Au revoir - libre - mort d'Echo des Ruisseaux - end

C'est la fin. Je le sens. Cette épidémie qui ravage notre Clan, je désespérai de trouver un remède, d'arriver à soigner les miens, à faire mon travail de Guérisseur, mais aujourd'hui, c'est vers moi qu'elle s'est tournée. Après ce temps de chaleur, je pensais que nous aurions le droit à un temps de repos. Mais non. Certains des nôtres se sont tournés vers nos voisins du Tonnerre. Moi? Non, je ne pouvais abandonner les miens à cette maladie. Je ne sais même pas si elle s'est déclarée à cause de la canicule, si elle couve depuis longtemps en attendant son heure ou encore si les rumeurs sont vraies et qu'elle nous vient de mon patient privilégié, Hibou. Je n'en sais rien et sans preuve, sans informations, je n'ai rien pu faire. Je n'ai pu que rester là, les pattes vacantes, ne pouvant qu'atténuer leurs douleurs. Et puis j'ai pu voir chez moi les mêmes symptômes que mes malades. Est-ce une punition des Étoiles? Parce que je n'ai pas su tenir la promesse que je leur ai faite? Parce que mon coeur a continué de battre, pour elle? Peut-être, mais je ne comprends pas pourquoi les miens sont touchés aussi, notre Clan s'est-il à ce point parjuré? Je ne pense pas, pas autant de chats. Clan des Étoiles, ayez pitié de vos enfants de la Rivière, apaisez leurs souffrances, car bientôt je ne pourrais plus le faire. Ce n'est pourtant pas le moment, mais je suis à bout.

En silence je me lève et quitte ma grotte. Elle a été mon chez moi durant 37 longues lunes, elle est mon refuge. En cet endroit j'ai pansé tant de plaies, vu tomber dans de larmes. Je m'y suis parfois senti seul, mais c'était le fardeau que je m'étais choisi, jusqu'à la fin. Je pose une patte sur la pierre froide. Adieu à toi. Bientôt quelqu'un viendra habiter ici. Je m'éloigne en direction de la sortie, une fois sorti, je me retourne une dernière fois, le camp est endormi, aucun bruit ne filtre. Je ne reviendrai jamais ici, j'entends déjà l'appel des étoiles. Toujours aussi silencieusement je me rends là-bas, près de la rivière, le coeur de notre Clan. La première fois que je l'ai approché c'était il y a bien des lunes, lorsque les Rochers du Soleil appartenaient encore à la Rivière, lorsque qu'un grand chat noir était encore à sa tête. Je m'allonge, frissonnant sur les pierres froides. Une quinte de toux remonte et fatigue le peu de souffle qu'il me reste. Ça fait mal. Je n'ai jamais aimé avoir mal, tout comme dire au revoir. Alors c'est sans un mot que je partirai. J'espère que mon Clan comprendra. Peut-être ont-ils quand même vu la maladie qui me rongeait? Qui sait? Je ne suis pas omniscient.

J'espère ne pas avoir contaminé les miens encore plus. La nuit est calme, silencieuse, troublée uniquement par les clapotis de l'eau et les quelques bruits d'animaux. Ça fait déjà plusieurs jours que je ne mange plus, rien ne me fait envie. Mes yeux se font lourds. Est-ce enfin la fin? J'ai l'impression de sentir cette odeur étoilée, celle qui m'invite à la rejoindre, lorsque je me rends à la Pierre de Lune. Vont-ils m'accueillir comme l'un des leurs? Je suis désolé de ne pas avoir su tenir ma parole, je n'ai pas vraiment fait un bon Guérisseur. Mais je pars tranquille je sais qu'il y a au moins Pluie Battante pour prendre ne serait-ce qu'un peu de la charge qui m'incombait. Beille a sa famille, ça ira pour elle, elle a toujours été forte. J'ai pu voir grandir mes filleuls, de chatons à Guerriers, ça a compensé ma vie solitaire.J'ai désormais l'impression d'entendre aussi la voix des Ancêtres, alors j'ouvre les yeux, pour voir une fine poussière, irréelle et pourtant si familière. Non je ne laisse aucun regret derrière moi, j'ai eu une assez longue vie, souvent mouvementée mais complète. Je sens quelque chose se poser sur moi, des feuilles de saule je dirais. Les Étoiles essayent-elles de me réchauffer? Un ronronnement m'échappe dans un dernier souffle, mes yeux se ferment pour ne plus s'ouvrir. Adieu et à bientôt.

C’était le chaos dans le clan. C’était une ombre noire qui planait au dessus de nos têtes. Une menace invisible qui se glissait dans toutes les tanières de la tribu. De ses griffes sombres, elle prenait des vies, elle en faisait fuir d’autres. Non, il ne faisait pas bon vivre dans le clan de la Rivière en ce moment. Chaque soir, je lançais des prières désespérées au clan des étoiles. Je les regardais de mes yeux brillants d’espoir « S’il vous plait, aidez-nous, je sais que ce n’est pas de votre faute, comment pouvez-vous être si mauvais ? Parlez à Echo des Ruisseaux, ou à notre honorable Etoile d’Or. Ils sont vos représentant alors… Dites nous si c’est bientôt terminé. ». Je ne pouvais les croire responsable de cette malédiction. Le clan des étoiles étaient bon, il fallait juste garder la tête froide et essayer de chasser l’épidémie. Mais les griffes et les crocs ne pouvaient rien y faire. C’est bien dans ces moments là où j’aurais aimé être un assistant de notre guérisseur. De nombreuses fois je l’avais observé, je connaissais plein de chose ! Je ne pouvais prétendre avoir son savoir, mais… Non, je ne pouvais penser de cette manière, j’étais un guerrier et mon devoir était de protéger les miens.

Je n’avais pas réussi à trouver le sommeil. Comment je le pouvais quand la mort était la seule compagnie possible. Elle rodait silencieusement dans chaque tanière, pour voir qui elle accompagnera sur le chemin des étoiles. J’étais dans un coin du camp, assis, et anxieux. Ma queue battait sur le sol. Je devais faire quelque chose La nuit noire commençait à changer de couleur. Le ciel se teintait progressivement d’un bleu-gris plus clair. Pourtant il n’y avait pas de mouvement dans les tanières. J’étais membre de la patrouille de l’aube ce matin, Brasier Glacial et Python Balafré m’accompagnait. Le tas de proie était presque vide. L’angoisse de voir mon clan sombrer me prenait le ventre, je n’avais même pas faim. Ces maigres proies serviront à nourrir les malades. Je voyais mes deux camarades me rejoindre. Je voulais essayer de détendre l’atmosphère de notre patrouille, mais comment faire quand le seul bruit pouvait déranger la brume cruelle qui planait sur le camp. D’un signe de la tête, je saluais les deux guerriers et me plaçait au milieu du groupe. Ce n’était pas à moi de le mener. Nous nous dirigions vers la rivière. J’avais peur que le clan du Tonnerre, probablement au courant de nos soucis, en profite pour essayer de nous envahir. Le clan n’était certainement pas en état de se défendre, ça aurait été la victoire sur les terres de la Faucheuse. Mais mon esprit se contredisait, s’il était un minimum empathique, ils n’attaqueraient pas un clan sans défense, ils l’aideraient plutôt. Je l’espérais. J’espérais qu’une entraide existait, que certains des nôtres avaient pu se réfugier là bas, dans les bois qui respiraient la santé.

Je sentais la frontière, notre odeur était toujours marquée, mais celle de la maladie commençait à se faire sentir même ici. Je n’aimais pas bien ça, mais bon, on ne pouvait pas la contrôler. Mais soudain, un peu plus loin, sur des rochers, il y avait une forme gris-bleu. Je chuchotais à mes camarades en désignant de la patte l’animal plus loin. C’était un des nôtres.

« Regardez. Il faut voir s’il va bien. »

Je me précipitais vers l’animal allongé. J’espérais sentir sa respiration et voir ses côtes se soulever. En l’approchant, mon propre souffle se coupa. C’était comme si mon cœur venait de s’arrêter. Je collais mon museau à son poitrail. Je ne sentais rien. Il ne bougeait plus. Son cœur était devenu froid comme la rivière.

« Non… »

C’était Echo des Ruisseaux. Je regardais mes camarades, les larmes me montant aux yeux. Je ne savais plus penser. Son corps ne bougeait plus, je n’entendais plus que le fracas de la rivière, mais lui, son souffle s’était éteint depuis longtemps maintenant. Les étoiles étaient venues le chercher cette nuit. Je me sentais perdu, dévasté. Comment le clan allait-il survivre ? Qu’est-ce que le clan des étoiles avait vu ? Je pleurais pour mon guérisseur et pour mon clan. Cette fois, je sentais mon espoir partir, et mon angoisse me reprenait plus encore les trippes. J’aurais pu en vomir si je n’avais pas vu la feuille de saule sur le pelage du guérisseur. Elle seule, perdue au milieu de ses poils. C’était étrange qu’elle se soit posé là. J’approchais mon museau de la feuille, intrigué par sa présence. En respirant son odeur, je fermais les yeux.

Les hautes pierres, la pierre de lune illuminée par la lumière de la lune. Je voyais tout ça. J’étais transi, tous mes muscles contractés. Je me voyais passer la porte des étoiles aux Hautes-Pierres. Je devais m’y rendre. Je dois m'y rendre.

Je relevais le museau soudainement. Je ne comprenais pas. J’avais vu les hautes pierres en fermant les yeux, j’avais seulement touché cette feuille de saule. Etait-ce un signe ? Le clan des étoiles m’avait-il parlé ? A moi ? Alors que je n’étais qu’un banal guerrier ? Mais j’avais le sentiment puissant que je devais m’y rendre. J’avais l’impression de sentir l’odeur de plante mélangé à celle d’autres félins, mais ce ne devait être que mon imagination, pas vrai ? Comment les étoiles pouvaient me parler à moi ? Pourtant je devais y aller. Je regardais mes deux camarades, l’air plus anxieux et nerveux que jamais. Je dois y aller ! Au moins pour savoir.

« Brasier Glacial, Python Balafré, je… Je crois que les étoiles ont on envoyé un signe. »

J’avais peur qu’ils me traitent de fou, je n’osais même pas les regarder dans les yeux. Je grattais le sol de ma patte et pris mon courage à deux patte !

« J’ai senti cette feuille de saule et j’ai vu les Hautes-Pierres. Je crois que je dois y aller. J’ai besoin d’y aller, je dois savoir. Je… Je ne sais pas si nos ancêtres m’ont appelé, je n’en sais rien, mais… je dois y aller. »

Au revoir.

La peur, par moment, elle parvenait à la chasser mais de plus en plus, elle évitait le camp, préférant comme sa nouvelle camarade, Bouquet de Muguet, se rapprocher de la rivière, des rochers aux soleils et finalement, des terres ennemis. Elle veillait à ne pas chasser chez eux et à ne pas leur demander quoi que ce soit. Mais ses nuits, elle les passaient loin des siens. Parce qu'il y avait déjà eu trop de mort. Parce qu'ainsi, elle pouvait être un lien avec ceux qui ne voulaient partir chercher temporairement asile et ... Les autres. Elle craignait à chaque retour sur ses terres d'apprendre qu'un nouveau chats avaient fermés les yeux et s'était à jamais endormi. Car ce sommeil là n'avait pas de réveil. Et pourtant, le côté terrible de la mort lui échappée toujours un peu.

Et la cendrée tachetée surgit hors des flots, triste de n'avoir quelque chose à rapporter aux siens, avec en prime l'angoisse sourde en forme de boule au fin fond de son ventre. Un nouveau visage s'était il éteint ? Elle voulait croire que non, que les yeux de tout ses camarades brillaient encore comme la veille, comme avant ... Comme quand elle était un chaton. Et même à Merle Noir, si terrible, elle ne souhaiter pas tout à fait ce sommeil froid. Les beaux yeux d'or se dirigèrent vers le ciel au dessus, qui s'éclaircissait doucement. La nuit avait été longue, angoissante mais ... Mais la proie dans sa gueule était une promesse que tout irait mieux non ? Et pourtant, en s'avançant le long de la frontière, à la recherche de la patrouille passée là très peu de temps auparavant, la guerrière sentit son corps se tendre. Ici et là, le relent infâme de la maladie planer. Et après un bouquet de roseau, la jeune chatte se raidis, découvrant trois de ses camarades entourant un quatrième. Elle en ouvrit la gueule sur un appel qui resta coincé au fin fond de sa gorge, s'avançant à pas retenus, terrifiée.

Et sa fourrure se hérissa tout à fait quand le vent changea de direction, apportant avec elle un parfum de sommeil éternel. Le quatrième félins ne bougeraient plus jamais. Il s'était envolé dans les étoiles quand bien même son corps lui était toujours là. Et en s'approchant, la câline Sangsue Cendrée reconnu la voix de Feuille de Saule, à demi cacher à sa vue par Python Balafré. Elle ne parvint qu'à saisir la toute fin de ce qu'elle disait mais en s'approchant davantage, elle comprit que son clan était au plus mal. car ce corps immobile était celui de leur guérisseur. Car Saule parler de partir ...

- Tu ...

Elle se tut, consciente d'arriver par surprise, cruellement perturbée par le spectacle sous son museau. Que dire où faire ? Son manque d'assurance venait de resurgir et elle dévisageait chacun des protagoniste tour à tour, tel un chaton qui vient de faire une bêtise et qui attend sa punition, son regard se figeant finalement sur le défunt Écho des Ruisseaux, comme si le mort pouvait apporter la réponse à la question qu'elle avait retenue.

La maladie s'était installée au camp. Depuis les premiers jours, j'avais suspecté que quelque chose n'allait pas, quand les premiers guerriers sont tombés malades. Depuis ces premiers patients, rien ne s'était arrangé. La tanière du guérisseur n'était pas assez grande pour accommoder tous les malades, et quand bien même elle l'aurait été, je ne vois pas comment Écho des Ruisseaux aurait pu changer quoi que ce soit au sort de la plupart d'entre eux. Le mal était tenace, et particulièrement létal. Beaucoup avaient succombé à la maladie, et d'autres avaient disparu - plus vraisemblablement, ils avaient pris la fuite, voulant se protéger de l'épidémie, eux et leurs proches. J'essayais de ne pas me sentir trahi, en me disant qu'ils ne pensaient pas à mal. Difficile à concilier avec mon propre point de vue. Une épreuve comme celle-ci, on l'affronte en tant que Clan, en tant que groupe, pas en sauvant sa propre peau. Et pourtant... Ce sont mes camarades de Clan, avec qui j'ai vécu toute ma vie. J'espère qu'ils vont bien, où qu'ils soient maintenant... Pour tous ceux qui restaient au camp, il fallait tenir le coup. Il nous fallait aussi garder notre territoire dans la mesure du possible et nourrir les malades, et pour ces deux raisons, le programme de patrouille était maintenu, et la chasse fortement encouragée. Tous les guerriers et apprentis valides devaient faire de leur mieux.

Ce matin, je faisais partie de la patrouille de l'aube, aux côtés de Python Balafré et Feuille de Saule. Je me levai comme à mon habitude, ignorant la fatigue accumulée pendant ces dernières lunes - la canicule, et maintenant ça... Un rapide coup d'oeil au visage des deux guerriers m'indiqua qu'eux non plus n'étaient pas dans la meilleure des formes. Si on m'avait dit que Feuille de Saule n'avait pas dormi pendant la dernière lune, je l'aurais cru. Nous échangeons un salut silencieux, simple signe de la tête, avant de nous mettre en marche. En tant que guerrier le plus expérimenté du groupe, je décide de prendre la tête de la patrouille, direction la rivière. La frontière avec le Clan du Tonnerre était à surveiller de près. Si les rumeurs sont vraies, c'est là-bas que certains d'entre nous ont trouvé refuge - ce qui voulait dire qu'ils connaissent l'état de notre Clan. Naturellement, c'est donc cette frontière là qui présentait le plus grand risque d'attaque. S'ils nous envahissaient... Nous ne serions pas capables de nous défendre. Le territoire serait perdu. Alors maintenir le marquage régulièrement, c'était comme une ligne de défense psychologique, comme pour dire qu'on était toujours là, prêt à défendre nos terres coûte que coûte, alors que si un conflit se déclarait, la bataille serait perdue à tous les coups.

Je distinguai soudainement une odeur un peu différente de celle du marquage. Tournant la tête dans la direction d'où provient cette odeur peu rassurante, j'aperçois une masse de poils au sol. Mes compagnons de patrouille l'ont repérée, eux aussi. Pas de doute, c'était un des nôtres. Un sentiment de détresse commença à m'envahir, mais je le combattis de toutes mes forces. Pas maintenant, me dis-je. Il faut garder son calme. "Regardez. Il faut voir s'il va bien." miaule Feuille de Saule, avant de s'élancer en direction du corps. Sans un mot, je prends la suite, m'attendant déjà au pire. Feuille de Saule vérifia si le félin retrouvé était encore envie, tandis que Python Balafré et moi-même arrivons sur les lieux. C'était Écho des Ruisseaux, et la réaction de Feuille de Saule suffit à nous faire comprendre que notre guérisseur n'était plus de ce monde.

La situation était catastrophique. De toutes les victimes possibles de la maladie, voilà la pire - sans guérisseur, et sans apprenti pour reprendre son poste, qu'allons-nous devenir ? Certains chats du Clan connaissent des rudiments de médecine, mais si un guérisseur complètement formé n'avait pas su vaincre la maladie, que pourrions-nous faire sans lui ? Je sentis l'inquiétude m'envahir à nouveau, mais une fois de plus je le repoussai. Calme. Rationnel. À la seconde où le Clan sombre totalement dans l'angoisse, alors nous sommes perdus. Je me devais de tenir le coup, au moins pour le Clan. Je commençai à réfléchir à ce que nous pourrions bien y faire. Demander de l'aide aux autres Clans semblait la seule possibilité, sans guérisseur pour nous ai-

Feuille de Saule releva soudainement la tête. Je regardai le jeune guerrier, intrigué. Qu'avait-il vu, qu'avait-il senti pour réagir ainsi ? "Brasier Glacial, Python Balafré, je… Je crois que les étoiles ont on envoyé un signe." Je n'en crus pas mes oreilles. Un signe ? Vraiment ? Je n'avais jamais entendu parler d'un guerrier recevant de message des Étoiles... Feuille de Saule poursuivit, "J’ai senti cette feuille de saule et j’ai vu les Hautes-Pierres. Je crois que je dois y aller. J’ai besoin d’y aller, je dois savoir. Je… Je ne sais pas si nos ancêtres m’ont appelé, je n’en sais rien, mais… je dois y aller."

Je pris quelques instants de réflexion. C'était une histoire particulière, du jamais vu. Mais dans une heure aussi grave que celle-ci, alors peut-être pouvais-je me permettre d'y croire. Et c'est vrai que cette feuille de saule était drôlement placée sur le corps du guérisseur défunt... Soit. Aller aux hautes pierres, donc ? Et de manière urgente, vu la situation du Clan. Un bout de plan commença à se former dans ma tête.

"... Je te crois, Feuille de Saule. Si tu penses que c'est urgent, alors nous y allons maintenant - je ne peux pas te laisser y aller seul." Je me tournai vers le troisième guerrier de cette patrouille, avec une faveur particulière à lui demander. "Python Balafré, pourrais-tu ramener le corps d'Écho des Ruisseaux au camp ? Il est venu mourir ici, mais mérite d'être veillé comme tous les autres. Je compte sur toi pour dire à Étoile d'Or ce qui s'est passé durant la patrouille, et pour lui dire que nous revenons le plus vite possible. Si Feuille de Saule dit la vérité, on ferait mieux de ne pas ignorer ce signe."

Ce fut à cet instant que j'entendis une autre présence, non loin. Je tournai la tête dans la direction du bruit, et y trouvai Sangsue Cendrée, l'air abasourdie, les yeux rivés sur le corps sans vie d'Écho des Ruisseaux. Je la saluai d'un léger signe de tête, et d'un regard compatissant. Je comprenais sa réaction, mais on n'avait pas trop de temps à perdre. Peut-être pourrait-elle aider Python Balafré à ramener le guérisseur au camp... Je me retournai dans la direction de Feuille de Saule, lui demandant d'un regard s'il était prêt à partir.

Spoiler:

La brise fraîche animait ses vibrisses. Le soleil timide l'aveugla d'un rayon mal placé ; il détourna la tête pour ne plus l'avoir en face. Ses coussinets durcis par le froid foulaient l'herbe encore mouillée de la rosée du matin. Que faisait-il encore sur ces terres ? Sous les apparences, elles étaient menaçantes, et chaque respiration qu'il y prenait était avec hésitation et crainte. Il pouvait sentir la maladie dans l'air. Son Clan faisait peine à voir depuis la canicule. Les chats tombaient comme des mouches. Il n'avait pas envie de finir comme eux, et ce n'était pas sa loyauté et sa fidélité qui le retiendrait ici, dans ce charnier. Ses instincts de préservation lui hurlaient de fuir ce territoire avant qu'il ne soit trop tard, avant que le fléau ne s'empare de sa vie -- franchement ! Qui s'exposerait volontairement à ce danger - non, cette fatalité ? Seulement, seulement... son individualité comportait une faille. Sa soeur. Pour une raison qui lui était peu claire, il ne pouvait se résoudre à l'abandonner. Sans elle, il ne partirait pas. La Couleuvre était bien différente de lui : pourvue d'un sens de communauté, son Clan lui était d'une grande importance et il était certain qu'elle serait offensée rien qu'à la proposition de trouver refuge dans d'autres terres, le temps que la mort quitte celles-ci. Sa loyauté de fer était quelque chose de très intéressant à observer, cependant, son frère aurait préféré qu'il en soit autrement. Mais enfin. Ils en parleront.

Les trois guerriers en patrouille n'échangeaient pas un mot mais la peur commune était palpable. Son regard neutre - quoique fatigué - passa du mâle roux au chat couleur sable. Comptaient-ils rester auprès des leurs et combattre avec vigueur la maladie, ou contemplaient-ils la solution plus logique de la survie? S'en sentaient-ils coupables ? Biensûr, la première option ne garantissait pas une mort certaine, mais les chances du contraire n'étaient pas favorables...

Soudain, les babines du matou sablé se soulevèrent pour interloquer ses camarades. Alerté, la patte et les oreilles pointant vers une direction, il désignait une forme sur les rochers dont il était assurément le premier à l'avoir remarqué.

" Regardez. Il faut voir s’il va bien. "

Feuille de Saule arriva le premier. C'est son visage qui fit comprendre rapidement aux deux autres que le corps était en vérité un cadavre. Les guerriers échangèrent des regards : larmoyant, angoissé, et le dernier impassible. Tous sans voix.

Il baissa les yeux sur le chat sans vie. Sa fourrure singulière d'un bleu-gris étoilé ne laissa aucun doute à son identité, et un frisson releva les poils le long de sa colonne vertébrale lorsqu'il en prit conscience. Echo des Ruisseaux. Le guérisseur. Sans apprenti. Ses yeux commencèrent à le piquer vu qu'il en oublia de cligner des paupières.

Aujourd'hui, au milieu d'une épidémie drainant le sang du Clan de la Rivière, Echo des Ruisseaux, le guérisseur sans suite est retrouvé raide mort, froid, envolé à jamais, sur un putain de cailloux gris.

Son sang bouillait autant que le flot de la rivière. Mais, silencieux comme l'eau, le seul indicatif de son tumulte intérieur était sa queue qui s'hérissait et ses griffes qui rencontrèrent la froideur de la pierre.

Il prit une grande inspiration. Ses yeux n'avaient pas quitté le corps du soigneur. Il devait regagner son sang-froid, telle était sa nature, c'est comme ça qu'il réusissait dans des situations de crise : maintenant était le moment parfait pour tester ses capacités. Feuille de Saule qui, par un ironique tour du sort, humait une feuille de saule posée sur la pelisse sombre du défunt, le surprit en relevant soudainement la tête.

" Brasier Glacial, Python Balafré, je… Je crois que les étoiles ont on envoyé un signe. "

Le chat marbré remua une oreille. Les Etoiles ? Il n'y croyait pas vraiment, mais soit -- il écouta avec attention.

" J’ai senti cette feuille de saule et j’ai vu les Hautes-Pierres, continua le guerrier mal à l'aise. Je crois que je dois y aller. J’ai besoin d’y aller, je dois savoir. Je… Je ne sais pas si nos ancêtres m’ont appelé, je n’en sais rien, mais… je dois y aller. "

Il lui aurait bien dit que le choc et la coïncidence de la feuille lui faisait imaginer des choses, et que son désespoir le poussait à se prendre pour un héros, mais ç'aurait été insensible.

" Les Etoiles, mh? " Le mâle soupira. " Au point où on en est, autant tenter le coup.
- ... Je te crois, Feuille de Saule. Si tu penses que c'est urgent, alors nous y allons maintenant - je ne peux pas te laisser y aller seul. " Le rouquin s'adressa ensuite à lui. " Python Balafré, pourrais-tu ramener le corps d'Écho des Ruisseaux au camp ? Il est venu mourir ici, mais mérite d'être veillé comme tous les autres. Je compte sur toi pour dire à Étoile d'Or ce qui s'est passé durant la patrouille, et pour lui dire que nous revenons le plus vite possible. Si Feuille de Saule dit la vérité, on ferait mieux de ne pas ignorer ce signe. "
Il marqua une pose, fixant le corps inerte, puis lui répondit: " Cela ne me dérange pas. Je peux le porter par moi-même, et il est plus sûr que vous voyagiez à deux. Bonne chance, et-
- Tu ... "

Le mâle brun se retourna, peut-être un peu trop violemment, vers la voix qui venait de derrière lui. Il détailla la figure de ses yeux sans émotion : plus petite que lui, jeune, l'air secoué et le regard ambré rivé sur le feu guérisseur, après avoir questionné de ce même regard les trois guerriers. Ah, excellent. Un enfant traumatisé. Il ne lui manquait plus que ça pour parfaire sa matinée.

" Il n'y a rien à voir ici, jeune chatte. Rends-toi utile au Clan et retourne chasser. J'imagine que c'est ce que tu faisais : j'ose espérer que tu ne nous suivais pas. " Il se rendit compte de son ton peu réconfortant. " ... Enfin, si ton esprit en est si troublé, n'hésite pas à venir me parler... Brasier Glacial et Feuille de Saule s'en vont tout de suite. "

« Les Etoiles, mh? Au point où on en est, autant tenter le coup. »

Il ne me croyait pas. Je sentais mon angoisse monter de plus en plus, tout comme la chaleur à mon visage, je n’aurais pas dû le dire. Python Balafré n’approuvait pas ce que j’avais vu. Après tout, est-ce que c’était vrai ma vision ? Etait-ce le fruit de mon désespoir ? Je baissais la tête, toujours plus honteux.

« ... Je te crois, Feuille de Saule. Si tu penses que c'est urgent, alors nous y allons maintenant - je ne peux pas te laisser y aller seul. »

Me dit l’autre guerrier, Brasier Glacial. Je relevais la tête, les yeux pleins d’espoir. Il me croyait ? Je hochais la tête vigoureusement. Je devais y aller, au moins pour voir si je n’avais pas rêvé, si ma vision était bien du clan des étoiles.

« Python Balafré, pourrais-tu ramener le corps d'Écho des Ruisseaux au camp ? Il est venu mourir ici, mais mérite d'être veillé comme tous les autres. Je compte sur toi pour dire à Étoile d'Or ce qui s'est passé durant la patrouille, et pour lui dire que nous revenons le plus vite possible. Si Feuille de Saule dit la vérité, on ferait mieux de ne pas ignorer ce signe. »

Je respirais un grand coup. J’admirais le calme du guerrier. Des deux guerriers même. En ces temps difficile, avec l’épidémie et là… La perte d’Echo des Ruisseaux… J’étais dévasté. La canicule juste avant. Je commençais à avoir de plus en plus de mal à rester calme… C’était si difficile. Je tournais la tête vers Brasier, et je la hochai énergiquement. C’était important et son soutien me réconfortait énormément.

« Cela ne me dérange pas. Je peux le porter par moi-même, et il est plus sûr que vous voyagiez à deux. Bonne chance, et -»

Il s’arrêta de parler puisqu’une petite voix se fit entendre derrière nous. Les oreilles droites, je cherchais du regard l’intrus. Ce n’était que Sangsue Cendrée. Elle semblait choquée. Il y avait de quoi en même temps. Je lançais un regard doux et triste à la guerrière. Avant de partir en compagnie du roux, je posais une dernière fois mon museau sur la tête du guérisseur. Clan des étoiles, faites qu’il trouve son chemin jusqu’à vous. Soyez bon avec lui, c’était un bon guérisseur. J’admirais ce qu’il faisait. Après que Python ai réprimandé puis réconforté la jeune chatte, je pris la parole :

« Merci Python Balafré., je tournais la tête vers Brasier, Je suis prêt, allons-y. »

Et je me lançais en direction des Hautes-Pierres.

Au revoir.

La guerrière ne comprenait pas tout mais quand son regard croisa ceux de ses camarades, elle se senti plus mal encore. le clan était il perdu ? Feuille de Saule avait l'air d'avoir une quelconque idée en tête, son regard à lui semblait moins ... Triste ? Alors elle ne dit mot, finissant plutôt par regardé Python Balafré qui justement s'adresser à elle avec autant de tendresse qu'une pierre qu'on reçoit dans l’œil. Au oins, le guerrier eu le mérite de la faire réagir toutefois et la femelle secoua la tête pour s'approcher, le pas soudainement plus sur.

- Bien sur que chassais je faisait !

Elle se figea, cette fois toute proche de feu le guérisseur et doucement, elle toucha le bout d'une oreille glacée de son museau avant de sourire tristement.

- Ensemble, on le ramènera ... Elle leva les yeux sur leurs deux camarades et ronronna cette fois fébrilement, retenant son envie d'aller offrir aux deux matous un de ses célèbres câlin. - Avec de bonnes nouvelles, vous reviendrez ?

S'occuper, ne pas réfléchir, elle savait faire. alors doucement, elle en revint aux guérisseur puis à Python Balafré, avant de délicatement planter ses crocs dans l'échine raidis du premier, se proposant ainsi d'aider le guerrier à porter le malheureux. Le clan allait souffrir de cette perte mais la guerrière refusait d'y penser. de penser au corps glacée. De penser une fois encore à la mort. Elle ne pouvait rester à rien faire. Elle voulait se rendre utile et comme toujours, elle affichait son masque de sourire. Son masque de fausse assurance. Elle pleurerait plus tard. Elle n'avait pas le droit de le faire maintenant. Elle devait rester forte. Parce que Écho des Ruisseaux n'était pas encore tout à fait parti. Et que leur guérisseur avait lutté, nuit et jour. Oui, elle se raccrochait à toutes ses pensées quand bien même malgré elle, une lueur de larme à venir plus tard venait de poindre dans son regard.

Au revoir.

La douce guerrière avait fait le chemin en silence, un exploit, laissant Python Balafré porter le corps, assurant de temps à autre qu'il ne tomberait pas. Et pas après pas, le camp était devenu visible et avant même qu'il n'y entre tout à fait, elle avait senti l'agitation. Et peu à peu, les têtes s'étaient tournés vers eux avant qu'une masse ne la pousse. La guerrière pourtant ne gonfla pas sa fourrure en reconnaissant Pluie Battante. Elle n'essaya même pas de lui faire comprendre que ses efforts étaient vains. Echo des Ruisseaux était mort. pour elle, il était parti dans un long sommeil. pas tout à fait besoin de pleurer. Il les attendraient là haut, dans les étoiles, pas vrai ? Elle se mit à la place à ronronner, se collant au guerrier effondrer pour lui communiquée sa chaleur. Pour ...

Elle ne savait même pas pourquoi, elle savait juste que ce contact, son propre ronronnement pouvait être rassurant. doux, consolateur. Et elle resta là, coller à Pluie Battante, le regard dans le vide. Plus de guérisseur au camp ... Pour elle, ça ne signifiait pas encore grand chose. Plus tard peut-être. Mais pour l'heure, elle se contenter de ronronner, de fixer le corps du matou qui avait tant donné au clan de la Rivière. Et quand d'autres commencèrent à approcher, à pleurer, elle se leva, passant de l'un à l'autre pour apporter son ronronnement, sa douceur dans un contact qu'elle faisait par automatisme. A tel point que Merle Noir aurait bien pu s'approcher qu'elle en aurait fait de même avec lui, sans réfléchir.