[INONDATION] Les nénuphars, ou comment une chatte est tombée du ciel [avec Nuage Nocturne et Le Clan du Tonnerre]

LES NÉNUPHARS NE TOMBENT PAS DU CIEL - Lune 40 - Age 79 L.


Je n’étais pas un chat ni très dégourdi, ni très courageux. Les cris de ce soir m’auraient certes réveillé mais jamais je ne serais sorti de la sécurité de notre camp pour voir ce qu’il se passe dehors. Quand il y a des cris, il y a des dangers ! Hors de questions pour moi. Enfin, le Bec Croisé d’il y a quarante lunes vous aurait rétorqué ça. Mais si l’une de ses filles criaient dehors, il serait sorti voir comment les aider. Et désormais, il y a un changement par rapport au Bec d’il y a douze lunes. Outre le cri de mes filles, détail qui a élargi le besoin de ma survie au besoin de la survie d’autrui, le cri de mon apprenti attribué et neveu, Nuage de Glycine, résonna dans mes tympans. Au quart de tour, je me réveillai et sautai quasiment sur mes quatre pattes, arrachant un râle endormi à Belle Châtaigne contre qui je dormais cette fois.

Lâchant un "Désolé", je me mis à suivre les deux trois autres réveillés comme moi. A la sortie du camp, j’avais cru voir Nuage de Tempête filer, et Griffe d’Ours venait de se précipiter dans la tanière de la guérisseuse. Ce ne sentait pas bon. Mais si on appelait déjà la guérisseuse, c’est qu’il n’y avait plus de dangers, que des blessés. Cela restait grave mais le fait qu’il n’y aura pas plus de blessé était un point très réjouissant déjà. Je suivis donc la piste de mon autre neveu de lait, et à la fin de la course, je découvris une scène qui me ramène des lunes et des lunes en arrière.

C’était l’inverse de notre catastrophe actuel, ce n’était pas l’eau qui nous menaçait, mais le feu. Et un énorme chat noir aux yeux de braise ramenait sur son dos le corps de ma sœur, Regard de Braise, mais sans vie. L’énorme chat noir était un point commun, mais le chat cette fois n’était pas ma sœur. C’était impossible et ce depuis longtemps. Non, le corps inanimé était celui de Nuage de Feuille, sœur de Nuage de Glycine. Le pauvre était en panique et ne savait que crier. Son.. ami ? Rival ? Nuage de Tempête se posta à ses côtés. Comme Panda Roux a l’époque était aux miens. Je restai figé, sans voix, replongé dans le passé malgré moi. La scène était si similaire. À un détail près, infime mais important, tout comme l’était le mouvement de respiration de Nuage de Feuille. Elle était encore parmi nous, et Jolie Rafflésie était déjà occupée sur son cas. Ça allait aller. Ça devait aller. Je me ressaisis. Je ne laisserais pas Nuage de Glycine perdre sa sœur comme moi j’avais perdu la mienne : lors d’une catastrophe d’un élément et ramenée par un étrange grand chat noir. Quoique celui de la catastrophe actuel avait l’air bien moins effrayant, même si sa taille me faisait sentir infiniment petit. Il était lui aussi couché et semblait mal en point. Bon, je n’allais pas rester là à servir à rien. Ma vie était en sécurité, pas les autres. Mes pattes voudront bien obéir malgré la panique générale.

Je passais ma queue sur le dos de mon neveu à la crinière pour lui indiquer ma présence et mon support, avant de croiser le regard de notre guérisseuse d’appoint pour lui promettre mon aide. J’allais courir de retour vers le camp pour aider Griffe d’Ours et Serre de Chouette à transporter tout le nécessaire.

Il allait nous falloir beaucoup de toiles d’araignée.

_{Bec Croisé}
#ffffc (ou blanchedalmond)
Présentation-Carnet

Glycine glissa sa tête contre son épaule. Il sentit la chaleur de ses larmes et de ses yeux s'engouffrer dans son poil court et retint un instant son souffle. Il ne s'était pas attendu à une telle réaction de la part de son rival, mais il ne le repoussa pas. Finalement, il ressentit un pincement au creux de sa poitrine et ce n'était pas la proximité physique avec le félin grisâtre qui le provoquait, mais plutôt la triste constatation de son état.

Du sien, et de celui de la rouquine.

Tout était gelé, autours de lui, même son propre corps, alors il se focalisa sur la chaleur contre son épaule. Il déglutit, ferma les yeux et-

« MAIS AU LIEU DE ME HURLER DESSUS, ALLER VERIFIER SI L’AUTRE LA-BAS EST VIVANT ! ET ALLER ME CHERCHER DE LA MOUSSE ! ET DES TOILES D’ARAIGNEES ! BEAUCOUP ! ET ILS SONT OU MES REMEDES ! OH ! LE GUERRIER AVEC MOI TOUT A L’HEURE ! ELLE EST OU LA PATROUILLE ? FAUT RAMENER LA GAMINE AU CAMP ! » Il avorta un sursaut en contractant chacun de ses muscles. Ses yeux, deux billes bleues de surprise, se posèrent sur la guérisseuse. Un grondement sourd commença à naître dans sa gorge, mais il l'avorta.

Il avait bien une centaine de choses à lui répondre et la rage qui vrombissait dans son regard aurait aimé sortir en une tempête dévastatrice- Mais il songea à Feuille et à Glycine et comme d'autres chats arrivaient un à un, grouillaient autours de lui, il s'abstint.

A la place, il glissa sa joue contre celle de Glycine pour l'interpeler.

« Allez, viens. On va se rendre utile. » Avec douceur, il se détacha de lui pour se retourner. L'accompagnant dans chacun de ses mouvements, il garda le contact avec son épaule. « Des toiles d'araignées, même un empoté comme toi ça doit pouvoir en trouver, non ? »

Ça criait. Ça beuglait, parfois, ça s'engueulait, souvent, mais crier, comme ça, et à l'aide, moins. Il faut dire que les chats du Tonnerre étaient d'un "naturel" bouffis dans leur putain d'orgeuil - quand ça criait à l'aide, c'est que c'était vraiment sérieux. Étoile Foudroyante comme un rocher planté au beau milieu des eaux troubles se contenta d'observer, la démarche légère, le va-et-vient du courant des chats qui allaient et venaient du Clan. Il se saisit de quelques bribes - quelques rumeurs - qui couraient sur l'accident. Et, par déduction, put juger la situation suffisament alarmante lorsque des apprentis se précipitèrent direction l'herbier de leur guérisseuse d'emprunt et l'apprentie qu'elle formait. Au vient du va, Étoile Foudroyante suivit simplement le mouvement de masse, qui mena inexorablement ses pas à un capharnaüm d'une blessée, qu'on extirpait des lieux, de nénuphars (?) et le gros corps noir et smoke tout droit sorti de ses propres souvenirs.

Les yeux ronds, triant chacune des informations, qui, pour l'instant faisaient leur sens ("Nuage de Feuille était tombée du ciel", "On dit qu'un hibou l'a arrachée de terre", "aurait du mourir", "à l'aide", "cherchez de la toile"), deux le firent piler net et plisser les paupières, parfaitement interdit quant à la façon de les imbriquer ensemble. Car il entendit "Il y a un chat de la Rivière!" "Il a nagé de l'autre côté" "il a dû la repêcher" "Oh, ils sont tout détrempés...", et tout en même temps fit face au sauveur, son corps, sa respiration rauque, et son inconscience (dans tous les sens du terme...).

— ... Cyanure?

Mais dans le Clan du Tonnerre il n'y avait presque plus aucun chat pour reconnaitre ce nom - ni celui d'Eos, ni celui d'Esther, ni celui de Sareth, ou de la vieille folle de Krov. En fait, sa propre interjection le surpris, car la dernière fois qu'il avait mentionné le nom de cette charmante ordure, eh bien...

Il était passé de l'autre côté.

Mais la voix de Taupe, Taupe, Taupe lui souffla ce qui était juste; lui souffla qu'il n'était pas un ennemi, et bien qu'il n'était pas du genre à croire les Étoiles (surtout celles qu'on lui avait apprêtées, belles et gentilles et pleines de Pardon), la vie de la toute petite chatte rondouillette était lourde dans sa poitrine, et pesa son argument.

Étoile Foudroyante sortit de sa torpeur. Tandis qu'on s'affairait à s'occuper de la blessée, il battit d'une patte le chemin d'un sale nénuphar, se la secoua, et fit signe du menton à un tandem de guerriers de l'aider à soulever le sauveur afin de l'emmener, lui aussi, à l'antre de leurs guérisseuses. C'était la moindre des choses, alors après un autre regard perplexe sur l'énergumène, Étoile Foudroyante redressa haute sa queue, sur-visible à ses camarades, et s'exécuta.