[Baptême] Betray and Degrade -end

HRP:

Aujourd’hui sera le dernier jour en tant qu’Etoile. Fini les mensonges, je fais tomber le masque, je leur montre. J’ai longtemps cherché une solution, mais tout est si évident en fait. Adieu les Etoiles, lointaine et céleste, qui ne pensent qu’à prendre nos vivants. Adieu ma mémoire, qui ne m’accompagne plus, j’oublie le passé pour n’être que dans le présent. C’est terminé, j’arrête d’être bien rangé comme les autres, j’arrête de suivre ces faux guides, ou alors ces guides vers la mort. Adieu la voie qui m’était tracé, le passé est mort, le présent est encore en vie.

Apprenti qui devenait guerrier. C’était mon présent. Ils avaient leurs marques de guerre, ils avaient vu la violence, ils étaient prêt enfin à ce qui va suivre. Ils étaient marqués et avaient prouvés leurs valeurs. Cette fois je ne sortais pas de mon antre, mais des entrailles de la forêt. J’étais également marqué de cette bataille. Mon corps comme mon âme. Je sautais sur le rocher, l’air colérique, et peu commode. J’étais tout de même en forme, mon pelage brillait.

« Rassemblement. »

Je les regardais arriver tous. Ils pouvaient être tous des traitres ? Ma fille elle-même… Mon sang. A la fois corrompus par le Vent puant, et par son propre cœur. Je fixais du regard où elle était. Cependant ils pouvaient être tous pareils. Je ne pouvais avoir confiance qu’en une poignée. D’un grognement sourd je repris parole pour les baptêmes que je devais accomplir.

« Nuage de Muguet, Nuage de Crocs et Nuage d’Ouragans, venez. »

Je descendais de mon piédestal pour leur faire face. Deux lunars au sang mauvais, et un pur ombreux – d’ailleurs Nuage d’Ouragan ? Ou Nuage de l’Ouragan ? C’était sans importance puisque le passé est mort. Pourquoi avais-je accepté ces deux pourris ? Après… La Lune, les Etoiles, lesquels en valaient vraiment la peine ? Je regardais chaque félin d’un air de jugement.

« A présent, Nuage de Muguet tu es Bouquet de Muguet, Nuage de Crocs tu es Dents de Sabre et enfin Nuage de l’Ouragan tu es Souffle de l’Ouragan.

Je touchais la tête de chacun, attendant leur signe de soumission et d’obéissance.

« Vous êtes à présent des guerriers du clan de l’Ombre. Tâchez de ne pas me décevoir. A mes yeux vous avez mérité ce titre, ne me faites pas regretter mon choix. »

J’avais une dernière annonce à passer. Mon baptême. Je revenais sur le promontoire, pour me donner mon nom.

« J’annonce ma décision devant le clan des étoiles, afin qu’ils l’entendent et la subissent. Je ne suis plus votre serviteur. Je suis mes propres Loi. Je ne suis plus Etoile Maudite, à présent je suis Maudit. Vous me devez tout de même obéissance, jusqu’à ma mort, je reste le meneur et personne ne doit en douter. »

Je me fichais des réactions des membres de mon clan. Je les toisais tous du regard, il était hors de question qu’ils me marchent sur les pieds. Ils en mourraient. Je devais parler à Feulement. Et nouvellement Dents de Sabre

« Feulement, Dents de Sabre, dans mon antre. Maintenant. »

Betray and Degrade.

Le mot qui annonçait au clan qu'une assemblée avait lieu claqua à ses oreilles. Nuage de Crocs se rapprocha du promontoire au Étoile Maudite avait plus fière allure que jamais malgré la dureté de son regard. Un instant, le novice se demanda si l'annonce qui allait avoir lieu ne signerait pas le début d'une sombre période, néanmoins, il avait si peu vu le chef avec un air si en forme qu'il chassa ses mauvaises pensées en un instant. Oui, fini de se cacher dans son antre visiblement pour le meneur. Et s'était bon pour le clan de l'ombre aux yeux du novice. Alors quand le nom de sa sœur, le sien et celui d'Ouragan sortirent de la gueule du matou, il inclina un instant les oreilles, jetant un bref coup d’œil sur une Nuage de Muguet plus ronde que jamais, et s'il savait pourquoi, il avait pris soin de n'en rien dire, même si il n'approuvait pas tout à fait. Même pas guerrière et déjà presque mère. Heureusement, elle avait comme lui une épaisse fourrure protectrice. Mais l'apprenti avança, se rapprochant au passage d'Ouragan, son ami, comme une ultime félicitation car déjà, il se doutait de la suite.

Bouquet de Muguet, si il n'avait pas entendu son propre nom suivre, le jeune chat en aurait ronronner de joie pour sa jumelle et pour Souffle de l'Ouragan, néanmoins, il se retint, goûtant dans sa tête son propre nouveau nom. Dents de Sabre. Le nom d'un des très grands félins de jadis, si vieux qu'il appartenait aux histoires des anciens, à celle qui dépeignait le premier grand territoire comme appartenant à une seule espèce de grands chats. Remplacer bien vite par les lions, tigres et léopard ... Et part des histoire de légendes bien plus connu. Mais le jeune guerrier, fier d'avoir rejoint ses aînés détournait déjà le regard, pour chercher un instant son mentor, qui lui avait tant appris, puis, Grain de Sel. Son père d'adoption était il fier ? Et Esprit Lent et leurs chatons ? S'était un grand jour. Le fils de la lune devenait un guerrier de l'Ombre, véritable. Solennelle, il hocha la tête, tout en imprimant à ses épaule une posture qui n'était pas sans évoquer sa total obéissance au meneur quand ce dernier se posta devant lui pour toucher le sommet de son crâne du museau, lui rendant la lèche sur l'épaule traditionnel.

Mais l'assemblée n'était pas fini et quand Étoile Maudite poursuivit, le nouveau guerrier pencha la tête de côté. Ainsi donc, Maudit ne voulait plus des étoiles. Si le brun en fut surpris, il n'en dit mot, lui-me^me scrutait la lune lors de ses nuits d'insomnie, se demandant qui suivre, qui avait raison. Sans jamais obtenir la moindre réponse. Seul le meneur du clan avait parole de loi finalement. Et si il capta bien des murmures, le jeune guerrier n'eu guère de temps pour les relever, déjà, Maudit, de son nouveau et unique nom, lui demander de le suivre, avec Feulement. Et le jeune guerrier ressenti là une pointe de fierté. Allait il recevoir une demande spéciale de la part du meneur ? Vu qu'il venait de recevoir son nom, le prudent félin ne s'imaginait guère que cette entrevue serait négative du fait, confiant dans son chef.

J’avais entendu la demande de rassemblement du chef. C’était bizarre, je le sentais pas très bien. Je demandais alors, gentiment à Maman si je pouvais aller avec Papa pour écouter ce que Etoile Maudite avait à dire. Je faisais un gros câlin à ma mère avec mon petit ronronnement de chaton pour ensuite marcher, maladroitement, jusqu’à l’extérieur pour retrouver mon père. Je le voyais avec sa fourrure sombre et ses grandes oreilles. J’allais vers lui, toute contente, pour entendre ma première annonce ! Je me collais à lui prête à écouter. Je voyais le chef, grand, costaud et tout grognon. Il faisait la tête mais semblait pourtant en forme. Bizarre. Je me souviens qu’il y a eu une guerre il n’y a pas longtemps. C’était pour cette raison ?

Il annonce alors que trois apprentis deviennent guerriers. Les deux sangs mauvais et un que je ne connaissais pas. Je commençais à bien apprécier Nuage de Crocs, ou plutôt Dents de Sabre maintenant, il faisait des efforts pour le clan donc bon… ça allait. Bouquet de Muguet je ne sais pas, faut pas oublier qu’ils ont le sang de la lune ! Ils étaient sale et fallait les purifier. Du moins c’est ce que disaient souvent Papa et Tonton Souc. Enfin bref, il y avait comme nouveau guerrier Dents de Sabre, Bouquet de Muguet *beurk* et Souffle de l’Ouragan.

Je pensais que l’annonce serait terminée mais le chef n’avait pas terminé. Il voulait ajouter quelque chose ? Une bonne nouvelle ?

« J’annonce ma décision devant le clan des étoiles, afin qu’ils l’entendent et la subissent. Je ne suis plus votre serviteur. Je suis mes propres Loi. Je ne suis plus Etoile Maudite, à présent je suis Maudit. Vous me devez tout de même obéissance, jusqu’à ma mort, je reste le meneur et personne ne doit en douter. »

Je le regardais, les yeux ronds et la bouche ouverte. C’était pas possible ça ? Je me serrais un peu plus contre mon papa, qui semblait tout autant offusqué que moi. Il ne pouvait pas renier les étoiles ? Et comment on faisait nous maintenant ?

« Papa… Dis papa c’est pas possible ce qu’il fait le chef là ? »

Je regardais mon père, avec l’espoir qu’il me réponde que ce n’était qu’une blague de la part d’Etoile Maudite. Mais noooon, il voulait juste faire peur à tout le monde, il est drôle le chef. Pas vrai?

Les jours avaient passé, depuis la patrouille détestable qui, parsemant la vie de Mimosa, jusqu'alors jardin luxuriant aux mille fleurs et couleurs, d'ombres impossibles à faire disparaître, lui avait volé son enfance, le monstre l'emportant en percutant sa sœur. Les jours avaient passé, depuis que Nuage de Violette avait été ramenée au guérisseur, et que la petite fée des plantes, toute petite fleur d'or, que sa timide sœur, s'était postée près d'elle, refusant de bouger, refusant également son baptême de guerrier, parce que dans son cœur, une tristesse sans nom s'était installée: sa sœur devait l'accompagner. C'était injuste. Injuste. Tellement injuste ! Les jours avaient passé, et les larmes s'étaient taries, l'entraînement avait repris; alors, de jour comme de nuit, la brunette qui ressemblait tant à Étoile Maudite s'était lancée à corps perdu dans son entraînement intense et dans des recherches de plantes, souvent infructueuses, mais qui la laissaient le corps douloureux, les muscles endoloris, et l'esprit suffisamment fatigué pour s'abattre, quand elle avait de la chance, dans son nid, pour un sommeil sans rêves. Tout ça parce qu'autrement, il n'y avait que cauchemars quand elle fermait les yeux... Les jours avaient passé, en cette nouvelle routine, à manger peu, à apprendre beaucoup, à se dévouer de son mieux, pour racheter une faute, impardonnable à ses yeux, et qu'elle n'avait même pas commise.

J'aurais du l'aider,
J'aurais du être là,
J'aurais du l'accompagner,
Je savais pourquoi...

Voir Nuage de Violette inerte... Jusqu'à récemment, la cadette n'avait pas réalisé que voir l'apprentie noire et blanche bondir, vivre, courir, entre ombre et lumière, s'entraîner, rêver, ronronner, et être tellement plus douée qu'elle à ses yeux, l'avait tant rassurée. Son aînée avait toujours été, pour Mimosa, un refuge et un bouclier... Mais cette fois, c'était à elle, ses grands yeux d'or veillant, deux grands soleils voilés, de la protéger. Alors les jours avaient passé, et si on avait pu formuler n'importe quel doute auparavant sur les capacités de la timide apprentie, elle méritait à présent cent fois son baptême de guerrière - et se le refusait, parce que ce nom là, elle ne voulait le porter qu'en compagnie de celle qui avait été à ses côtés chaque jour de sa vie. Pas maintenant, pas tout de suite: elle devait payer ses erreurs, expier ses erreurs et toute la douleur de son cœur.

Expier aussi le combat contre Caresse du Vent.
Elle revoyait encore la poésie du cirque, et les mille couleurs.
Expier son échec en voyant Alizé - qui elle ne verrait plus.
Elle n'avait, elle non plus, pas su, pas pu la protéger.
Expier ses erreurs, qui avaient entraîné la colère de Venteuse.
Elle s'était vue désignée coupable; son amie devait avoir raison...
Expier, peut-être, toutes les fautes, et celle d'exister.

. . . . .

Ils revenaient de bataille, ce jour-là, quand Étoile Maudite avait bondi sur le promontoire, le corps couturé de cicatrices et l'air renfrogné mais la pelisse brillante, ramenant un espoir dans les yeux de sa fille. Voilà un moment qu'il n'avait pas paru comme cela... Quel étrange contraste formait-il avec elle-même, une unique cicatrice barrant l'épaule de la jolie novice, les yeux emplis d'une infinie tristesse, et parée de pénombre, loin de son modèle d'enfant, irradiant de soleil. Silencieuse, attentive malgré tout, Nuage du Mimosa se rapprocha pour le rassemblement, pour découvrir l'identité des camarades qui s'apprêtaient à se faire baptiser; elle aurait été contente pour n'importe qui, au moins en apparence, mais en entendant les noms, un immense, vrai sourire illumina son visage: elle n'était pas heureuse, non - mais pour eux, en cet instant, elle était ravie. Nuage de Muguet, Nuage de Crocs et Nuage d'Ouragan devenaient guerriers, au milieu des premières floraisons du printemps ! L'apprentie n'en voulait pas aux enfants de lune d'être baptisés avant elle - elle était fière. Fière de Dent de Sabre, qui, elle l'espérait, serait un guerrier formidable. Fière de Souffle de l'Ouragan, qui réaliserait, elle en était sûre, tous leurs rêves les plus fous et leurs vœux aux étoiles - et à cette pensée, son cœur fit un bond, la jeune fille réservée esquissant un ronron. Fière, enfin, de Bouquet de Muguet, son amie de plantes, sa camarade de jeux, et une des personnes, sa famille exceptée, qui comptait le plus.

Alors la nuage ravala ses larmes, sa peine, enfermant au plus profond d'elle toutes les nouvelles visions qui peupleraient ses songes de feu, de sang, de mort, d'horreur et de mille cris. Elle étouffa ses pleurs, étouffa ses regrets, elle étouffa ses hontes et aussi ses reproches. Juste cette fois, elle voulait sourire, rire, pour Ouragan qui lui souriait, pour Muguet qui s'avançait vers elle. Les fleurs avaient éclos, au retour du printemps... Désormais, quand elles se taquineraient, iraient cueillir des plantes, ou juste discuteraient, ce serait en guerrière que la belle femelle, toute de neige et de jais, le ferait. Et ses yeux verts brillaient, brillaient... Les prunelles d'ambre de Mimosa, soleils si voilés soient-ils, renfermaient une nouvelle étincelle, une flamme que son cœur ne comprenait même pas - un je t'aime, soufflait son âme, que personne n'écoutait.

Personne n'écoutait jamais cette toute petite voix.
C'était tellement plus facile de la taire.
Tellement plus simple de hurler, de devenir tempête
Plutôt que jouer du vent, comme un cerf-volant.
Les fleurs s'arrachaient par poignées, les plus belles en premier
- peu plantaient des jardins, tous souhaitaient les bouquets.
Créer, détruire, pleurer et rire; vivre ou mourir.
Violence, encore, encore. Toujours.

Arrête. aurait voulu crier Mimosa à son père. Je t'en prie, arrête !

Mais sa voix ne porterait pas, dans la tourmente.
Les grands sapins peuvent peut-être mourir, finalement;
Et parfois, pluie et soleil n'illustrent pas d'arc-en-ciel.
Le vent déracinait tout, la guerre blessait, prenait.
Une foi moribonde expira, tout en haut du rocher
Et une larme, solitaire, roula sur la joue de l'aide guérisseuse.

« J’annonce ma décision devant le clan des étoiles,
afin qu’ils l’entendent et la subissent.
Je ne suis plus votre serviteur. Je suis mes propres Loi.
Je ne suis plus Etoile Maudite, à présent je suis Maudit.
Vous me devez tout de même obéissance, jusqu’à ma mort,
je reste le meneur et personne ne doit en douter. »

Le soleil se noyait, et les fleurs se fanaient. Alors, pour ne pas altérer le bonheur de Muguet, la petite fleur d'or se blottit contre elle, enfouissant son visage dans l'immense pelisse chaude de son amie, devenue aussi grande qu'elle, et beaucoup plus massive. Elle ronronna des félicitations, lumineuses d'affection, pour ignorer la nuit qui les submergeait tous, fermant les yeux face aux mots de leur chef, qui sonnaient, à ses oreilles, sinistre prophétie. Oui, il s'était maudit... Il avait fait son choix, mais quel serait le prix ? Se composant un visage paisible et achevant l'étreinte, la fille des étoiles leva la tête pour contempler la silhouette sombre, découpée contre le ciel. Il l'avait défié... Elle soupira, alors, en le voyant appeler Dent de Sabre, en compagnie de Feulement. Un roi fou, un chevalier, et un assassin. Que leur réservait le lendemain ? Elle soupira, en entendant une des petites d'Esprit Lent - celle nommée en hommage à ton père, cria son cœur - demander à Grain de Sel si renier les étoiles était chose possible.

Non, répondit en pensée une Mimosa désenchantée.
Mais plus rien n'est impossible, désormais...

Maudit restait meneur, jusqu'à son dernier souffle
- mais après ce baptême, une question subsistait.
Tu demeures mon chef... Qu'est devenu mon père ?

Retournant le visage vers son amie, Muguet et Mimosa unies
Cette dernière souffla simplement, avec une tendresse infinie:

« Félicitations, Bouquet de Muguet.
Tu l'as mérité, ce baptême ! Et...
Je voulais que tu saches que je suis là.
Je suis là pour toi. Toujours.
Quoi qu'il arrive. »

Toujours.

Nuage d'Ouragan en avait vu, des choses ; des événements bienheureux, comme la naissance des petits d'Esprit Lent. Des événements tristes... comme le fait de savoir que ses parents étaient vieux et qu'un jour ou l'autre, ils abandonneraient la tanière des guerriers pour rejoindre celle des anciens. Jusque-là, le chat noir s'était toujours senti chanceux et aimé du Clan des Etoiles. Malgré les échecs, les apprentissages prodigués par Grain de Sel et l'impression de ne posséder aucune valeur guerrière, Nuage d'Ouragan avait toujours su regarder dans la direction de l'avenir avec une pointe d'optimisme, de candeur. Un avenir où il avançait, côte à côte, avec tous ceux qu'il aimait, vers un horizon radieux.

Puis, il y eut cette bataille.

Une bataille engagée par Etoile Maudite visant le Clan du Vent exclusivement. Une bataille sanglante, reflétant la rancœur de celui qui l'avait enclenchée. Ne demandez pas pourquoi, Nuage d'Ouragan ne ressentait qu'une infime compassion pour les Venteux ; c'était sa famille et ses amis qui passaient en priorité coûte que coûte, il se jurait de les protéger et de faire du mal à quiconque menacerait son équilibre parfait malgré les « c'est peut-être nous les coupables », « on n'aurait jamais dû se battre » qui traînaient dans son esprit. Ce jour-là, on lui avait confié la tâche, à lui et à tant d'autres félins du Clan de l'Ombre, de retenir les sentinelles tandis qu'un autre groupe s'en prenait directement au campement des bouffeurs de lapin. Ce jour-là, Nuage d'Ouragan s'en souvenait très bien, il avait affronté un jeune apprenti du Clan du Vent. Ce jour-là... Il avait croisé le regard d'or et d'ambre de sa chère meilleure amie, Nuage de Mimosa. Il n'aurait su dire ce qui s'était réellement passé, mais un « petit quelque chose » avait traversé leurs yeux. Un message. Un sentiment. Mais toujours était-il que tout cela était flou et que, pour le moment, il y avait des choses bien plus urgentes à traiter.

Comme par-exemple, la petite assemblée qu'Etoile Maudite venait de « débuter ». Cela faisait bien longtemps que Nuage d'Ouragan ne l'avait pas vu monter sur son promontoire. Entre les fois où Etoile Maudite s'était terré dans sa tanière ou les autres où le novice s'était absenté avec son mentor au mauvais moment... il n'aurait su dire depuis combien de temps il n'avait pu le regarder fixement, sans craindre qu'il ne disparaisse dans l'ombre de son antre.
Mais aujourd'hui, son pelage brun tigré brillait, et bien que son air n'ait pas du tout l'air commode, Nuage d'Ouragan supposait que c'était déjà un premier pas venant du chef pour que tout revienne dans l'ordre. Ce dernier était peut-être agacé à cause de quelque chose ? Un quelque chose qui finirait par lui passer ? Que nenni.

« Nuage de Muguet, Nuage de Crocs et Nuage d'Ouragan, venez. » annonça finalement le meneur.

Le cœur de l'apprenti rata un bond ; rêvait-il ou on venait de prononcer son nom ? Doucement, il s'installa aux pieds du promontoire, bientôt rejoins par les silhouettes familières de Nuage de Muguet et de Nuage de Crocs. Ces deux-là grandissaient et devenaient de plus en plus forts au fil des saisons, à la plus grande satisfaction du félin sombre. Il aimait voir ses amis évoluer, grandir, se renforcer. Toutefois, il ignorait les raisons pour lesquelles on les avait appelé ici. Il n'avait rien fait de notable depuis ces dernières lunes. A moins que … ?

« A présent, Nuage de Muguet tu es Bouquet de Muguet, Nuage de Crocs tu es Dents de Sabre et enfin Nuage de l’Ouragan tu es Souffle de l’Ouragan. »

Ses yeux s'arrondirent de surprise. On le baptisait. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas songé à son arrivée dans la Cour des grands ! Il retint un ronronnement satisfait, sous peine de se faire passer pour un chaton joyeux. Il s'inclina légèrement, pour souligner son respect envers le père de Nuage de Mimosa puis attendit que ce dernier vienne toucher le sommet de son crâne avant de se redresser. Bouquet de Muguet. Dent de Sabre. Souffle de l'Ouragan. Il n'oublierait pas cette journée de sitôt.

« Vous êtes à présent des guerriers du clan de l’Ombre. Tâchez de ne pas me décevoir. A mes yeux vous avez mérité ce titre, ne me faites pas regretter mon choix. »

Souffle de l'Ouragan bomba modestement le poitrail par fierté, satisfait que son chef reconnaisse enfin – du moins, que ses aînés reconnaissent enfin – ses atouts en tant que guerrier. Il chercha du regard Nuage de Mimosa et lui sourit. Son sourire se dénoua lentement lorsqu'il comprit que la femelle tigrée ne ferait pas partie des nommées aujourd'hui. Cela signifiait... qu'ils ne dormiraient plus jamais ensemble dans la tanière des apprentis ?
Il avait quelque chose à lui dire ; mais pas devant tout le monde. Ainsi, le nouveau guerrier se retira respectueusement du devant de la scène et se fondit dans la foule de félins présents pour l'assemblée. Il entendit, cependant, le nouveau discours d'Etoile Maudite, qui ne fut pas sans lui glacer le sang :

« J’annonce ma décision devant le clan des étoiles, afin qu’ils l’entendent et la subissent. Je ne suis plus votre serviteur. Je suis mes propres Loi. Je ne suis plus Etoile Maudite, à présent je suis Maudit. Vous me devez tout de même obéissance, jusqu’à ma mort, je reste le meneur et personne ne doit en douter. Feulement, Dents de Sabre, dans mon antre. Maintenant. »

Ses yeux bleus s'arrondirent de nouveau, mais la signification de ce geste ne fut point satisfaisante. Au contraire même, il crut à une mauvaise blague, et son regard chercha celui des autres guerriers ; il découvrit des visages étonnés, d'autres apeurés, d'autres perplexes... quelque part non loin de lui, Grain de Sel et sa fille Petite Jade, qui avaient l'air offusqués par les dires d'Etoile Maudite. Il reconnut la fourrure d'ébène de Nuage de Ronce qui se dirigeait vers Bouquet de Muguet. Il vit Nuage de Mimosa. Souffle de l'Ouragan s'apprêta à la rejoindre, mais une masse rousse lui barra la route : celle de Fierté du Renard, son père. Ses yeux bleus étaient écarquillés, lui aussi.

« Comment est-ce possible ? » lui lança le vieux mâle, surpris. « Il ne peut pas... Il ne peut pas renoncer au Clan des Etoiles ! »
« Je l'ignore... Père, les chefs ont-ils le droit de faire cela ? » s'enquit l'ancien protégé de Grain de Sel, perplexe.
« Oui. Mais ceux qui le font ne retombent que rarement sur leurs pattes. D'ailleurs... ta mère est partie chasser juste avant l'assemblée. J'irai l'avertir. Elle sera fière de toi. »

Fierté du Renard lui sourit, pour une fois. Pour une fois, il ne semblait pas tracassé par les charges guerrières. Il profitait simplement de la vie, de cette journée spéciale qui avait fait de son fils un guerrier. Ce n'était pas celle qui avait fait de lui un vrai mâle, mais ça ne saurait tarder.
Alors, Souffle de l'Ouragan fit une courte révérence à son père avant de reprendre la route. Malheureusement, il s'avéra que Nuage de Mimosa était accaparée par Bouquet de Muguet. Le guerrier tigré se sentit un peu vexé, pour une raison qu'il ignorait. Pourquoi n'était-elle pas venue le voir pour le féliciter ? Cette source de tristesse ne dura que peu, tant il était impatient de la revoir après ce baptême important. Maintenant qu'Etoile Maudite avait renoncé à ses pouvoirs célestes, ils devraient parler, d'une façon ou d'une autre. Mais pour l'instant, il tenait à clarifier quelque chose.

Lorsqu'il atteignit les deux femelles – adressant un sourire à Bouquet de Muguet au passage -, il attendit que ce soit son tour pour se placer devant la chatte aux prunelles d'ambre. Il lui adressa un regard plein de tendresse et un sourire, avant de lui souffler :

« Mimo. Désormais, nous ne dormirons plus au même endroit, cependant... je veillerai à te garder une place au chaud dans ma future litière pour lorsque tu seras nommée à ton tour. » Il fit une pause, le temps de réfléchir, quelques instants : devait-il se jeter à l'eau et l'inviter ? « Aussi... J'aimerais... J'aimerais passer la journée avec toi demain. Tu veux bien, dis ? Quand je me serais suffisamment reposé, on pourra... hmm... chasser ensemble ? Rien que tous les deux ? »

Ne sachant quoi dire, ni comment l'exprimer sans se faire passer pour un idiot, Souffle de l'Ouragan émit un léger rire gêné. Mais il avait tellement envie qu'elle accepte ! Aussi attendit-il qu'elle lui fasse honneur d'une réponse avant de s'en aller construire sa nouvelle tanière dans l'antre des guerriers.

Post-bataille.

Les soldats suivaient leur chef sur le chemin du retour, pénétrant l'enceinte du camp de l'ombre.

Pelages ensanglantés, ébouriffés, couturés de diverses plaies. Le combat avait été sanglant et destructeur.

Pas d'horreur dans les yeux de Feulement, pas de colère. Toujours cet éternel air neutre voir dur qui s'était logé au creux des traits de son visage.

L'orphelin avait continuellement baigné dans la violence alors un combat de plus, un combat de moins, qu'était-ce réellement pour lui?

Son seul regret, peu-être, n'était pas d'avoir crevé les yeux à la jeune Alizée mais que Feuille de Houx n'est pas péris dans le chaos de la guerre. Il aurait souhaité que le grand noir ne revienne pas avec eux ce soir.

Bondissant sur le promontoire, Étoile Maudite appela au rassemblement.

" Nuage de Muguet, Nuage de Crocs et Nuage d'Ouragan, venez. "

Un baptême. Le jeune guerrier observa les concernés s'approcher. Nuage de Crocs, une connaissance positive. Nuage de Muguet, futur mère de ses chatons bien qu'il l'ignorait. Nuage d'Ouragan, neutre.

" A présent, Nuage de Muguet tu es Bouquet de Muguet, Nuage de Crocs tu es Dents de Sabre et enfin Nuage de l'Ouragan tu es Souffle de l'Ouragan. Vous êtes à présent des guerriers du clan de l'Ombre. Tâchez de ne pas me décevoir. A mes yeux vous avez mérité ce titre, ne me faites pas regretter mon choix. "

Le prince déchu ne se joignit pas aux chants d'accueil des nouveaux combattants. Silencieux, comme à son habitude. Il se contenta de les observer sans mot dire avant de se lever, pour quitter les lieux, passer voir Soucieux et-

" J’annonce ma décision devant le clan des étoiles, afin qu’ils l’entendent et la subissent. Je ne suis plus votre serviteur. Je suis mes propres Loi. Je ne suis plus Étoile Maudite, à présent je suis Maudit. Vous me devez tout de même obéissance, jusqu’à ma mort, je reste le meneur et personne ne doit en douter. "

Chuchotement révoltés. Apeurés, perplexes. Feulement demeurait dans son éternelle neutralité. S'il évoquait le clan des étoiles pour faire plaisir à son père adoptif il n'était pas croyant. Encore moins pieux. Alors qu'Étoi- que Maudit renonce à leur "ancêtres" ne lui semblait en aucun cas être une offense. Le pouvoir des cieux relevaient de la superstition a ses yeux. Malgré les lunes passées au sein de l'ombre il restait très détaché des coutumes des clans et de leurs traditions.

" Feulement, Dents de Sabre, dans mon antre. Maintenant. "

Ce fut cette phrase qui de tout le rassemblement fit naître enfin un autre sentiment que l'insensibilité en son sein.

Qu'avait-il fait?

Encore?

Le grand charcoal avait pris l'habitude de croiser le regard désapprobateur du meneur et de ses camarades. Si on l'appelait alors c'était forcément car il avait fait un énième faux pas. Mais comme à chaque fois, il ignorait la source des maux. Fouillait dans sa mémoire pour y dénicher la cause de sa probable future punition. N'y trouvait rien.

Le géant se dressa donc sur ses grandes pattes, (Car il s'était assit à nouveau entre temps) se dirigeant vers l'antre du chef à l'expression aussi impassible que la sienne. En compagnie de Dents de Sabre, qui était aussi convoqué pour des raisons qui lui étaient un mystère, il disparut donc en s'engouffrant entre les racines du vieux sapin aux épines orangées.

Le gros chat qui lui faisait peur et qu'elle n'aimait pas — il était là, très haut sur une pierre. Il lui faisait penser à un rat, mais un très gros rat; comme celui qui lui avait tordu la queue et cassé la lèvre. Petite Lumière fit le dos rond lorsqu'elle entendit sa grosse voix appeler une assemblée. Sa soeur, Petit Jade, s'avança jusqu'à la sortie de la pouponnière. Elle le suivit, perplexe, toujours tendue. Vraiment, elle ne l'aimait pas. Elle voulait qu'il parte.
Étoile Maudite commença par annoncer plein de choses inutiles que Petite Lumière n'écouta pas. Juste des baptêmes, rien d'important. Elle ne connaissait que quelques chats parmi les baptisés, finirait éventuellement par les oublier. Quand elle deviendrait apprentie, ils seraient guerriers depuis quelques temps déjà, et tout le monde s'en moquerait bien de leur nom de Nuage. Elle restait là pour la forme, parce qu'à côté de plein de gens, il y avait moins de chance qu'un rat vienne lui rendre visite.
Puis il y eut des murmures indignés, des petits cris parfois.
Étoile Maudit coupait tout lien avec les Étoiles et devenait Maudit. Ce n'était pas bien. Maman aimait les Étoiles, papa aimait les Étoiles : on ne se séparait pas des Étoiles.

— Papa… Dis papa c’est pas possible ce qu’il fait le chef là ?

Petite Lumière cracha. On lui parlait toujours d'amour fraternel, qu'un jour toute sa colère lui passerait, mais plus le temps passait et plus il fallait se rendre à l'évidence : elle n'aimait pas ses frères et soeurs. Le concept du "tu partages des liens de sang, donc tu les aimeras forcément" lui passait au dessus de la tête. Ils étaient stupides, irritants, jouaient à des jeux trop nuls parce que c'était pas les mêmes jeux que les autres grands chatons et les apprentis vachement plus cools que Petite Lumière admirait, et même quand ils faisaient bien les choses, ça l'agaçait. Depuis que quelqu'un s'était moqué de sa maman et de son comportement enfantin, elle l'agaçait. Elle l'aimait pourtant, mais ses petites intentions, sa voix aiguë, son optimisme à toute épreuve lui faisaient honte. Sa famille lui faisait honte depuis qu'elle avait entendu les autres en parler : elle avait recueilli des étrangers, dont une était déjà enceinte d'après les nouveaux murmures; n'avait jamais grandit dans sa tête, on racontait parfois qu'elle avait un problème. Petite Lumière, elle, voulait devenir grande et cool, comme Dernière Danse. Elle voulait être respectée, admirée, et sa famille n'aidait pas. Sauf peut-être papa. Elle n'avait rien contre papa. C'est lui qui avait dit que Muguet était mauvaise - et elle l'avait cru.

— BIEN SÛR QU'IL PEUT ! cria Petite Lumière dans les oreilles de sa soeur, pour que ça lui rentre bien dans la tête une bonne fois pour toute et qu'elle arrête avec ses questions. C'est un méchant et je le déteste. Étoile Maudite c'est qu'un sale rat.

Ce qui était une raison suffisante pour admettre le fait qu'il pouvait faire quelque chose d'aussi affreux que renier les Étoiles.

Son cœur était froid, si froid ... elle n'avait plus besoin d'un faux masque pour passer pour une asociale, désormais. D'ailleurs, son cœur était-il froid ou bien n'en avait-elle purement et simplement plus ? Allez savoir.
Les yeux fermés, Chant d'Alouette gisait, allongée sur son nid. Elle n'arrivait plus à bouger et un poids lui compressait les poumons - pas le cœur, elle ne le sentait plus, son cœur. Ça faisait mal et elle gémissait mais personne ne l'entendait.

La blessure était trop profonde.

L'appel fusa et en silence, pas lourds et endeuillés, elle s'approcha du promontoire le cœur en peine. Maudit soit-il, celui qui s'y tenait. Il était droit sur son piédestal, abîmé de l'intérieur également mais bien moins qu'elle ; il trouvait encore la résolution de se dresser dans le ciel, alors qu'elle peinait à ramper au sol.

Le baptême des nouveaux guerriers se passa dans un silence funèbre. Hormis le chef du clan, personne ne prononça mot, personne ne bougea la moindre moustache et les nouveaux baptisés effectuèrent les gestes sacrés sans montrer de vif enthousiasme. À croire qu'au fond ils sentaient tous venir la catastrophe.

《 J’annonce ma décision devant le clan des étoiles, afin qu’ils l’entendent et la subissent. 》 , gronda enfin celui que tous regardaient sous l'œil morne de la femelle. 《 Je ne suis plus votre serviteur. Je suis mes propres Loi. Je ne suis plus Étoile Maudite, à présent je suis Maudit. Vous me devez tout de même obéissance, jusqu’à ma mort, je reste le meneur et personne ne doit en douter. 》

Il tentait de se décharger de sa colère et du fardeau d'une guerre loupée.
Alors Maudit était maudit, Suie était mort et elle était seule, en deuil.

Elle vivrait sous le règne du nouveau tyran jusqu'à sa mort, aurait un nouvel aperçu de l'enfer et une fois le moment venu ferait un compte rendu à ses ancêtres de la lâcheté et de l'hérésie du chef en qui elle avait placé tant d'espoirs.
Son chemin de croix s'achèverait sans doute bien plus vite que prévu ; comment survivre plus longtemps, sa volontée de vivre, sa raison de rester, son ange tous envolés ?

Elle était déjà condamnée.