Fortuitous Alliance - end

─ Esprit Env-- (Rusty eut un sursaut des moustaches en entrouvrant sa bouche) Non, non, ça c'était le vieux (avant de la refermer sur la tige d'or) non c'est plus du tout à jour ça, non, c'est Envol des Fées maintenant (Rusty sourcillait avec le sourire) tu vois, parce que j'écoute la voix des Étoiles, et qu'Elles me parlent avec les lucioles, et donc, Fée ça convient mieux tu vois, (il baissait les oreilles maintenant) et en plus c'est franchement adorable, tu trouves pas? « Euh » Moi j'trouve que oui. »

Et ceci dit l'Aînée dodelina de la tête comme pour se convaincre de la qualité (?) de l'argumentation (??) de sa tirade (???), confondant l'Abyssin devant qui allait presque avaler des mouches à se tenir ainsi la bouche ouverte. Il eut un clignement des paupières, sortant de sa transe, finissant de trier les informations de la vieille pour claquer ses dents sur la tige et affirmer:

─ « ...Je,  trouve aussi, Madame euh...

Il remit ses yeux sur leur chemin, reconnaissant lui aussi la même souche couverte champignons. La piste sortit toutefois de son noeud puisque Rusty manqua de s'embourber au premier pas en dehors de la boucle.

─ Madame Fée --   ops--!

Trempé jusqu'au coude, Rusty battit de la queue et descendit son poids dans ses postérieurs pour se donner un maximum de pousser et extirper sa patte du trou de boue, masquant complètement le color-point à celle-ci d'une couche fangeuse. Il la secoua vigoureusement avant de renoncer, se relever, et se reculer pour permettre à la vieille de contourner le trou avant de reprendre la tête du tandem.

─ « Vous faites beaucoup mention des Étoiles, madame Fée. Quelle est leur signification pour vous?... Je veux dire.

Et il leva son nez vers le ciel, cette voûte gigantesque aux constellations qu'il ne reconnaissait pas sans les ombres du fond urbain pour le découper. Il semblait si vaste vu d'ici, et les étoiles étaient plus claires, plus vives, le jugeant d'en haut lui misérable petit intrus qui s'était perdu. Il baissa aussitôt les yeux en plaquant ses oreilles sur son crâne, un frisson lui prenant le dos jusqu'au bout de la queue.

─ C-c'est comme les cieux, je,... je manque de contexte.

Après s'être un peu redressé, Rusty interrogea Madame Fée des yeux comme elle n'avait pas répondue avant de comprendre. Mais quel étourdi - bien sûr qu'elle ne pouvait pas répondre! Lui n'avait qu'une tige dans la bouche mais elle avait en revanche tout un bouquet de feuilles autour de sa digitale! Alors à l'entendre grommeler il s'excusa tout bas sur un petit rire embarrassé, et à la voir soudain sprinter dans une direction il s'écarta de son chemin d'un chassé de côté avant de détaler à sa suite.

Et même dans l'obscurité il put voir les pointes piquantes de l'arbre creux, la cachette de Madame Fée, qui s'y précipita à longues foulées pour aller y déposer avec minutie sa charge. Son autre charge, derrière, se freina dans la boue au stop, sa longue queue d'abyssin décrivant un arc raide derrière lui avant de s'assouplir en bout de ligne et redescendre à la hauteur de ses jarrets. Il se glissa ensuite tout près de la vieille pour y poser la tige - et échapper un soupir de soulagement.

─ « BON ALORS. Les Étoiles. C'est simple, kiddo, Elles sont TOUT.
...Kiddo? »

Il eut un mouvement de recul qui le fit tomber sur les fesses, écartant un peu sa tête et pivotant une oreille vers l'extérieur. Les étoiles étaient... tout? L'arbre creux lui parai ssait bien grand, soudain...

─ Tout ce qui existe, tout ce qui t'entoure, tout c'que t'as à manger et que tu penses que c'est ton bipède qui te donne? Na-an, du tout, ce sont les Étoiles, c'est Elles qui veillent sur toi.

Rusty voulut répondre mais de la bouche de Fée suivait le débordement de ses mots: Même si t'es qu'un impie incapable de reconnaître leur gloire, alors bon, en fait, forcément, Elles veillent pas tant sur toi, (Rusty s'abaissa) Elles en ont rien à foutre de toi, (s'écrasa au sol) mais bon, ça peut changer, suffit de Les respecter un peu! (Mais un petit espoir revint.)

Dans les clans c'est ça qu'on fait en fait, tu vois, les Étoiles c'est nos ancêtres, tous les chats valeureux décédés avant nous, et Ils veillent sur nous d'en haut, (il leva le nez) dans la Toison Argentée, c'est leur terrain de chasse tu sais, (plissa les paupières comme pour y voir mieux) Ils s'assurent qu'on manque de rien dans les clans, enfin, quand on les respecte assez, parce que sinon, c'est comme tout, on reçoit pas si on mérite pas.

Mais les Étoiles, Elles nous donnent vie, alors faut les respecter t'sais. »

Le nez toujours levé, Rusty regardait les Étoiles dans le ciel (un peu couvert par les branches dénudés de la cachette) pour y porter un œil nouveau. Elles ne lui faisaient plus aussi peur, maintenant, si loin de la ville.

─ « Les... les Étoiles font tout ça?... »

Les Étoiles veillaient sur lui, mais aussi sur son humain, le Père, et sur sa Fille, et peut-être même sur la Mère, et Sugaar, et Trash, et elles veillaient sur la chatte calico à qui il ne s'était pas présenté? Ses oreilles se dressèrent sa tête, sa queue ondula et il s'était relevé pour se pointer sur le bout de ses orteils:

─ « Merci pour tout ce que vous avez fait pour Moi et Madame Fée aujourd'hui ! » Il conclut d'un ronron, faisant vibrer sa queue haute - haute comme pour toucher les Étoiles.

Il n'y croyait pas autant que Fée, c'est certain, mais l'idée que des Forces soient responsables de sa chance ne lui semblait pas si étrange. Un peu étrange, quand même, mais qui était-il pour juger la foi de ces chats sauvages claniques? Lui n'était qu'un petit chat de foyer et son seul souci était de rentrer à l'heure - mais en dehors de la ville, au delà de ses terres de béton se trouvait un autre monde différent du sien, avec ses propres règles, ses propres demandes, et ses propres cycles.

Madame Fée était dure à suivre, car ses débordements de mots déferlaient comme de l'eau et il fallait suivre le courant, mais en s'arrêtant une seconde, pour écouter, pour réfléchir, pour respirer, Rusty arrivait à entrapercevoir quel genre de monde se peignait aux yeux encroûtés de la Vieille Chatte du bourbier.

─ Voilà, t'as tout compris, gamin Rusty, j'te sens accueillir les Étoiles dans ton coeur et wow, ça fait beau à voir.
─ A-hah! Madame Fééée!

L'encouragement ne fit qu'amplifier son ronron et il se félicita de son effort de compréhension en claquant sa langue, rappelant à son oreille le click-clack du clicker de son humain, ce qui lui fit se rappeler involontairement la maison.

─ Prochaine fois qu'y'aura d'la bouffe dans ta gamelle, tu r'merciras les Étoiles un brin. Et -- et mieux encore, elle reprit, prochaine fois que tu chasses, tu dis merci pour la vie sacrifiée aux Étoiles. Mais pour sûr, que j'te prennes pas à chasser sur nos terres AHAH elles sont pas pour toi!
─ Madame Fée! Il la réprimanda, agitant sa queue pour venir la titiller de rien qu'un petit coup. Vous savez comme moi que je ne suis pas venu ici pour vous déranger ou manger ce qu'il y a sur vos terres!!

Il riait, elle lui avait véritablement remonté le moral, et sa foi, même s'il n'y croyait pas vraiment, était comme un baume sur sa peur d'être tout seul, dehors, la nuit. Il ferma les paupières en signe de confort, haussant haut ses sourcils pour prendre cet air entendu:

─ C'est chez moi que se trouve ma gamelle ah-ha, pas ici! »

Chez lui. Il sourcilla un peu, entrouvrit ses deux paupières et baissa le regard sur la vase à ses pattes. Sous la lueur de la lune il pouvait presque y voir son reflet - sombre, flou et trouble, un peu comme l'étaient ses pensées. Son ronron se coupa de moitié, et il releva les yeux vers son aînée à côté. Il était venu pour boire de l'eau et avait offert ses services pour l'aider à retrouver son chemin vers sa cachette, l'arbre creux. En toute logique, plus aucun lien de les attachait maintenant, il était redevenu un étranger sur ses plates-bandes (ou un intrus sur son territoire) et il n'avait plus le droit à l'asile. Mais la ville lui semblait tellement loin, d'ici, et il faisait si sombre partout autour. Il n'avait pas l'habitude de marcher la nuit, comme ça, car après tout il "n['était pas] pas un chat de l'ombre, [il] sor[tait] le jour".

─ « Madame fée?...

Il les baissa aussitôt.

... Il se fait un peu tard pour rentrer, et j'ai encore toute la route à marcher -- tout le "chemin du tonnerre" à marcher. E-est-ce que...

Et il mit ses oreilles à plat pour se faire plus petit, pour prendre le moins de place, coïncidant avec sa requête:

Est-ce que vous me permettriez de dormir avec vous, ici, jusqu'à l'aube?... »

C'est qu'il se sentait terriblement déloyal de lui promettre de "prendre ses petites papattes" pour au final se dégonfler et remettre son départ à plus tard - ou plutôt, à plus tôt.

En la voyant se reculer, Rusty ne fit que raidir ses épaules un peu plus, pinçant ce demi-sourire en signe de défaite. Ouch! Il s'y était attendu, mais ça piquait quand même...

─ Ohhhh là là, qu'est-ce que l'Ombre dirait, à c'te demande. Faudrait pas qu'des guerriers tombent sur toi mon mignon, ils vont te faire la peau...
─ J-je sais,.. Ils,  ils me videraient de mon sang-- « et la mienne aussi un peu d'ailleurs. » --...?
─ Non non non.

Bon... Au moins il aurait essayé. Il poussa un soupir en repensant à la route qu'il aurait à remonter. S'il suivait les voitures, il aurait peut-être la chance de retrouver le chemin jusqu'au voisinage où se trouvait sa maison. Son humain devait être mort d'inquiétude - peut-être qu'il le cherchait? Peut-être qu'il s'était endormi à force de l'attendre... Ses pensées s'envenimèrent, car peut-être qu'il s'en foutait aussi, peut-être s'était-il toujours dit que son petit chat vadrouilleur finirait par partir un jour -- mais qu'est-ce qui lui prenait? De douter ainsi de la bonne foi de son humain?...

Et pendant que ses pensées devenaient plus troubles encore que son reflet dans la vase, Madame Fée eut pitié de lui:

─ « Bon d'accord, « D-d'a--? » et c'est seulement parce qu'il est tard et que vous les domestiques, vous êtes pas les plus débrouillards (il referma sa bouche), et que les Étoiles elles brillent pas encore assez fort sur toi, (leva ses yeux vers celles-ci) et puis aussi que tu m'as aidé, faut dire que c'était bien gentil (et les rabaissa sur Fée avec l'ombre de rien qu'un petit sourire) -- tu vas pouvoir rester.

Il était assit, les pattes rassemblées et sa longue queue serrée autour et la tête un peu basse pour prendre le moins d'espace possible. Il l'abaissa un peu plus, ses moustaches rasant le sol.

─ Je vous remercie de votre hospitalité.
─ Mais seulement la nuit, elle mit au clair, et pas de déjeuner, tu files ensuite!! Et, et, tu vas te rouler dans la terre un bon brin pour faire partir ton odeur okay, sinon on va se faire chopper et ce sera pas bien beau!
─ Ah--  D'accord! »

L'ordre avait été clair, il tassa son blues d'un coup de queue pour se hisser sur quatre pattes comme un ressort, après quoi il se jeta épaule la première dans la boue - et puis zut, il avait déjà une patte recouverte jusqu'au coude, il pouvait bien terminer le travail!

On put voir l'abyssin battre des pattes et se roulant avec enthousiasme dans la boue et la fange, couvrant son odeur dessous cette nouvelle apparence qui l'assombrissait encore plus que son colorpoint. Rusty se secoua un peu (s'assurant bien sûr qu'aucune gouttelette n'aille voler en direction de Madame Fée, ce serait le comble!) avant de contourner le nid de plantes et de feuilles mortes pour aller plutôt se tasser en miche à l'opposé, dans le noeud du tronc de l'arbre creux, fixant d'yeux remplis d'Étoiles Madame Fée qui l'avait aidé.

Elle avait vu? Il était un chat de la Nuit -- De l'Ombre, maintenant! Mais seulement cette nuit.

Si jamais lui arrivait la mésaventure de s'égarer dans la ville, Rusty lui partagerait sa gamelle et lui offrirait un coin où dormir, lui aussi. Son ronron avait reprit comme une petite chaufferette vrombissant dans un coin du noeud. Car la boue, l'automne, et surtout collée contre un corps chaud, refroidissait en séchant, et il avait besoin d'un maximum d'énergie pour se garder au chaud. C'était sa première nuit hors de la maison et il était reconnaissant, envers on ne sait qui, envers les Étoiles tiens, ou envers lui-même, de pouvoir la passer avec une aussi agréable compagnie.

C'avait été une longue journée et après avoir fait des charades pour imiter un camion, s'être perdu, bu de la vase et tendu l'oreille pour écouter les propos d'une Vieille Chatte du bourbier, Rusty se laissait peu à peu voguer vers un sommeil bien mérité.

─ « Merci pour tout Madame _Fée... »