Venin | Etoile Foudroyante

« Ça, ça c'est une technique signée Masque de Serpent... ! » Il l'agaçait, Nuage de Tempête fulminait. Il était sans cesse obligé de montrer à tout le monde à quel point il était en mesure de tout savoir sur tout ? Ce n'était signé de personne.
Nuage de Tempête avait certes apprit les feintes avec Masque de Serpent et les coups de patte avec Arc-en-Ciel, c'étaient ses griffes, ses muscles, qui le menaient à ces actions.

« Joli coup, huff, bien improvisé. » Si cela le toucha, l'apprenti n'en montra rien. Il était encore nerveux et en colère. Il laissa cependant à son mentor tout le loisir de se remettre du coup et se tint sur ses gardes.

Lorsqu'il l'attaqua une nouvelle fois, Nuage de Tempête voulu reculer, mais il fut trop lent. Le coup le heurta de plein fouet et le fit grimacer et tituber sur le côté. Cependant, il ne perdit pas en palabre et répliqua aussitôt.
Ses membres eurent un peu de mal à suivre le mouvement, eux auraient eut besoin d'être ménager après le coup. Il bondit vers son mentor, profitant que la patte qui venait de le frapper sous à peine poser pour envoyer sa tête contre son épaule de toutes ses forces. Il voulait le faire tomber.

Son corps se contorsionna légèrement pour lui permettre de mener son attaque à bien.

Il aurait aimé pouvoir complimenter son rebond à l'apprenti, sa persévérance de s'adapter à la cadence de leur bataille ou de leurs conversations, mais trop d'enthousiasme (ou trop de colère) firent rater un toutefois joli coup à Tempête. Il tenta un nouveau bélier à l'épaule du bengal, mais en torsadant son corps, sa longue queue suivit le geste et le fit pivoter sur son axe, déviant l'angle d'attaque. Étoile Foudroyante souleva ses pattes arrières pour se tourner sur celles d'en avant histoire de faire face à son adversaire.

Il se retrouvait bien embêté.

Devait-il l'encourager à tenter de nouveau - à aller au delà de son échec? Devait-il lui ordonner au contraire de s'arrêter, d'exprimer sa frustration avec la voix? Il avait pensé que leur petite bataille se serait aussi faite dans les mots, qu'ils auraient pu converser en même temps, mais depuis le lancement des jeux son apprenti s'était complètement fermé à lui... Agacé, Étoile Foudroyante battit l'air d'une oreille.

— Okay, changement de programme — lève-toi. Présente-moi tes pattes.

Peut-être que le lancer trop tôt dans des jeux de jambes et de parades de corps avait été une erreur. Peut-être que tout ce que désirait vraiment Nuage de Tempête était d'entraîner sa force brute. Le bengal renversa son poids vers l'avant, s'arc-boutant dans la neige et le tapis de feuilles mortes en dessous, avant de l'envoyer en arrière. Il se souleva sur les postérieurs et du haut de toute son échine, mais plutôt que d'envoyer le gros de sa masse sous la forme d'un plaquage, il présenta à Tempête ses propres pattes, écartant les phalanges.

— Saisis-toi des miennes et fais-moi tomber.

Il avait vu des renards mesurer leur force de la sorte, entrelacés dans un foxtrot à tenter de s'intimider mutuellement de leurs bouches grandes ouvertes. Celui qui tombait perdait — un bon exercice pour quelqu'un qui semblait s'obséder à faire de même avec lui.

" Okay, changement de programme — lève-toi. Présente-moi tes pattes. " Il était agacé. Tempête faisait mal, sûrement. Il grimaça légèrement, agacé lui aussi. Il s'en voulait, sa colère se retournait contre lui, son incompétence le faisait souffrir.

Il ne discuta cependant pas les ordres de son mentor et posa légèrement son arrière-train sur le derrière de ses cuisses pour redresser son corps sans tomber, relevant ses pattes. Il présenta ses coussinets à son grand-père, détournant le regard, dépité.
Foudre se redressa également sur ses pattes, mais contrairement à Tempête, il se hissa sur ces dernières. Il releva également les pattes en écartant les doigts. Nuage de Tempête reposa les yeux sur lui, perdu.

" Saisis-toi des miennes et fais-moi tomber. "

Le jeune chat l'observa, hésitant, un instant. Il ne comprenait pas le but de cet exercice- Cependant, Tempête n'avait jamais été du genre à discuter les ordres, au contraire. Il imita donc son grand père et tendit ses pattes arrières pour joindre les avant aux siennes. Il ne parvint pas à entrelacer ses doigts aux siens, ses palmes le gênait. Le rappel de leur présence le fit grimacer, mais il ne s'en plaint pas.

Timidement, il commença un peu à forcer avec le poids de son corps, mais il était loin d'y mettre toute sa force ou toute sa volonté. Visiblement, il n'arrivait pas à comprendre l'intérêt d'un tel entraînement.

Si Nuage de Tempête ne broncha pas au changement de programme, la tâche ne lui fut pas facile pour autant. Aujourd'hui, son obstacle fut les palmes à ses pattes. Étoile Foudroyante et lui grimaçèrent de concert - le premier claqua de la langue, se saisissant des pattes de son apprenti pour les guider vers le creux de ses épaules - retenant un frisson lorsque les griffes de Tempête frôlèrent sa peau cicatrisée -. Il fit de même au creux des siennes, tâtant la force de ses avant-mains versus celle dans les arrières de son apprenti.

Deux renards figés dans leur lutte.

— --Mieux.

Tu sens toute cette surface? Tu sens mon coeur battre derrière? Ce qui me fait vivre?

Sa queue balaya la neige, d'abord pour marquer une pause, puis pour se soulever, lentement, à l'horizontale derrière lui.

Il la fit s'onduler.

— Cramponne-toi--

Elle claqua au sol - les muscles de ses avant-bras se tordirent sous son poil et ceux de ses cuisses se gonflèrent, l'envoyant se percuter sèchement au poitrail de l'apprenti en grondant à l'impact.

Doucement, Etoile Foudroyante vint guider les pattes du jeune apprenti sur ses épaules, contre sa peau meurtrie par d'anciennes querelles, contre son poil bien entretenu. Tempête ne retint pas sa grimace, déconcerté. Il sentant, sous ses doigts, l'afflux sanguin, la légère chaleur et puis, les muscles de son mentor. C'était une sensation étrange.

« --Mieux.

Tu sens toute cette surface ? Tu sens mon cœur battre derrière? Ce qui me fait vivre ? » Foudre avait poser les pattes au même endroit, en miroir. Tempête n'était pas à l'aise, il s'apprêtait à répondre, cherchant ses mots, mais il n'en eu pas le loisir. « Cramponne-toi-- »

Nuage de Tempête accusa le coup. Il ne s'était pas spécialement préparé, au final, trop occupé à s'étonner de cet exercice, trop occupé à regarder son malaise. La force de son mentor le surpris et il recula, le corps pencha dangereusement vers l'arrière. Il tenta de se rattraper, agita ses pattes arrières, mais il ne parvient qu'à se projeter un peu plus violemment au sol.
Dans un hoquet sourd, il grimaça de douleur, plissant les yeux et fronçant le museau.

Si son mentor le lui permettait, il se glissa sur le flanc, le souffle court. Il secoua la tête, se redressa en s'ébrouant et puis, il jeta un regard ardent de détermination sur Etoile Foudroyante.

« Je n'étais pas prêt, je crois. On recommence. »

Ce n'était pas faute de lui avoir dit de se cramponner. Même sans élan, la force et l'expérience du bengal écrasèrent l'apprenti qui s'était laissé distraire. Il se doutait que Petit Serpent ne l'avait pas attaqué en lui retournant sa masse, mais la lui faire ressentir, lui faire ressentir tout son corps ployer à un autre plutôt que démener le sien contre l'écorce d'un tronc d'arbre lui semblait essentiel à l'apprentissage des arts martiaux. Nuage de Tempête recula, tenta de chercher un appui d'une patte arrière, mais le mouvement l'envoya basculer et le pauvre retomba sur le dos, dans la neige, le souffle coupé.

Sans plus de force opposant la sienne, Étoile Foudroyante bascula plutôt vers l'avant, retombant sur ses pattes. Il s'empressa de pencher la tête et de s'approcher en craignant d'avoir blessé l'apprenti (plus que dans son ego). Mais contre toute attente, l'apprenti pivota sur un flanc, se secoua, se hissa sur le coude et rendit au bengal l'intensité d'un regard enflammé.

Mieux encore: le son de voix.

— Je n'étais pas prêt, je crois. Puis: On recommence.

Étoiel Foudroyante revoyait tout ces entraînements martiaux avec Nuage de Ciel où il lui faisait recommencer et recommencer l'exercice. Que Nuage de Tempête prenne lui-même la décision de le faire l'emplit presque de fierté.

— À la bonne heure ♫

Il chassa le sentiment de son oreille poinçonnée, puis reprit position, sans appui sur autrui, laissant plutôt à Tempête tout l'espace de se relever et de prendre un élan.

— Donne tout ce que t'as!

« À la bonne heure ♫ » Foudre arborait toujours cet éternel air ravit qui aurait put énervé un peu plus Tempête s'il n'était pas tellement focalisé sur le fait de gagner. Sa colère le motivait et lui brûlait le ventre et la frustration le poussait à réattaquer.

« Donne tout ce que t'as ! » Une fois debout, en position, il n'attendit pas plus.

D'un rebond, il se dressa sur ses arrières pour laisser ses pattes avant, de tout leur poids, retomber sur les épaules de son mentor. Il sentit un instant la solidité de ce dernier, eu l'espoir de le faire chuter, mais rapidement, ce corps se déroba sous lui. Il le sentit le réceptionner et puis, le Nuage finit une nouvelle fois au sol.
Son flanc acheva de tracer de larges sillons dans la neige, faisant grimacer Tempête autant de froid que de douleur. Il aurait dû se relever, immédiatement, attaquer de nouveau, mais tout son corps se crispa.

Il serra la mâchoire à s'en briser les crocs, sentit une douleur aiguë envahir sa tête, son crâne. Il n'en pouvait plus, bouillonnait de rage. Il n'arrivait pas à comprendre ce qui clochait chez lui.

Et, toujours au sol, sans bouger, il sentit l'âpre sensation des yeux qui brûlent, et puis, sous ses paupières closes, des gouttes se frayer un chemin à l'extérieur, sur ses paupières. Il gronda de frustration, se recroquevilla sur lui-même et enroula sa queue gonflée sur sa cuisse. La neige fondait sur son pelage, le rendant tout humide.

Il était ridicule, faible et ridicule.

Et à cet instant, il ne pensa pas un seul instant au regard de Foudre.

Cette fois serait la bonne, s'était-il dit, grappillant l'espoir naïf qu'un élan aurait pu fournir à son apprenti suffisament de force pour le surprendre et le faire ployer. Nuage de Tempête s'était redressé, se mettant en joue, affrontant son foxtrot du sien. Ses deux pattes se heurtèrent aux os dans les épaules du bengal, qui serra les dents, momentanément surpris. Mais c'était un coup de chance - un retour de lumière où la flamme brillait à son plus fort avant de s'éteindre. En effet, tout le tonus dans les pattes de son apprenti s'épuisa, et à nouveau il chuta dans la neige, immobile, aussi inerte que le pauvre mulot qui n'attendait qu'à être mangé, adoptant la même position foetale.

Contrairement à Nuage de Tempête, cependant, le mulot, lui, ne pleurait pas. Étoile Foudroyante grimaça légèrement. En détournant la tête, il s'assura que leur précédente lutte n'ait pas été un spectacle pour le va-et-vient des guerriers venus chercher des proies à la pile. Ceci fait, il sen retourna vers l'adolescent recroquevillé sur lui-même, miroir à son mulot intouché, et, sans le mot, s'approcha d'eux deux pour laisser tomber son arrière train et s'asseoir à leurs côtés.

l'encourager? L'injurier? Le féliciter de son effort? Toutes les avenues possibles lui semblaient fabriquées (quoique qu'est-ce que sur lui ne l'était pas?) alors tout ce qu'il trouva à faire, vraiment, fut d'onduler sa queue dans la neige afin d'offrir un maigre petit contact de celle-ci contre le corps de son apprenti. Sans le regarder - ou plutôt, en lui donnant toute la pudeur de s'exprimer sans se faire épier, il lui souffla:

— T'en fais pas... Si tu pleures, c'est que tu en as besoin.

Il aurait put - aurait dû ? - sursauter en sentant le contact chaud et réconfortant de son mentor contre lui. Maigre contact, seulement le bout de sa queue, mais sa chaleur corporelle dénotait tellement avec la fraîcheur gêlée du reste de ce qui l'entourait qu'il s'en impregna tout entier. Nuage de Tempête n'avait plus besoin de s'offusquer à la moindre remarque, il avait besoin de se réfugier sous la protection de quelqu'un qui saurait trouver les mots.

« T'en fais pas... Si tu pleures, c'est que tu en as besoin. » Ce n'était pas spécialement le fort de Foudre.

Le jeune adolescent rouvrit les yeux, comme surpris par la voix de son mentor. Il cessa un instant de serrer les dents, de pleurer. Un peu idiot de s'être emporté, il se redressa en poussant sur ses pattes avant et il se retrouva assit dans la neige, pas très loin de son grand-père. Très près, même.

Son museau pointa vers le bas, les oreilles basses, et il plissa les yeux. Il profita de ce cesser le feu temporaire entre ses larmes et lui pour répondre à Foudre sur un ton hésitant et las.

« J'm'en fiche d'en avoir besoin... C'est-... Je fais de mon mieux, en fait, je te le jure. Je fais vraiment de mon mieux ! Mais quoi que je fasse... Que ce soit pour grimper aux arbres ou ne pas revenir en sang au camp, quoi que je fasse, c'est systématiquement de la m-... Un échec. » Il se mordilla les babines, nerveux, alors qu'il voyait déjà ses pattes se brouiller sous l'afflux nouveau de cette tristesse frustrée.

Il se leva subitement, détournant le regard, comme pour se cacher de son mentor, qu'il ne le voit pas s'humilier d'avantage avec ces effusions d'émotions.