Friends don't lie - Pv. Fifou [Canicule] - abandon

Nuage de Neige avançait à pas lent dans la forêt boisée. Elle réfléchissait, réfléchissait à ce qu'elle pourrait bien dire à son père, à celui qui lui a menti, tout comme Secret du Firmament. Mais, au fond, elle sait mieux que quiconque que, dès qu'elle sera en face de lui, elle ne pensera plus à ses mots et parlera à l'instinct. Elle laissera le cœur parler. Car, au fond, c'est lui qui souffre le plus.

Elle sentit sa gorge se nouer lorsqu'elle repéra l'odeur familière du bengal mauve. Il était dans les environs. Se cachait-il ? Avait-il peur ? Impossible. Papa n'a jamais peur se répéta-t-elle, intérieurement, comme une vieille rengaine. C'était toujours le même disque qui se jouait dans sa tête, comme pour se rassurer à l'idée que son père l'aime réellement, qu'elle comptait à ses yeux, qu'elle n'était pas juste "l’aînée de la deuxième portée". Mais au fond, à quoi tout cela rime ? Elle avait bataillé toute sa vie pour être aimée, pour se différencier de la masse, pour que ses parents soient fiers d'elle... Pour finalement se rendre compte qu'elle n'était qu'une erreur qu'on tente pitoyablement de cacher aux yeux du Clan.

Malgré la chaleur épouvantable qui lui prenait aux tripes, la petite femelle tenait bon. Elle avançait fièrement, la mine sombre, prêt à en finir avec cette histoire de famille. Le sol lui brûlait les pattes et sa gorge était sèche, comme si elle était déshydratée. Pourtant, elle pressait le pas et, au plus elle sentait l'odeur de son père, au plus elle accélérait. Cette adrénaline qui l'aidait à rester fière comme un paon, en toute circonstance, c'était la haine. La même haine qui lui brûlait le cœur, à cet instant présent, qui ne lui faisait pas penser à demain, qui lui faisait oublier à quel point la chaleur l'épuisait. Elle était forte... Oui, forte.

Tandis qu'elle continuait d'avancer. Elle songeait, songeait un peu à toute cette histoire. L'avait-elle mérité ? Elle avait pourtant toujours tout fait pour être la petite fille modèle, la petite princesse que tout le monde souhaite avoir. Ce n'était visiblement pas suffisant. Il fallait, qu'en plus, le karma ne soit pas de son côté...
Cet amour dont elle s'est nourrie toute sa vie... Est-il bien réel ? Elle n'en était plus si certaine. En réalité, elle n'avait jamais été aussi confuse qu'aujourd'hui à l'idée de revoir son père en face et de lui parler. Elle avait peur de laisser ses démons intérieurs prendre le dessus. Elle pouvait être odieuse, elle le sait bien. Elle en avait fait l'effraie avec sa génitrice. Quelquefois, elle se détestait d'être aussi cruelle avec Secret du Firmament et se rassurait tant bien que mal en se disant que c'est tout ce qu'elle méritait. Elle aurait dû rester auprès de ses enfants. Au lieu de cela, elle les a perdus. Elle pista péniblement le matou. On aurait dit qu'il lui filait entre les pattes. Mais, après quelques minutes de recherche, elle le vit enfin. Il était assis sur un des Rochers du Soleil. Sa prestance et sa fierté éblouissaient la petite apprentie. Son père avait tout de même un sacré charisme. Elle comprenait parfois comment il pouvait avoir autant de succès auprès des femelles... Et probablement auprès des mâles aussi.

D'une patte tremblante, elle s'approcha, jusqu'à sortir, à découvert, de la forêt, et laisser le soleil brûlant s'emparer de sa fourrure crème et la faire briller de mille feux. Cette chaleur qui lui brûlait les yeux et le coeur, ce n'était pas la canicale... C'était de la rage. D'une voix grave, elle miaula.

"- Papa..." Commença-t-elle.

Elle réfléchit un instant sur les bons mots à utiliser. Et si elle disait une bêtise ? Ce n'était pas le moment... Elle se prenait la tête pour rien. Ne pense plus à rien, Neige. Il est temps qu'il affronte les conséquences de ses actions. Elle prit une grande inspiration puis une grande expiration, comme pour rejeter le flot de stress et continua d'une voix plus confiante, plus colérique.

"- Je ne pensais pas ça de toi... Pourquoi m'avoir menti ? Je... Je pensais que... Qu'on était une famille."

Une famille ne se ment pas... C'est bien connu.
Et c'est bien ça qui brise le cœur de l'apprentie, en ce moment même.

— « Papa...

Son oreille se pivota vers l'arrière.

Il ne prit même pas la peine de se tourner - probablement pas pour la raison que sa fille croyait. Peut-être qu'elle croyait qu'il avait honte mais en réalité son esprit était à des lieues de la situation qui l'accablait. La Rivière était asséchée - il ne lui aurait suffit que quelques allonges pour descendre la dépression et remonter la berge de l'autre côté, vers les bouleaux à l'écorce blanche, pour trouver le poil noir aux reflets Rourouges et s'y perdre et oublier tout le reste. Car depuis récemment, une voix qui l'appelait papa ne l'appelerait plus jamais, et c'était une réalité à laquelle il s'était faite, mais de voir d'autres voix qui l'appelaient papa l'appeler papa en tordant leurs mots non pas de délire (c'était ses enfants, pas ses amants) mais de chagrin... Voir la tristesse de Bec lui était insupportable mais il ravalait tout son dédain pour se faire le meilleur soutien pour lui. Quoi qu'on lui dise il l'aimait, même si cet amour était factice, fabriqué, artificiel, un coeur méchanique battait quand même et s'aythmait à la vue de ses deux deuxième-nés souffrant la perte de leur cadette.

La voix qui l'appela était celle de Neige, Nuage maintenant, capable de marcher sur ses propres pattes sans qu'il n'ait besoin de la trimballer partout. Sa mère et lui avaient révélé la vérité quant à ses origines - que sa mère n'était pas la guérisseuse qu'ils avaient banni mais la guérisseuse qu'ils avaient gardés. Et lui qui s'était plaint du népotisme d'Étoile du Vautour et d'Étoile de Cendre était soulagé de savoir que ce-dernier, étant l'oncle de la concernée, avait choisi de lui épargner le bannissement. C'était injuste, mais Le Clan ne l'avait pas banni la première fois (sous prétexte qu'il était un "bon guerrier"), alors force était de constater qu'il ne l'avait pas banni la seconde.

— « Je ne pensais pas ça de toi... Pourquoi m'avoir menti ? Je... Je pensais que... Qu'on était une famille.
Ses deux oreilles se pivotèrent et s'applatirent sur sa tête.

— On en est une. »

Il réentendait Roux lui reprocher qu'on ne mentait pas à une famille. Qu'il était contrarié qu'il "l'avait pris pour un imbécile" mais il n'en était rien : plusieurs raisons s'expliquaient derrière le secret qu'ils avaient gardés, et plusieurs raisons encore expliquaient pourquoi ils l'avaient révélé. Sa queue remua sur la roche, et il ne quitta pas la Rivière des yeux, sèche, effritée, pleine de poussière et d'arrêtes et de plantes aquatiques qui s'affaissaient dans son lit. La Rivière avait tuée Museau Bleu. Peut-être les Étoiles avaient tué la Rivière.

Il eut un geste de la tête, un seul, celui de la pencher - de l'incliner sur le côté et lui faire voir son museau et sa gueule qu'il entrouvrait:

— « Qu'est-ce que tu veux savoir?

— On en est une.

Comment peux-tu en être sûr ? Miaula-t-elle, intérieurement. Son père n'avait même pas dédaigné tourner la tête pour lui parler. En réalité, il n'avait pas bougé d'un poil. Il lui tournait le dos, insensible. Avait-il honte ? Impossible. Elle le connaissait bien. Elle ne l'avait jamais vu avoir honte, ni peur. Il n'avait jamais tremblé devant l'ennemi, jamais eu honte de ses actes. Dans un sens, Nuage de Neige aurait bien voulu être comme lui. Être insensible à tout. Elle voulait que cette rage et ce chagrin qui lui brisaient le cœur s'en aillent, comme un mirage. S'il était à sa place, il s'en aurait fichu. Il aurait continué sa vie, comme elle avait commencé... Comme si tout cela n'était qu'un rêve. Elle s'effaça cette envie de la tête. Son père le vivait mal au quotidien. Elle serait ingrate de vouloir sa place, de connaître la souffrance de ne pas ressentir d'amour et de peine pour les autres. De ne rien ressentir, pour les autres.

Pendant quelques instants, les deux ne parlaient plus. La rivière ne chantait plus car, au fond, même elle avait compris qu'il n'était pas l'heure de chanter. Le soleil aussi brûlant que la braise lui avait ordonné de se taire, de laisser le silence prendre place dans ce lieu pourtant si joyeux, d'habitude. Nuage de Neige frissonnait. Non pas de froid, bien au contraire, mais plutôt d'anxiété. Si même la forêt avait décidé de se taire, pourquoi ne devrait-elle pas en faire autant ? Mais elle était décidée à mettre les choses au clair. Il était temps que ce chagrin se calme. Malheureusement, ce ne sont pas de vulgaires larmes qui éteindront la flamme qui brûle dans son cœur. Pas même une rivière ne pourrait calmer ce feu ardent...

— Qu'est-ce que tu veux savoir?

Nuage de Neige ressortit de ses pensées en entendant les paroles de son père. Directement, elle renchérit, d'une voix plus confiante, mais néanmoins meurtrie.

"- Je ne comprends pas. Tu savais que c'était mal et pourtant... Tu l'as quand même fait."

Son père n'avait aucune limite, aucun code d'honneur. Nuage de Neige ne comprenait pas cette mentalité. Une vie sans code, c'est une vie désordonnée. Il faut des codes... Même pour les guérisseurs. Elle sortit alors les griffes pour les planter dans la terre, comme pour s'affirmer devant son père, lui faire comprendre qu'elle sera prête à défendre ce en quoi elle croit.

"- Tu aurais pu aimer n'importe qui d'autre... Mais tu as préféré cracher au visage des Etoiles et aimer une guérisseuse !" Gronda-t-elle.

— « Je ne comprends pas. Tu savais que c'était mal et pourtant... Tu l'as quand même fait.

Son oreille tiqua, une babine aussi:

— "Mal", il répéta assez fort pour qu'elle l'entende, assez fort pour que le son résonne dans ses oreilles autant qu'il résonnait dans les siennes.

Il entendit huit clics successifs dans la pierre - les huit griffes de sa fille qui se braquait derrière lui tandis qu'il lui faisait encore dos, ne lui présentant de lui que les marbrures et les arabesques de la pelisse qu'il entretenait toujours autant.

— « Tu aurais pu aimer n'importe qui d'autre... Mais tu as préféré cracher au visage des Etoiles et aimer une guérisseuse !

Sa tête se tourna et il fusilla de l'oeil sa fille derrière, sa pupille rétrécie faisant ressortir toute la couleur de son iris.

— Les "Étoiles" ? Il commença, et il secoua sa tête en se levant sur ses pattes, balayant le sol d'un coup de queue pour lentement se tourner et fixer dans ses yeux l'apprentie.

Les siens étaient creusés de cernes maintenant, et l'une de ses membranes nictitante était sortie faute d'une boursouflure à la paupière. S'il se portait en carrure sans défaut, son visage trahissait en revanche sa placidité ; il abaissa le nez, soulevant l'ombre d'un sourire sans retenir à ses épaules de sursauter sous un petit rire sous-cape. Il détestait le voir. Il détestait voir l'intransigeance du Code du Guerrier transparaître au travers de ses propres enfants. Il se fit tout de suite condescendant:

— ...Tu crois vraiment être en position de me prêcher Leur parole? Tu Les tiens vraiment en si haute estime, Neige?

Sévère:
Dis-moi donc qui fait le plus de "mal" entre ceux qui encouragent la guerre et bannissent leur guérisseuse à la moindre faute, et ceux qui veulent enrichir leur vie et partager toutes les expériences possibles avec autrui?

Et dédaigneux, regardant ailleurs mais sifflant son air car l'irritation à sa paupière, visiblement, l'énervait:
Tss. "Mal".

— Les "Étoiles" ?

Nuage de Neige sentit de la haine dans les paroles de son père, lorsqu'il pesta ce mot. Ses pupilles s'étaient rétractées et l'on aurait dit qu'il observait sa proie, prêt à l'attraper et la dévorer. Un frisson parcourut le corps de la petite et celle-ci eut du mal à tenir tête aux yeux jugeurs de son père. Avait-elle dit quelque chose qu'il ne fallait pas ? Elle avait appris à croire au Clan des Etoiles et son mentor lui apprenait le code du guerrier. Qu'y avait-il de mal à cela ? Chaque chat se devait de connaître et de respecter le code du guerrier. Chaque guérisseur se devait de connaître et respecter le code du guérisseur. C'était comme ça que ça fonctionnait. Nuage de Neige n'avait jamais posé de questions et voulait simplement se fondre dans la masse, ne pas faire tache et surtout, être la guerrière modèle.
Elle voulait rendre son père fier. Malheureusement, on dirait qu'elle s'est complètement trompée...

— ...Tu crois vraiment être en position de me prêcher Leur parole? Tu Les tiens vraiment en si haute estime, Neige?

"- Je..."

— Dis-moi donc qui fait le plus de "mal" entre ceux qui encouragent la guerre et bannissent leur guérisseuse à la moindre faute, et ceux qui veulent enrichir leur vie et partager toutes les expériences possibles avec autrui?

Nuage de Neige voulut s'enterrer vivante, pour ne pas à subir le jugement de son père qui lui brisait le coeur et le fusillait à balles réelles. Elle observa Coup de Foudre et fut frappée de voir une... Larme ? La petite n'en put plus. Une petite larme perla dans l'oeil gauche de la femelle. C'est elle qui devait se rebeller. C'est elle qui devait lui dire ses quatre vérités. Alors pourquoi se retrouvait-elle en train de pleurer face à son père ? Si elle n'était pas à deux doigts de craquer, elle aurait pu rejeter la faute à la chaleur insoutenable qui lui retournait le cerveau. Cependant, elle n'osait à peine dire une phrase. D'une petite voix, elle miaula.

"- Papa..."

Elle n'attendait pas d'être réconfortée par le bengal, seulement quelques mots. Un seul. Un seul mot pouvait au moins la calmer. Elle tenta de se re-concentrer sur ce qu'ils étaient en train de parler. Les étoiles semblaient réellement être les ennemis de Coup de Foudre. Pourquoi ? Les étoiles sont gentilles, non ? Elles protègent les clans et les guident vers la Lumière ! Dans la tête de Nuage de Neige, c'était normal de croire au Clan des Etoiles et d'au minimum respecter leurs codes. Elle miaula d'une voix plus forte, comme pour s'affirmer, toujours la larme à l'oeil, prête à s'assécher devant le soleil qui observait la scène telle une Drama Queen.

"- Les étoiles nous protègent ! Elles ont créé ces codes pour convenir au besoin de chacun. On m'a toujours appris à les respecter et ce n'est pas parce que tu es en conflit avec eux que je n'ai pas le droit de respecter leurs codes ! Secret du Firmament a juré fidélité au Clan des Etoiles. Elle leur a désobéi. Papa, tu n'es pas à sa place... Et tu ne le seras jamais ! Alors cesse de penser que tu sais ce qui est bon pour elle !

La larme s'échappa de son oeil et tomba au sol, aux pattes de l'apprentie. On aurait dit qu'elle grésillait au sol et, bientôt, ce ne fut plus qu'un vieux souvenir emporté par la chaleur. La rage brûlante refit surface et elle feula.

"- Tu n'as pas fait ça pour qu'elle soit heureuse, papa ! Tu l'as fait juste parce que tu en avais envie. Et, bizarrement, dans l'histoire, ce n'est jamais le fautif qui se fait punir."

« Papa... »

Oui, justement.

"Papa".

Papa qu'il s'efforçait d'être pour eux. Papa qui était à leur service à ravir et qui se mettait en joue de répondre à toutes leurs questions, les amener où elles voulaient, leur apprendre tout ce qu'il savait. Ou enfin c'est ce qu'il croyait car il devait y avoir quelque lacunes à sa technique vu comment le fiel traditionnel du Tonnerre semblait s'être imiscé dans les veines de sa fille. (Sa propre fille...)

Il cligna de l'oeil, retenant desuite un grognement car une larme s'en échappa, et sa queue se mit à battre l'air car le sel dedans lui brûlait les muqueuses. Il détestait deuiller. Il n'avait pas la circuiterie pour le faire, alors toute cette tempête d'incompréhension était plus énervante que soulageante. Il détestait deuiller car elle lui rappelait une époque où il n'était plus le même. Et il détestait deuiller car son oeil, merde, lui-même ne voyait plus que ça dans son reflet comme une tache à sa somptueuse apparence!

— Les étoiles nous protègent ! Eut le culot de lui dire sa fille. Elles ont créé ces codes pour convenir au besoin de chacun.
— Elles? Coup de Foudre étrangla un gloussement, et Neige poursuivit son attaque:
— On m'a toujours appris à les respecter et ce n'est pas parce que tu es en conflit avec eux que je n'ai pas le droit de respecter leurs codes !
— C'est la meilleure--
— Secret du Firmament a juré fidélité au Clan des Etoiles. Elle leur a désobéi.
Ben voyons - il leva excédément les yeux au ciel et regretta aussitôt son geste en montant une patte à son oeil affecté, tiquant de la langue et d'une oreille - ben voyons!

— Papa, tu n'es pas à sa place, Neige poursuivit, en tâchant de mesurer ses mots, mais la colère revint comme une vague: Et tu ne le seras jamais ! Alors cesse de penser que tu sais ce qui est bon pour elle !

On entendit huit clics dans la pierre.

— « Tu n'as pas fait ça pour qu'elle soit heureuse, papa ! Tu l'as fait juste parce que tu en avais envie. Et, bizarrement, dans l'histoire, ce n'est jamais le fautif qui se fait punir.
— Très Bien. »

Il s'assied, une patte sur l'oeil blessé, le couvrant sous ses coussinets pour ne plus regarder Neige que d'un seul oeil. Mais même avec rien qu'un oeil il voyait au travers d'elle aussi clairement que la rivière avait séché.

— « Je vois que tu n'as pas envie de me dire ce que tu veux savoir.

Je vois que tu as plutôt envie de me répéter ce que tu as entendu dans le Clan. Si c'est ce que tu penses? Très bien.

Il leva le nez, gardant un oeil couvert, redressant le dos et si elle eut un mouvement de recul en se sentant comme une proie sous son regard or, comment se sentirait-elle maintenant? La couleur dans son oeil disparut complètement pour focaliser l'obturateur sur son adversaire, et le fossé, les oiseaux, les arbres autour et les mauvaises langues s'évanouirent de son centre d'attention pour ne plus rien voir d'autre que la fourrure colorpoint de sa fille qui ressemblait si tant à leur "maudite" guérisseuse. Sa pupille en mydriase, il ralentit son souffle et redescendit lentement les branches de l'arbre de son argumentation dans laquelle elle l'avait emporté:

Maintenant  décortiquons, tu veux?

Selon toi, je suis le fautif dans l'histoire.

Je suis le fautif, car c'est moi qui a incité Fifi à trahir les Étoiles - tu sous-entends que Fifi n'a pas de libre-arbitre et n'est pas capable de choisir ce qu'elle veut par elle-même?

Continuons: trahir les Étoiles entend d'aller contre le Code des Guérisseurs. Le Code des guérisseurs et indisputable car il a été créé par les Étoiles. O.k.

Et les Étoiles, sont?...

Ahh, si je ne m'abuse, ma Neige, les Étoiles ne seraient pas nos ancêtres?

Ça voudrait dire que les Étoiles, avant de s'accrocher dans le ciel, étaient des chats, comme toi et moi? Des chats qui péchaient, des chats qui doutaient, des chats qui vivaient avant de mourir et s'ajouter à toute la Toison Argentée? Ils ont de la séniorité sur moi? C'est pour ça que je dois respecter leur code? O.k.

Jetons un oeil à ce Code maintenant:

Il eut un petit rire, leva haut le nez et ouvrit la bouche comme les chats qui psalmodiaient pendant les rassemblements. Si seulement il l'entendait, Renouveau Printanier aurait été fier de lui:

Règle un: "défends ton Clan, même au péril de ta vie. Tu peux avoir des amis dans d'autres Clans, mais ta loyauté va à ton Clan, car tu pourrais affronter tes amis lors d'un combat."

Tues-toi pour la communauté et tues tes amis pour la communauté. Tu es un guerrier et personne d'autre, ne tentes jamais d'élargir tes horizons. Ça me semble juste, dis-moi!

Seconde Règle : "Ne chasse jamais les proies ou ne viole jamais les frontières d'un Clan ennemi."

"Considère tout territoire qui ne t'appartient pas comme celui d'un ennemi", c'est plus facile de leur faire la guerre ensuite!

La troisième règle leur était presque complètement effacée depuis leurs derniers règnes alors il passa à la suivante:

Quatrième règle : "Les proies sont tuées seulement pour être mangées. Si tu tues une proie, remercie le Clan des Etoiles. Merci Clan des Etoiles pour cette vie donnée qui permettra de nourrir le Clan".

Rends-toi à l'évidence : jamais le Clan des Étoiles ne chasse pour qui que ce soit que lui-même.

Cinquième règle, rien à redire. Avant cinq lunes l'apprentissage tuerait les chatons - je suppose que c'est pourquoi la règle a été instaurée. Tu as entendu? instaurée. Le Code du Guerrier a été créé, ma Neige.

La sixième règle du Code exige qu'un nouveau guerrier doit veiller toute la nuit lorsqu'il a reçu son nouveau nom, et ce peu importe les INTEMPÉRIES dehors! Et bla bla bla, je crois que les frontières devraient être ouvertes, j'aimerais notre alimentation et favoriser les échanges maiiis oohhh noooon, qu'est-ce que j'racooonte, je suis qu'un impi qui sème le MAL autour de lui! ... Pas vrai?

Il était raide. Du dos, des épaules, même de la queue qui s'était entièrement recourbée à ses pattes et qui ne bougeait plus. Il remua sa patte sur sa paupière boursoufflée pour en essuyer une ou deux larmes qui coulaient comme du pus suppurait d'un oedème ; il la secoua, y donna un coup de langue et se couvrit l'oeil à nouveau.

— Tu ne t'es jamais une fois questionnée que ce que tu suivais aveuglément puisse être détruit? Non, même pas, révisé? Juste révisé, Neige? Ensemble, entre Quatre Clans, réviser nos lois et limiter les guerres et la discorde?

J'sais pas, récompenser l'esprit d'équipe, comme ils le font au Clan du Vent? Faire participer tous les apprentis dans des épreuves physiques, comme le fait la Rivière? Se serrer les coudes pour ne plus jamais que les Clans ne versent du sang sur les racines des Quatre Chênes?...

Tu trouves ça juste, dis-moi, ma Neige, que Firmament - et tous les guérisseurs d'ailleurs - soient condamnés à une vie de misère rien que pour pouvoir se faire les dents sur les restes que leur jete le Clan des Étoiles? Aucun de leur rêve n'est net. Les Étoiles ne sont pas FOUTUES de parler à qui que ce soit de ce qu'elles veulent.

Mais moi, je sais ce qu'elles veulent.

S'amuser.

Jouer à la guéguerre.

Semer la confusion et en rire ensemble.

Je le sais, car c'est pareil pour moi.

Une patte sur l'oeil, il ferma le second en radoucissant son expression au possible, penchant délicatement la tête sur le coté, faisant se bercer ses moustaches et ses touffes de poils d'oreilles coiffés:

— Les seuls "besoins" que les Étoiles comblent sont ceux d'un seul type d'arbre, au détriment de tous les autres.

Ils avaient de la chance, au Tonnerre, de ne rien vivre de l'homophobie qui se réveillait parfois dans le coeur des chats d'ailleurs. L'homophobie ou le sexisme - et c'était bien l'une des seules grâces que leur avait conférée "La Terrible Étoile de Suie" pendant tout le chaos qu'était son règne. La seule branche saine d'un arbre pourri par la haine.

— Je vois que tu n'as pas envie de me dire ce que tu veux savoir. Je vois que tu as plutôt envie de me répéter ce que tu as entendu dans le Clan. Si c'est ce que tu penses ? Très bien.

Nuage de Neige soutint le regard de tueur de son père. Ses yeux bleu ciel brillaient d’une lueur flamboyante. C’était un mélange de haine, de regret et d’incompréhension. Répéter n’était pas un crime. C’était un moyen de prouver qu’elle était une bonne élève, qu’elle écoutait son Clan, son mentor, son chef. En quoi cela était-il mauvais ? Son père était vraiment compliqué à comprendre. En quoi vouloir se fondre dans la masse était mauvais ? Nuage de Neige avait peu confiance en elle. Elle se sentait bien lorsqu’elle ressemblait aux autres. Et, même si ton son Clan irait en enfers, elle serait prête à le suivre, juste pour ne pas rester seule. Son Clan avait décrété qu’il fallait respecter le Code du Guerrier et le Clan des Etoiles. Nuage de Neige compte bien rester un élève modèle… Malheureusement, elle ne sera jamais l’enfant modèle de son père, à son grand désarroi.

— Maintenant décortiquons, tu veux ? Selon toi, je suis le fautif dans l'histoire. Je suis le fautif, car c'est moi qui a incité Fifi à trahir les Étoiles - tu sous-entends que Fifi n'a pas de libre-arbitre et n'est pas capable de choisir ce qu'elle veut par elle-même ? Je la contrôlerais complètement, c'est ça? Intéressant.

Nuage de Neige n’osa rien dire. Elle se contenta de lancer un vif regard vers ses pattes, comme si son subconscient était comblé de honte. Elle ne pouvait contredire son père car, à vrai dire, elle ne connaissait pas vraiment sa mère. La seule vraie fois où elle a pu parler avec elle, ce fut quelques temps après la grande annonce. Et encore, l’on aurait dit un chaton faible, qui n’hésite pas à sortir ses griffes. Elle n’avait pas cherché à en savoir plus sur sa mère. Ce qu’elle savait déjà sur elle la dégoûtait bien assez.

Continuons: trahir les Étoiles entend d'aller contre le Code des Guérisseurs. Le Code des Guérisseurs - et tout les autres Codes, d'ailleurs, si j'en crois ce que tu en crois? (une formulation importante ici) - est indiscutable car il a été créé par les Étoiles. Soit. Et les Étoiles, sont?...
Ahh, si je ne m'abuse, ma Neige, les Étoiles ne seraient pas nos ancêtres? Ça voudrait dire que les Étoiles, avant de s'accrocher dans le ciel, étaient des chats, comme toi et moi? Des chats qui péchaient, des chats qui doutaient, des chats qui vivaient avant de mourir et s'ajouter à toute la Toison Argentée? Ils ont de la séniorité sur moi? C'est pour ça que je dois respecter leur code? O.k.

Nuage de Neige ne s’était jamais vraiment posé de questions sur le : pourquoi elle croyait et respectait le Clan des Etoiles. Pour elle, c’était normal. Il n’y avait pas à savoir pourquoi. Les étoiles étaient leurs ancêtres. Ils avaient tous vécu : le pire comme le meilleur. On avait toujours dit à l’apprentie que les grands savaient mieux que les petits cars « ils avaient tout traversé ». Les Etoiles étaient des chats sages qui ont vécu la guerre, les pleurs, les regrets, l’amour, la joie. Ils savaient dès à présent ce qui était mieux pour les Clans actuels pour ne pas qu’ils refassent leurs erreurs, qu’ils restent dans le droit chemin. Son père s’apprêta alors à réciter le Code du Guerrier, ce code qu’elle connaissait presque par cœur, malgré les quelques règles qu’elle n’appréciait pas.

- Règle première : défends ton Clan, même au péril de ta vie. Tu peux avoir des amis dans d'autres Clans, mais ta loyauté va à ton Clan, car tu pourrais affronter tes amis lors d'un combat.
Tues-toi pour la communauté et tues tes amis pour la communauté. La communauté prévaut au-dessus de ta propre individualité. Tu es un guerrier et personne d'autre, ne tentes jamais d'élargir tes horizons. Ça me semble juste dis-moi!

Nuage de Neige protégera son Clan jusqu’au péril de sa vie. Elle serait prête à mourir pour les êtres qu’elle chérit tant. Cependant, elle n’était pas prête à tuer ses amis… C’est pourquoi elle n’osait pas être amis avec les autres Clans, de peur de les chérir bien trop pour ne pas réussir à les attaquer. Elle détestait se battre. Mais c’est la vie… Et dans la vie, parfois, on ne fait pas toujours ce que l’on veut. Sa vie lui a été dictée. « Soit une guerrière modèle et sers ton Clan au mieux. » C’est ça, ses objectifs. Elle hait l’odeur et la vue du sang. Mais c’est la vie… Elle ne le sait malheureusement que trop bien.

- Seconde Règle : Ne chasse jamais les proies ou ne viole jamais les frontières d'un Clan ennemi.
Considère tout territoire qui ne t'appartient pas comme celui d'un ennemi - c'est plus facile de leur faire la guerre ensuite !

Elle détestait les remarques de son père. Il tournait le code du guerrier au ridicule.

Quatrième règle : Les proies sont tuées seulement pour être mangées. Si tu tues une proie, remercie le Clan des Etoiles. "Merci Clan des Etoiles pour cette vie donnée qui permettra de nourrir le Clan".Rends-toi à l'évidence : jamais le Clan des Étoiles ne chasse pour qui que ce soit que lui-même.
Cinquième règle, rien à redire. Avant Cinq lunes les chatons manquent de dextérité et mourraient en apprentissage - je suppose que c'est pourquoi la règle a été instaurée. Tu as entendu? instaurée. Le Code du Guerrier a été créé par des chats afin de contrôler les débordements des Clans. Sixième règle, un nouveau guerrier doit veiller toute la nuit lorsqu'il a reçu son nouveau nom, et ce, peu importe les INTEMPÉRIES qui sévissent dehors! Rien que pour respecter leur PRÉCIEUX code! Quelle merveilleuse idée!

Quant au reste, je crois que les frontières devraient être ouvertes, qu'on puisse diversifier notre alimentation et favoriser les échanges maiiis oohhh noooon, qu'est-ce que j'racooonte, je suis qu'un impi qui sème le MAL autour de lui! ... Pas vrai?

Nuage de Neige plaqua ses oreilles contre son crâne et fusilla son père du regard. Elle ne répondit tout de fois toujours, laissant planer le silence. Le mal. C’était mal ce qu’il faisait… Elle le savait. Il le savait. Pourtant, il en parlait comme s’il en fichait. Depuis combien de temps crachait-il autant sur le Clan des Etoiles ? En y repenssant, son père ne lui avait jamais parlé de ses croyances. Pourtant, innocemment, elle croyait que chaque membre du Clan croyait au Clan des Etoiles, les anciens, les apprentis comme les chatons et les guerriers. Tous respectaient le même code et croyaient au même chose. C’est comme ça qu’une tribu se forme : Sur des points que chaque chat partage. Entre autres, c’est la croyance et leur précieux code.

— Tu ne t'es jamais une fois questionnée que ce que tu suivais aveuglément puisse être détruit? Non, même pas, révisé? Juste révisé, Neige? Ensemble, entre Quatre Clans, réviser nos lois histoire de limiter les guerres et la discorde?
Récompenser l'esprit d'équipe, comme ils le font au Clan du Vent? Faire participer tous les apprentis dans des épreuves physiques, comme le fait la Rivière? Se serrer les coudes pour ne plus jamais que les Clans ne versent du sang sur les racines des Quatre Chênes?...
Tu trouves ça juste, dis-moi, Neige, que Firmament - et tous les guérisseurs d'ailleurs - soient condamnés à une vie de misère rien que pour pouvoir se faire les dents sur les restes que leur lance le Clan des Étoiles? Aucun de leur rêve n'est net. Les Étoiles ne sont pas FOUTUES de parler à qui que ce soit de ce qu'elles veulent.

Mais moi, je sais ce qu'elles veulent. S'amuser. Jouer à la guéguerre.
Semer la confusion et en rire ensemble.
Je le sais, car c'est pareil pour moi.

Nuage de Neige ne sut que répondre. Elle avait les yeux ronds et ses griffes étaient restées plantées dans la terre, qu’elle modelait entre ses pattes.

— Les seuls "besoins" que les Étoiles comblent sont ceux d'un seul type arbre, au détriment de tous les autres.

La femelle remit alors en question sa croyance. Croyait-elle réellement au bien, à ses ancêtres si précieux pour son cœur. Mais alors, si c’est mal… Pourquoi tout le monde y croit ? Cela ne sonnait pas clair dans la tête de la petite. Elle ne faisait que copier les autres et, pourtant, c’était encore mal. Elle en avait marre d’avoir toujours tort. Tout ce qu’elle voulait, c’est rendre son Clan fier, rendre son mentor fier… Rendre son père fier. Mais, visiblement, elle s’était trompée sur toute la ligne. Elle ne savait dorénavant pas comment se rattraper. Elle était attachée aux Etoiles et, une croyance si forte, ça ne part pas d’un jour à l’autre. Il lui faudrait du temps, du temps, de la compréhension et de la patience…

« - Je ne comprends pas… Pourquoi doit-on croire au Clan des Etoiles si ce n’est pas bien d’y croire ? Je veux dire… Si je ne crois pas au Clan des Etoiles… Je vais être punie… Je vais être punie, papa. C’est ce que l’on m’a dit. Les étoiles sont cruelles. Elles ne pardonnent pas… Elles vont m’envoyer dans un endroit horrible, quand je mourrais… Et ça, je ne veux pas ! Je… »

Elle miaula d’une petite voix, comme si elle redevenait un chaton, dans les bras de sa mère, qui vient de se réveiller d’un mauvais rêve.

« - J’ai peur. »

Elle reprit la parole.

« - Je pensais qu’en croyant au Clan des Etoiles, je serais une fille modèle. Je pensais qu’en respectant le code du guerrier, je te rendrais fier. Je voulais juste que tu sois fier de moi… »

Une grosse larme perla dans les deux yeux de la femelle et celle-ci plissa les yeux pour les chasser de sa vue et de son esprit. Il était temps de tourner la page.

Pour la toute première fois de sa vie, Neige faisait face à l'aberration que les Étoiles avaient elles-mêmes créées, un chat si fervement dévoué à aller contre leur parole qu'il interrogeait tout ce qu'il pouvait. Quelle triste existence, que ceux qui s'interrogeaient étaient punis pour leur curiosité.

Que ceux qui guérissaient étaient punis d'aimer.

— « Je ne comprends pas… Dit-elle alors d'une toute petite voix. Et son père consentit à entrouvrir l'oeil afin de mieux lui tendre l'oreille:

— Pourquoi doit-on croire au Clan des Etoiles si ce n’est pas bien d’y croire ? Je veux dire… (Elle baissa les yeux) Si je ne crois pas au Clan des Etoiles… Je vais être punie… Je vais être punie, papa. C’est ce q’on m’a dit. Les étoiles sont cruelles. Elles ne pardonnent pas… Elles vont m’envoyer dans un endroit horrible, quand je mourrais… Et ça, je ne veux pas ! Je…

Elle se tassait sur lui-même et ses oreilles s'abaissèrent et il tordit l'une des siennes sur le côté devant cet air perdu, tombé des nues de sa fille et de celle de la guérisseuse. De sa fille et de celle de Firmament. Sa fille, et celle de son amie.

— « J’ai peur.

Je pensais qu’en croyant au Clan des Etoiles, je serais une fille modèle. Je pensais qu’en respectant le code du guerrier, je te rendrais fier. Je voulais juste que tu sois fier de moi…

— ...Et les Étoiles veulent juste que tu te casses en quatre pour qu'elles soient fières de toi. C'est du pareil au même Neige, je ne vais jamais-

il tiqua de la paupière dessous sa patte. Il reprit. Tout ce que je veux, c'est que tu t'épanouisses. Si tu t'épanouis tout en voulant bien paraître aux yeux des Étoiles, tant mieux pour toi? C'était pareil pour Fifi.

Mais je ne vais jamais m'empêcher de les critiquer, je ne vais jamais m'empêcher de me questioner, je ne vais jamais cesser de leur en vouloir d'avoir torturé tout ces autres chats comme ça - et oui, je parle aussi de Fifi.

Sois en colère si tu veux. Tu peux pleurer, aussi, mais tu n'as aucun droit de critiquer une chatte que les Étoiles ont rongé jusqu'aux os en voulant tout lui interdire d'une vie que TOI, en tant que guerrière, tu pourras jouir complètement.

...Enfin, "complètement" - Juste ce qui les satisfait, quoi, juste ce que tu pourras faire, à leurs yeux, à l'intérieur du Clan. Peux-tu vraiment m'en vouloir de m'opposer à une vie comme celle-là?

— ...Et les Étoiles veulent juste que tu te casses en quatre pour qu'elles soient fières de toi. C'est du pareil au même Neige, je ne vais jamais...
Tout ce que je veux, c'est que tu t'épanouisses. Si tu t'épanouis tout en voulant bien paraître aux yeux des Étoiles, tant mieux pour toi? C'était pareil pour Fifi.

Oui mais... Etait-elle vraiment épanouie à s'interdire tant de choses, pour plaire à ces chers Ancêtres ? Cette question l'horripilait. Elle ne pouvait pas y répondre. Elle ne savait pas y répondre. Elle était... Perdue. Oui, perdu était le bon mot. Tout se mélangeait dans sa tête. D'un côté, on lui avait toujours dit de croire au Clan des Etoiles, de respecter et suivre le code du guerrier. Et c'est ce que son cerveau ne cessait de lui répéter. Et, de l'autre, son cœur n'osait plus rien. Son cœur brûlait d'une inquiétude presque palpable. Mais ce petit cœur était bien trop jeune pour avoir à faire un choix aussi important. Sous la pression, elle resta stoïque. Elle voulut répondre mais aucun mot ne sortit de sa gueule. A la place, son père renchérit.


Mais je ne vais jamais m'empêcher de les critiquer, je ne vais jamais m'empêcher de me questioner, je ne vais jamais cesser de leur en vouloir d'avoir torturé tout ces autres chats comme ça - et oui, je parle aussi de Fifi. Sois en colère si tu veux. Tu peux pleurer, aussi, mais tu n'as aucun droit de critiquer une chatte que les Étoiles ont rongé jusqu'aux os en voulant tout lui interdire d'une vie que TOI, en tant que guerrière, tu pourras jouir complètement.

Nuage de Neige baissa les yeux. Avait-elle été trop cruelle avec sa génitrice ? Elle ne s'était pas posé une seule fois la question de qu'est-ce qu'avait ressenti sa mère. On ne pouvait lui en vouloir. Nuage de Neige était en colère. Sa vie avait perdu de son sens en un après-midi... Elle avait également été trop égoïste. Elle avait calmé sa colère en utilisant sa mère comme punching-ball, pour se calmer, pour calmer son chagrin, le chagrin d'une fille qui n'avait jamais connu l'amour d'une mère, qui n'avait même jamais connu de mère. Mais... Elle n'avait pas pensé à une mère qui n'avait jamais connu les sourires de sa fille, les câlins de sa fille, l'amour de sa fille... Elle regrettait.
Peut-être qu'elle aurait pu l'aimer.
Peut-être qu'elle aurait pu la traiter comme une vraie mère.
...
Il était peut-être encore temps.

- ...Enfin, "complètement" - Juste ce qui les satisfait, quoi, juste ce que tu pourras faire, à leurs yeux, à l'intérieur du Clan. Peux-tu vraiment m'en vouloir de m'opposer à une vie comme celle-là?


"- ... Non." Miaula-t-elle.

Son père ne s'attendait peut-être pas à cette réponse. De toutes façons, quoi qu'il fasse, ça restait son père. Elle ne pouvait pas lui en vouloir, même si elle était contre son avis. Elle secoua légèrement sa tête, prise au dépourvue. Elle n'osait pas regarder son père en face. Avait-elle été si cruelle, si amère ? La Neige d'avant lui dirait sûrement que oui mais la Neige d'aujourd'hui ne ferait que baisser la tête et ne rien dire. Oui mais... Laquelle écouter ? L'apprentie avait mal à la tête. Tout se mélangeait, comme un tornade incessante, comme un ouragan impossible à arrêter. Elle finit par lever la tête, les yeux vitreux, et faire face au jugement de son père.

"- Papa... Préférais-tu la "Neige" d'avant ?"

Elle eut un pincement au cœur, comme si quelqu'un lui enfonçait un pieu dans la poitrine. Elle posait la question mais, au fond, elle le savait...
Elle avait changé.
En bien. En mal.
Mais cette tornade ne s'arrêtait pas.

— « ... Non.

Mais Nuage de Neige parlait-elle sincèrement ou se contentait-elle de donner la réponse que se voudrait de le faire une "fille obéissante"? Les mots, pour un orateur qui les manipulait avec brio, s'envolaient dans l'air sans le poids des actions pour les soutenir. Il la vit secouer la tête - bien, elle se questionait. Il la vit la baisser et retenir ce qu'elle pensait, retenir ses mots, et réfléchir.

Et elle réfléchit longtemps, suffisament pour plisser les paupières car à force de réfléchir il lui semblait que l'air s'était réchauffé autour d'elle, ce qui ne disait rien qui vaille durant les fortes chaleurs de la saison. Sa fille était une siamoise, comme sa mère, avec un colorpoint bleu et une ténacité à rude épreuve, il ne se leurrait pas qu'il ne la ferait pas marcher à sa musique, à sa chanson (car il était chanteur autant qu'il faisait chanter autrui) mais c'était tant mieux: cette force de caractère la ferait briller, dans le futur, il le voyait. Une patte avait beau couvrir son oeil il le voyait.

— « Papa... Préférais-tu la "Neige" d'avant ?
— Quelle curieuse question...

S'il la préférait naïve et les yeux encore pleins d'espoir? Tout le monde préférait l'époque où "tout était plus simple" de l'enfance, mais Coup de Foudre n'avait jamais été du genre à mentir à ces derniers sur les faits de la vie. Il posa sa patte, quitte à lui faire voir l'état déplorable de son oeil dessous.

— J'ai toujours préféré la fleur aux graines.

Et les branches solides, il s'avança vers elle, la contournant, lui envoyant sa queue au nez pour susciter un éternuement et la déstabiliser dans son chagrin, à celles qui se cassent...

Même si je tombe j'ai toujours confiance en mes pattes. Et comme la Neige d'avant n'aurait pas été capable de retomber sur les siennes si je l'avais lâchée,...

En d'autres mots bien sûr que non il ne la préférait pas avant.

Insinuer le contraire était une insulte, mais il n'était pas suceptible pour autant, car, justement, la voir se questioner, la voir tenter de se découvrir et creuser leurs moeurs à la recherche de ce qui était vrai versus ce qui ne l'était pas le rendait plus fier que jamais. Elle n'était pas opportuniste comme Bec, pas calculatrice comme Roux, pas libre d'esprit comme Boule, ni coquette comme Chance, mais il y avait un feu dans Neige qui lui était indéniable, fascinant, et, pour un chat qui voulait réformer le code, et les Clans, et les façons de penser, incroyablement rassurant. C'était les mêmes flammes de la curiosité qui nourrissaient celles de la révolution, car il doutait que Neige ne soit une "fille obéissante" toute sa vie.

Allait-elle vraiment imiter tout le Clan qui portait préjudice à sa propre mère? La rejeterait-elle vraiment toute sa vie? À voir.