Arrivée au hasard ou presque [ft. Aurore]

Ecarlate… Elle savoure la prononciation de son nom sur la langue. Son nom… Elle ne s'était jamais posée la question avant qu’on ne le fasse pour elle. Comment tu t’appelles ? S’appeler. Quel drôle de concept. Là d'où elle venait cela avait bien été le cadet de ses soucis de penser à se nommer. Sa mère n’en avait pas eu le temps. Son père n’en aurait jamais l’occasion. son frère n’y aurait pas songé. Son mentor n’en avait pas eu la possibilité. Peut-être les bipèdes lui avaient-ils donné un nom ? Si cela était le cas, elle n’était pas au courant. elle n’avait pas compris. Elle inclina son collier qui pendait misérablement, au milieu des artefacts bipèdes aucun tracé ou objet ne semblait indiquer de nom. C’était probablement mieux ainsi, elle n’aurait pas eu envie qu’un bipède décide de son nom. Elle n’aurait pas voulu traîner cet héritage morbide tout au nom de sa vie. Ecarlate… Elle sourit.

Ainsi, Ecarlate trottait aux environs des terres de la Tribu en pensant à son nom, intimidant et puissant. C’était la première chose qui lui était passé par la tête et c’était pour le mieux. probablement que son frère se serait joyeusement moquer d’elle pour avoir choisi une appellation aussi extravagante. Son frère… Peut-être devrait-elle lui trouver un nom à lui aussi ? Cela lui apporterait peut-être davantage de substance et mettrait de la douceur dans son cœur. Cela avait une sensation terriblement triste de se rappeler de quelqu’un sans pouvoir mettre de nom sur son visage. Maintenant qu’elle comprenait l’importance d’un nom, l’impact que cela avait, elle avait envie de tout nommer. Elle agita ses oreilles, comme pour se concentrer. Elle devrait faire attention à ce que cela ne devienne pas un tic. Elle avait l'impression de beaucoup trop le faire depuis qu’elle avait le temps de réfléchir. De réfléchir à des choses de la vie. A autre chose que l’horreur. Elle réagita les oreilles pour se reconcentrer ce qui la fit grimacer. C’était effectivement une mauvaise habitude qu’elle était en train de prendre.

Elle pensait être encore à distance du camp de la Tribu quand des odeurs de félins lui parvinrent. d’instinct elle sentit son échine se hérisser. pas vraiment de peur, plutôt d’une sorte d’appréhension empreinte de méfiance. Malgré ce que l’inconnue lui avait dit sur cette troupe de chats pacifistes, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir sceptique. Sa cohabitation avec d’autres chats ne lui avait pas appris des compétences positives, elle espérait que sa rencontre avec les membres de la Tribu serait davantage méliorative. Elle agita sa queue en observant les environs, elle ne se sentait pas observer mais les effluves félines lui donnaient malgré tout l’impression de ne pas être seule. Elle renifla à nouveau la verdure qui l’entourait. Oui, sans le moindre doute quelqu’un s’approchait d’elle. elle ne pouvait encore ni entendre ou voir l’inconnu mais son odeur forte remplissait peu à peu l’air. Elle se planta fermement dans le sol et attendit que la rencontre eut lieu. elle ne pouvait plus fuir son destin.

Elle attendit le moment fatal, ses derniers instants dans l’anonymat avant que la forme qui progresse vers elle ne la rejoigne. Prenant une grande inspiration, elle planta ses griffes dans le sol. Bien qu’elle ne soit pas loin du camp de la Tribu cela ne signifiait pas pour autant qu’il s’agissait d’un de leurs membres. Et quand bien même c’était bien un chat de Tribu, peut-être ne se montrerait-il pas amical. Après tout, elle ne les connaissait pas et ils ne la connaissaient pas. Aussi loin qu’ils pouvaient penser, elle était une intruse sur leurs terres, potentiellement dangereuse ou mal intentionnée, et avec une allure des plus douteuses. Non pas qu’elle puisse rendre son apparence originelle à son visage amoché.

L’inconnue finit d’approcher à pas prudents. Bon, Ecarlate en déduit que la petite femelle qui n’est plus qu’à quelques queues de renard d’elle n’est pas hostile. Elle a plutôt l’air, justement, de ne pas chercher la bagarre. Cela la rassure. Elle essaye de rentrer ses griffes tant bien que mal pour paraître moins intimidante. Impossible de cacher son œil et ses cicatrices mais elle prend malgré tout l’attitude la plus calme et pacifique qu’elle puisse afin de ne pas se créer d’ennui avec la féline. Elle s’est d’ailleurs arrêtée de marcher. L’inconnue la salue alors Ecarlate fait de même. Cela a le mérite de lui donner un air civilisée, enfin elle espère. Elle ne sait pas trop comment débuter la conversion mais heureusement c’est l’autre qui s’en charge.

- Bonjour, je suis Aurore. Vous êtes perdue ? Je peux vous aider ?

- Euh bonjour. Ecarlate marmonne, pas très à l’aise avec les conventions sociales et avec les autres tout simplement. Je ne sais pas… Je cherche le camp de la Tribu. Je crois que ce n’est pas loin, je ne suis pas sûre. Une chatte que j’ai croisé m'en a parlé.

-Je fais moi-même partie de la Tribu, suis-moi je vais te guider jusqu’au camp, on dirait que tu as besoin de repos.

Elle hésite en regardant la boule de poils qui lui fait face. pas l'air d'être un piège, la femelle est dans une forme trop calamiteuse pour l'inquiéter de toute manière. Mais elle est méfiante de nature. Elle a toutes les raisons du monde pour l'être. Elle renifle d'un air pensif, un peu séduite par le sourire engageant de l'inconnue mais les pattes toujours fermement ancrées dans le sol. Cela lui fait peur d'une certaine manière. De se lancer dans le vide, de faire à nouveau confiance. Elle ne veut pas reperdre à ce jeu des liens sociaux.

Aurore lui fait un geste de la queue et commence à partir. Il a l'air acquis pour elle qu'Ecarlate va la suivre. Bizarrement c'est cette attitude confiante qui la pousse à enfin décoller de sa position ferme et lui emboiter le pas. Elle se sent un peu maladroite, toujours heurtée par les dernières nuits qu'elle a passé à errer ici et là. Et puis par tout ce qui s'est passé. Tout est allé si vite pour le mieux mais les traces de la souffrance sont inscrites sur sa peau pour encore des lunes. Certaines ne partiront jamais.

- Hmm d'accord, elle marmonne.

-Le camp n’est pas loin, tu vois les trois arbres à côté d’un abri ? C’est ici qu’on loge. Dis-moi, comment t’appelles-tu ? Que veux-tu à la Tribu ? Tu n’as pas l’air aggressive donc on t’accueille volontiers, mais ce serait sympa d’en savoir un peu sur toi. Non ?

On peut dire qu'elle est bavarde, pas sa langue de rangée. Toute cette sympathie et proximité fictive la met un peu mal à l'aise. Mais c'est la première fois que quelqu'un se montre gentil avec elle depuis un bout de temps. Elle à l'échine qui se hérisse malgré elle. Elles arrivent au camp, un chat les salue puis par se poser à l'extérieur. Un garde ? Ecarlate plisse un peu le museau, surveillant les alentours. Il n'y a pas l'air d'avoir de danger mais on ne sait jamais. Elle cherche ses mots avant de répondre à Aurore. Celle-ci lui désigne un tas de gibier. Ecarlate le regarde sans se servir, elle ne se sent pas légitime.

- Ca fait beaucoup de questions. Elle dit sans méchanceté. On m'a dit que vous accueillez les chats solitaires. Je voulais savoir si c'était vrai... sur le long terme.

Bien sûr, tout ceux qui le souhaitent sont les bienvenus ici. Récemment, on a accueillit deux autres solitaires, comme toi, et ils se plaisent beaucoup, de ce que j’ai cru comprendre. Et si jamais tu ne te plait pas ici, tu es libre de partir quand tu le souhaite, on ne te retient pas. Viens, je vais te montrer où dormir ce soir.

Elle se sentit honteuse à la réponse si aimable et désintéressée de l'autre. elle devait avoir l'air d'un parfait rustre à esquiver ses questions et avoir le regard fuyant. mais elle ne pouvait s'en empêcher. C'était la première longue conversation qu'elle avait depuis... depuis qu'ils l'avaient quitté. Son cœur se serra dans sa poitrine et ses yeux se posèrent sur le sol, refusant d'affronter le regard empreint de bienveillance de la petite chatte. Elle se contenta de fixer ses pattes, le temps de se reprendre et d'enfermer l'émotion qui menaçait au fond de son être. Une fois calmée elle redressa la tête, souriant timidement. Enfin ce qu'elle espéra être un sourire.

Oh merci... Aurore. Elle ne savait pas où allait cette phrase alors elle s'arrêta là.

Voyant que la petite chatte voulait lui montrer quelque chose elle lui emboîta le pas. Son interlocutrice la mena jusqu'à un un immense abri en bois. A l'idée que cela soit d'origine bipède son poil se hérissa. Mais le lieu semblait désert. depuis un moment. Et l'odeur qui émanait de l'intérieur n'avait rien à voir avec celle des bipèdes. Cela la rendit un peu perplexe mais c'était rassurant. Aucun bipède de malheur dans les environs.

C’est ici que dorment la grande majorité des membres de la Tribu. Les reines et les anciens ils dorment dans le buisson que tu peux voir, là-bas. Et le vieux pommier, notre ancienne soigneuse dormait dedans. Mais c’est dans cet abri qu’on dort. Tu te sens de dormir ici, où tu préfère la pouponnière qui est un peu moins peuplée ?

Elle sursauta en comprenant que pour Aurore c'était acté qu'elle allait rejoindre la Tribu. C'était donc aussi simple ? Il suffisait de dire bonjour et de donner son nom ? Est-ce que tous les membres étaient aussi accueillants ? Etaient-ils nombreux ? Comment se passait la vie en communauté ? Elle avait un milliard de questions, au moins, mais sa gueule demeura close. Elle se voyait par assaillir son interlocutrice de questions alors qu'elle avait refusé de répondre aux siennes. Elle inclina la tête dans une espèce de salutation respectueuse. Enfin qu'elle espérait être, ne sachant comment formuler sa reconnaissance.

Je te remercie pour ton hospitalité. Elle se redresssa avant d'ajouter, réfléchissant à haute voix. Euh je ne sais pas trop.. Est-ce que c'est hm faisable si je hm me trouve un petit coin tranquille... au début ? Seule. Elle ne voulait pas donner l'impression de rejeter en masse tout ce qu'Aurore lui proposait.

Bien sûr, tu peux dormir hors du camp si tu le souhaite. Cependant, je te conseille d’éviter l’abri de Bipède que tu vois au loin. Il est habité par deux chats, ce sont nos voisins. Ils sont très gentil, juste l’un un peu moins que l’autre.

La petite chatte lui sourit. Bon, ça a l'air d'être passé malgré sa maladresse. Elle a la chance d'avoir une interlocutrice aussi ouverte et gentille. aurore semble purement désintéressée. Elle n'a jamais rencontré de chat comme ça, aussi nonchalant et accueillant. L'autre minette semble dénué d'animosité, de méfiance, de distance. Comme s'il était acquis pour elle que tous les chats méritaient leur chance et qu'elle allait leur offrir. Vraiment surprenant. Elle essaya de se rattacher au fil de la discussion qu'elle a tout juste écouté tant ses pensées ne cessaient de s'agiter avec toutes les informations qui lui tombaient dans le bec. Elle devait éviter quoi au juste ? Pas grave, elle aurait le temps de s'en soucier plus tard. Elle feignit d'avoir tout compris en hochant docilement la tête.

Je te conseille de dormir dans un buisson, voire dans un arbre si tu sais y grimper. On m’a dit qu’un sanglier - tu sais ce que c’est ? – traînait dans le coin. Il paraît que ça détruit tout sur son passage. Ce serait dommage que tu te fasses écraser par mégarde. N’hésite pas à chasser. Le territoire alentour ne nous appartient, nous ne le marquons pas.

Elles sont au niveau de gros arbustes plein de baies, des boules colorées qu'elle n'a jamais vu. Pas dangereux visiblement comme Aurore lui conseille d'y dormir. Mais par suspicion elle n'irait pas jusqu'à tenter de les gouter. Un sanglier ? Ses oreilles se dressent sur sa tête, ses yeux deviennent interrogatifs. Jamais entendu ce mot là, même pas dans les histoires de l'autre. Elle se décide à interroger Aurore, mieux vaut en apprendre davantage si la bête est aussi destructrice. pas envie de faire une mauvaise rencontre.

Euh non je connais pas, ça ressemble à quoi ? Demanda-t-elle après une courte hésitation.

Aurore semble avoir finit de leur faire un tour des environs de la Tribu, elle finit par se poser. Ecarlate l'imite, stoppant son trottinement prudent. Ses yeux continuent de fureter partout. L'odeur évasive des chats qui passent ici et là, des membres de la Tribu pour sûr, la perturbe. cela fait longtemps qu'elle n'a pas humé autant d'odeurs de chats au même endroit.

Prends ton temps pour t’acclimater. Je suis désolée, si je t’ai donné l’impression de te brusquer. Ce n’était pas voulu.

Elle est surprise par les excuses d'Aurore. elle gratte le sol de sa griffe, embarrassée. En réalité c'est surtout de sa faute à elle, parce qu'elle garde ses distances, qu'elle n'est pas à l'aise, qu'elle est venue jusqu'ici pour avoir une aide qu'elle maintient désormais à distance. Ce n'est pas très juste envers sa sauveuse. Elle garde les yeux rivés vers la terre en répondant.

Je- non pardon. C'est moi je- je ne suis pas très à l'aise. Mais pas par ta faute ! Je- désolée. Elle se tait, honteuse de son marmonnage incompréhensible. Merci de m'accueillir. Finit-elle par ajouter.