[[innondation] Oh non pas toi ! FT. Pie

Il fallait nettoyer, lui avait-on dit. C'était important, pour le territoire, pour qu'il soit sain ! Avait-on ajouter. Nettoyer. Bien, Nuage de Pie laissait cette laborieuse tâche aux autres. Elle ne méritait pas d'avoir l'honneur de sauvegarder son territoire, après tout, c'était une tâche qui se méritait. N'est-ce pas ?

Trottinant comme à son habitude aux alentours du camp, l'air de rien, faisant mine d'être occupée sans vraiment cacher qu'elle tirait aux flancs, la féline se mit à longer la rivière. Elle évitait les flaques de boues, marchait là où la chaleur avait laisser une terre sans herbe et craquelée ou bien, sur les roches, les racines.
Nuage de Pie ne se salissait jamais les pattes, jamais. Elle avait horreur de ça.

Bientôt, sa promenade l'amena non loin d'un endroit particulièrement infâme. L'odeur de poisson mort et de vase la prit à la gorge, lui arrachant une grimace dégoûtée. Elle comptait repartir aussi sec lorsque son regard se posa sur une petite boule de poil et de boue qui semblait essoufflée, un peu plus loin.

Un sourire naquit sur ses babines et la féline sut immédiatement quoi faire pour passer le temps. En quelques habiles foulées, elle se retrouva derrière sa sœur, à une distance raisonnable. Elle ne se risqua pas de la rejoindre, restant bien au sec sur une roche légèrement humide, mais un peu chaude.

« Mais quelle est cette odeur horrible ?! » S'exclama-t-elle. Une patte couvrit son museau et son sourire moqueur. « Oh ! Mais ce n'est que toi... »

Elle pencha la tête sur le côté, muée par un rictus doucereux, elle plissa à peine les yeux avec ce mépris hautain dont seule elle avait le secret.

« Tu feras attention, chère petite sœur, tu couvres l'odeur du poisson mort ~ ! »

« Oh mais qu'entends-je ? La croissement d'un corbeau enroué... Ah non c'est que toi Pie... » Nuage d'Araignée força Pie à se pencher, peu à peu, sur son rocher, pour tendre l'oreille. Sa voix s'essouffla dans un murmure craintif, mais la chatonne marbrée avait néanmoins eut le temps d'en saisir le sens.

Elle redressa son buste et posa sur sa sœur un regard interloqué, surpris. Ses sourcils se haussèrent, puis se froncèrent. Elle avait bien entendu ? Araignée tentait de lui répondre ? C'était du jamais vu !

Et son sourire moqueur lui revint bien vite. Elle poussa un ronronnement de jubilation et se glissa tout au bord du rocher, s'allongeant en glissant ses pattes avant sous son poitrail pour se pencher un peu.

« C'est tout ce que tu as trouvé à me répondre, ma pauvre ? » Elle gloussa, mauvaise et se redressa en chassant d'un geste de la patte les paroles d'Araignée, comme si elles étaient insignifiantes. « Voyons, ma belle, fais un effort ! Ce n'est pas difficile... Ou bien, c'est parce que tu n'as rien à attaqué ? Hi hi~ Tu sais, ma belle, c'est comme ça que l'on évite les ennuis, en étant irréprochable ! Tu y songeras la prochaine fois qu'il te viendra l'idée de te rouler dans la boue ! »

Et elle rit une nouvelle fois. Oh, il lui manquait un public pour l'encourager... Depuis peu, elle trouvait Lune ennuyante et aucun chat de la Tribu ne partageait son goût de la mesquinerie. Ils étaient tellement ennuyeux avec leurs hypocrites bonnes intentions ! Ce qu'ils pouvaient l'agacer. Ils étaient comme sa sœur, ils pensaient valoir mieux qu'elle, les donneurs de leçons.

Elle s'allongea finalement sur le flanc, profitant d'un peu de soleil pour laisser son ronronnement terriblement sonore s'épanouir.

« Comment vas-tu te laver, dis moi ? Tu ne compte quand même pas lécher... ça ? » Et elle pointa le bout de sa patte vers sa soeur dans une grimace dégoûtée.

Si Nuage de Pie s'était attendu à ça !

Elle observait sa sœur, triomphale, convaincu de sa victoire. Son regard hautain la surplombait, elle profitait du soleil et se délectait d'avoir mit Araignée en déroute.
Elle l'observa avancer vers elle, certainement pour fuir cette conversation trop dur. Elle était pitoyable, sale, les oreilles basses. Elle s'avouait vaincu, Pie en était convaincue. Tellement sûr d'elle qu'elle ne vit même pas sa soeur bondir, ou du moins, bien trop tard. La boule de poil atterrit sur elle de tout son poids, dans un bruit mat.

La bicolore tenta bien de fuir, mais dans la panique, et trop tard, elle se retrouva sur le flanc, sous sa sœur. Ses poils se collaient au sien et elle rouvrit les yeux qu'elle avait fermé au moment du choc. Elle ne s'était même pas rendu compte du cri aiguë qu'elle avait pousser.

« Comment ? Bah...euh...de... de la même manière ...que...que...que toi... je suppose ? » Il y eut comme un instant de flottement. La jeune chatte observa sa sœur, un instant, glissa les yeux sur ce pelage contre le sien.
L'odeur lui prit au nez. Violence comme un coup de patte.
Une grimace horrifiée déforma ses babines alors qu'elle vit la crasse dont été recouverte sa sœur se glisser sur elle. Elle poussa un second cri étouffé et poussa sur ses pattes, contre la roche, pour se traîné en dehors de son sillon. Elle n'arrivait même pas à se lever, dans la panique, et l'humidité nouvelle du rocher la faisait glisser dans un surplace un peu idiot.

« DEGAGE !! » Hurla-t-elle, hystérique. « BOUGE TON ENORME CUL DE LA SALE IDIOTE OU JE LE DIS A MAMAN !! BOUGE !! » Et elle y alla à coup de patte, maintenant, vers Nuage d'Araignée, pour se dégager. Elle ne sortit pas les griffes et n'était pas bien puissante, négligeant ses entraînements.

Nuage de Pie sentit sa sœur, progressivement, se raidir. Son poids l'aidait à la maintenant là où elle était, mais Pie était souple et assez menue. Elle se glissa, peu à peu, en dehors de son giron. Poussant sur ses pattes, glissant sur le flanc, elle parvint à se dégager et elle glissa, roula, en bat de la roche.
Essoufflée, elle maintenait sa gueule entrouverte et l'odeur qui lui collait maintenant au poil s'y engouffra.

« N'en....N'en parle pas à maman Vent ! » Chouina-t-elle.

Elle ose geindre ?! Folle de rage, le souffle court, Pie redressa un peu le haut de son corps de ses pattes avant. Les yeux écarquillés, elle sentit une émotion étrange l'envahir. Des picotements partout, elle ne sentait plus ses pattes. Son champ de vision s'étriqua, il lui sembla qu'elle voyait incroyablement mieux et en même temps, elle voyait trouble.

Brusquement, elle bondit en faisant volte-face. Elle glissa un peu sur la roche, manqua de tomber et se rattrapa aussitôt. Elle leva une patte sans griffe et l'abattit dans une gifle puissante sur sa boule de poils de sœur.
Ses coussinets lui firent mal, elle grimaça. Aussitôt, l'émotion retomba et elle sentit des larmes venir aux coins de ses yeux. Elle détestait en venir aux griffes, ça ne lui était jamais arriver auparavant.

« Idiote ! Je déteste la violence ! J'espère que tu t'en tiendra à ça ! » Couina-t-elle de sa voix aigüe, trop aigüe, rapide. Elle secoua sa patte, grimaçant et elle ravala sa rage et ses larmes. « Je ne le dirais pas à maman, petite peste, mais n'ose même plus jamais m'adresser la parole ! On est plus sœurs ! » Ses mots étaient hachés, puissants, sa voix tremblait.
Aussitôt, elle se retourna et bondit en bas du rocher. Elle voulait fuir, loin, s'en aller. Elle sentait qu'elle allait craquer, pleurer toutes les larmes de son corps. Mais jamais elle ne le faisait en public.

« Non toi t'es plus ma soeur ! De toute façon tu l'as jamais été ! T'as toujours été trop méchante et cruelle avec moi ! Ouin OUIN OUINNNNNNNN ! »

Quelle petite capricieuse ! Songea Pie sans se retourner. Elle prenait les pattes à son cou, sans courir, et elle entendit sans difficulté les sanglots de sa sœur. Elle aurait pu s'arrêter, s'excuser auprès d'elle, désamorcé ou bien, lui envoyé une nouvelle vacherie, mais elle ne fit rien de tout ça.

Nuage d'Araignée pensait que, parce qu'elle était la plus fragile, elle avait tous les droits. Toujours à embêter leur mère trop occupé pour accorder efficacement de l'attention à chacun de ses enfants, toujours à pleurer à la moindre occasion, à faire étalage de sa fragilité. Elle avait ce droit là, Araignée, que Pie pensait ne pas avoir, le droit de ne pas lutter contre ses sentiments, le droit de ne pas essayer d'être forte, de s'en sortir seule.

Qu'elle ne soit plus sa soeur, tiens ! Cela ne serait jamais un sacrifice pour elle. Nuage de Pie était mieux seule et il lui restait Lune, de toute façon.
Et si un jour il prenait l'envie à Lune de changer de camp, tant pis ! Nuage de Pie pouvait vivre sans sœur, sans mère, sans personne.

Chacun de ses pas étaient un coup porté à la terre, rageusement, furieusement. Elle frappait le sol, les dents serrées et les yeux plissés. Autours d'elle, tout n'était que tâche de couleur informe. Elle ne pouvait même pas essuyé ses yeux sous peine de les salir.

Non, Nuage de Pie ne se retourna pas. Pas une seule fois.

Elle n'avait pas besoin de le faire.

Elle était forte seule,

toute seule.