On connait la Chanson (Luciole) - end

Bon.

Finalement, toute cette danse n'aura servie à rien.

Tonton fronça les sourcils. Est-ce que cette chatte avait seulement compté l'écouter pour de bon à un quelconque moment, où avait-elle décidée qu'il était coupable dès l'instant où leurs regards s'étaient croisés?

Ça n'était pas vraiment... Surprenant. Les chats des clans étaient ainsi. Plus prompts à vous sauter dessus qu'un monstre lâché à toute balle sur l'autoroute. C'était tout de même curieux - ils se plaignaient sans cesse du manque de nourriture, de plantes médicinales, de ressources... Et bondissaient quand même à la gorge du premier venu, multipliant les chances de blessures.

C'était incompréhensible.

Même les Hommes ne se comportaient pas comme ça. Qu'est-ce qui avait bien pu se passer, dans l'histoire commune de ces habitants de la forêt, pour qu'ils n'agissent plus comme des chats?

Et, surtout, comment diable arrivaient-ils quand même à mettre au monde des claniques plein de bon sens, comme Lueur d'Espoir ou Grenouille? Dans un tel environnement, baignés dans les mensonges de la loi de la jungle, comment avait ils réussi à éviter de devenir aussi belliqueux que leurs pairs?

Ces questions existentielles, il allait devoir les mettre de côté - Maintenant que l'heure n'était plus à la discussion, Tonton devait décider de la marche à suivre. La fuite était toujours une solution. Quand on croise un chat qui vous cherche des noises, en ville, c'est d'ailleurs souvent la meilleure solution. Tout le monde s'en tire pour vivre un autre jour, pas de bobos, pas de risques inutiles...

Et pourtant, Tonton s'entend dire :

"Vous n’êtes jamais fatigués, vous autres, de traiter le monde entier comme un ennemi?"

Le ton sec et les oreilles en arrière, c'était à son tour de montrer son agacement.

La tension retombait. Puis remontait. Puis retombait. Ça commençait à vraiment faire vriller les nerfs de Tonton, et il aurait adoré s'énerver, mais d'entendre Luciole affirmer qu'il n'était pas un ennemi à ses yeux avait au moins le mérite de la placer au dessus des Queue de Babouins et autres excités claniques. C'était toujours ça de prit.

"C'est que j'ai eu pas mal de mauvaises expériences, avec ceux des Clans," avoua-t-il d'un ton un peu plus posé. "Désolé."

Un nouveau choix s'offrait à lui, porté sur un plateau par Luciole des Bois - avouer qu'il était effectivement venu plusieurs fois et s'était entretenu avec Grenouille en de nombreuses occasions, ou continuer à s'entêter dans son mensonge. Ou fuir, fuir était toujours une solution possible.

Sauf que Tonton n'avait pas envie de courir. Et, quelque part, il commençait à vouloir croire que Luciole n’attirait pas davantage d'ennuis à sa protégée. C'était sa camarade de clan, ça avait l'air de vouloir dire quelque chose.

"Tu as raison, ça n'est pas vraiment ma première visite. J'ai croisé Grenouille quelques fois, mais je n'ai jamais chassé chez vous." Il se lécha les lèvres, un poil mal à l'aise. "Et... Je me suis un peu écharpé avec un de vos guerriers... Queue de Babouin. Lui non plus, n'avait pas aimé me voir trainer près de chez vous."

Il aurait aimé dire que Babouin avait regretté son agressivité et qu'il était tombé sur un os, mais ça n'avait vraiment pas été le cas. Il s'en souviendrait longtemps, de cette escarmouche, elle lui avait coûtée son précieux trésor... Et l'avait fait rencontré Rusty. Un mal pour un bien. Peut-être qu'il devrait demander à Luciole de remercier Babouin, finalement.

Au lieu de ça, il bredouilla, "Grenouille va avoir des ennuis?"

A cause de moi...?

C'était...

Pas si grave, alors?

Luciole des Bois n'avait jamais semblé complétement hostile, à bien y réfléchir. Un peu trop tatillonne, peut-être, et sérieuse et professionnelle, sans doute, mais... Elle s'était détendue. Finalement, elle n'attendait de lui qu'une chose, qu'il arrête d'essayer de la balader. Ce genre de chose, Tonton pouvait déjà plus le comprendre que l'agressivité des claniques. Et le respecter, aussi.

"Je n'aurais pas du essayer de cacher des choses, mais j’admets... Que je ne sais pas toujours sur quelle patte danser, avec les chats des clans."

Il n'était pas le seul - Que ce soit Rusty ou les chats du voisinage (la Tribu, les chats errants ou les domestiques), tout le monde craignait de tomber sur certains excités de service qui exigeaient qu'on respecte la façon dont ils avaient parcellés la forêt. Ça rappelait à Tonton les gazons bien délimités par des clôtures des Bipèdes. Comment est-ce que des chats pouvaient vivre avec de telles lois...?

Enfin. Petit à petit, ils arrivaient à se comprendre. C'était au moins le cas pour lui et Luciole des Bois. Pas de bagarre inutile aujourd'hui. C'était déjà très bien. Et il était bien rassuré de s'entendre dire que Grenouille ne devrait pas avoir d'ennuis. Quelque part, ça faisait sens - Elle était devenu un 'guerrier', et visiblement, ça impliquait qu'elle avait moins de comptes à rendre qu'avant.

Morte et enterrée, la tension.

C'était définitivement un autre genre de chat, Luciole des Bois. Queue de Babouin lui aurait déjà sauté à la gorge depuis longtemps, et, quelque part, Tonton l'aurait bien cherché. Au lieu de ça, il se retrouvait face à quelqu'un prêt à lui pardonner sa maladresse. Elle allait même plus loin, en s'excusant de ne pas avoir grand chose d'autre à lui dire.

Tonton secoua la tête: Ce qu'elle avait voulu lui dire sur Grenouille lui suffisait bien. Ça confirmait ce qu'il savait déjà, certes, mais c'était rassurant. Il aimait s'imaginer qu'elle arpentait à nouveau son territoire avec son énergie habituelle, flanquée des petits de celle qui l'avait blessée... Ça aussi, il l'avait sût, mais d'apprendre que Grenouille tenait bon dans ce rôle de parent, c'était...

Ça le rendait drôlement fier.

Mais bon, il prétendait toujours être un peu plus détaché qu'il ne l'était vraiment, aussi il se contenta d'une légère courbette :

"Merci, c'est déjà... Très gentil, de m'avoir dit qu'elle allait bien."

Avec un léger rictus, il osa plaisanter :

"Et puis, je crois que ce serait un peu pousser, de te demander de parler d'autre chose. Ce ne serait pas très équitable... Je n'ai pas grand chose de bien intéressant à partager en échange. A moins que ça vous intéresse de savoir que mon ami Rusty a mal au dos, en ce moment. Ou qu'Œil Vert dort beaucoup..."

Il ne savait pas trop pourquoi il se mettait à raconter ça... Il était reconnaissant, pour cette histoire. Et content de ne pas avoir eu à sortir les griffes, aussi. Ça le rendait un peu plus guilleret que d'habitude.

Luciole des Bois eu l'air d'apprécier sa petite tentative de plaisanterie - sans parle de fou rire, elle s'autorisa tout de même un petit rire, qui finit de détendre Tonton. Même si il aurait pu s'offenser de s'entendre dire que sa petite vie n'intéressait personne (pas Luciole des Bois, en tout cas), il n'en fit rien, satisfait à l'idée que cette interaction allait pouvoir se terminer sans bobos. Quelques haussements de voix, ça n'était pas bien méchant, il y survivrait. Et sans s'être fait une nouvelle amie, il était toujours content de pouvoir ajouter des claniques à sa petite liste de chats raisonnables.

Et puis...

Son impolitesse fût pointée du doigt, et Tonton haussa les sourcils. Ah?? Il... N'avait pas dit son nom? Il lui semblait pourtant que les présentations avaient été faites, il avait bien finit par apprendre le nom de Luciole, lui... Peut-être qu'il avait raté l'occasion de se présenter, que le ton était monté un peu trop vite pour que ça arrive organiquement.

Oups. Lui qui se plaignait de la rudesse de ses voisins, voilà qu'il se retrouvait hypocrite, trop bourru pour donner son nom.

"Ah. Désolé," fit-il en inclinant la tête. "Je m'appelle Tonton."

Là encore, il avait une chance de faire rire Luciole. Il avait bien compris que son nom ne sonnait pas très 'Clan'. Ni très 'Chat Errant', en fait. La plupart des chats à qui il avait dit son patronyme l'avaient regardés avec des yeux ronds. Rusty était la seule exception, à vrai dire. Il s'était au contraire étonné d'entendre un nom 'normal'.