Les mots qui s’étaient lentement écoulés de sa gueule avait sonné à ses oreilles comme une ultime menace pour l’autre. Espérait-il réellement que l’autre flancherait ? Pas vraiment. Il avait beau ne pas avoir réellement conscience de la force physique et certaine de l’expérience de l’autre, cela ne l’empêchait pas de penser quelques secondes durant que l’autre pouvait avoir un minimum de courage. Après tout, s’il n’en avait pas une once, serait-il encore là, n’aurait-il pas prit la fuite dès son approche ? La tête haute, le regard transcendant impérialement le solitaire, Nuage des Marais n’espérait qu’une chose venant de ce félin, c’est qu’il franchisse le cap, qu’il ose l’attaquer, porter le premier coup. Serait-il assez courageux pour bouger son immonde corps ? Se sentait-il donc en sécurité, prisonnier entre la fuite et l’affrontement ? Ou bien n’avait-il simplement pas le courage de prendre une décision : fuir ou attaquer. Le long sourire carnassier qu’affichait le visage difforme du chat tigré ne retomba pas en voyant que l’autre ne bougeait pas. Il sentait monter en lui une sorte de puissance, plus le temps passait et plus cette force, cette confiance en lui augmentait, gonflait son cœur, ses veines et ses muscles. Ce semblant d’ascendant qu’il pensait posséder lui donnait la force et la vigueur de continuer, de l’entêtement peut-être aussi. Ni le fait qu’il ne le cherche pas du regard alors qu’il continuait son manège de vautour, ni le ricanement qui sortit de sa gorge ne firent sourciller le jeune. Nuage des Marais avait bien trop ancré l’idée de s’amuser ce soir. Le jeu commençait à peine, il ne comptait pas mettre un terme si promptement à la partie. Il fallait faire durer ce moment, le suspens et l’attente augmentait considérablement le plaisir qui découlerait de la situation.
« Tu comptes m'attaquer ou alors attendre que je meure d'ennui ? »
La voix impropre de l’autre matou atteignit les oreilles de Nuage des Marais. Aussi désagréable qu’un grincement et les mots n’atteignant point l’inconfort de ce son, l’Apprenti du Clan de l’Ombre ne sourcilla pas un moment. Les mots du solitaire étaient si dérisoires face au plaisir qu’il prenait à tourner autour de sa proie, à attendre le bon moment pour pouvoir attaquer ou riposter. Le tout avançant comme il le voulait. L’autre avait déjà sorti ses griffes. Pensait-il que ses mots réveilleraient une partie sauvage de Nuage des Marais ? Pas aujourd’hui. Pas maintenant. Solaire, Nuage des Marais ne stoppa pas son action de vautour. Un tour, puis un autre, il repérait ainsi parfaitement les angles sous lesquels les coups pourraient être portés. Si l’autre pensait avoir le contrôle alors qu’il ne prenait pas garde à toutes les possibilités d’offensives, ne serait qu’en ne jetant pas un coup d’oeil sur la position de l’Apprenti, ce n’était pas totalement vrai. Fini les repérages. Nuage des Marais sûr de lui, ne perdant pas de son air suprême, prit un virage plus ample, réalisa un rapide volte-face et heurta le flanc gauche du chat noir suffisamment fort pour le déséquilibrer, mais pas suffisamment pour le faire chuter. Le sourire carnassier sur son visage, n’ayant en rien perdu de sa brillance, Nuage des Marais s’arrêta net en face l’autre, lui offrant un visuel sur ses crocs que ses babines laissaient apparaître et sur ses griffes sous l’action desquelles le sol se lamentait. Une seconde, puis une autre. Interminable temps. Éternelle attente. L’Apprenti patientait, rien ne montrait un quelconque agissement et pourtant, dans sa tête, les manigances étaient claires. Il leva les yeux au ciel, observa un moment les étoiles, sereins. Les ancêtres étaient derrière lui, pas avec ce solitaire. Les solitaires étaient une calamité pour tout le monde, même pour eux-mêmes. Sauvage, se soulevant avec rapidité, dans un silence de plomb, Nuage des Marais sauta à la gorge de l’autre.
HRPG:
Pas très inspirée, je l'avoue. Si quelque chose ne va pas, tu me le diras. Libre à toi de faire réagir ton personnage comme il le veut, dans la limite du raisonnable et sans trucider Marais. :D
L’objectif certain de ce coup était de réussir. Pourtant, l’autre esquiva aussi facilement que la première fois. Un échec de plus. Voilà qui montait le nombre d’erreurs qu’avait commis le tigré à deux. Deux erreurs en l’espace de quelques minutes. Qu’est-ce qu’il clochait ? Pourquoi est-ce qu’il n’arrivait même pas à porter un seul coup à ce félin ? Est-ce que le solitaire prévoyait réellement ses coups ou bien avait-il simplement de très bons réflexes ? Est-ce que Nuage des Marais laissait transparaître les assauts qu’il allait lancer ? Était-il de ceux que l’on qualifiait de trop prévisible, un peu trop démonstratif ? Étoile du Serpentaire ne lui avait jamais fait la remarque, pourtant, il lui en faisait beaucoup. Beaucoup sur sa manière de se comporter comme sur sa façon de mener un combat. Trop naïf, trop jeune encore disait-il. Pas assez rapide, pas assez réfléchi et un peu trop tête brûlé. Pourtant, ce n’est pas faute de préparer maintes et maints plans dans sa tête, d’élaborer un semblant de stratégie avant de passer à l’assaut. Les yeux rivés sur le solitaire qui esquivait coup pour coup ses faits et gestes, Nuage des Marais sentait une colère profonde l’envahir. En colère contre le noiraud, qui était capable de parer ses coups, mais également et surtout contre lui-même, qui n’était même pas capable de porter un coup. Pourquoi est-ce que quelques secondes plus tôt, ses crocs n’avaient pas trouvé la gorge de l’autre ? Pourquoi est-ce qu’ils avaient ripés quelques millimètres à côté ? Se sentant potentiellement en mauvaise posture contre ce solitaire qu’il avait certainement sous-jugé, le novice tigré se retrouva, en bien, mauvaise posture.
« Tu es trop lent, trop bruyant, trop arrogant. Tu fais honte à ta race et tu ne seras jamais un guerrier. »
L’autre avait pris le dessus en un saut seulement. Il avait été capable d’entrevoir le moment précis où il fallait frapper. Il avait ensuite plaqué au sol son assaillant et voilà que Nuage des Marais se retrouvait avec le poids de ce solitaire sur le corps. Si ce n’était que son poids, ses griffes se retrouvaient piles sur sa gorge, menaçant à chaque instant de la lui ouvrir. Ne sachant trop comment réagir, Nuage des Marais passa par une petite phase de réflexion. Quelques secondes seulement, mais durant ces quelques secondes, il ne bougea pas, ne se débattit même pas, comme s’il relâchait toute la pression qu’il avait accumulée depuis leur rencontre, comme s’il donnait la victoire à ce solitaire. Pourtant, son esprit transpirait d’une victoire qu’il voulait. Son corps avait beau prétendre, son esprit lui était conquis par l’idée de reprendre l’avantage. Un sourire voilé entre une monotonie contrôlée, son regard flambait littéralement. La rage de vaincre, de se relever, de réussir à reprendre ne serait que le dessus. Cette même rage qui se mêlait à une envie de ne pas perdre, de ne pas avoir une seule défaite à son actif, de ne surtout pas laisser penser à ce vulgaire chat que le Clan de l’Ombre était faible. Cherchant le bon moment pour agir, l’Apprenti ne bougea pas d’un poil. Observant au mieux son adversaire, il ne bougeait même pas, il ne tentait même pas de se dégager, ce n’était pas le bon moment, trop lent, il avait dit, trop bruyant aussi. Il allait bien voir. Un sourire narquois sur le visage, mauvais, renvoyant toute la haine qu’il vouait à ce félin qu’il ne connaissait même pas réellement, il cracha au visage de ce dernier avant de tenter de se défaire de sa présence d’un coup de flanc et en se saisissant de sa patte gauche entre les crocs, sans oublier de serrer au possible :
« Monsieur le Vulgaire solitaire pense connaître le monde des Guerriers ? Tu devrais pourtant savoir que les solitaires de ton espèce n’arrivent guère la cheville du plus petit des chatons claniques. »
Exhalant d’adrénaline et d’une envie de faire rabattre son caquet à l’autre matou solitaire, Nuage des Marais resserra avec hargne sa mâchoire. Ses crocs enserrant et se plantant dans la chair de sa patte antérieure gauche ne semblèrent même pas atteindre la corde sensible du noiraud. Du moins, c’est ce que l’autre tentait de laisser paraître. Du haut de ses quelques huit-lunes, n’ayant rien vécu de la vie qui allait être la sienne, le novice fut bien incapable de lire les vrais sentiments de l’autre. S’il l’avait pu, s’en serait-il intéressé ? Probablement pas. Concentré sur le moment présent, sur cette tentative de se débarrasser des grosses pattes de l’autre qui écrasait son corps nettement moins imposant. L’autre avait beau être plus lourd, semblé plus âgé et bien plus aguerri, le tigré ne voyait que comme seule issue sa propre victoire. Hors de question de revenir en arrière. Hors de question de s’excuser. Hors de question d’abandonner, de laisser la victoire à l’autre. Un rien sur le visage, comme pour se donner un nouveau regain d’espoir, à travers ses crocs enserrés sur la méprisante patte de l’autre, espérant pouvoir le faire basculer, ne serait qu’un tout petit peu, il laissa ses babines s’étirer en un sourire malicieux. L’envie de faire mordre la poussière plus forte que jamais, ce ne fut pas la patte que l’autre posa sur sa gorge qui lui décolla ce nouveau sourire. Ayant un tant soit plus de mal à respirer, le tigré se concentra pour ne pas lâcher la prise qu’il avait, continuant d’appuyer, atteignant les os de l’autre, laissant quelques gouttes de sang s’échapper. Si sa respiration n’allait pas tarder à devenir sifflante, la haine qu’il avait pour son adversaire d’un soir ne se tarissait pas, loin de là. Porté par la colère, par l’envie de prouver sa supériorité à ce chat débile, à ce sang sale, l’adrénaline n’en finissait pas de faire battre son cœur dans sa cage thoracique.
« Peut être que tu as quelque ressources finalement, mais ne te fait pas d'illusions, tu es encore trop peu entraîné et discipliné pour te confronter à un lieutenant. Maintenant je te conseille de relâcher ma patte, on peut encore arrêter ce duel là sans que je n'ai à te blesser gravement voire te tuer. »
Lieutenant. De tout ce que l’autre avait bien pu cracher, c’est le seul mot qui restait dans l’esprit du tigré. Qu’est-ce qu’il disait ? Avait-il perdu la tête en parlant d’un rang des chats Claniques. Cela n’aurait pas étonné le jeune que le plus vieux soit devenu sénile et raconte n’importe quoi à n’importe qui, mélangeant ce qu’il avait pu entendre du temps où sa cervelle avait été moins atteinte. Le malaise installé dans l’esprit de Nuage des Marais, ce dernier se mit à douter. Il était rare qu’un solitaire connaisse la hiérarchie des claniques. Ils n’écoutaient généralement que les rumeurs stupides des domestiques, celles qui disaient que les claniques mangeaient leur congénère, se faisait les griffes sur les os de leur victime et chassant des proies bien plus grandes qu’eux. Comment pourrait-il alors détenir le terme exact d’un rang ? Le hasard ? Le jeune en doutait fortement. Le sourire malicieux sur son visage s’était quelque peu transformé, sans qu’il n’y soit pour grand-chose. Lui qui était d’habitude une fin hypocrite, prenait beaucoup de peine à installer un masque de neutralité devant cette surprise. À sa connaissance, aucun des quatre Clans n’avaient eu de Lieutenants disparus. Que ce soit du côté du Tonnerre, du Vent ou encore de la Rivière. Depuis sa naissance, il n’avait jamais rien entendu sur un Lieutenant qui aurait mystérieusement disparu ou qui aurait tout bêtement renoncé à sa vie de Guerrier pour aller se perdre du côté des Solitaires. Quel félin clanique normalement constitué renoncerait au Code du Guerrier pour devenir un vulgaire solitaire, ce contre quoi il a lutté toute sa vie, ce pourquoi il a été formaté à haïr tout au long de sa vie. N’osant esquisser un mouvement, il ne laissa pas tomber la patte qui pendait entre ses crocs. L’autre, posée sur sa gorge, faisait son poids et commençait à faire siffler l’air qui sortait plus difficilement de sa gueule. Sifflant quelques mots avec difficultés, avant de tenter de faire basculer l’autre sur son épaule gauche, mêlant tirage de patte entre ses crocs et coups d’antérieur dans le ventre, se voulant jouer sur la surprise :
« Quel pitoyable Lieutenant tu as dû être. Pauvre est le Clan qui t’a vu naître. »