Qui es tu, toi ? [Foudre] - end

Qui es tu, toi ?

Elle avait enfin droit de faire quelques pas dehors. Oh pas bien loin, juste à l'entrée de la pouponnière. Après tout, Petit Bouton ne marchait pas encore très bien et puis, elle restait un chaton d'a peine plus d'une lune. Trop petite pour vadrouiller, c'est à peine si elle aurait du avoir droit de quitter la pouponnière. Sauf que voilà, aujourd'hui le soleil était là et exceptionnellement, il faisait chaud. Ca ne durerait pas, quelques heures, tout au plus. Mais assez pour que Coque de Noisette laisse sa fille en profiter auprès d'elle. Assez pour que la reine accepte de lui montrer l'étendu du camp, afin que la petite en prenne doucement conscience. Ces grands yeux encore bleu de chaton n'en perdant mirette. Ces mêmes yeux qui ça et là, prenait déjà les paillettes du vert qu'ils ne tarderaient à arborer au cours des deux, trois prochaine lunes à venir et ceux pour être définitif.

Mais voilà, prenez une reine épuisée par une boule de poil curieuse, laissez lui un coin d'herbe chaud, sous les rayons doux d'un soleil presque printanier et vous obtiendrez bientôt un chaton libre de toute surveillance maternelle. Encore que, Bouton était une calme qui ne s'éloignerait guère. A part peut-être pour approcher de ce gros trou, plus loin. Guère de présence par ici, même si les félins alentours accordèrent bien à la petite quelques mots, lui parlant d'antre du chef, lui demandant de ne pas s'éloigner. Arriver la avait pourtant déjà bien entamer ses forces mais Petit Bouton dressa les moustaches en avant, osant passer une tête curieuse dans le grand trou, ses pupilles cherchant à s'adapter à l'obscurité tendis que la boule de poil miaulait.

- Hé oh ? Et le léger écho de la faire sursauter, de faire gonfler sa fourrure avant qu'elle ne se mette à rire et recommence. Hé oh ? HÉ OH ! HÉÉÉ HOOOO !!!

— ...J'dis juste que la prochaine fois, tu pourrais te taire plus.
— Mm.
— La Rivière et l'Vent j'te parie qu'ils nous regardent plus de la même façon après ça.
— Je préfère ça. Si ça peut faire rêver les chats qui sont comme moi, ici ou ailleurs, c'est déjà ça de gagné.
— Et tu fais quoi des chats qui sont pas comme toi?

Poil de Musaraigne pila devant sa route, fronçant ses sourcils et relevant son dos en arc, bloquant au nouveau chef la voie d'avancer. Quelques chats dans les parages avaient tourné la tête pour regarder la scène se dérouler, particulièrement curieux de voir comment allait s'en tirer leur "Étoile".

L'oreille de ce-dernier battit l'air.

— ...Tout le monde est comme moi.

Il s'avança d'un pas, surplombant son demi-frère en dardant ses yeux électriques dans les siens. Son poil ne s'était pas levé mais l'air s'était comme chargé autour, et on retint son souffle.

— ...Et je suis comme tout le monde. Il y a des points communs en chacun de nous, Mumu. Il suffit de prendre le temps de bien se regarder.

Poil de Musaraigne n'osa répondre si ce n'est pour gronder, et le bengal, plutôt que de passer son chemin, vint lui écraser son front du sien dans un geste aussi agressif qu'affectif. Le tricolore gronda plus fort, puis son poil retomba, avec son arrière-train, et il laissa son frère-chef-en-devenir-mais-nouveau-chef-maintenant-mais-comment-seulement-le-décrire passer son chemin.

Tout ce qu'il faisait, c'était verbaliser des inquiétudes du Clan. Il n'était pas le seul à avoir remarqué qu'il avait changé, et il n'était pas le seul, à ne plus vraiment savoir s'addresser à lui...

***

Le bengal traîna ses pattes à la recherche d'un coin à l'ombre où s'écraser. La patrouille avec Mumu l'avait épuisé, et la perspective de ne plus être conscient pendant au moins un ou deux cadrans lui fit se pourlécher les babines. Sur le chemin vers son arbre préféré, un chaton qui criait fit stopper sa patte dans son mouvement.

Hé oh ? Le chaton miaula. HÉ OH ! HÉÉÉ HOOOO !!! Il criait dans l'antre, c'est à dire ce trou inutile formé par le gros caillou sur lequel il montait pour distribuer les tâches le matin. Son écho lui répondit, et le soleil reluit dans les yeux du bengal quant au fou-rire qui prit à la petite.

Bien sûr qu'il aurait pu aller dormir, mais...

— Dis-moi, qui tu essaies d'appeler comme ça?

Par Volga! Encore merci

Qui es tu, toi ?

Une voix l'interpellant, une voix inconnu fit gonfler la fourrure de la chatonne qui esquissa plusieurs petits bond de côté, manquant à chaque fois de s'écraser avant qu'elle ne gonfle les joues, scrutte l'adulte et, souffle longuement tout en laissant son duvet retomber sur sa carcasse. Elle avança alors d'un pas curieux, penchant sa bouille enfantine de côté pour mieux dévisager celui qui venait de lui miauler quelques mots. Alors seulement, elle s'assit tel une grande, leva son avant pour mimer une lèche et ... Bascula de côté tel le chaton pas assurée sur ses membres qu'elle était en vérité. Et là, sur le flanc, elle répondis enfin.

- Qui ? Bha heu le papa ... Patron ?

Elle avait entendu ce mot d'un matou borgne, encore que si on le lui demandait, sans doute aurait elle été incapable de le décrire. Mais voilà, se relevant, comme si elle craignait un peu la réaction en face, elle ajouta d'une voix minusculement aigu.

- Faut pas ?

C'est que les interdits, il y en avait tellement ! S'était nul, autant que de rester cloîtrer dans la pouponnière alors que c'est tellement plus drôle de sortir, de sentir le vent dans sa fourrure, le soleil sur son museau, le chant des feuilles dans les arbres. Oui, même les feuilles chantent pour qui veux bien écouter ... Et tout ses insectes à voir !

Le chaton gonfla sa fourrure, tenta de faire volte-face et pencher sa tête en question, mais sans la coordination d'avoir la queue poussée au complet, il bascula sur le flanc, et avec les yeux tout ronds.

— Qui ? Bha heu le papa ... Patron ?

Ah, le chaton avait du parler à Masque de Serpent.

— Faut pas ?

S'il ne fallait pas appeler le patron?

— Aucune idée, il lui répondit, le sourire indifférent. Et puis: T'as essayé de crier plus fort? J'ai entendu dire que le patron était du genre... dur d'oreille.

Par Volga! Encore merci

Qui es tu, toi ?

Heureusement, pas de regard sombre, juste des yeux jaunes poser sur elle et une réponse à mi-chemin entre le savoir et l'ignorance. Ce qui au final rassura assez Bouton pour qu'elle se redresse et avance ses oreilles au plus loin possible vers le félin.

- Vrai de vrai ?

La chatonne se tourna vers l'antre vide avant d'avancer d'un pas chancelant de bébé exciter. Là, elle gonfla son poitrail au plus possible et miaula ...

- Hé OOOOOHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Pas de réponse si ce n'est son écho qui la fit de nouveau rire doucement.

- T'as entendu ça ! Je me répond à moi ! Essai ! Pt'et que toi bha ... T'le réveillera ... L'pat'patron.

Les mots s'étaient pas ça, mais ses yeux brillant de plaisir pouvait valoir toute les proies, tout les territoires du monde. Les yeux d'un enfant, pur et innocent jusqu'à ce que les griffes de la dure réalité des lois de ce monde ne les percent de leur cruauté. Mais pour l'heure, la chatonne escomptait bien entendre le grand chat miauler comme elle dans l'entrée aussi vide d'odeur que son propriétaire était finalement, plein de souvenirs confus ...

— Vrai de vrai ?

Il ne répondit rien au chaton, la laissant tirer sa propre conclusion. Et sa conclusion lui fit évidemment obéir à sa suggestion: les chatons ne résistaient jamais à une occasion de jouer.

Galvanisé, le chaton se gonfla de tout l'air qu'il put respirer avant de l'éjecter dans un miaulement qui dépassait ses toutes petites dimensions:

— Hé OOOOOHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!!!!!!!!!!

Et l'écho lui revint en plein front, ce qui arracha un rire à tout les deux. À elle, doux, car elle s'y attendait après les deux précédents essais, et à lui, ténu, à peine plus que son ombre, car il contrôlait son expression et l'indifférent sourire dessus. Autour d'eux s'approchaient quelques guerriers curieux du manège. Oh, si, il y avait à faire (il y avait toujours à faire dans le Clan) mais le Clan du Tonnerre avait l'oreille légère.

— T'as entendu ça ! Je me répond à moi !
— Ouaip. Quand notre voix nous revient comme ça, on appelle ça un "écho".

Et puis le chaton lui dit, Essaie ! Pt'et que toi bha ... T'le réveillera ... L'pat'patron.
Et le bengal lorgna vers l'antre qui baîlla, grande ouverte, et surtout bien vide depuis un cycle ou plus. L'antre dans laquelle il n'avait jamais dormi, avant, ou après avoir eu les vies. Une oreille en arrière, l'autre en avant, trahissant son ambivalence, il eut suffisament de décence pour mettre les pattes au-dessus du chaton, se pencher vers la bouche béante de cette tanière sans propriétaire et pousser l'un de ses rares miaulements:

— EHHHH, le fénéant, tu nous fais quoi?! Tout le monde t'attends! Le jeu l'emporta, mais pas seulement: Tout le monde s'attend à ce que tu ouvres les yeux et que tu prennes ta place dans le Clan, tu veux les faire attendre?

Les dents serrées, le sourire carnassier: Tu vas faire pleurer une gamine, enfoiré?!

C'en fut trop et il éclata de rire, reculant sur deux pas, tombant sur l'arrière-train et se couvrant la moitié du visage d'une patte sur l'oeil. À lui aussi, seul son écho lui répondit. Ce n'était pas la même chose que son reflet dans la Rivière, mais c'était similaire.

— Ha ha hah, il se réveillera pas de sitôt, le patron!

Comme l'était le plaisir masochiste qu'il en retira.

Par Volga! Encore merci

Qui es tu, toi ?

Un écho. Elle se faisait forte de retenir ce nouveau mot, au moins jusqu'à sa tétée du soir où elle raconterait tout ça à sa maman ! Enfin, ce dont elle se souviendrait alors. Mais alors qu'elle attendait que l'adulte l'imite, elle se repassait le mot dans sa minuscule caboche. Evidemment, ça ne dura guère car deux pattes l'entourèrent bientôt avant que le guerrier ne l'ouvre, bien plus fort qu'elle, si fort qu'elle en frémit même avant que ses moustaches ne vibrent sous le rire qui menaçait de la saisir. Comment un chat osait il s'adressait ainsi au patron ? Le fameux patron, le chef comme disait Poussière - qui au passage, citons le, n'avait pas était ravi du nouveau mot de sa fille, laquelle l'avait alors garder pour elle - où était il d'ailleurs ? Visiblement pas dans la petite caverne puisque le guerrier l'invectivait de plus belle. Et un nouveau mot s'accrocha à la langue rapeuse de la chatonne qui frissonna, se doutant sans doute peut-être que ce mot là ne faisait pas parti des "jolis mots" qu'on a le droit de dire. A moins que ce ne soit le ton du félin, pourtant joueur ? Et pourtant quand il éclata de rire, elle leva la tête vers lui, tendis qu'il basculait sur son arrière train elle suivit le mouvement ... Pour se retrouver caler, le dos à demi contre la bedaine douce du matou, la tête dans la fourrure chaude du ventre, les pattes ridiculement immobile.

- Ah ... Atchou !

Elle glissa un peu plus, se libérant la face pour rire ensuite doucement. Vu ainsi, à l'envers où presque, le menton était finalement moins intimidant.

- En même temps, c'est bien de dodo non ?

C'est que, Coque de Noisette lui avait souvent dit que dormir fait grandir. Elle y songea avant de s'exclamer, avec presque, l'image de ses propos dans le regard.

- Il doit être Géant ! Le pat-machin !

Bon, bouffer les mots même connu finalement, ça allait aussi. Elle était trop dans son idée après tout pour ne serai-ce qu'y accorder un instant d'attention.

Le chaton qui éternua le tira hors de ses rêveries — au par-à-coup ses griffes se rangèrent dans leur fourreau, et il baissa le menton sur celle qui venait de heurter sa petite tête sur son ventre. Le chaton leva le nez, et ils prirent le temps de s'observer, l'un à l'endroit, l'un à l'envers.

— En même temps, c'est bien de dodo non ?
— Oh que oui, il lui répondit, même si le "dodo" qui l'attendait se trouvait dans les branches d'un arbre dans lequel il s'en était fait un nid. Et un arbre, des branches, ça ne donnait pas le même qualité de sommeil qu'une tanière, ou une renardière...

— Il doit être Géant ! Le pat-machin !
— Hahah, le patron?

Quelle curieuse réflexion.

De sa patte, il écarta le chaton de son ventre et profita du mouvement pour se relever. Il n'était pas sans savoir qu'on ne convainquait personne d'une illusion. Parfois il n'y avait qu'une façon, vraiment, de connaître la vérité. Loin des mots et des argumentations et des théories et des hypothèses et des inductions cognitives. Loin de l'abstraction de la pensée.

— Tu veux qu'on aille voir? De la même patte, il poussa sans réserve le chaton à outrepasser le seuil sacré de l'antre du chef, baissant sa tête pour passer le plafond et l'y rejoindre en traînant les pieds. Il abaissa le nez à sa hauteur, lui glissa, Les dames d'abord, et s'assura de bien lui faire voir les canines pointues de son sourire narquois.

Par Volga! Encore merci

Qui es tu, toi ?

- On peut aller dedans ?

Elle avait déjà regarder du côté de l'antre mais Coque de Noisette lui avait formellement interdis d'entrer dedans. S'était celle du chef, du meneur. Pas d'un chaton curieux. Ce qui n'empêcha pas Bouton de se relever vite, d'agiter la queue d'excitation, tout en frétillant des moustaches. Et ce n'était pas le sourire du félin qui allait l'empêcher d'aller explorer. En deux petits sauts maladroit elle lui passa totalement devant, avant de se figer pour laisser temps à ses yeux de s'adapter à l'obscurité.

- C'est ... Vide ?

Elle pencha la tête de côté, avant d'essayer de humer autour d'elle pour finalement risquer un regard sur le matou dans son dos. Ils étaient les seuls dans l'antre. Mais elle était loin d'imaginer que le chef était juste derrière elle, loin de là. En revanche, une autre constatation fusa de ses observations de la tanière désespérément vide et froide.

- On dirait qu'il y a pas de patron ici, le nid il est tout vide et tout pourris r'garde !

Et elle s'avança vers la vieille mousse qui n'avait plus réchauffer un chat depuis bien des lunes. Ce serait une cachette parfaite en vérité. Du bout de la patte, elle gratta un bout de mousse qui s'effrita.

Simultanément il se revit faire bouler les enfants d'Étoile de Suie, et leur rappeler leur mortalité. Dans le présent, le chaton se remettait de son bouler impromptu pour bondir sur ses petites pattes et prendre les devants, et explorer de ses yeux vus le mystère de l'antre abandonnée.

— C'est ... Vide ?

Derrière elle, il fit la moue. À mi-chemin entre l'amusement et le désabusement, levant ses yeux au plafond, sur les parois, pour appuyer l'hypothèse du chaton.

— Wooaaw.  Com-plèt'-ment vide.

Et pendant qu'elle penchait sa tête, et qu'elle tendait le cou, qu'elle reniflait l'air et qu'elle s'approchait du nid, tout au fond de cette minuscule petite grotte, lui se contenta de s'asseoir, et se gratter négligemment une oreille.

— On dirait qu'il y a pas de patron ici, le nid il est tout vide et tout pourris r'garde !
— Je regarde.

Et puis son mouvement s'interrompit.

Ses griffes cliquetèrent.

Et il vit le chaton tendre sa patte vers une vieille vieille mousse qui s'éffritait dessous, et tout en même temps il se rappela de la dernière fois qu'il était venu ici.

C'était un hiver, il était avec Raton-Laveur, qui était encore Lieutenant. Source était rentrée. Elle était encore petite, elle ne savait pas encore ce qu'elle faisait, elle testait leurs limites. Le souvenir s'embrouilla - Raton-Laveur et lui qui se disputaient - Étoile de Cendre avait choisi Raton comme Lieutenant, et Coup de Foudre était furieux. Raton-Laveur lui avait fait la promesse que peu importe l'état de leur relation, quand il serait chef, il le choisirait comme Lieutenant. Le souvenir se juxtaposa avec l'apparition de la fourrure noire et blanche de Jolie Abeille -- brusquement il devint les trois chats, et il se rappela que le dernier chat à avoir dormi dans ce nid était mort.

D'une épidémie.

Ses pupilles se dilatèrent dans ses yeux, avalèrent l'or dedans et le bengal propulsa sa patte sur la tête du chaton, la tombant à son épaule puis cherchant son poitrail à tâtons avant de la tracter sans la moindre mesure vers lui.

— Pas touche.

Il lui brossa le poil avec les griffes, tout en s'accroupissant pour lui faire voir la langue qu'il lui tirait, à l'envers.

— C'est au patron. ♡

Par Volga! Encore merci