balade diurne - coeur de puma - end

La saison des feuilles mortes touche à sa fin. Nuage de la Louve a bien grandi, aujourd'hui âgée d'une dizaine de lunes, elle a déjà évolué. Ces premiers entraînements n'ont pas forcément été très fructueux à cause de son esprit de contradiction mais elle s'est déjà assagie. La veille, elle était sortie avec Aile de Mouche pour un entraînement classique comme lui seul à le secret. Le soleil est à peine levé lorsque l'apprentie se hisse hors de sa litière. Elle s'étire et se dirige vers le tas de gibier pour le trouver vide. Un long soupir lui échappe. Son mentor lui a dit qu'aujourd'hui elle ne serait pas avec lui, qu'il aurait d'autres choses à faire. Elle n'avait pas cherché à savoir quoi mais sa curiosité avait été piquée.

En se retournant, elle repère un des vétérans du clan avec lequel elle n'a jamais vraiment discuté. Toujours à la recherche de nouvelle connaissance pour être la meilleure de sa portée. Elle trottine jusqu'à sa hauteur et le salue d'un hochement de tête, simple formule de politesse. FIdèle à elle même, elle demande sans filtre :

« - Le tas de gibier est encore une fois vide. Je suis apprentie donc je peux pas trop sortir seule. Vous voulez bien m'accompagner ? »

Personne ne lui avait appris à vouvoyer les vétérans mais c'était un réflexe pour elle. Une fois sa demande effectuée, elle s'assied face à lui et attend sa réponse, espérant qu'il accepte. En effet, soritr avec Coeur de Puma lui permettrait d'apprendre et surtout de montrer de quoi elle est capable pour espérer l'impressionner.

Cœur de Puma ne se fera pas avoir une énième fois : levé trop tôt pour aller voir ses deux petits, le matou brun-roux a décidé d’attendre leur réveil avant de commencer sa journée. Brillant de sa patience, le mâle s'allonge non loin de la pouponnière, prenant le temps de se faire une toilette complète. Ce n'est pas comme s'il faisait ça tous les jours, après tout... il peut bien s'accorder une matinée avec eux, non ? Quelques heures suffiront. Il a besoin de voir Petit Lézard et Petit Rossignol, c'est comme ça.

C'est comme ça jusqu'à ce qu'une petite masse sombre ne s'élance vers lui. Oh... Il reconnaît simplement l'une des filles du lieutenant. Une parmi tant d'autres... Elle lui ressemble pas mal, avec ses yeux dorés et son pelage gris tigré. Mais tout de suite plus sérieuse lorsqu'elle l'aborde :

« Le tas de gibier est encore une fois vide. Je suis apprentie donc je peux pas trop sortir seule. Vous voulez bien m'accompagner ? »

Vous. Bon, pas de bonjour mais hé, on ne peut pas être parfait pas vrai ?
Il lui sourit, et se dresse sur ses quatre membres. Une fois debout, il peut se rendre compte de l'âge approximatif de la petite; dix lunes pas plus.

« Bonjour. Bien sûr que je t'accompagne, ma grande. » Il lui emboîte le pas. « Où veux-tu chasser ce matin ? » miaule-t-il amicalement, en tournant sa tête dans la direction de la noiraude pour lui parler yeux dans les yeux.

Bon, tant pis pour Petit Lézard et Petit Rossignol ? La pile de gibiers est vide, il vaut mieux qu'il la remplisse pour eux plutôt qu'il reste là à les attendre pour jouer.

Ce n'est que partie remise à demain après tout !

Et comment elle s'appelle, déjà ?

Nuage de la Louve a une caractéristique bien à elle : dès qu'elle commence à discuter avec quelqu'un, elle ne trouve plus ses mots, encore plus lorsqu'elle engage la discussion et encore plus avec un guerrier plus âgé qu'elle. Vous l'avez compris, l'apprentie vient de se mettre elle-même dans une situation inconfortable. Stressée, elle se détend lorsque le vétéran finit par lui répondre :

« - Bonjour. Bien sûr que je t'accompagne, ma grande. Où veux-tu chasser ce matin ? »

Zut. J'ai oublié de le saluer. Ma grande ? L'apprentie frétille de plaisir au suite de ce surnom qu'elle adore. Coeur de Puma semblait être heureux de sortir en sa compagnie. Le matou avait accepté de l'accompagner, de bonne humeur, l'apprentie répond à la question :

« - Euuuuh ... Je ne sais pas. Après tout c'est vous l'adulte ! Alors, où va-t-on ? »

La jeune décide de lui retourner la question ne sachant pas vraiment où se rendre pour chasser en cette période. Encore jeune, elle espère que le vétéran décidera de leur lieu de chasse et qu'il ne la grondera pas de ne pas avoir sû prendre une décision convenable.

L'apprentie le suit joyeusement, frétillant à son nouveau surnom. Ah, il est peut-être devenu un vieux vétéran rabat-joie mais au moins Cœur de Puma se souvient-il comme on veut être pris au sérieux, à dix lunes. La fille du lieutenant semble plus à l'aise une fois la réponse amicale de son aîné tombée.

« Euuuuh ... Je ne sais pas. » lui avoue-t-elle lorsqu'il lui demande de choisir le lieu de chasse. « Après tout c'est vous l'adulte ! Alors, où va-t-on ? »

Ha ha. Les apprentis hein, ce sont les premiers à se plaindre d'être traités comme des enfants et pourtant dès qu'on leur donne un peu de responsabilité, ils sont décontenancés. Mais ce n'est pas grave; c'est ça qui est plaisant avec eux ! Ce faux orgueil qui couve une humilité naturelle.

Mais allons, ce n'est qu'une enfant. Il ne faut pas malmener son ego. La matou brun-roux n'efface pas son sourire chaleureux : elle n'a rien fait de grave, sa réponse n'a aucune importance. Lorsqu'ils sortent du Camp, il a déjà fait son choix. Il s'arrête pour en informer la jeune féline et s'assurer qu'elle n'y voit pas d'inconvénients.

« Je te propose de rester dans la forêt, là où ton pelage sombre ne pourra pas te faire défaut. Et si tu te débrouilles bien, on pourrait essayer d'aller près des Rochers au Soleil, qu'en penses-tu ? »

Il laisse un petit silence s'installer avant de le rompre par la question qui l'embête depuis quelques secondes : « Je n'ai pas eu l'occasion de faire ta connaissance... Ça t'embête de me rappeler ton nom ? »

Bien sûr, il est un peu gêné face à elle. Mais au fond, pas vraiment. Si Coup de Foudre ne pondait pas autant de marmots aussi... Peut-être que le Clan aurait le temps de les mémoriser !

Nuage de Louve n’est pas réputée pour être douée dans la prise de décision. A cause de son jeune âge, pour le moment, elle préfère suivre les indications de ses ainés pour s’éviter le moindre problème. Tout en gardant son sourire chaleureux, il l’invite à sortir du camp. L’apprentie le suit de très près pour prouver qu’elle ne se laisse pas distancer.

« - Je te propose de rester dans la forêt, là où ton pelage sombre ne pourra pas te faire défaut. Et si tu te débrouilles bien, on pourrait essayer d'aller près des Rochers au Soleil, qu'en penses-tu ? Je n'ai pas eu l'occasion de faire ta connaissance... Ça t'embête de me rappeler ton nom ? »

L’apprentie hoche la tête de haut en bas, de plus en plus vite au fil des questions de son mentor d’un jour. Gênée de ne pas s’être présentée, elle se balance d’une patte sur l’autre en baissant la tête tandis qu’elle balbutie :

« - Je … D’accord ! Nuage de la Louve. Je suis Nuage de la Louve ! J’étais sûre de m’être présentée … Désolée ! »

Elle fronce le nez et incline bêtement la tête. Trépignant d’impatience de montrer ses talents de chasseuse, Nuage de la Louve sautille avant de se calmer et de se concentrer une ultime fois.

La jeune femelle est décidément très enthousiaste à l'idée de chasser en sa compagnie ! Cœur de Puma est un peu flatté; il se souvient très bien comme à son âge il rêvait de faire ses affaires seul, ou en tous cas certainement pas en présence des vétérans. Ils sont si ennuyants quand on a neuf lunes !

Mais la petite n'a pas l'air de cet avis, et elle fait bien sentir au matou balafré que son jugement lui est précieux. Son corps ne ment pas : les foulées se raccourcissent soudain, la femelle se balance d'une patte à l'autre la tête basse et le regard fuyant; elle est honteuse. Et alors elle s'excuse déjà :

« Je … D’accord ! Nuage de la Louve. Je suis Nuage de la Louve ! J’étais sûre de m’être présentée … Désolée ! »

Elle a l'air de s'en vouloir, sincèrement. Le mâle est gêné à son tour; loin de lui l'envie de brusquer la novice ! Mais très vite, l'excitation reprend le dessus et Nuage de la Louve reprend ses petits sauts. Puis se censure, s'interdit de continuer. Il la rassure très vite :

« Hé, ce n'est pas grave. Il n'y a vraiment pas de souci, Nuage de la Louve ! » sur un ton qui se veut très paternel.

Et ils poursuivent le trajet. Lorsqu'ils marchent depuis suffisamment longtemps pour lui, il lui lance : « Alors ma grande, montre-moi un peu c'que tu sais faire ! »

Il lui accorde un regard chaleureux, mais teinté de défiance. Maintenant, c'est à elle de lui faire ses preuves.
Challenger les apprentis est sans doute le meilleur moyen de les motiver; ça, pas besoin d'avoir cinquante lunes de vie derrière soi pour le savoir.

Nuage de la Louve est très stressée à l’idée de faire mauvaise impression aux yeux de son mentor du jour. Le paraître est très important pour elle. Elle ne veut pas que son mentor obtienne de mauvais retours de cette escapade, bien au contraire. Comme gêné, Cœur de Puma la regarde d’un air paternel et lui explique :

« - Hé, ce n'est pas grave. Il n'y a vraiment pas de souci, Nuage de la Louve ! Alors ma grande, montre-moi un peu c'que tu sais faire ! »

Ils continuent de marcher quelques pas côtes à côtes. Toujours dans l’idée de vouloir bien faire, l’apprentie inspire un grand coup et laisse son excitation redescendre. Elle regarde autour d’elle à la recherche d’une proie. Laissant son flair la guider, elle s’avance doucement dans les bois. Une forte odeur envahi ses narines, une odeur qu’elle ne connaît pas encore. Prise au dépourvu, elle se tapit au sol et avance une patte après l’autre, cherchant du regard sa proie dont elle ignore la forme. Elle repère assez vite un oiseau assez gros, c’était donc ça. Elle ne s’est jamais attaquée à une proie d’une telle envergure. Elle se met trop la pression et bondit beaucoup trop tôt sur le faisan qui a tout le temps de fuir. Elle atterrit lourdement sur le sol avec un long râle.

« - Crotte de souris ! C’était quoi ça ? Je n’en avais jamais vu. On aurait pu nourrir toute la pouponnière avec ça. »

Demande-te-elle en se tournant vers Cœur de Puma. Déçue d’avoir raté une proie aussi imposante, l’apprentie tape brutalement de sa patte sur le sol.

Alors, Nuage de la Louve se met en chasse si tôt le lui a-t-il suggéré. Le vétéran se détend, surveillant du coin de l’œil l'apprenti-guerrière se mettre au travail. La jeune féline ébène ne met guère longtemps avant de se tapir assez brusquement, vraisemblablement surprise par ce qu'elle vient de sentir. Cœur de Puma ne l'imite pas et reste immobile à la place : il a déjà les yeux rivés sur le faisan que la noiraude traque. Précautionneuse, la femelle masquée avance jusqu'à voir l'oiseau coloré. Mais elle bondit rapidement -trop rapidement- et atterrit à côté du gibier, lequel fuit en libérant un cri suraigu. Il bat des ailes, s'élève maladroitement dans les airs et finit par galoper à même le sol, disparaissant dans les sous-bois en quelques secondes.

« Crotte de souris ! C’était quoi ça ? Je n’en avais jamais vu. On aurait pu nourrir toute la pouponnière avec ça » lâche la novice en se tournant vers son aîné.

Ce dernier remue les moustaches, amusé par la scène en trottinant vers la chasseresse en herbe. Il ne tarde pas à répondre :

« C'était un faisan, Nuage de la Louve. » Il poursuit une fois arrivé à sa hauteur. « On en voit pas souvent par ici, en plus. Autant te dire que les anciens en raffolent; ils sont délicieux ! » Il se pourlèche les babines comme pour appuyer son propos. « Ils sont difficiles à attraper, alors ne t'en veux pas trop ! Je ne suis pas sûr que j'aurais pu l'avoir non plus » lui avoue-t-il.

Il lance un regard circulaire avant de lui intimer d'aller chasser un peu plus loin, en raison du vacarme que le faisan a fait dans sa fuite.

Quelques minutes plus tard, les deux matous se retrouvent à reprendre leur chasse. Cette fois, c'est Cœur de Puma qui s'y colle. Museau en l'air, les oreilles dressées sur son crâne, il ne lui faut pas longtemps avant de repérer un rongeur. Il aperçoit un lérot tardif qui grimpe à un tronc. Se tapissant contre l'humus de la forêt, le mâle au museau balafré approche à pas feutré. Mais alors qu'il déplie ses postérieures pour se projeter en avant, le rongeur tricolore grimpe d'une traite plus haut, jusqu'à un petit trou au creux de l'arbre. Cœur de Puma manque de se cogner ridiculement contre l'écorce et ne retient pas un grommellement rageur lorsque la longue queue de l'animal disparaît dans la fente.

Il se retourne vers la jeune femelle noire visiblement frustré, mais se radoucit lorsqu'il pose ses yeux sur elle. Léger comme si rien ne venait de l'agacer, il lui lance :

« Comme tu peux le constater, je ne suis pas le meilleur professeur de chasse ! » un sourire embarrassé à la gueule.