A convocation of fauns || Nuage de Feuille

Lune 22

Les muscles tendus, Nuage de Glycine veillait à marcher plus lentement que d’habitude, afin que sa sœur puisse le suivre sans difficulté.
— Fais attention aux racines, lui répondit-il. Elles sont cachées par les feuilles, des fois, tu pourrais trébucher dessus et tomber.
Et si elle tombait, elle risquerait de se briser, de se casser et de voler en éclat comme du verre. C’est l’impression qu’elle lui donnait, si petite derrière elle, si frêle, le vent froid de l’hiver plaquant son pelage contre son corps, menaçant de la faire s’envoler.
Quelque part derrière eux, loin des regards et de leur odorat, leur père les suivait pour s’assurer que tout se passe bien. Qu’aucun danger ne vienne ruiner ce moment, qu’aucun imprévu ne vienne bouleverser Nuage de Feuille une seconde fois, pour venir compromettre une nouvelle fois son apprentissage, comme une mauvaise blague. Masque de Serpent était là pour s’assurer que ce genre de choses n’arrive jamais.

Nuage de Feuille et lui venaient tout juste de sortir du camp. Lorsqu’il tourna la tête, il constata que la barrière de ronce délimitant le campement était encore visible. Cet endroit, ils ne l’avaient pas visité depuis longtemps ensemble, mais ils le connaissaient bien. C’était ici qu’ils s’étaient « échappés » pour la première fois, afin de retrouver une malheureuse boule de mousse.
— On va d’abord aller aux Rochers du Soleil, lui expliqua son frère. C’est par là. C’est calme, et puis… c’est joli. Ça me parait bien pour commencer.
Il se tourna vers elle, pour s’assurer qu’elle le suivait bien.
— Ça te va ?

Nuage de Glycine et sa sœur slalomaient entre les arbres, contournant les ronciers, chevauchant les racines sorties de terre. Ces chemins, il les a parcouru encore et encore, durant cette dernière lune. Nuage de Feuille, elle, y posait le pied pour l’une des premières fois. Peut-être était-elle venue ici, avec leur père, durant leurs nombreuses balades seuls à seuls. Lorsqu’il vadrouillait seul dans la forêt, il s’était souvent posé la question. Est-ce que, pendant que lui attendait seul à la pouponnière, entouré d’une famille qui n’était pas la sienne, son père et sa sœur étaient passés par ici ? Où étaient-ils allés ?
Il s’était même demandé s’il y avait vraiment un intérêt à lui présenter le territoire, à un moment — peut-être avait-elle déjà tout vu bien avant lui. Mais il y avait quand même tenu, finalement, même s’il passait ces prochaines heures à faire semblant. Ça lui conviendrait.
Nuage de Feuille acquiesça le plan qu’il lui avait proposé. Il hocha la tête en retour, et pris sur la droite lorsqu’ils passèrent un chêne massif, descendant une pente raide, pour enfin revenir sur un terrain plus plat, à la terre retournée par les nombreux entraînements au combat qui s’y déroulés et auxquels il n’avait jamais vraiment pris part.
— Je peux marcher à côté de toi ?
— Oui, lui répondit-il. Si tu veux.
Il ajusta sa cadence, ralentissant le pas, la mesure, le rythme. Tout pour sa sœur. Marcher dans la forêt était d’une facilité déconcertante, pour lui. Marcher aux côtés de Nuage de Feuille l’était moins : il avait l’impression de marcher sur des œufs.
Les oreilles dressées sur son crane, il restait à l’affût du moindre danger potentiel, de la moindre menace, de cet imprévu qui pourrait tout faire basculer et tout ruiner à nouveau.
— Ça te va, cette allure ?
Son oreille se courba immédiatement vers l’arrière lorsqu’il entendit un bruit de craquement de branche dans cette direction. Il huma l’air, mais ne trouva rien. Peut-être était-ce simplement son père, qui avait été indiscret par accident l’espace d’une seconde. Ou peut-être pas. Le sachant derrière eux, prêt à agir en cas de problème, il essaya du mieux qu’il pu de se détendre.
— La rivière est un peu plus bas. Tu t’y approches surtout pas, d’accord ? On fait que regarder, et après, on va au grand sycomore.
Lui n’avait aucun problème à s’approcher de l’eau lorsqu’il était seul. Il savait bien le danger qu’elle représentait, mais s’en moquait bien, en temps normal. Maintenant que Nuage de Feuille était avec lui, c’était une toute autre histoire : hors de question de s’en approcher à plus de deux longueurs de queue de renard. Et même ça, ce n’était sans doute pas une distance suffisante.

Et enfin, la rivière se dresse devant eux. Elle est gelée, exactement comme le lui avait prédit Cœur de Puma quelques jours plus tôt, scintillante et plus belle que jamais. S’il avait été seul, il aurait essayé de marcher dessus, comme il l’avait toujours voulu, ignorant les avertissements du vétéran qu’il n’avait de toute manière pas envie d’écouter. Mais il n’était pas seul — il avait dit à sa sœur qu’ils ne s’approcheraient pas de la rivière, alors ils resteraient à distance.

Nuage de Feuille trouva le lieu magnifique, sans doute autant que lui, alors son frère essaya de lui répondre avec un sourire. Il n’était pas le même que celui qu’elle avait connu durant six lunes — plus hésitant, plus cassé, mais malgré tout sincère.
— Je suis beaucoup venu ici, et-
Mais elle n’écoutait pas. Sa sœur ne l’écoutait plus, perdue dans ses pensées, alors il s’arrêta : ce n’était pas très important, de toute façon.
— Nuage de Glycine... Dis-moi. Pourquoi tu m'as emmené avec toi, alors que je ne suis plus ta sœur ?
Sa remarque le prit par surprise, comme une proie qui venait de lui bondir dessus pour planter ses crocs, ses griffes ou ses serres dans son cœur, le lui arracher et le dévorer. Elle avait pris ses paroles très à cœur, trop à cœur, et ne le considérait plus comme son frère. « Je ne suis plus ta sœur. »
Ah, alors les choses ne redeviendraient définitivement jamais comme avant. Il n’en avait jamais douté, mais avait au moins espéré pouvoir réunir sa famille à nouveau, même si les choses étaient différentes, il avait essayé de se convaincre qu’il était possible de recréer quelque chose d’au moins aussi beau qu’au début.
Mais il avait tort.

À force de déception, de rejet, de mépris — toutes ces émotions auxquelles il avait fait face cette dernière lune, il s’y était presque habitué. Il ne lui fallu que quelques petites secondes pour se ressaisir, comme si la phrase de sa sœur ne lui avait rien fait. Ni chaud, ni froid. Absolument rien. Il fallait sauver les apparences.

— C’est pas grave si tu veux plus être ma sœur, lui répondit-il tout simplement.

Il n’y croyait pas un seul mot. Mais peu importait ce qu’il pensait et ce qu’il voulait. Peu important qu’elle soit sa sœur ou non. L’essentiel, c’est qu’elle allait bien, maintenant, et qu’il ferait tout pour que cela continue ainsi. Il ne la blesserait plus jamais — alors il n’avait pas le droit de la forcer à redevenir sa sœur. Il fallait qu’il respecte son choix, même si c’était dur, même si ça lui donnait envie de s’enfuir à nouveau, de courir loin pour être seul et de hurler seul dans la brume jusqu’à s’en bruler les poumons.

— On peut au moins essayer d’être amis.

C’était mieux que rien.
Il ne lui raconta pas, que c’était son idée à lui, de l’amener faire le tour du territoire. Qu’il avait négocié avec les guerriers puis avec son père pour avoir le droit de sortir seul avec elle, (presque) sans être accompagné. À quoi bon ? Il aurait aimé qu’elle le sache, mais ça l’aurait fait culpabiliser dans sa decision de ne plus accepter Glycine dans sa famille. Décision parfaitement raisonnable et logique, au fond : Nuage de Feuille donnait tout ce qu’elle avait pour être là, debout, avec lui, et accepter ses responsabilités d’apprentie. Elle ne pouvait pas prendre le risque de devoir supporter en plus la crainte dévorante que son « frère » la détruise à nouveau comme il l’avait fait auparavant.
Pour essayer de la rassurer, il lui offrit un sourire. Un beau sourire, emprunt de tristesse.

— Bon, on va au grand sycomore ? C’est un peu plus loin, par là. J’aimerais bien t’amener voir d’autres choses, et il faut qu’on soit rentrés avant le crépuscule. Les journées sont courtes, l’hiver.

Quoi de plus important que les apparences ?

Nuage de Glycine était un garçon — il le savait, et l’avait toujours su — c’était une vérité immuable qui le resterait à jamais. Il était né garçon, il mourrait garçon, ainsi allaient les choses. Devoir à tout prix ressembler à un garçon ne l’avait jamais vraiment intéressé, avant son baptême. Parce que peu importe ce à quoi il ressemblait, après tout, la vérité ne changeait pas. Il y avait toujours eu des filles qui ressemblaient plus à des filles que d’autres, et des garçons qui ressemblaient plus à des garçons que certains, et il y en aurait encore. Quelle importance, se disait-il. Ça change rien.

On lui avait vite laissé comprendre que cela changeait tout. Sa vie de rêve était devenue un cauchemar dès l’instant où Étoile Foudroyante l’avait appelé « Nuage de Glycine ». On l’avait envoyé seul au front, seul contre tout un peuple d’adultes bien décidés à briser ce qu’il était et à le dompter. « T’es pas un garçon, tu le seras jamais. T’es une fille, c’est à ça que tu ressembles. »
Les apparences, c’est ce qui lui avait manqué depuis toujours. Ce qui comptait le plus, dans leur société. Ce qui apparaissaient faibles ne valaient rien, ce qui apparaissaient fort inspiraient crainte et respect. Peu importe s’ils étaient vraiment fort : personne n’irait se frotter à eux pour vérifier la véracité de la chose, tout simplement parce qu’ils avaient l’air forts, et les gens s’arrêtaient à cette simple conclusion. S’ils l’ont l’air, c’est qu’ils le sont.

En refusant cette réalité, Nuage de Glycine avait brisé sa famille.

Il avait refusé d’avoir l’air fort quand il aurait du, désespéré de récupérer l’attention de son père alors que sa sœur en avait tellement, terriblement plus besoin que lui. Il aurait du avoir l’air fort.
S’il l’avait été, sa sœur aurait eu tout le soutien dont elle aurait eu besoin, et aurait peut-être été prête pour son baptême. S’il l’avait été, il ne l’aurait pas rejetée, et aurait été là pour elle, au lieu de déposer des proies discrètement devant la pouponnière comme un misérable — proies auxquelles elle n’avait sans doute jamais touché. S’il l’avait été, il n’aurait pas brisé sa sœur. S’il l’avait été…

… il ne serait pas lui-même brisé, aujourd’hui.
Mais ça, il ne pouvait pas le montrer, à personne. Les apparences, c’était le plus important.

— Je ne voulais juste rien t’imposer, lui répondit-il, toujours avec son sourire triste. Si tu veux être ma sœur, alors tu es ma sœur et je suis ton frère.

Au moins, ça, c’était dit. Et il en était content : sa sœur était sa sœur, les choses étaient redevenues comme elles devraient l’être.
Mais quand même, il y avait encore tant de chose qui n’allaient pas. Elle s’excusa pour le baptême.

— Y’a rien à réparer, c’est du passé, ça. On remonte pas le temps.

Il avait tant espéré pouvoir remonter le temps. Empêcher sa sœur de partir avec son père avant qu’elle ne soit traumatisée. Sauver leur baptême. Sauver sa sœur avant qu’il ne la brise.
Sauver son putain de baptême parce que putain de merde le sien avait été un cauchemar et personne n’avait jamais dit son nom. Ça le bousillait de l’intérieur. Il avait l’impression d’être un apprenti incomplet en plus d’être un pseudo-garçon raté.

— Tu as eu un beau baptême, c’est tout ce qui compte. Comme t’as dit, faut aller de l’avant.

Facile à dire. Il avait la rage : il voulait son beau baptême, lui aussi. Il voulait que tout aille bien. Il voulait la vague de soutien qu’avait reçu Nuage de Feuille durant cette dernière lune (il avait vu son père, sa mère, Nuageuse Nuit, Nuage de Bourgeon, Source, et d’autres s’inquiéter pour elle et aller la voir) alors que lui n’avait eu que son père, auquel il avait dit que sa sœur avait plus besoin de lui, et qu’il se débrouillerait seul.
C’était faux, bordel. Lui aussi, il aurait voulu qu’on l’aide, et qu’on lui parle, et qu’on s’inquiète pour lui.
Mais rien. Rien que des adultes qui avait bondit sur l’occasion comme des vautours, les yeux rivés sur une proie blessée qui aurait bien du mal à se défendre. Des adultes qui voulaient le briser, pour en faire une fille, pour le corriger, pour le réparer. Des adultes qui voyaient ça comme un jeu.
Peut-être que lui aussi il aurait du gueuler et inquiéter tout le monde et s’auto détruire dans son coin comme un con. Il aurait eu ce qu’il voulait.

Il se sentait comme un monstre, à penser ce genre de choses, à jalouser sa sœur à ce point, et c’était bien la preuve qu’il ne pouvait pas encore se faire pleinement confiance. Il y avait encore un risque qu’il la brise à nouveau, et ça, il refusait que ça arrive à nouveau.
Il protègerait sa sœur, contre le monde, et contre lui-même.

— C’est par là, annonça Nuage de Glycine, tout en se mettant en route.

Ils longèrent la bordure de la forêt, marchant le long de la rivière, toujours en veillant à garder une certaine distance.

— La rivière sert de frontière entre notre Clan et le Clan de la Rivière. De l’autre côté, c’est chez eux. Mais ils pensent que les Rochers du Soleil, là où on était avant, leur appartiennent, alors que c’est notre côté à nous. C’est bête, hein ?

De toute façon, peu importe combien de fois ils avaient essayé de leur voler les Rochers du Soleil : le Clan du Tonnerre avait toujours fini par les récupérer.

Nuage de Feuille se mit à ricaner, Nuage de Glycine en fit autant. Rien n’était facile, et rien ne le serait plus jamais, mais, à ce moment là, durant ces quelques secondes, les choses lui semblèrent plus légères. Durant ces quelques secondes, il ne pensa plus aux questions de baptême, de famille, de frère ou de sœur. Seulement à l’instant présent, à la forêt qui les entourait et au son de leurs rires.

— Ça fait peur, un peu, le monde extérieur, les autres Clans, tout ça.
— Mhh, acquiesça Nuage de Glycine.

Il ne pouvait qu’être d’accord avec elle. Ses experiences avec le monde extérieur n’avaient été que des fiascos. Leur sortie pour la fameuse boule de mousse perdue, la chouette qui l’avait enlevé, puis sa fuite après son baptême. Sans parler des jours qui avaient suivi, qui n’avaient pas été meilleurs. Il avait même avoué à son père ne plus vouloir devenir grand, car le monde le terrifiait. Il était tellement plus cruel et froid que tout ce qu’il avait pu imaginer.

— Mais un jour, ce sera à nous de défendre cet endroit. Je suis certaine qu'avec beaucoup d’entraînement, o-on pourra y arriver ! Tu n'es pas d'accord, haw ?

Il regarda sa sœur, les yeux ronds, puis eut un rire gêné. Lui-même était tout sauf prêt à défendre quoique ce soit. Ses entraînements étaient nuls, quand ils n’étaient pas complètement inexistants. Il ne savait ni se battre, ni grimper aux arbres — la base de n’importe quel félin du Clan du Tonnerre. Et Nuage de Feuille, à côté de lui…

— Sans doute, oui, mais… euh… il va falloir que tu manges, avant.

Elle était si maigre que même une souris n’aurait pas eu peur, face à elle. Peut-être même qu’un écureuil aurait essayé de la chasser, s’il n’était pas à côté d’elle. Elle faisait tellement peine à voir, il avait si souvent eu de pleurer jusqu’à en vomir, chaque fois qu’il la voyait au loin, chaque jour, et qu’il la voyait un peu plus amaigrie que la dernière fois. Tous les jours, il s’efforçait d’essayer de chasser, de capturer quelque chose pour sa sœur, et lorsqu’il y arrivait, il ne la déposait jamais sur le tas de gibier : il filait en douce vers la pouponnière, se faisant discret pour qu’elle ne le remarque pas, et la déposait à l’entrée. Pour elle, pour qu’elle comprenne qu’il pensait à elle, qu’il était désolé, qu’il fallait qu’elle mange. Mais ça n’avait jamais marché. C’était une sacré idée de merde, se dit Nuage de Glycine. T’es qu’un putain de lâche, t’aurais du aller lui donner directement.

— Attend moi ici, lui dit-il avant de se détourner, sans remarqué qu’elle avait tourné la tête, occupée par autre chose, et ne l’avait sans doute pas écouté.

Il s’enfonça légèrement dans la forêt, juste un peu — de quoi continuer de voir la rivière dès qu’il tournait la tête.
Il fallait que sa sœur mange.
Il entendit deux battements d’ailes : un qui s’envolait, un qui se posait — l’un devant lui, l’autre derrière, sans trop savoir lequel. Et, là, caché dans la brume, illuminé par les fins rayons du soleil qui perçaient les feuilles et se reflétaient sur la neige, il vit un pigeon ramier. Un oiseau imposant, roucoulant comme un chat au printemps, qui ne l’avait pas encore remarqué. C’était la première fois qu’il en voyait un de ses propres yeux, ailleurs que sur le tas de gibier. Lui, il ne fallait pas qu’il le rate.

Il se jeta dessus, sans aucune logique ni méthode, planta ses griffes dans son dos dès qu’il sentit un contact. Oui ! Il l’avait eu ! Par pure chance, mais il n’allait pas s’en plaindre ! L’oiseau battit des ailes, menaça de lui échapper. Nuage de Glycine lâcha un cri étouffé, de peur de le lâcher. C’est qu’il était vif, ce con ! Le pigeon se mit à crier, se débattant comme un beau diable, poussé par l’adrénaline et le désir de survivre. L’apprenti n’arrivait pas à planter ses crocs dans sa nuque, il bougeait trop. Sous ses pattes, il sentait son étreinte se détendre. Il allait lui échapper !

— Petite Feuille ! appela-t-il, en criant un peu trop fort. Merde !

Il avait remarqué avoir crié, mais pas l’avoir appelé par le mauvais nom. Son baptême avait eu lieu il y a quelques heures à peine, il ne pouvait pas se souvenir de tout.
Il tourna la tête en arrière, pour observer sa sœur. Non non non non non elle s’approchait de l’eau. Putain ! Est-ce qu’il devait abandonner son pigeon pour faire reculer sa sœur ?
Il ne pouvait pas le lâcher, il était si fier, bordel. Mais il fallait faire des concessions, pas vrai ? Tant pis ! On s’en fou, de ta fierté mal placée, se dit-il. Ta sœur passe avant tout ! Lâche ce maudit piaf, y’en aura d’autre.

Il regarda ses griffes, les plumes qui continuaient de voler tout autour de lui et de son pigeon, les ailes de plus en plus puissantes de l’oiseau à mesure qu’il se débattait et sentait la liberté s’approcher.

Lâche le, lâche le, lâche le !!
À ce moment là, il se battait plus contre lui-même que contre sa proie.
Et il perdit, lamentablement.

— Petite Feuille ! cria-t-il, plus fort. T’approches pas de l’eau j’ai dit ! Et viens m’aider !

Putain de fierté mal placée. Tout ça pour un pigeon. Il s’en voulait déjà.