Jamais assez de preuves [PV Coup de Foudre] - end

Sa réponse ne satisfaisait pas son père et Ciel en devint confuse. La novice s’assit dans le sable, le cul de travers, une patte arrière à moitié en l’air, la tête penchée sur le côté. Puis, elle se gratta l’oreille, réfléchissant à la question. Elle s’arrêta, se leva et fit les cent pas. Toujours plongée dans sa réflexion.

La bonne réponse ne lui vint pas. Elle ne savait même pas s’il y en avait une. À ses yeux, Coup de Foudre lui avait simplement posé une question piège. Cherchait-il à remettre en doute son ambition ? S’il ne croyait pas en elle, tant pis. Nuage du Ciel croirait en elle-même à sa place. Mais, elle trouvait ça lâche de la part de son mentor.

- Tu as posé la question au futur, toi-même. Tu as dit « quand tu seras ». Donc, c’est normal que Ciel réponde au futur. Parce que pour l’instant, elle n’y est pas. Tu comprends ?

Pis, elle comprit, du moins, elle pensait avoir compris. Avait-il voulu dire concrètement, qu’est- ce que ferait Ciel ? Il aurait pu se montrer plus clair, dans sa question. Elle bougonna un peu pour elle-même, s‘en voulant de ne pas avoir compris immédiatement. Pour sa défense, ça n’était pas évident. Mais, maintenant qu’elle avait la réponse, la jeune chatte s’assit à nouveau bien droite, pour parler d’une voix un peu plus enjouée, cette fois-ci.

- Ciel compte remettre le Clan dans le droit chemin et lui faire respecter le Code du Guerrier. Pour de bon, cette fois ! Mais pour ça, elle a besoin d’être cheffe.

Et elle était on ne peut plus sérieuse.

Et demander cette précision décontenança l'apprentie. Elle avait reculé la tête, elle perdit tout de sa carrure sans défaut, une patte maladroitement en l'air, qu'elle usa pour se gratter l'oreille et réfléchir. Mais non - elle se stoppa dans le mouvement, et elle se leva dessus, et elle l'activa en marchant. Et en marchant, Ciel cherchait la réponse qu'il fallait. Le problème, dans la question de Coup de Foudre, c'est qu'une "bonne réponse" n'existait pas ; sa réponse ne lui regardait qu'à elle.

La question était simple, quand on la posait, mais les nuances qu'elle réveillait la rendait infiniment plus complexe. Que comptait-elle faire une fois que tous ses rêves seraient réalisés? Que comptait-elle faire pour les réaliser? Car entre ses dellusions de grandeur se trouvait son père qui prendrait le titre d'Étoile à sa place.

Et la réponse de Ciel était encore vague par sa passion:

— Ciel compte remettre le Clan dans le droit chemin et lui faire respecter le Code du Guerrier. Pour de bon, cette fois ! "Pour de bon" elle réinstaurerait le Code du Guerrier, mais à quel but? Elle le brisait déjà elle-même.

Mais pour ça, elle a besoin d’être cheffe.

— Et qu'est-ce que tu comptes faire pour le devenir?   Prendre ma place?

Réponds moi, Nuage de Ciel.

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— Et qu'est-ce que tu comptes faire pour le devenir? Prendre ma place?

Réponds moi, Nuage de Ciel.

La novice souffla du nez à cette demande de… justifications ? d’explication ? Ça l’agaçait. Elle avait l’impression qu’on lui demande de se remettre en question. C’est pas qu’elle ne voulait pas la jeune chatte n’estimait pas nécéssaire de se remettre en question quand on ne faisait rien de mal. D’ailleurs, la femelle répondit d’un ton froid d’où pointait l’agacement.

- Sois pas bête, il est trop tard pour ça. Ciel doit d’abord devenir guerrière et lieutenante. Disons qu’elle te succèdera. Toi ou un autre, peu importe. Et elle succèdera dans le respect du Code. Si c’est ce que tu sous-entendais.

Serait-elle prête à tuer pour obtenir son poste ? Non. Seulement parce que c’est interdit.

Son impression était bonne, pour une fois. Encore une fois il vit l'émotion la gagner. Pas la frustration de perdre, ni la passion qui l'aveuglait, mais l'agacement.

— Sois pas bête, il est trop tard pour ça.

Imperceptiblement le bengal s'était détendu. Il ne lui dirait jamais ce qui lui était passé par la tête, les deux précédents instants.

— Ciel doit d’abord devenir guerrière et lieutenante. Disons qu’elle te succèdera. Toi ou un autre, peu importe. Et elle succèdera dans le respect du Code. Si c’est ce que tu sous-entendais.
— Et si je détruis le Code?

Il lui avait dit qu'il ne choisissait pas la voie facile. Elle prétendait vouloir devenir cheffe (sans oublier de devenir guerrière puis lieutenante) mais son futur ne laissait passer aucune concession, et sans concession, pas de lien. Sa réalité et son rêve ne se rejoigneraient jamais si elle ne sortait pas la tête de ses poils et n'ouvrait pas grandes ses oreilles à la leçon que lui apprenait son père.

L'inertie permettait d'utiliser le mouvement de l'autre et le lui retourner, mais son inertie était proactive, réfléchie, planifiée, construite sur des lunes d'expérience et sur un rêve et une ambition trop grandes pour lui qui s'effritait en plus grand chose que des petites victoires atteignables. Mais chaque petit coup, chaque petit mot, bien qu'inconséquents à première vue, forgeaient la réalité peut-être bien même plus de grosses victoires symboliques dénuées de substance.

— Ou plutôt, si j'arrive à convaincre l'opinion publique de le réformer et le réviser?

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— Et si je détruis le Code?

Nuage du Ciel fronça les sourcils. Détruire, c’était péjoratif. Elle n’aimait pas. Parce que ce qui était détruit n’existait plus après, comme des feuilles mortes qu’on réduit en miettes. T’auras beau les assembler, ça ne restera que des miettes de feuilles. Et Ciel ne voulait pas qu’on détruise son guide vers le droit chemin. Donc non, que le Code du Guerrier soit détruit ne lui plaisait pas.

— Ou plutôt, si j'arrive à convaincre l'opinion publique de le réformer et le réviser?

Là, c’était différent. La femelle joua un instant des épaules et se détendit. Réformer ne voulait pas dire disparaître. Donc ça, ça allait. La femelle elle-même trouvait le Code trop obscure et pas assez clair par moment. Mais, ça ne l’empêchait pas de s’y conformer strictement, après tout.

- Même réformé, il restera le Code du Guerrier, donc Ciel le suivra. C’est tout.

— Même réformé, il restera le Code du Guerrier, donc Ciel le suivra. C’est tout. »

Même réformé?

Ça voulait dire que s'il réformait une à une chacune des sections du Code du Guerrier, il était encore le Code du Guerrier? C'était une conclusion curieuse, mais soit, Coup de Foudre ne s'en soucia pas longtemps. S'il ne détruisait pas son Guide vers le Droit chemin, alors il changerait la direction du Chemin en lui-même.

Pour enfin montrer qu'il était satisfait de sa réponse, il ferma les yeux, haussa haut ses sourcils, et souffla par le nez une sorte de note pas peu déplue de constater que sa fille n'était pas une cause perdue - que, comme sa mère avant elle, il avait eu raison de lui donner sa chance. Ciel avait été toujours une jeune chatte brillante et curieuse, et il avait tenté de nourrir cette curiosité en l'aidant de la sienne. Malheureusement sa curiosité se délimitait à ce qui était permis de ce qui ne l'était pas. Tant mieux, diraient certains, mais Coup de Foudre ne pouvait s'empêcher de trouver ça injuste - que cette mentalité, même si elle était sienne, limiterait son développement et la réduirait à moins que ce qu'elle pourrait être. Mais trêves d'hypothèses.

— « Hm. ♫

Car comme elle lui avait répondu, chose promise chose due:

— « ...Tu as commencé à déraper lorsque tu t'es laissée aveugler par l'envie de gagner. Tes émotions peuvent se retourner contre toi - si tu es certaine de gagner mais que tu rates ta cible, tu seras surprise, et la surprise va t'interrompre, et cette interruption te coûtera une opportunité d'attaque.

Tu te souviens? Toutes mes provocations ont fait mouche, alors tu t'es énervée et tu m'as mordu les arrières.

Il se leva sur quatre pattes, et la pelisse pleine de sable, les hématomes sur la peau, et l'élancement dans les jarrets ne lui donnait plus l'apparence d'être un grand dirigeant mais juste d'un chat qui touillait à même le sol dans ses questions et la poussière. Il s'ébroua de long en large, par la tête, la nuque, les épaules et le dos, terminant le mouvement d'un ou deux coups de sa queue. Elle retomba au repos derrière lui: Se battre, comme parler, recquiert une certaine flexibilité.

Travaux pratiques: mets-toi sur le dos, ouvre grand les pattes, et pratiquons ton anticipation.  Tu es prête?

Ça commence maintenant. »

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'Attaque - Clan' :

Enfin, Coup de Foudre semblait satisfait. Nuage du Ciel le vit à sa mimique. Elle poussa un soupire. Elle avait enfin donné la bonne réponse, visiblement. C’est que son mentor semblait difficile à satisfaire. Comment avait pu réussir Source de Secrets ? Non, elle ne lui demanderait pas. Sinon, elle n’aurait pas la satisfaction de réussir seule quelque chose de difficile. Et elle refusait de s’enlever ce genre de petit plaisir. Cependant, constatant que son père allait reprendre la leçon, la femelle se remit droite et bien à l’écoute.

— « ...Tu as commencé à déraper lorsque tu t'es laissée aveugler par l'envie de gagner.
- Qui aurait envie de perdre, en même temps ?
- Tes émotions peuvent se retourner contre toi - si tu es certaine de gagner mais que tu rates ta cible, tu seras surprise, et la surprise va t'interrompre, et cette interruption te coûtera une opportunité d'attaque.

Tu te souviens? Toutes mes provocations ont fait mouche, alors tu t'es énervée et tu m'as mordu les arrières.

Elle réfléchit, se remémorant la scène et acquiesça. Oui, elle se souvenait vaguement avoir céder à la provocation. Mais surtout, c’était sa crainte de perdre qui l’avait envahie. Mais, elle était là pour s’entraîner. Et son père semblait prêt à l’aider à combler ce problème. Ou du moins, l’aider à mieux se battre.

Aussi, la femelle se mit sur les dos, les quatre fers en l’air à la demande de son père. Elle devait bien se l’avouer, elle se sentait vulnérable, ainsi. Son ventre était à la merci de n’importe qui et par conséquent sa vie aussi. Elle ne supportait pas le sentiment qui l’envahissait.

Aussi, par reflexe, quand son père la chargeant, la chatte tricolore se retourna d’un puissant coup de rein. Elle roula, balançant sa patte au hasard, espérant faire trébucher son père, puis se remit automatiquement sur ses pattes. Son poil hérissé trahissait son malaise. Elle avait failli à la consigne, son père avait bien le droit de se fâcher. D’ailleurs, sa tête basse indiquait bien qu’elle s’attendait à une réprimande.

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'Parade - Clan' :

Elle ne supportait pas ce sentiment, mais elle devait apprendre à le vivre en son plein. C'était seulement en faisant face à ses peurs qu'elle pouvait s'armer de courage, et certes, au Tonnerre on préférait l'offense vive et subite d'une frappe-éclair, Coup de Foudre trouvait au contraire qu'il y avait bien plus d'avantages à se mettre en position vulnérable.

Baisser la garde de l'autre en se faisant sous-estimer, retourner sa force à l'adversaire, et contrôler une zone limitée à la portée de son corps étaient toutes reflet de son masque social; à terre, sur le dos, à l'observer à l'envers, Ciel qui avait tant admiré son père voyait enfin le monde comme lui, c'est à dire pendu par le pied, pendu par la queue (et la queue bien pendue?).

Coup de rein - l'inertie la fit se retourner dans le sable et tout son poil suivit le mouvement (en se hérrissant), non sans surprendre le bengal qui s'arrachait du sol dans un bond rassemblé. Il voulut la clouer d'une poussée des avants, elle se roula des arrières en fendant l'air d'un coup de patte - son coup interrompit celui de son père, aussi il ne s'applatit pas sur elle, mais elle s'était vite relevée. C'était une bonne tentative, pour quelqu'un en proie à sa peur. Il l'imita dans son initiative, la lançant du menton car à la voir baisser la tête il devina qu'elle avait sauté aux conclusions:

— « Ça ne fait rien, recommence.

Il fléchit les coudes pour lever haute sa croupe, autant pour s'étirer le dos que pour donner un ballant joueur dedans.

— Si on s'entraîne, c'est justement pour t'apprendre à réagir en cas de danger.

Je ne ressens pas la peur, mais toi, tu ne devrais pas avoir peur de la ressentir.   O.k. ?

Il se détendit d'une foulée pour retenter l'initiative - peut-être qu'après cette première surprise, Ciel prendrait du poil de la bête. Après tout il lui avait dit : c'était au sol et sur le dos qu'elle avait le plus d'appuis.

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