Retrouvaille Crépusculaire ~ ft. Feufeu -end

Grosse tâche sombre au cœur du mauve des passiflores le corbeau qui y jouait, s'amusant des pétales colorés et des tiges vertes, avec une insouciance propre à ces volatiles lorsque leur intérêt était absorbé par quelque chose. Gros et grand, souvent bien plus qu'un chat, leur bec et leurs griffes faisaient d'eux des proies redoutables et parfois même mortelles. Feulement savait les chasser, il en avait ramené plus d'un au campement. Leur bondir sur le dos (lorsqu'on en avait l'occasion) pour les empêcher de s'envoler et d'attaquer se trouvait être la meilleure tactique. Pour lui du moins qui n'était pas des plus discrets. Il préférait attaquer ces piafs comme s'il se jetait sur un ennemi.

" CROA! CROA! CROA! "

Gueula le corbeau, insultant probablement la silhouette qui l'avait effrayé et ... Ce n'était pas celle du lieutenant. Le grand mâle charcoal se redressa, observant avec impuissance l'animal disparaitre vers les cieux. Frustré d'une telle perte mais sans autant bouillir de colère il souffla en acceptant sa défaite. Lorsqu'on chasse beaucoup, comme lui, il était naturel d'échouer. Ayant grandit et gagné en sagesse depuis son adolescence il ne crachait plus pour si peu.

" Feulement? "

C'était Orage d'Or et apparemment il voulait lui parler, sens en alerte et griffes sorties. Il avait dû se faire surprendre par l'oiseau noir autant qu'il l'avait surpris.

" Tu f'ras gaffe, tu m'as fais rater ma prise. "

Gronda t-il légèrement en s'approchant de son ami d'enfance.

" Pour t'faire pardonner t'a qu'a m'accompagner. "

Suggéra t-il d'une voix lasse et neutre sans l'accompagner d'une seule salutation comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. L'orphelin préférait traquer en solitaire mais il supposait qu'un peu de compagnie ne lui arracherait pas une griffe, surtout si c'était quelqu'un qu'il connaissait bien.

Les deux félins se mirent en route silencieusement. Orage était d'un naturel plus bavard que son frère de clan alors ce fut une agréable surprise de ne pas l'entendre miauler au cours de leur chasse peu fructueuse. L'un comme l'autre reniflèrent des rongeurs qui devaient probablement récolter des provisions pour l'hiver. Tous appréhendait la mauvaise saison et sa poudreuse glaciale, proie comme prédateurs.

Les rongeurs filèrent entre les pattes de leur agresseur qui chacuns de leur côté ne purent qu'accepter leur échec, l'un moins que l'autre. Lorsque Feulement finit par rejoindre le grand brun ce fut bredouille et les pattes endoloris par le froid. Aucune plainte ne lui échappa, pas de sa gueule, pas de son expression. Neutre et stoïque comme à son habitude.

" Pas trop dure d'avoir été mentor et d'être lieutenant? On dirait que le rêve de notre enfance, se réalise pour toi... Mais, tout à beaucoup trop changer, n'est-ce pas? Pfff, qui l'aurais crus. "

Mph, fantasme de gosse ? Peu-être bien, l'enfance du lieutenant lui paraissait flou, brouillée par les cris des innocents, par les crocs des ravisseurs et la douleur des tourments. Parfois, il avait du mal à se remémoré le visage de sa mère, préférait ne pas y penser.

" J'ai pas voulut devenir lieutenant. "

Miaula t-il en retournant la terre de sa patte, à la recherche d'excréments ou de traces, l'effluve d'une musaraigne ou d'un moineau.

" Le pouvoir ça m'attire pas. "

Il redressa son museau pour humer l'air, bouche entre ouverte afin de réceptionner toutes les odeurs. La nuit tombait graduellement, il devrait patrouiller ce soir et par conséquent ne pas trop trainer, il ne faudrait pas que ses hommes l'attendent. Responsabilités, responsabilités, boulet fermement attaché à sa patte. D'ailleurs maintenant qu'il y pensait ...

" J'ai pas réussis à te trouver d'la journée, t'es dans l'groupe du soir, évite de disparaitre sinon c'moi qui me fait engueuler. "

Toutefois il ne le questionna pas sur la raison de son absence, Orage d'Or était grand et Feulement n'était pas sa mère. Tant qu'il ne causait pas une énième guerre alors ses petites balades ne le concernaient pas.

Orage d'Or s'excusa et bien qu'il râla de son échec à la chasse d'un corbeau ce fut dans un calme agréable. La passivité du brun surpris à nouveau le lieutenant, positivement. S'il prenait en sagesse c'était une bonne chose, oh nul des deux chats n'était très réfléchis mais s'ils pouvaient se tenir tranquilles sans lancer leurs griffes à tout va alors c'était là un bien grand progrès. Feulement avait depuis plusieurs lunes déjà réussit à taire les réflexes nerveux qui le poussaient à agresser, sa gâchette était moins facile, qu'en était-il de son compagnon ? Il ne s'était pas fait remarquer ces derniers temps.

La grive qui se posa sur la basse branche d'un épineux, elle, si. Pour la seconde fois le sous-chef délaissa le flanc de son ami d'enfance, rampant d'un pas étrangement discret vers la bête. Il se concentra, pas question de rater cette fois-ci, la chasse au volatile était sa petite spécialité.

Comme un ressort son corps se déroula lorsqu'il bondit, toutes griffes dehors. Ses doigts se refermèrent autour de l'animal inconscient qu'il traîna dans sa chute et aplatit fatalement au sol. Le bruissement de ses plumes s'éleva lorsque quelques derniers spasmes secouèrent son corps, il le saisit au cou et se rapprocha du guerrier, la gueule pleine d'un cadavre pendant.

" Dit moi, tu ne serais pas en train de tomber amoureux de Etoile Dansante par hasard? J'ai encore du mal à croire qu'elle est choisit quelqu'un d'aussi jeune que toi en tant que lieutenant... N'est-ce pas un peu étrange? "

S'il en avait eu, Feulement aurait relevé un sourcil, à la place ce fut seulement son arcade qui se haussa. Dans un bruit matte le corps fut lâché à ses pattes.

" Tomber amoureux ? "

Pas d'outrance dans sa voix, ni sur la défensive, l'ancien chuchoteur trouvait seulement la question fort curieuse. Lui qui parvenait à peine à s'attacher à son entourage, l'apathique bourreau de l'ombre, chien des chefs et de leurs ordres sombres ... Tomber amoureux ... Au final il ignorait ce que l'amour était censé être. Avoir des gosses ne faisait pas de lui un fin romantique, loin de là.

" Non. J'sais pas pourquoi elle m'a choisi, j'fais mon taff. "

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