A convocation of fauns || Nuage de Feuille

Elle n’écoutait pas un traite mot de ce qu’il lui dit. Agacé, Nuage de Glycine leva les yeux au ciel, mais il fit l’effort de rester silencieux, de ne pas bouger, pour lui laisser sa chance. Sa sœur s’élança, atterrit sur sa proie. Lui, retenait son souffle. Il hésitait à aller l’aider, mais ne voulait pas briser sa fierté. Tout à coup, l’écureuil lui échappa. Il fit un pas, pour lui porter secours, mais reposa sa patte au sol. Il luttait contre lui-même, pour la laisser faire, jusqu’au bout. Pour lui laisser la satisfaction d’avoir capturé sa propre proie, seule.

Victorieuse, Nuage de Feuille se redressa, aux anges. Nuage de Glycine avait envie d’exploser de joie, lui aussi. De sauter partout, de hurler « BRAVO !! », et de la féliciter pendant des heures. Mais là encore, il se retint, se contentant d’un clignement d’yeux affectueux, d’un large sourire ravi, et d’un « félicitations ! »

Il s’approcha d’elle, pour observer son écureuil. « Belle prise ! Le mien était pas aussi gros que ça. »
Dans les faits, il ne savait plus vraiment à quoi ressemblait le sien, mais ça importait peu. Sa sœur méritait qu’on valorise ses exploits.
— Papa et maman vont être fiers, quand ils vont te voir le reposer sur le tas de gibier !

C’est que ça n’arrivait pas tous les jours, un apprenti qui capturait sa première proie le jour de son baptême.

— Par contre, ajouta-t-il enfin, sur un ton plus grave. Ne t’avise plus jamais de partir comme ça sans prévenir. Surtout pas avec ton référent. Moi, je cris pas, mais eux, ils pourraient. Et puis, on aurait fait quoi si un renard avait surgit de nulle part, hein ? Ils sont affamés, à cette saison. Tu m’as fait peur, Nuage de Feuille. Je sais que tu veux… me montrer que tu peux tout faire, mais chaque chose en son temps, ok ? Être téméraire c’est bien, mais reprend du poil de la bête d’abord. Fais pas… des trucs stupides juste pour me prouver des truc, mh ? Parce que… j’ai confiance en toi, et je sais que tu seras l’une des meilleures guerrières du Clan plus tard, mais brûle pas les étapes.

Il observa sa patte. Mordue par un rongeur, elle était blessée. L’apprenti lâcha une grimace de douleur en pensant à la blessure.

— On va rentrer, expliqua Nuage de Glycine à sa sœur. Il faudrait pas que ça s’infecte, c’est mieux si Moustache Hirsute voit ça rapidement et puis, tu pourras poser ta proie encore fraîche sur le tas comme ça.

Il aurait aimé lui présenter tout ce qu’il avait prévu de lui montrer, mais il préférait encore savoir sa sœur en bonne santé le lendemain que de prendre des risques inutiles.

Nuage de Feuille acquiesça, remercia son frère, puis s’en alla enterrer son écureuil. Un peu plus loin, Nuage de Glycine fit de même avec son pigeon. Il ne pouvait pas le laisser trop proche de la proie de sa sœur : déjà partiellement mangé, il dégageait une odeur bien plus forte, et avait donc plus de chance d’attirer les curieux, ou les affamés. Quand il eut terminé, il rejoignit sa sœur.

— Avant qu’on parte, dit-il, tout en prenant délicatement la patte blessée de sa sœur dans la sienne, pour nettoyer la petite entaille avec de la neige. On va… s’occuper de ça. Je sais pas trop comment ça marche, mais je me souviens que quand je me suis blessé…

Quand un oiseau de proie a voulu me bouffer et qu’un matou de la Rivière a voulu finir le boulot.

— Moustache Hirsute avait mis des toiles d’araignées dessus. Y’avait d’autres trucs aussi, qui puaient, mais je ne me rappelle plus quoi, alors… les toiles d’araignées, ce sera déjà pas mal.

Il tourna le dos à sa sœur, puis fourra sa patte sous les grosses racines d’un tronc d’arbre. Il pouvait en sentir contre ses coussinets — toutes collantes et gelées. Quand il considéra en avoir récupéré assez, il retourna vers elle, clopin-clopant à trois pattes. Il lui reprit sa patte, et essaya de les appliquer.

— Je crois que ça se met comme… ça… ? Merde, j’en fou partout. Attend, ça colle ce truc- Bordel comment il fait Hirsute ?

Il y avait plus de toile étalée sur tout son bras que sur celui de sa sœur, et, sur la blessure, il n’y avait pas grand chose.

— Euh…

Clairement, c’était un fiasco.
Il lui tendit sa patte, toute collante de toiles d’araignées.

— Tu veux essayer ?

Elle y arriverait peut-être mieux que lui.