Sourire à s'en déchirer les lèvres [Ft Crépu fifille] - Abandon

Aujourd'hui était une belle journée, une de celle qui aurait été idéale pour entraîner sa nouvelle apprentie, Nuage d'Aigrette. Apprentie qui lui rappelait sa sœur, de part leur maladie commune. Et c'est en pensant en elle qu'il se dit qu'il allait devoir faire autre chose de ce jour que de l'entrainement. Même s'il tentait de le cacher, derrière des saluts de tête, des sourires de cordialité, il avait rarement été aussi mal. La galvanisation d'après-guerre de son discours s'était vite dissipé de son côté. La bataille commençait à dater à présent, mais toujours Nuage de Soleil était retenu et toujours, il n'avait pas parlé à ... sa fille. Car il fallait bien l'appeler comme ça, à présent. Et tout cela minait son moral, et dès qu'il était seul, ses oreilles et sa queue se baissaient, signe de son affaissement. Souffle Polaire n'aurait pas aimé le voir comme ça. Il y a peu de temps, il avait parlé à Nuage Poivré, afin d'en savoir plus sur Eclat de Crépuscule. Et aujourd'hui, il était temps d'utiliser ce qu'il avait appris. Il devait s'enlever une de ces boules qui pesaient dans sa gorge et son corps. Il n'irait pas loin sinon. Il n'arriverait pas à garder ce masque bien longtemps, celui-ci se fissurait et certains verraient tous ses doutes envers lui-même. Et cela ne devait pas avoir lieu. Il était le chef du clan, celui qui devait le porter sur ses épaules, et il n'avait pas le droit de fléchir. Personne ne suivrait un guide perdu. 


Et même pour lui. Il avait besoin de voir sa fille, de lui parler, de la connaitre, de s'excuser de ce qu'il avait fait. Il avait perdu plus de vingt lunes, il ne voulait pas regretter le reste. Il poussa un grand soupir. Respire.  Il avait le devoir de le faire. La rousse méritait de savoir, de comprendre les raisons de sa blessure. Dans l'histoire, c'était elle la principale victime. 


Il sortit de sa tanière, non sans s'être toiletté d'abord. Toujours être propre sur soi pour donner une bonne image, une image de force et de droiture. Il la repéra dans un coin du camp et après quelques tremblements, se dirigea vers elle. Tu peux le faire. Tu dois le faire! 


Le meneur ne savait pas si elle l'avait vu arrivé, mais en tout cas, elle n'était pas parti, c'était là l'essentiel. Il s'assit, enroula sa queue autour de ses pattes, plus pour cacher son stress qui s'y montrait que pour se sentir à l'aise. 

"Bonjour Eclat de Crépuscule."


Son ton était neutre, quoique qu'un peu doux, pour lui montrer qu'il ne venait pas en agresseur. Il ne savait pas trop quelle manière de parler choisir. Il ne savait rien dans tout cela. Perdu dans ce qu'il devait dire, faire, tel un chaton. N'avait-il pas assez vécu pour ne plus ressentir ce sentiment-là? 


"J'aimerais qu'on ait une discussion tous les deux. Il me semble que ce serait une bonne idée, pour toi comme pour moi. S'il te plait."


Il ne voulait rien lui imposer et il y avait presque une supplication dans cette demande.Oui il avait besoin de cette conversation, désespérément. Même si c'était pour essuyer sa rage, même si c'était pour qu'elle le rejette à vie. 


"Je comprendrais que tu ne veuilles pas mais... s'il te plait, juste écoute-moi, discutons, et après, tu pourras prendre une décision. Même... même si moi, je n'ai pas su le faire.  Après ça, si tu désires ne plus jamais entendre parler de moi ni me voir, je l'accepterai et notre relation se limitera au minimum possible entre deux chats d'un même clan."


Il avait conscience qu'elle pourrait très mal le prendre, qu'elle avait tout à fait la possibilité de l'envoyer bouler. Après tout, il le méritait, non? Mais même s'il respecterait son choix, s'ils ne parlaient pas ou même si rien ne ressortait de leur discussion, il savait pertinemment que quelque chose se briserait en lui. Aujourd'hui, il allait mettre fin à l'espoir qu'elle puisse lui pardonner un jour, qu'il puisse enfin être un père comme il aurait du l'être. 
 

Eclat de Crépuscule ne dit rien, mais prit tout de même la direction de la sortie du camp. Il y avait comme une inversion des rapports de force. En tant que chef, Étoile Tropicale était souvent celui qui menait les patrouilles. Là, au contraire, il se trouvait derrière. Elle le mena vers le moulin. Il ne savait si elle avait choisi cet endroit, pour cela, mais il était plutôt isolé, donc idéal à la discussion. Pas le lieu favori pour la chasse, ni pour les entraînements.

Ils arrivèrent finalement à destination et sa s'assit et il fit de même. Il ne savait pas s'il devait parler le premier -après tout c'était lui qui était venu la chercher- mais il n'eut pas longtemps le loisir d'hésiter.

 "Oui, Etoile Tropicale. Que veux-tu me dire? Que tu es désolé ? Je n'en ai rien à faire de tes excuses. Des paroles, c'est du vent. Ma marque de griffure est immortelle. Je vais vivre comme une traîtresse pour Nuage Poivré, ma mère et même Ecorce de Chêne ,à cause de toi. Alors je pense que je n'ai pas de salive à gaspiller pour toi. Je me la réserve pour donner des explications à mes proches, si le vénéré chef que tu es me laisse en parler."


Il n'y a pas à discuter, il méritait ce qu'elle venait de dire. Mais ce ne sont pas ces mots qui lui firent le plus de mal, mais bien sa réaction une fois qu'elle les eut prononcés. Elle se recroquevilla sur elle-même et ses yeux s'emplirent de terreur. Elle se préparait à recevoir un coup. Et voir ce spectacle donc il était l'unique cause lui serrait le cœur et la gorge. Mais après, c'était bien ce qu'il s'était déroulé la première fois, donc pourquoi pas la deuxième? Sa peur était justifiée. 

Il ne s'attendant pas à ce qu'il suffise qu'il s'excuse pour qu'elle dise un "c'est pas grave" et que tout rentre dans l'ordre, qu'il devienne tout à coup son père chéri. Non, loin de là. Il ne pourrait jamais réparé ce qu'il avait fait. La griffure était là, et elle le resterait toujours, tout comme le traumatisme qu'elle avait ressenti. 

"Ni Nuage Poivré, ni Plume de Moineau ne te considèrent comme tel, et je doute qu'Ecorce de Chêne le sache, mais, si tu l'exiges, j'irais les voir, je leur expliquerai que tu n'es en aucun cas une traîtresse et que je suis l'unique fautif de ce qu'il s'est déroulé."


Plume de Moineau, en tant que mère, et Nuage Poivré en tant qu'apprenti tenaient tout deux énormément à la guerrière, et seraient probablement toujours de son côté, à raison sur ce coup-là. 


Il savait que dire cela ne suffisait pas, il devait choisir ses mots, les peser, pour qu'il n'y avait pas de mauvaises interprétations de ses paroles. Il n'avait pas besoin de ça. 


"Ce jour-là, tu as fait une erreur. Une erreur qui ne méritait absolument pas ce que je t'ai infligé. Moi, par contre, en te blessant, j'ai commis un acte de trahison."


Il avait failli à son devoir, à protéger le clan en le blessant, il avait oublié toutes ses valeurs en une seconde. Il avait trahi la confiance qui lui avait été accordé par le clan des Etoiles et Tâche d'If. Il le savait maintenant. Certes, Eclat de Crépuscule n'avait pas à faire ce qu'elle avait fait. Ce lapin devait revenir au clan. Mais tout de même, il était aller trop loin. 


"Oui, je suis désolée, et je sais que rien ne réparera ce que je t'ai infligé, et malgré le fait que c'était un acte d'impulsivité, ce n'est pas justifiable."


Il soupira. Tous les mots qui s'étaient bousculés dans sa tête jusqu'à présent, ceux qu'il avait prononcé pour préparer cette conversation et les réutiliser en ce jour, il les avait oublié. Il s'exprimait de lui même, son discours écrit d'avance, en toute honnêteté. 


"Tu ne veux pas utiliser ta salive? Soit, tu as raison. Alors, utilise tes griffes."


Il se tint droit, la fixa dans ses yeux, et montra ses pattes, pour bien prouver qu'il n'allait pas l'attaquer en retour pour ça. Il lui proposait une vengeance, un juste retour des choses. Il méritait ce coup.


"Tu n'auras pas de représailles, c'est juste ce que je mérite. Je t'ai marqué à vie, alors fais de même. J'ai trahi le clan en te blessant, alors je dois aussi recevoir une sanction pour cela. Frappe ou tu veux, crève moi un oeil si tu veux, juste laisse m'en un pour que je puisse continuer d'être chef." Il eut un rictus, et un rire nerveux, et il continua, plus pour lui-même, en baissant la tête: "Et même, comme ça je rejoindrais la tanière des anciens, je ne suis pas digne de cette place." Il refixa son regard dans le sien, s'adressant à elle de nouveau: "Et si tu ne veux pas le faire, allons voir Cobra Royal, je lui dirais que je t'ai blessé injustement et je lui demanderai de me griffer ou de me mordre pour ça."
 

 
 Eclat de Crépuscule ne semblait ne pourvoir être plus surprise. Ses yeux s'écarquillèrent et elle secoua sa tête, répondant par la négative à sa proposition. Étoile Tropicale se contenta de la fixer, attendant, lui laissant le temps de réfléchir, pour choisir une réponse, ou plutôt une action une fois l'idée première passée, mais sa fille resta sur cette dernière, lui faisant comprendre en s'asseyant. Il hocha de la tête, comprenant son choix et l'acceptant. Il l'aurait de toute façon fait dans tous les cas. Il n'était pas soulagé de ne pas être blessé, ni déçu car il s'agissait là de ce qu'il méritait. C'était le choix de la rousse, et uniquement le sien, et il n'aurait eu aucun ressentiment envers ce dernier quel-qu’il soit, juste une acceptation de son sort. Il n'avait pas fait de pronostics de ce qu'il allait se passer, ni réfléchit à ce qu'elle pourrait choisir, jute attendu. Aurait-il deviné de toute façon? Malgré qu'elle soit de son sang, qu'il lui est donné une partie de son nom, il la connaissait mal, voire pas. 


“Hors de question ! C’est à moi d’aller les voir. Je ne voudrai pas que tu rendes encore Plume de Moineau amoureuse, ni que tu bouleverses trop le quotidien de Nuage Poivré. Tu m’as blessée moi, mais ne vas pas détruire d’autres vies encore.”


Il entendait le fond de colère de sa voix. Ainsi que ses mots. Détruire d'autres vies... il avait conscience qu'il l'avait déjà fait pour la guerrière mais était-ce une chose sans possibilité de réparation qui ne pourrait jamais se reconstruire même avec des séquelles? L'avait-il brisé au point qu'elle ne puisse jamais revivre normalement? Il ne le pensait pas, loin de là. Elle en garderait des traces, pas seulement physiques, mais il savait qu'elle se relèverait, elle commençait dès à présent. 

Lui aussi avait été détruit, par Plume de Moineau, mais il ne s'agissait pas là d'une excuse rétablissant la balance, ni d'une vengeance à la base. 

Il ne sut s'empêcher de rajouter, sceptique:

"C'est en soit plus elle qui m'a rendu amoureux que le contraire... Si elle m'a vraiment aimé."


Car il pensait sincèrement. La femelle avait de suite été dans les bras d'Ecorce de Chêne en suivant et il avait l'impression de n'avoir été qu'un jeu, qu'un défi ses yeux, et même si cela le blessait encore quelques fois en y repensant, il avait dépassé la haine, et décidait que si cela avait vraiment été le cas, il n'avait qu'à pas être aussi stupide.


“Et tu n’iras pas voir Cobra Royal. Personne ne te touchera. Cette histoire reste entre nous. Ce n’est que dans le feu de l’action que je me bats, pas de sang-froid. Je préfère discuter, apprendre à connaître l’autre avant de me battre sans savoir pourquoi. Et là je ne vois pas l’utilité de te griffer parce que tu as fait ce que tu pensais être juste. C’est tout. Même si je t’en veux énormément. A jamais.”


"Ce n'était pas juste, et je ne l'ai jamais pensé."


Mais que pouvait-il dire? Qu'elle était la véritable raison de ce coup? Y en avait-il seulement une? Pouvait-il expliquer l'impulsivité dont il avait fait preuve, la colère subite qu'il avait ressenti en voyant qu'elle entretenait l'ennemi qui blessait les leurs, en le donnant alors que des chats de leur clan avaient faim, en l'entendant dire qu'il voulait le malheur de son clan, à qui il avait donné sa vie?


Il avait tort, il le savait à présent, mais lui même n'était pas capable d'expliquer son geste.


"Je ne vais pas t'expliquer le pourquoi, car ce serait donner une raison et une explication là ou il n'y en a pas, et je ne le connais pas vraiment moi-même. Et le fait que tu m'en veuilles pour toujours est plus que justifié, soit sure que je le comprends, il eut un léger sourire, pas heureux, juste de circonstance, et bien qu'il en soit ainsi, cela restera entre nous."

 
 Alors comme ça, selon sa fille, Plume de Moineau l'avait un jour vraiment aimé? Et de plus, elle ne lui jetait pas un regard indifférent. Celle-là, il en doutait franchement, elle devait dire cela pour argumenter sa phrase précédente. Et puis même qu'est ce que cela pouvait-il bien lui faire à présent? Car tous les sentiments qu'il avait eu pour la femelle s'étaient envolé, le jour où elle l'avait quitté, lui explosant son cœur qui avait déjà été brisé par la mort de sa sœur, un traumatisme qui avait eu lieu à peine quelques jours avant. Il s'était donc enfoncé dans une profonde tristesse et s'était donné corps et âme à son clan, devenant plus dévoué qu'il ne l'était autrefois, et s'était ainsi relevé, lavé de tout amour, pour ne garder que l'amertume et la tristesse. 

"Parce que tu es xénophobe. "

Ainsi c'était ce qu'elle pensait de lui. Lui l'appelait méfiance envers les étrangers, justifié par les raisons que lui avait donné la vie. Mais pour elle, c'était là le mot, et il ne pouvait en réalité pas le contredire. 

" Maintenant, serrons-nous la patte et devenons les meilleurs amis du monde, wouhou, c'est trop chouette. C'est de ça que tu voulais me parler ? T'as fini de te racheter ?"

Non, il n'avait pas fini. Ce n'était pas en donnant quelques beaux mots qu'il se ferait pardonner, il le savait et elle lui faisait bien comprendre. Mais dans un sens, même s'il ne savait pas quoi rajouter, il voulait continuer à lui parler, rien que pour mieux connaitre cette fille qu'il venait de découvrir. Mais accepterait-elle sa présence? Il n'en était pas sur. Alors, il joua sur les mots qu'elle avait prononcé, les prenant intentionnellement au premier degré, un léger sourire aux lèvres.

"Chouette, chouette... Etre meilleur ami avec sa fille, c'est franchement étrange. T'as pas mieux? "

Puis, il continua, avec une pointe de sarcasme qui ne lui était pas habituelle, utilisant ses propres mots, façon déguisée de savoir ce qu'elle pensait de l'idée de continuer leur conversation. 

"Puis, moi je veux bien continuer à parler avec toi, mais c'est à toi que se pose la question. Veux-tu continuer la conversation avec ton "vénéré chef"?"