes réelles moin efficace. Mais si c'était ainsi que marchaient les clans. Alors très bien.

Feulement Nuageux bondit, mais n'atterrit pas sur sa cible. Cette fois-ci cette dernière l'avait esquivée d'un geste agile, svelte. Il tourna la tête apercevant par-dessus son épaule la femelle, fit volte-face. Il poussa sur ses membres postérieurs à nouveau en sa direction, visant cette fois-ci les pattes pour les faucher. Contrôlant avec une certaine difficulté ses griffes mais pas sa force. Et voilà qu'à nouveau les deux enfants roulaient dans les passiflores.

« Ok... »

Quelle conviction ! S'il s'était agi d'une de ses sœurs, ou d'Aulne, ou Ouragan, Nuage du Mimosa se serait peut-être risquée à un petit commentaire sarcastique, empli de taquinerie, d'affection et de tendresse, mais elle n'avait pas tant envie de vexer Feulement Nuageux, et de toute façon, leur combat reprenait déjà. Un combat, selon les Clans, cette fois ! Au moins, aucun d'eux ne se ferait mal... La jeune fille eut un pincement au cœur en pensant aux multiples cicatrices qui paraient la silhouette à la fourrure sombre de ce mâle aux yeux d'ambre à la fois immensément semblables et immensément différents, par rapport aux siens; c'était injuste ! Il était à peine plus âgé qu'elle, mais il avait déjà souffert, bien davantage que la petite princesse de soleil - tout ça à cause des Enfants de la Lune. C'était donc pour cela qu'elle se battrait; pour protéger son Clan, pour qu'aucun autre petit ne soit enlevé ainsi, qu'aucun guerrier ne revienne blessé, ou pire, ne revienne pas du tout; la jolie fleur se souvenait de ce défilé de blessés dans l'antre du guérisseur, tandis qu'elle observait d'un peu plus loin Esprit Soucieux et Nuage du Corbeau. Quel gâchis !

Le premier bond de Feulement Nuageux n'atteignit rien, fauchant seulement la brise. Mimosa s'était glissée, danseuse dans le vent, hors d'atteinte de ce coup, et une étincelle espiègle scintillait dans ses yeux; à présent, c'était comme un nouveau jeu, empli de promesses et de connaissances. Accorde-moi juste une deuxième chance. Un nouveau geste; cette fois, plus technique, l'aîné des deux apprentis lui faucha les pattes, avec force; elle sourit: il n'avait pas sorti les griffes. Puis, tous deux de rouler sur l'herbe tendre et dans les fleurs pastelles. La paix et la guerre, l'innocence et ce chemin, si spécial, vers l'âge adulte. En duo. En groupe. Entre amis. Ensemble.

Parce qu'un jour peut-être
Ils pourraient avoir
Confiance l'un en l'autre
Et se protéger
Surveiller les arrières
Au combat; comme
Des amis. Encore. Toujours.
Parce qu'un jour peut-être
Le mot Clan signifierait
Quelque chose; et bien plus
Qu'un groupe, simplement,
Ou qu'une loyauté obligée,
Ce qui tenait Mimosa, c'était
Ceux qu'elle aimait.

Plaquée au sol, la jeune fille n'en était pas moins vive, réactive, et si elle ne voulait pas lui faire mal, elle ne prévoyait pas d'être une proie ou une poupée de son sur laquelle s'entraîner, non plus: griffes rentrées, sans y mettre trop de force, juste assez pour se libérer, elle donna donc des coups de pattes parfaitement calculés, dans le ventre du matou. Gagné ! Il la lâcha; vive comme un serpent, la petite fleur se releva. Ses prunelles d'or scintillaient d'un nouvel éclat, joyeux, joueur, plein de défi, aussi, mais elle riait encore, en se jetant sur lui. À son tour, d'attaquer ! Haute sur pattes, son bond la mena à retomber sur les épaules du matou, et elle en profita pour lui mettre quelques coups légers sur les flancs et la tête, toujours plutôt douce, avant qu'un dernier saut ne la ramène au sol - mais ça, c'était davantage par déséquilibre que par choix... La belle apprentie ne pouvait pas le savoir, ça, mais ces gestes qu'elle faisait, d'instinct, c'étaient des techniques - bien maladroites, mais qui gagneraient, un jour, à être perfectionnées. Mais conserver son équilibre sur la fourrure épaisse de Feulement, dont la silhouette et la musculature bougeaient sous ses coussinets, sans sortir les griffes pour s'accrocher ? Difficile ! - Non, presque impossible. - Quand elle retomba sur ses pattes, elle vacillait légèrement, et se trouvait en biais, par rapport au chat des ténèbres; mauvaise idée. Très mauvaise idée.

Mais Mimosa souriait
Parce qu'elle était
Heureuse.

« Tu vois, on se fait pas mal comme ça ! Mais on apprend !
Et si tu veux, quand on aura des blessures... Je les soignerai.
Nuage du Corbeau m'apprend un peu comment faire. »

Qu'elle lui parle des plantes
C'était une preuve de confiance
Parce que la petite princesse
Savait qu'on la trouvait étrange
Mais oui, elle était différente
Elle était la guerrière
Au grand cœur
De guérisseuse.

« Alors, comment tu trouves les entraînements ?
C'est sympa, non ? On a assez de cicatrices
De la part de l'ennemi. On n'en laisse pas à des amis. »

Elle était réellement curieuse
De savoir s'il aimait ça
Parce qu'il lui avait accordé
Un moment partagé
Au milieu de la clairière
Dans les bois, et elle était heureuse
Mais plus que tout, ce qu'elle espérait
C'est qu'en rentrant au camp
Feulement sourirait.

Même un peu
Même une seconde
Cette fois
Ou une prochaine
Mais ele voulait juste
Que cette journée
Marque peut-être
Un nouveau départ.

S'il te plaît, aide-moi.

Elle lui tendait une patte, aujourd'hui.
Parce qu'elle en était absolument sûre:
Ensemble, ils feraient éclore l'espoir.

Et sur le doux sol de la clairière fleurie, ils échangeaient des coups innocents, sans crier, sans pleurer, sans feuler. Pas une goutte écarlate n'échappa de leurs corps. Mais toujours méfiant, Feulement Nuageux restait prêt à se défendre si le petit jeu venait à prendre une tournure qu'il n'apprécierait pas. Encore tendu, la maîtrise de lui-même était compliqué. Ne pas laisser la peur prendre le dessus, ne pas laisser l'instinct faire surface. Il n'y avait pas de danger ici. Du moins il l'espérait.

Car étrangement, il se prenait à baisser un peu sa garde à côté de Mimosa. Pas assez pour dire qu'il était détendu évidemment, mais peu-être assez pour ne pas cracher dé qu'elle faisait un geste brusque.

Et dans les yeux de la féline, alors qu'il la plaquait au sol, il ne lisait qu'un certain malice, il y voyait un éclat joueur et l'entendait rire. La situation lui était incompréhensible (comment pouvait-on prendre du plaisir à se battre avec quelqu'un) mais possédait quelque chose d'envoûtant. Comme si inconsciemment, lui aussi voulait s'abandonner au jeu. Car au fond, Feulement Nuageux n'était qu'un enfant.

Puis elle bondit. Et à nouveau, leurs deux corps dansèrent sous les pale rayons du soleil.

Maintenant, elle se tenait de biais devant lui. Et le mâle s'apprêtait à bondir à nouveau. Mais elle parla, alors il sût se retenir, à nouveau, pour l'écouter. Allez savoir pourquoi. Peu-être que l'adrénaline ne coulait pas dans ses veines comme un torrent dont le courant l'emportait. Peu-être aussi car il était légèrement curieux. Toujours confus.

"Tu vois, on se fait pas mal comme ça ! Mais on apprend ! Et si tu veux, quand on aura des blessures... Je les soignerai. Nuage du Corbeau m'apprend un peu comment faire. Alors, comment tu trouves les entraînements ? C'est sympa, non ? On a assez de cicatrices de la part de l'ennemi. On n'en laisse pas à des amis. "

Il resta silencieux un instant. Puis enfin décida de formuler une véritable phrase. Une réponse autre que "Oui, non, ok" ou un simple hochement de tête. C'était un début.

" C'moins efficace. "

Car il restait une brute, persuadé que le combat, la violence et la force étaient les seules solutions. Et que si on n'apprenait pas à endurer les blessures et les coups de griffes, alors on ne pourrait pas survivre dans ce monde cruel.

"Mais plus agréable..."

Ajouta t-il d'une voix plus basse, semblant presque avouer une erreur, une faiblesse. Et aussitôt qu'il eut finit de prononcer ces mots il sauta à nouveau en direction du flanc de l'apprentie. Comme s'il voulait changer de sujet rapidement. Lorsqu'il se trouva au-dessus d'elle il lâcha un :

"T'es chelou."

Qui se voulait un poil méprisant mais qui ne sonnait pas ainsi.