[Assemblée] Frissons glacés - end

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Il avait été choisi pour représenter son Clan lors de la traditionnelle et fameuse Assemblée. Ses prouesses lors de la bataille face au Clan du Tonnerre n'étaient pas passées inaperçu aux yeux de tous, mais ce n'est pourtant pas avec fierté qu'il portait sa cicatrice à l'épaule, tout droit venue de la novice grise qu'il avait affronté ce jour-là. Il avait pourtant une raison de lever la tête bien haut, et d'offrir à ses admirateurs secrets quelques sourires pleins de charme. Mais il fallait laisser cela aux charmeurs, et autres chats de mauvaise compagnie. Il se contentait alors de porter sa première marque, qui n'était qu'une marque parmi d'autres marques parmi d'autres fourrures parmi d'autres Clans. Finalement, cette petite grimace qui s'invitait sur son faciès lorsqu'il ne prenait pas le soin d'être délicat avec son épaule, ce n'était rien qu'une perpétuelle tradition, dont il renouvelait simplement le cycle. L'éclat qui avait transcendé le regard jaune foudroyant de son géniteur lorsque ce dernier avait appris la nouvelle, alors cela aussi n'était qu'un éclat parmi une multitude d'éclats parmi le regard d'une multitude de géniteurs. Voilà pourquoi il n'était pas fier. En aucun cas cette blessure ne le démarquait de ses camarades, au contraire même, elle l'intégrait à la foule et banalisait la violence dont il avait été choqué de faire preuve. Nuage de Saumon banalisait ce choc même.

Il n'avait plus beaucoup parlé depuis l'affrontement. Le goût rouillé du sang semblait avoir condamné sa gueule, si bien qu'il avait vaguement répondu aux exclamations excités de sa fratrie par de vagues grognements. Et lorsque son nom fut prononcé par la gueule du meneur qu'il craignait tant, il n'avait pas adopté l'expression de surprise et de joie propre aux apprenti-guerriers qui rencontrent leurs ennemis pour la première fois en paix. Il n'avait pas envie de rencontrer ses prochains adversaires, parce que comme lui avait fait comprendre Ciel Orageux -son père-, il ne s'agissait pas de sa dernière bataille et bien d'autres combats l'attendaient.

« Aller file, mon petit gardon, ou tu vas mettre tout le monde en retard. »

La douceur de sa mère contrastait salement avec les idées noires qui traversaient son esprit depuis quelques temps. Le regard entendu du guerrier gris qui avait marié Fleur de Pavot, et ainsi engendré la naissance de Saumon suffit à convaincre le novice qu'il devait se joindre à la troupe de la Rivière, et tâcher de montrer une image correcte de son Clan. Aussi prit-il le soin, durant le trajet, de poser avec délicatesse la patte concernée par la blessure.

Lorsqu'il arriva sur les lieux, il se contenta de se fondre dans la foule. Ombre parmi les ombres, il subit pour la première fois cette impression d'étouffement face à la masse de félins. Gêné par ce sentiment d'oppression, l'apprenti sable se pressa vers les extrémités du rassemblement, quittant ainsi la joyeuse troupe des apprentis de son Clan, encadrée par quelques vétérans. Durant le trajet, il dût donner de l'épaule pour se frayer un chemin, si bien qu'il finit par écraser la patte -ou la queue ?- d'un homologue. Aussitôt, il s'excusa d'un vague : « Pardon. » afin de donner bonne impression.

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La pleine lune valsait joyeusement dans le ciel, aux côtés des étoiles. Nuage d'Automne était folle d'excitation à l'idée de se rendre, comme beaucoup d'autres, à sa première assemblée. Elle n'avait jamais été aussi impatiente de sa vie. Elle allait voir de nouveaux horizons, dans sa petite vie, rencontrer de nouvelles personnes. Elle avait été si fière d'avoir été choisie pour y aller, donc, elle ne visait qu'un unique objectif tout du long de cette soirée : épandre la haine envers la Rivière. Étoile de Suie, l'avait dit, il fallait le faire. Toutes ces histoires lui étaient montées à la tête, et cela sonnait comme du mépris des chats des courants aquatiques.

Sortant la Rouquine de ses pensées, Étoile de Suie ordonna le départ des chats du Tonnerre. Tous obtempèrent, sauf ceux qui n'ont pas été emmenés, qui regardaient partir le cortège, la mine dégoûtée, déçus de rater cette soirée qui s'annoncait croustillante. Les félins se suivirent silencieusement dans la pénombre. Nuage d'Automne était située au centre, et elle n'hésita pas à remonter pour arriver dans les premiers rangs, telle une bonne lèche-botte.
Les Quatre Chênes se distinguèrent à l'horizon, et la femelle sentit le stress lui monter à la gorge, comme si tout le monde allait se retourner sur elle à son arrivée. Elle essaya de prendre une démarche distinguée, qui ne variait finalement pas de sa démarche habituelle : une marche masculine. Le Clan arriva dans la clairière, déjà bondée de monde. Elle sentit une multitude d'odeurs toutes plus étranges les unes que les autres lui arriver au museau, lui montant presque à la tête. Elle se jeta tête baissée dans la foule, prête à discuter avec n'importe qui.

Soudain, ses muscles se crispèrent en sentant une vive douleur dans la queue. Elle avait eu la maladresse la laisser traîner au sol. Nuage d'Automne, énervée, se retourna et vit un mâle clair derrière elle, lâcher un vague pardon. La femelle reconnut tout de suite l'odeur du matou. Un fumet affreux de poisson et de fourrure humide. Ses poils se hérissèrent instinctivement, et elle sentit toute la frustration de la défaite lui monter en elle. Elle feula.

- Ça vous suffit pas de nous voler nos terres, en plus vous venez nous chercher durant l'assemblée, sous les yeux de nos ancêtres ?! Non, mais, t'as pas honte ?!

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Aigue-Marine se sentait de plus en plus nerveuse. Elle voyait des groupes de félins se former autour d'elle, commencer à discuter, tandis qu'elle restait seule dans son coin. Elle avait une attitude de chaton timide et sans aucune confiance en lui - ce qu'elle se reprochait depuis quelques lunes. Elle pensait avoir réussi à se débarrasser de ce trait de caractère depuis la bataille contre le Tonnerre ; et effectivement, on la sentait bien plus sûre d'elle. Cela dit, force était de constater que ça ne l'avait pas encore tout à fait quittée : il lui faudrait encore batailler pour s'affirmer, face aux autres et face à elle-même.
L'ambiance qui s'élevait des Quatre Chênes n'était pas là pour l'apaiser : l'hostilité émanant des Clans du Tonnerre et de la Rivière était palpable, et cela n'échappait à personne, pas même aux deux autres Clans, qui devaient bien se demander ce qu'il s'était passer pendant la dernière lune. Ils le sauraient bientôt, et la discussion entre chefs à venir crispait Aigue-Marine : cela ne sentait rien qui vaille. Pourvu que le Clan des Étoiles ne nous abandonne pas, pensa-t-elle.

« Aigue-Mar...! » La guerrière se retourna et aperçut Nuage d'Écailles. L'apprentie avait été choisie pour venir à l'Assemblée, tout comme Nuage de Groseille, qui ne tarda d'ailleurs pas à sauter sur le poil de son amie. Elle semblait surexcitée, quand Nuage d'Écailles paraissait davantage dans la retenue. Bientôt, les deux minettes furent rejointes par un autre apprenti, un inconnu cette fois. Par son odeur, Aigue-Marine devina qu'il était du Clan du Vent. Ouf, il n'y avait aucune hostilité dans sa voix. La tigrée s'était prise à craindre que des apprentis du Clan du Tonnerre vienne embêter les apprentis de la Rivière, et elle s'était sentie impliquée, comme s'il était de son devoir de les protéger si cela arrivait.
Décidément, la guerrière au poil fourni n'en finissait pas de s'étonner en se découvrant elle-même.

Une fois qu'elle eut vérifié que tout se passait bien pour le trio de novices, Aigue-Marine se retourna et fixa son attention sur le promontoire où se tenaient les chefs de Clans. La discussion ne devrait pas tarder à commencer. Heureusement ; dans le cas contraire, la tension éclaterait en mille morceaux.