Une bonne leçon ft. Feuille de Houx - end

Nuage d'Épervier, en apprenti-sentinelle studieux rôdait le long de la frontière. Le jeune matou brun guettait les environs avec une concentration à faire pâlir un chasseur. Nuage d'Épervier chassait. Il chassait les potentiels intrus. Sa pelisse brune se fondait à merveille dans le paysage. La terre sombre de la lande était accordée au jeune mâle et les rochers qui y traînaient dissimulaient sans mal l'animal.
Il se faisait tard. Bientôt, ils devraient rentrer au Camp, céder leur place à un autre groupe, sûrement un binôme aussi d'ailleurs. Mais pour le moment, le novice assurait son rôle avec détermination : aucun étranger ne lui échapperait. Ses yeux aux iris dorées fixaient l'horizon. Il ne prêtait presque pas attention à sa mentor, Éclair d'Argent, qui l'accompagnait.

Lorsqu'enfin ses camarades prirent le relais, le jeune mâle intima à son aînée qu'il partait chasser en route. Son sens du devoir et son envie de prouver sa valeur au Clan le poussaient régulièrement à cette activité. Malgré ses responsabilités à venir en tant que sentinelle et la fatigue qui le travaillait, Nuage d'Épervier ne savait pas retourner au Camp sans une proie, aussi maigre fut-elle. Il était déjà revenu avec un souriceau, lors des jours difficiles. Mais bredouille, jamais; il pouvait passer la nuit même à chasser pourvu qu'il tue quelque chose.

Ainsi il s'aventura à quelques longueurs de queue de renard du Chemin du Tonnerre. Le vrombissement des monstres lui arrachait toujours quelques sursauts, lorsqu'il s'approchait trop de la route noire, mais il avait appris que les monstres ne la quittait jamais. Il n'était donc pas trop inquiété et se concentra bien assez vite sur sa chasse. Par cette saison des feuilles nouvelles, les proies ne manquaient plus ! C'est pourquoi Nuage d'Épervier détecta sans trop de soucis la présence d'un petit rongeur. Une souris ! On en trouvait à foison par ici, pourvu que l'on soit à bonne distance du Chemin du Tonnerre. Ni une ni deux, le fils du lieutenant se mit à bondir sur la petite souris, laquelle couina bruyamment avant de détaler alors que la patte griffue du chasseur la ratait de peu. Le novice jura en s'élançant derrière le rongeur grisâtre. Si je ne te ramène pas à Nuage de Myosotis ce soir, je ne m'appelle plus Nuage d'Épervier !

Il suivit la souris parmi la végétation, mais lorsque le gibier, pris de panique, franchit d'une traite la route goudronnée, l'apprenti-sentinelle hésita. Dans un élan de stupidité, il bondit tout de même à sa suite, têtu et trop orgueilleux pour se laisser distancer par une si maigre souris. Lorsque ses coussinet retrouvèrent le confort d'une herbe tendre, il ne lui fallut plus que deux foulées avant d'abattre le maudit rongeur. Pas peu fier de sa performance finale, Nuage d'Épervier releva la tête, la souris pendant dans sa gueule, il lâcha un : « Ch't'ai eu chale bête ! »

Il jeta un coup d’œil circulaire avant de comprendre toute sa bêtise. Soudain honteux, et surtout effrayé à l'idée que l'on trouve là, sur les terres du Clan de l'Ombre, le brun baissa la tête et s'apprêtait à déguerpir lorsque la végétation frémit, non loin. Alors, le jeune mâle du Clan du Vent aperçut un éclair noir dans les buissons. Pris par une montée d'adrénaline, il dégaina ses griffes, et banda ses muscles, prêt à accueillir une éventuelle attaque.

C'est alors qu'un matou à la pelisse aussi sombre que la nuit sortit de la végétation, laissant à l'apprenti-sentinelle tout le loisir de regarder sa musculature de guerrier. L'animal aux verts iris se faisant aussi grand que possible surplombait sans mal le novice étranger, lequel semblait presque crouler sous le regard glacial de l'ennemi. D'un ton moqueur, le guerrier commença :

« Dommage, pas de chance, il est déjà temps de faire demi-tour. » Puis, en remarquant la souris qui pendait dans la gueule de Nuage d'Épervier, il reprit sur le même air. « Et c'est gentil d'avoir tué une de nos souris, je connais un apprenti qui sera très content de nous en débarrasser. Tu comprends, la plupart d'entre nous détestent sentir votre odeur près de notre gibier. »

Il s'apprêtait à s'expliquer, offusqué qu'on le traite ainsi de voleur, lui qui ne voulait rien gagner de plus que ce qu'il ne méritait par son travail. Et ce dégénéré aux grands airs qui laissait entendre qu'il s'appropriait un gibier qui n'était pas le sien. Pour sûr, il se riait de lui parce qu'il croyait avoir affaire à un simple novice, qu'il aurait forcément le dessus. Pfff... !

« Alors, j'ai rien besoin de t'expliquer, hein ? Fous le camp. » finit le matou sombre alors que ses poils s'hérissaient en guise de menace.

Nuage d'Épervier fit le dos rond, dévoilant ses crocs, anxieux. C'est que l'adrénaline faisait déjà son effet, et son cœur battant vivement expulsait le sang nécessaire à ses muscles : tout son corps se préparait à fuir ou bien à se battre. Mais à nouveau, son orgueil l'égarait du droit chemin.

« Cette souris, je ne l'ai pas volé. C'est de mon côté de la frontière qu'elle vient, et ce sont mes crocs qui l'ont abattu. » Sa queue se mit à fouetter l'air, signe de son anxiété. « Et je partais déjà avant que de voir ta face, crapaud. »

Il reprit sa souris dans la gueule, fit volte-face et se mit en marche vers le Chemin du Tonnerre. Sa propre fourrure était hérissée, il bouillait de colère : comment cet idiot osait-il le traiter ? Les sentinelles de son Clan étaient bien plus courtois que ce chien baveux ! D'ailleurs, il n'était même pas assez brave pour lui sauter dessus : à sa place, c'est ce que Nuage d'Épervier aurait fait. Quel genre de protecteur discute avec les intrus ?! Vraiment des faiblards, ces Ombreux; en plus d'être des idiots.

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Spoiler:

L'étranger à la pelisse sombre semblait difficilement digérer l'insulte que le brun venait de lâcher en s'en allant. Répétant l’infamie sur un ton qu'il voulait toujours railleur, le guerrier du Clan de l'Ombre laissa néanmoins sa colère s'exprimer, et Nuage d'Épervier sentit bien dans son dos qu'il avait touché de ses mots l'autre matou. Mais il s'en fichait, bientôt il serait chez lui, et d'ailleurs il était déjà en marche, pas inquiété par l'animal aux yeux verts. Maintenant qu'il partait, il serait débile de s'en prendre à lui, non ?

C'est ce qu'il se répétait intérieurement alors que la patte habile du mâle plus âgé vint faucher ses postérieurs, faisant s'écrouler son bassin et salissant sa fourrure de boue. Il pesta bruyamment, écœuré de sentir la substance humide et poisseuse s'incruster entre ses poils. Idiot d'Ombreux.

Fanfaronnant, le guerrier ennemi se plaça devant lui en exigeant des excuses. Mais lorsque le crapaud baveux eut l'audace d'évoquer les Étoiles, Nuage d'Épervier ne sut s'il devait pleurer ou bien souffler. A la place, il libéra un léger rire teinté de rancœur en se redressant.

« Ne me parle pas d'Étoiles quand ce sont vos guerriers qui attaquent une apprentie-guérisseuse. C'est vous, les pécheurs ici. » Il grommela, faisant face au mâle noir sans laisser un semblant de place à la peur. « C'est toi et ton Clan qu'elles châtieront pour un tel acte ! Regarde autour de toi, idiot. Vos marais puants s'apparentent plus à la Forêt Sombre que nos landes. S'il y a bien des traîtres au Clan des Étoiles et au Code, c'est vous ! » Il finit en feulant. « Attaquer un novice qui rentre chez lui dans le dos, voilà la preuve de votre lâcheté ! Mais regarde-moi bien, langue de serpent, moi je te fais face, je suis un digne membre du Clan du Vent ! »

Il bondit, aussi rapide et vif qu'on pouvait en attendre d'un chat de son Clan. Alors, il vint faucher à son tour l'ennemi, mais il visa l'unique antérieure sur laquelle l'étranger prenait appui. A son tour, le matou sombre était souillé de boue. Agacé par la situation, Nuage d'Épervier balançait sa queue. Il observa le mâle, attentif et prêt.

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