Effacer notre voyage, c'est aussi le refaire [Coup de Foudre] - End

"Effacer notre voyage, c'est aussi le refaire."

Brisé soupira, son père avait raison et tord à la fois. Disons que certains mensonge pouvait servir. Surtout dès lors que les deux parties savaient la vérité. Néanmoins, il ne voulait pas s'épancher dessus, s'était tout bonnement pas son genre et le snow mink était déjà passer à autre chose.

- Ce que tu fais ... Tu me taquine.

Un ronron, ils s'étaient compris, du moins en partie. Là encore le félin préférait parfois être avare en mots, il était plus impulsif de gestes. Et les deux matous repartirent en chasse, pour se retrouver peu après, patte vide.

- Faut croire que j'ai encore fait fuir le gibier.

Mais Brisé souriait, s'était une habitude, il ne brillait pas par ces talents de chasseurs, mais lui l'impulsif ne gâchait pas les proies pour autant en ... Le souvenir vif de Rossignol lui enserra subitement le cœur et le matou se détourna. Le manque qu'il ressentait était il comparable a celui que Foudre éprouvait pour sa défunte mère ? Il se gratta subitement l'oreille de la patte arrière, pour agir, pour bouger, pour chasser ses pensées. Mais on ne chasse pas si facilement un fantôme ...

- Dit p'pa ... Le simple fait d'utiliser ces mots rendait subitement l'atmosphère lourde et sérieuse. Comment t'as sus, que tu l'aimais ? Le jeune mâle regarda l'herbe, puis il redressa la tête, scrutant les branches, comme pour détourner sn attention de la conversation même si au fin fond, il était finalement plus attentif que jamais.

— Ce que tu fais ... Tu me taquine.

Oui, enfin, ça aussi. C'était bien plus facile d'être reçu avec des blagues que son honnêteté crue. C'était mou, digestible, loin des os qu'il laissait au travers de la gorge et se plaisait à regarder ses interlocuteurs s'étouffer dessus.

Mais passons: ni l'un ni l'autre n'avaient réussi à capturer leur seconde proie, alors le score ne changea pas.

1-1.

— Faut croire que j'ai encore fait fuir le gibier, lui dit Brisé, avec le sourire, arrachant un très théâtral
— Encore!  de connivence à son père.

Il n'avait jamais vraiment vu Brisé chasser quoi que ce soit, donc ne l'avait jamais vraiment vu faire fuir le gibier, donc n'avait fichtre aucune idée de quelle anecdote Brisé tentait de rappeler mais qu'à cela ne tienne, il était bon joueur. Le réflexe de vouloir expliquer à Brisé qu'il plaisantait se fit sentir, mais il se retint, laissant cette exclamation faire son chemin - son fils était peut-être distrait, il était quasi assuré qu'il n'était pas un idiot et saurait capter ses sous-entendus.

Il poussa un soupir, balaya l'herbe de sa queue, laissant son regard hélas se porter un peu trop longtemps au Noisettiers près des Rochers du Soleil, vers le feuillage qui bruissait sous la montée d'une brise, qui lui caressa le menton.

— Dit p'pa ... Il rouvrit les yeux, se rendant compte qu'il les avait fermés, tournant la tête vers son fils. Comment t'as sus, que tu l'aimais ?

Coeur Brisé avait baissé les yeux, dérangé par le balant de l'herbe sous le vent, puis il avait levé le nez pour regarder le dessous des branches comme lui l'avait fait quelques instants d'avant.

Coeur Brisé n'était pas un idiot, mais Coup de Foudre savait certainement le faire:

— ... Waffle? Un malin petit sourire distordit ses babines rien que pour le trahir. Oh, je voulais le voir se faire tuer par un renard. Il est allé le provoquer directement dans sa tanière - j'étais dans les branches - puis il l'a appâté sur le chemin du Tonnerre. Il a passé sous un monstre et c'est le renard qui s'est fait tuer, alors on a obtenu sa tanière.

On a parié que celui qui aurait le plus de chatons à la prochaine saison aurait le droit de monter l'autre. Naturellement, j'ai fait exprès de perdre ♡

À son tour de tirer de la langue, et se décaler d'un pas de chassé, sa queue décrivant un swish et un autre chaque côté comme s'il s'attendait au coup qui viendrait.

"Effacer notre voyage, c'est aussi le refaire."

Une espèce de relation avait fini par voir le jour entre eux, pas tout à fait fluide mais déjà moins tortueuses. Comme si le cours d'eau qui les abrités avait creusé un lit plus stable, ce qui n'empêcherait pas de potentielle crue, il fallait en être conscient ! Brisé pencha la tête, ouvrit la gueule pour répondre finalement au nom que son père avait sorti. mais il resta plutôt la, gueule ouverte, tête penché et le regard qui avait l'air de dire "t'es en train de te foutre de ma gueule ?!" Mais voilà, il était curieux de la réponse quand même, et puis, qu'on parle d'Elle où du domestique qui avait rejoint le clan, cela avait il importance si Foudre répondait honnêtement ?

Le jeune guerrier referma donc la gueule tendis que son père lui expliquait, il en était au mot renard quand le jeune chat s'assit, enroulant sagement sa queue autour de ses pattes, les oreilles pointé vers son géniteur, attentif.

- Un pari ... Comme un autre ...

Lui ne jugeait pas son père sur ce goût là, qu'l estimait à la fois étrange et ... Et pourquoi pas ? Une petite voix lui rappelait doucement qu'un chat reste un chat et ce n'était pas parce que lui préférait ces dames que ... Le ronron de l'autre restait apaisant quoi qu'il en soit après tout. Et a voir son père bouger, le typé bengal rondis les yeux, suivant la queue, se tapissant dans les herbes, l'arrière train en légère tension et les pattes souples, passants ses appuies d'une arrière à l'autre ...

Puis le jeune chat bondit, se propulsant vers son gibier, ses pattes se refermant un instant sur la queue tentatrice qui se la jouait serpent et sa gueule arrachant quelques poils tendis que le jouet s'en allait, lui échappait. Mais Cœur Brisé n'en avait cure, allongé sur le dos, le regard pétillant de malice, son trouble oublié, il ouvrit la gueule sur un large sourire débile en criant.

- Touché C'est toi l'chat !

Et lui de se tourné aussi-sec, prêt à partir en trombe tel l'enfant ingérable qu'il pouvait être. Une façon de chasser les proies raté et de ne pas parler davantage de sujet qui faisait mal. Parce que Brisé avait besoin d'assimilé, de décoder les paroles de son père. et que Brisé ne le faisait jamais mieux que lorsque tout son corps étaitr en action, qu'elle quel soit ...

— Un pari ... Comme un autre ...
— C'est toujours pareil. Une constante de sa vie. À l'époque, Roux m'avait parié que je serais un mauvais père, et ça m'a piqué à apprendre ce qu'il fallait faire pour devenir meilleur.

Tu imagines qu'avant, je m'adressais très peu à eux?

Plus précisément, il s'en fichait. Quatre chats de son sang étaient peu de chose comparé à l'ambition qui l'avait épris à la mort d'Étoile de Suie. De nos jours, il essayait de faire le contraire - de couvrir ses enfants de tous les mots qu'il pouvait quitte à ce qu'ils ne veulent rien dire. Quand on arrivait à échanger avec autrui des moments de calme, des blagues, des jeux, c'était généralement signe qu'il était possible de s'entendre avec eux.

Et Coeur Brisé réagit à son mouvement - lui-même se mit à se trémousser sur place et leur intérêt de la chasse leur fit choisir l'un et l'autre en proies respectives. Coup de Foudre échappa un gloussement malgré lui, sentant ses pupilles se dilater dans ses yeux jaunes, mais il s'esclaffa à haute-voix lorsque Brisé bondit sur lui pour arracher des dents quelques poils et se catastropher dans l'herbe et la terre, sur le dos.

Un travail de précision qui n'avait pas nécessité de contact, et donc c'est penaud que Coup de Foudre battit des cils pour tenter de comprendre ce qu'il venait de se passer.

— Touché! C'est toi l'chat !
— Okay.

Okay, soit: il était le chat. Et le chat dégaina les griffes et fit volte-face au même moment où son fils se tordait le dos pour pousser le sol de ses postérieurs et se propulser à la course. Coup de Foudre rata son coup, fauchant l'herbe. Raté, mais pour combien de temps?

Il releva la tête, son regard espiègle croisa celui de son fils, il serra les dents sur un sourire d'effort et il bondit à ses trousses à son tour, délaissant leurs proies dans le trou qu'ils avaient creusé au pied du noisettier. 1-1 pour cette chanse, 1-0 pour la nouvelle - faveur à Brisé.

"Effacer notre voyage, c'est aussi le refaire."

Roux ... Panda Roux. Brisé ferma les yeux, laissant la saveur de la forêt se déposer sur sa langue, pénétrer son esprit, chasser pourquoi pas ses démons un bref instant. Puis il jeta un regard à foudre, essayant d'imaginer ... Non, il n'y parvenait pas. Comment sa mère avait elle perçu ce félin que lui observait à présent, avec ce même regard qu'elle toutefois. La forme de ses yeux, l'intensité, il avait tout sauf la couleur des yeux de la chatte. Mais il n'était pas elle et le Elle que lui imaginait restait une chimère, trop parfaite, trop tout ... Même absente. Mais l'heure n'était pas à ses démons, non, il voulait les exorciser quelques temps, les envoyés paître ... Le temps d'un jeu peut-être ?

Le jeune chat avait toucher son paternel, et il filait à présent, creusant l'écart entre eux, écart que Foudre ne tarda pas à rattraper en se lançant dans la course poursuite. Ignorant sans doute que son déluré de fils ne resterait pas sur ce simple petit contact doux. Oh ça non. Brisé fila entre les arbres, puis, reconnaissant l'un des rares ormes qu'il appréciait particulièrement, il pressa le pas, les oreilles rabattu, entamant un virage pour subitement bondir contre le tronc en biais, le temps d'une simple pression pour volter et se retrouver nez à nez avec son poursuivant, sa queue venant fouetter le museau tendis qu'il repartait dans l'autre sens, ivre d'adrénaline, ivre aussi quelque part, de plaisir à ce jeu de chaton ...

Il se percuta à un fantôme - ou plus précisément, à un souvenir sensoriel. Un Coup de Foudre furieux qui pourchassait Aile de Mouche et sa Corneille à rebrousse-poil. Il lui passa au travers et Coup de Foudre, désorienté, changea d'antérieur dans sa foulée et tituba au trot avant de se débarrasser d'un frisson de malaise d'une vive secousse au corps, tâchant de se débarrasser de tout relents qui lui collait encore au poil.

C'était une époque révolue. C'était une époque révolue, il serra à nouveau les dents, retrouvant son sérieux même dans le jeu, prenant une bouffée d'air avant d'écraser l'herbe d'une nouvelle foulée. Il n'était plus ce chat en peine, il n'était plus ses regrets, il n'était plus son obsession à regarder son reflet dans les flaques et imaginer un monde où tout aurait pu mieux se passer.

Il ne l'était plus, mais il l'avait été. C'était indéniable qu'il l'avait été - comme c'était indéniable ce qu'il avait été (et ce qu'il s'était refusé d'être) pour Coeur Brisé.

La forêt leur ouvrit la voie. Brisé s'arracha du sol, serrant son virage en triangulant un bond sur le tronc. Ils arrivèrent nez à nez - Coup de Foudre rondit les yeux - mais Brisé tourna les talons et donna un nouveau coup de queue à son père pour le destabiliser.

— AckPFT!

Coup de Foudre mit les freins en éternuant.

2-0 Brisé, qui repartit en trombe et en riant.

— ... Joli saut. Enquiquineur, il siffla dans un coin de son esprit. Et plus loin encore, épris par le sentiment de compétition, il le traitait même (gentiment) d'enfoiré.

Allez, Coup de Foudre l'imita - ses griffes cliquetèrent contre les copeaux qu'il arracha au tronc mais plutôt que de remonter à rebrousse-poil la poursuite, il se propulsa dans la même direction que sa "proie". Plutôt que de rattrapper en ligne droite son fils, Coup de Foudre fit un tour de queue et disparut dans les fourrés. Il n'avait aucune chance de le rattraper à terre, après tout.

Bien qu'il soit plus agile que Brisé, il ne l'était pas de beaucoup. Il ne l'était pas assez pour le surprendre, ou l'arrêter, ou complètement le destabiliser. Tout ce qu'il réussit à faire après son moment de disparition fut d'emprunter la voie des airs pour rattraper la distance de Brisé, attendre qu'il s'arrête et saisir l'occasion.

Car inévitablement Brisé s'arrêta, ne serait-ce que pour constater que son poursuivant avait disparu.

— ...

Et Coup de Foudre, tapi dans l'ombre, entre les branches, se contenta d'attendre.