Chouette, j’suis perdu || Nuage d’Escargot - end

Le chat tout gris à la queue cassée prit la fuite, laissant Petite Glycine tout seul. Vraiment, vraiment tout seul. La créature volante de l’arbre était partie, et l’ennemi-chat aussi. Assit par terre dans un petit trou d’herbe entouré par un parterre de feuilles, il continuait de pleurer, sa patte qui lui faisait mal levée pour ne pas toucher le sol. Que pouvait-il faire d’autre, de toute façon ? Rentrer chez lui ? Il ne savait même pas dans quelle direction c’était, la maison.

Il se mit à crier très fort, parce que la sensation de solitude la plus totale lui faisait terriblement peur — pas autant que le chat, mais quand même. Il voulait être trouvé, et faire du bruit, c’était une bonne façon de le faire. Il ne vit ni n’entendit pas le nouveau venu qui s’approchait d’elle, et quand une patte lui toucha le dos, Petite Glycine était persuadée que le méchant était revenu. Il n’avait pas oublié son premier avertissement alors, se retournant d’un coup, il claqua des dents et les referma sur la patte de l’inconnu. Mais même malgré les larmes qui lui brouillaient la vue, la morve qui lui bouchait le nez, il aurait reconnu cette odeur entre mille, parce que c’était son papa.

Alors il relâcha sa prise, sans même se rendre compte qu’il venait de mordre son propre père, et se précipita tout contre son père en boitillant. Il était là ! Il était vraiment là, il était venu comme la dernière fois avec Petite Feuille pour le sauver. Aujourd’hui, Petite Glycine ne deviendrait pas une souris. Masque de Serpent le questionna sur ce qui avait pu se passer, si quelqu’un l’avait touché, alors il se mit à brailler :
— C’est un méchant il- il m’a frappé trop fort !! Il m’a fait mal, là ! Les oreilles basses et l’air malheureux, il se mit à lécher l’épaule qui avait été frappée. C’était un géant tout gris et- snif, sa queue elle était toute bizarre elle était cassée ! Il voulait me manger comme les souris.
C’était sa façon de dire qu’il était persuadé que l’inconnu voulait le tuer. Mais heureusement, son père avait empêché le pire.

La fatigue le frappa comme la foudre avait frappé son grand-père avant sa naissance dès qu’il se sentit en sécurité, lové contre son père. À chaque coup de langue sur sa tête, ses sanglots s’apaisèrent, comme si en plus de nettoyer son pelage, son père nettoyait son cœur et se débarrassait de tous ses tracas. Sa patte lui faisait mal quand même, mais un peu moins qu’avant. Quand il se mit à ronronner très, très fort, il se sentit plus calme, plus détendu, et la douleur se calma d’autant plus.

Masque de Serpent lui expliqua qu’ils allaient bientôt rentrer à la maison, qu’il allait bientôt revoir tout le monde : sa mère, sa sœur, Source, et tous les autres. Ça avait du faire une heure, tout au plus, qu’il avait disparu, mais il avait l’impression que ça faisait une éternité. Petite Glycine renifla et, après avoir hoché la tête, se contenta d’un « haw » approbateur. Il aurait aimé avoir l’air plus enthousiaste, mais il était juste tellement rassuré et fatigué qu’il n’en trouva pas la force.

Puis il vola à nouveau, ses pattes décollant du sol sans prévenir. Mais cette fois, c’était différent. C’était doux, et réconfortant, et familier, aussi. Par réflexe, il se recroquevilla sur lui même, la queue entre les pattes, les yeux fixant le vide. Petite Glycine se sentit tomber de sommeil, bercé par les pas pressés de son père sur le chemin du retour. Avant de s’assoupir pour de bon, il prit une petite inspiration, et trouva la force d’exprimer ce qu’il avait sur le cœur.
— J’suis content que tu sois venu me sauver, papa.
Il n’aurait pas aimé devenir une souris tout de suite, il avait encore tellement de choses à vivre. Et d’autant plus de choses à raconter à tout le monde à la pouponnière, maintenant. Mais avant toute chose, il avait besoin de repos et, à peine eut-il terminé sa phrase qu’il sombra dans le sommeil.