"Voyons, il ne peut pas y avoir de guerre entre nous." [Tempête] - END

"Voyons, il ne peut pas y avoir de guerre entre nous."

Le chemin du Tonnerre. Bruyant, malodorant. En un mot, parfait pour le bicolore en cet instant. Pas d'écœurante odeur de thym pour le hanter et nul envie de fermer les yeux par ici au risque de voir ces yeux qui revenait. Il avait perdu deux malheureuses vies, pourquoi devait il donc subir ceux qui les lui avaient gracieusement offerte ? En punition ? Et pour quel raison ? Parce qu'il avait déclencher une guerre ? Les clans se faisaient la guerre depuis toujours, il n'avait fait que ce que d'autres avaient fait avant lui. Enfin ...

Et puis il y avait Vent du Nord et Doux Alizé. Autant une part de lui était soulagé de ne plus les avoirs sous le museaux, autant aussi, il ressentait une profonde amertume. Les choses auraient elles pu être différentes ? Cette indécision là, elle lui donnait des nausées. La première ne l'avait jamais aimer et le lui avait fait savoir dès le début. La seconde savait que le sang du bicolore coulait dans ses veines. Mais au final, les deux étaient un poids pour le clan. C'est du moins ainsi qu'il voulait voir les choses.

C'est donc pour ça qu'il était là, à longer le chemin du tonnerre sans se soucier des monstres qui le parcouraient. Les monstres ne quittaient jamais leurs chemins. Où si peu. il agita la queue, redressant tout de même la tête pour jeter un bref regard sur la roche noire et étrange qui, à la belle saison, devenait parfois chaude voir même collante. Il replia la tête entre ses épaules, se voutant, au passage d'une créature rouge vif, laquelle lui projeta des gouttelettes sur la face. Le Cobra s'écarta du chemin, s'arrêtant au final juste après la frontière pour scrutter la forêt. Ca aussi, il ne voulait y penser.

Nuage de Tempête était obtus et sûr de lui à en crever, mais il était d'une nature majoritairement curieuse. Il avait soif d'apprendre et de comprendre et, surtout, il haïssait le mystère. C'est sûrement pour cette raison que le chemin du Tonnerre le passionnait tant que cela. Il aimait entendre les monstres, le bruit lui faisait vriller les tympans ! Mais ils étaient si irréels qu'il les trouvait fascinants. Dangereux, violents, rien ne les arrêtait.

Ils tuaient sans même s'en rendre compte.

Il n'avait certes pas le droit de sortir seul et Tempête était un chat obéissant. Les entraînements communs, les patrouilles, tout cela l'emmenait parfois à sortir du camp et, parfois aussi, à marcher seul sans trop s'éloigner du groupe. Il ne craignait donc rien, savait la dangerosité du chemin et, surtout, savait qu'il n'était pas seul.

C'est pourquoi il s'était permit de s'éloigner un peu, de quelques pas. Le chemin était là, pas loin, il l'entendait vrombir. Il pouvait bien s'en approcher. Après un dernier regard au chat qui s'occupait d'eux, il s'éclipsa.
Non, il ne trichait pas. Il avait le droit tant qu'il restait à portée de voix, n'est-ce pas ?

Son petit corps d'apprenti - pourtant déjà si grand en comparaison des autres - se glissa entre les arbres. Le gris beige de son pelage se détacha progressivement de l'ombre des herbes qui laissaient peu à peu place aux plaines. Il n'ignorait pas sa proximité avec la frontière, mais il savait être prudent.
Et c'est alors qu'il marchait en silence vers le chemin, un monstre rouge rugissant près de lui, qu'il posa les yeux sur un autre chat. Celui-ci était grand comme un adulte, mais son odeur était masquée par celle plus forte du chemin tout près. Méfiant, Tempête s'avança vers lui, restant à une distance raisonnable. Les oreilles légèrement en arrière, les yeux bien ouverts, il s'arrêta.

« Tu n'es pas du Tonnerre, toi. » Il devait parler fort s'il ne voulait pas qu'un monstre lui coupe la parole. « Alors, solitaire ou venteux ? »

"Voyons, il ne peut pas y avoir de guerre entre nous."

C'est finalement une silhouette féline qui se découpa sur le décor. Les monstres poursuivraient leurs chemins, arrosant le bicolore de gouttelettes lourde et malodorante. Sans le voir vraiment. Au contraire du gamin qui approchait, oreilles couchés. Cobra pouvait bien mettre les siennes en arrières en retour, elles ne protégeait guère plus grand chose, elles ne faisaient plus non plus leur travail d'amplification, déchiquetée comme elles étaient. Alors au lieu d'imiter ce geste inutile, futile, il posa ses prunelles bleus, blasés, sur le gamin qui lui miaulait dessus.

- T'es à peine sorti de la pouponnière, toi.

Étoile du Cobra s'ébroua, avant d'ajouter, le ton froid et tranchant comme une patte pleine de griffe dans la peau. Combien de lune petit ... Et Combien encore avant qu'on ne te tombe sur le poil, réduisant à néant tes rêves ? Pas d'humeur. S'était si peu dire. Mais voilà, le minot éveiller en lui quelque chose. Une envie malsaine de provoquer Foudroyante. Une façon d'avoir le dessus qui ne plairait pas. Et au final, un sourire étira bientôt les babines du bicolore. Un sifflement reptilien n'aurait pas pu être plus grande menace, à bien y réfléchir ...

« T'es à peine sorti de la pouponnière, toi. » Il ne prenait même pas la peine de le considérer comme une menace. Il le regardait de haut, presque blasé. Tempête fronça les sourcils, mais son visage resta calme. L'eau qui dort, hein ?

Ca le piquait, mais il comprenait. L'autre chat était un adulte fait, bien plus âgé que lui. Il l'estima au même âge de Foudre, son grand-père.

« Combien de lune petit ... Et Combien encore avant qu'on ne te tombe sur le poil, réduisant à néant tes rêves ? » Un sourire étrange étira les lèvres du bicolore. C'était le genre de grimace que Tempête n'avait jamais vu, vraiment. Cela le rendait perplexe : il n'en saisissait pas la menace. Il ne comprenait seulement pas ce que cela signifiait.

Ni ce sourire, ni même ses paroles.

Et rien ne le fit changer d'expression, tout de même. Il resta calme, un peu froid, avec des sourcils à peine froncés. S'il s'avança, ce ne fut que d'un petit pas pour marquer sa détermination à le chasser du territoire quand bien-même n'en soit-il pas en mesure. Tempête n'était pas fou : il savait ne pas faire le poids.

« Sept lunes, Oreilles en Lambeaux. Suffisamment de lune pour te faire des jolies cicatrices si tu déguerpis pas. » Il se donnait l'air ferme et, au fond, il n'avait pas peur. Le chat était encore à un mètre, suffisamment loin pour voir venir une attaque. Et puis, Tempête n'envisageait pas l'éventualité de la mort. Il ne pouvait y songer car il n'y avait jamais été confronté.
Au pire, il finirait à terre, à pleurer. Ce serait humiliant, mais on y survit.

En dépit de tous ses efforts, l'apprenti ne mesurait pas le danger en face de lui.

« Alors, je répète : Solitaire ou Venteux ? Si tu es le premier, je comprendrais que tu ne sache pas où tu es... Dans le deuxième cas, tu as des problèmes, en fait. »

"Voyons, il ne peut pas y avoir de guerre entre nous."

Le petit avait du cran, voilà un divertissement apte à faire oublier au venteux ses problèmes. Enfin problème, disons que certains fardeaux étaient partis, mais de là à se dire que c'était pour le mieux ... Le marmot l'amusais, vraiment maintenant et il haussa un sourcil en le voyant esquisser un pas vers l'avant. A peine sorti de la pouponnière hein ? Et puis quand il miaula ... Étoile du Cobra se délecta vraiment. Ce nom, la confirmation du jeune, tout était parfait.

- Mes oreilles pourraient être tiennes ...

Une menace, plus tangible presque, mais si délicatement souffler, laissant le jeune coq se dresser, inconscient.

- On t'as pas enseigner à te servir de ton flair, Nuage ?

Le bicolore se tassa, puis bondis sans prévenir, coupant en deux ou trois sauts successif la distance entre eux pour percuter le novice de front, sans vraiment chercher à lever la patte dessus, utilisant le seul poids de son corps, la seule force de son crâne pour un petit coup dans l'épaule. Enfin petit. Parmi les chats du clan du Vent, le serpent faisait partis des plus grands. Certes, il faisait pâle figure en rapport des chat de la Rivière mais le marmot là ... Le choc passer, Étoile du Cobra se dressa, la queue haute, pour cette fois cracher ouvertement.

- On apprend donc rien aux apprentis du Tonnerre, à moins que votre misérable chef se crois aussi en possession des chemins du tonnerre, arrogance de tonnerreux c'est ça ?

Et toujours, ce sourire qui revenait sur sa gueule. Disparu ses tracas, le bambin allait servir de défouloir sous cette foutus bruine. Il n'avait qu'à le secouer un peu, jouer. Le chat avait trouvé sa souris ...

« Mes oreilles pourraient être tiennes ... On t'as pas enseigner à te servir de ton flair, Nuage ? » Il avait des tonnes de choses à répondre. Il aurait put lui dire que les menaces, ça ne lui faisait pas peur, que ses oreilles étaient déjà petites, donc qu'il s'en moquait. Il aurait put dire, aussi, que l'odeur du chemin du Tonnerre lui empêchait, au fond, de sentir autre chose que celle des monstres. Qu'il ne pouvait déterminé d'où venait le bicolore.

Mais de tout ça, Tempête ne put que lâcher un petit hoquet surpris car il referma aussitôt la gueule. L'autre chat lui fonçait dessus et s'il l'avait vu venir, il fut désarçonné par sa rapidité. Tout ce qu'il put faire, c'est se ramasser un peu pour encaisser le choc.
Et même là, il ne l'encaissa pas aussi bien qu'il l'eut imaginé. Il chuta brutalement au sol, une douleur vive dans l'épaule et il roula sur le flanc. Le sol était humide, la bruine avait parsemer son pelage de gouttelette et en heurtant la terre, c'est un peu de boue qui s'accrocha à son petit corps.

Il était grand pour un apprenti de son âge, les gènes de la rivière jouaient, mais pas assez pour dépasser le mâle noir.

« On apprend donc rien aux apprentis du Tonnerre, à moins que votre misérable chef se crois aussi en possession des chemins du tonnerre, arrogance de tonnerreux c'est ça ? » Tempête grogna, fronça le museau et aperçu au travers de ses yeux humides d'humiliaton le visage souriant du chat.
Ce sourire, il allait lui faire bouffer.

Il revient sur le ventre, resta un instant le dos courbé, au sol, envoyant un regard plein de haine à l'autre chat, les oreilles en arrière. Il ne songea même pas à lui répondre sérieusement quant à cette histoire de territoire; il n'y avait qu'une seule chose qui comptait dans les mots qu'il avait osé proférer.

« N'insulte... N'insulte pas nOTRE CHEF ! »

Sa voix partie dans les aigües sans même qu'il ne s'en rende compte et, se relevant trop vivement sur ses pattes maladroites, il tituba. La colère l'emporta si vivement qu'il ne songea même pas à faire attention à son équilibre, balançant sa patte devant lui.

Les griffes sorties, il les sentie frôler la peau, il sentie une légère résistance mais rien de plus. Il reposa la patte dans cette terre molle, déséquilibré, pour se rattrapé et s'y enfonça un peu.

Haletant, il avait un peu mal et, surtout, il avait laissé son émotion l'emporté. Foudre lui apprenait à ne plus la contenir, la colère, alors il ne songea même pas à avoir honte.

« Oses... Oses encore et je- Je te tue, en fait ! »

"Voyons, il ne peut pas y avoir de guerre entre nous."

Le gamin était tomber, c'était tout ce qui importer. Qu'il est bien encaisser où non, le meneur du Vent venait de lui démontrer qu'une simple discussion pouvait vite mal tourner. Il le pensait du moins et s'attendait à ce que le petit ait du répondant, où qu'il fuit. S'était toujours comme ça, où on jouait les braves, où on s'excusait platement, où on prenait fuite. Et là, dans la boue, sous cette pluie fine, il ignorait la réaction à venir même si il en avait une idée et avait clairement, des préférences. Et puis voilà, le petit réagit. Il n'était pas si petit et son cri de rage non plus. peut-être les entendrait on, peut-être pas. Toujours fut il que Cobra vit la patte venir, un poil tard pour se reculer. Le luxe de la colère. Avec la colère, on agissait plus vite, plus fort, mais avec la colère aussi, on était moins précis ...

Et cette même colère, Étoile du Cobra la réprimait depuis le départ de cette traîtresse des étoiles. Cette garce aux yeux vairon et dont les oreilles étaient pareil aux siennes. Sa propre petite fille était la source de toutes la frustrations de ces derniers jours. Non, elle n'était pas la seule, mais le croire lui laissait à croire aussi, que s'il la trouvait, il s'apaiserait. Doux mensonge à lui même. Il secoua doucement la tête, comme pour chasser la sensation du coup que le novice venait de lui donner.

- J'adorerais que tu me montre ça !

Le cobra est un serpent, les serpents sont connus pour leur détente rapide. Ce Cobra ci, tout bicolore qu'il était, chargea de plus belle. Abattant sa patte griffe sortie en visant le flanc, tendant sa propre patte au plus loin, usant de la vitesse du mouvement de tout son corps, dans le seul désir de trainer la face trop bravache de son cadet dans la boue. De se dresser par dessus, de prendre appuie sur le jeune corps pour lui empêcher de s'en aller, pour effacer ce discours trop sur.

- Montre moi, Nuage, comment tu comptes faire ça !

Et chasser Foudroyante et le cirque, chasser ce doux moment de sa tête, le relégué aux ordures en même temps que le guérisseur au thym et le prédécesseur qui culpabilisait. Enfoncer le tout sous la boue et le voir se débattre, s'y noyer comme dans des sables mouvants. Sentir la peur grandir. On ne dirige jamais bien par la peur seule. Mais là, il s'en foutait royalement. Il voulait que la peur emplisse l'air de son arôme, empoissant tout autour. Pour ne laisser derrière elle qu'une haine tenace qui effaçait gentiment cette sombre colère, la surpassait. Comme il voulait à présent surpasser cet arrogant gamin.

« J'adorerais que tu me montre ça ! » Son sourire, toujours ce sourire. Il ne partait pas, restait là, éternelle provocation. Et plus il l'observait, plus Nuage de Tempête comprenait ce qu'il signifiait. Il comprenait le coup, dans son épaule, comprenait les paroles, les menaces du serpent noir qui ondulait devant lui. Il comprenait et, peut-être, son cœur battait plus fort.

La colère le rendait courageux, l'adrénaline, téméraire.

Peut-être est-ce cette énergie vibrante, froide comme une eau glacé, qui lui permit de voir venir le premier coup. Il était attentif, tendu. Quand il vit la patte s'abattre vers lui, il recula la tête, légèrement et les griffes le frôlèrent. Mais voilà, un coup ne vient jamais seul.
Et il ne parvient pas à éviter le suivant. Ni celui qui, encore, suivit. Il se ramassa, son arrière train heurta le sol, s'enfonça dans la boue et il ferma les yeux. Il encaissa, la douleur fusa dans tout son visage et puis, un autre coup le ficha au sol.

« Montre moi, Nuage, comment tu comptes faire ça ! » Il ne l'entendait pas. Son oreille était collée au sol, l'autre sifflait. Il n'arrivait pas à comprendre ses mots, focaliser, subitement, sur cette brutale sensation d'impuissance.

Parce que voilà, la morsure atroce des griffes avait manger son visage. Il sentait, par dessus la sensation gelé, le brûlant liquide poisseux qui s'échappait de lui. Et la douleur, la douleur ne l'aurait pas empêcher de bouger, non. Il aurait sortit son flanc de cette boue malodorante, il aurait put grimper sur ses pattes trop longues, aurait put continuer de le defier du regard, le serpent noir.
Mais non, il ne pouvait rien faire. Il sentait chaque impact contre sa peau, les pattes du mâle noir s'abattaient sur lui sans discontinuer, les coups devenaient multitudes, plus présent que la bruine et l'air frai.

Et lui, il se débattait comme il pouvait. Il agitait les pattes dans le vide, grondait furieusement et gémissait parfois. Et puis, peu à peu, alors que sa face restait solidement ancrée contre ce sol humide et pâteux, quelque chose se glissa au fond de son ventre, dans son estomac. Une sensation étrange, douloureuse. La même que lorsque l'on chute, qui n'a pas de fin, là, qui demeure.

Et il entrouvrit un œil, à peine, et toute l'urgence se lit subitement dans son regard. Tempête était terrifié, incapable de faire autre chose que de s'agiter vainement, impuissant et terrorisé.

Il ne se débattait plus pour gagner, plus par colère ou orgueil. Il se débattait car un sentiment plus profond, plus atroce encore emplissait maintenant chaque cellule de son corps.