L'Amitié C'est Surfait [Feat. Rouge Pivoine] -end

Lorsqu'il mit la patte dessus il avait monté aussi hautes ses épaules qu'il l'avait fait son dos, tel un paratonnerre se préparant à amortir le choc d'un éclair. Là, sans le couvert des arbres au dessus, il se sentit vulnérable au ciel ouvert et son cœur avait raté un battement et ses pupilles s'étaient dilatées dans ses yeux mais pas de mouvement. Pas de mouvement, dessous sa patte, et dessous les trois autres qui suivirent lorsqu'il foula, prudemment, la surface complètement figée de la Rivière.

S'avancèrent ainsi dessus deux chats - l'un dans la réalité, qui abaissa son dos et ses marbrures pour répartir son poids dans les extrémités de ses pattes,

˙ʇuoɯɐ uǝ ǝpɐɔlɐʌɐɔ ǝlloɟ ǝun suɐp ɹǝʇɹodɯǝ,l ɹnod sʇǝlɐƃ sǝs ʇǝ ǝƃɹǝq ɐl ǝp éɥɔɐɹɹɐ ʇᴉɐʌɐ,l 'ǝsnǝnʇédɯǝʇ 'ǝɹèᴉʌᴉɹ ɐl ùo 'sɹǝʌuǝ,l à 'ɹᴉuǝʌnos un,p ʇǝlɟǝɹ ǝl ʇǝ

Coup de Foudre dut s'arrêter peut-être au milieu de la traversée pour s'assurer qu'il respirait encore : il dut faire comprendre à son corps que malgré l'intensité de l'expérience d'autrefois il n'y était plus, maintenant, et une saison s'était écoulée depuis. À la frontière d'une frontière il s'avança d'un autre pas, tiquant de son oreille guérie, en se sentant sortir de son corps (et de l'appréhension qui l'habitait) comme un insecte de sa mue ; d'abord en perçant la coquille en étirant une patte, en grattant la glace de ses griffes, puis en tâchant d'extirper le reste d'une tractée des avant-mains et en s'ébrouant une fois sorti, redonnant un peu de vigueur à ses mouvements pour se donner la cadence d'un pas plus sautillant que coulant, fermant sa marche d'une ondulation de la queue.

Il y était. Sa patte toucha la berge opposée et ses moustaches eurent un rebond. Il n'y était pas pour provoquer les lois, pour une fois - il foula la neige vierge d'un geste et escalada la pente de la berge pour monter à bon rythme ce coin presqu'entièrement dénué d'arbres. Sauf d'un. Un arbre étrange comme il n'y en avait pas dans leur Forêt de sycomores et de peupliers, revêtant une écorce blanche bringée de brun. Coup de Foudre leva le nez avec un régal apparent pour enfin jauger de près cet arbre qu'il avait si souvent rêvé de grimper, depuis leur côté des Rochers du Soleil.

Il ne s'autorisa rien de plus, s'en détournant complètement pour plutôt se concentrer à fouiller la neige et chercher l'herbe dessous. Il n'y était pas pour grimper, non plus, mais pour cueillir des plantes, comme tout bon aide-guérisseur-temporaire se devait! Nuit Hivernale avait été bannie du Clan après avoir "mise bas" de ses chatons, Secret du Firmament se remettait d'un "mal vert" et Brise de Glace deuillait le départ de son amie, il était donc tout naturel pour lui d'aller se charger de ramasser quelque chose à leur place, en tant que serviable guerrier et enthousiaste de découvertes! Et si en plus ça lui permettait d'éviter Raton-Laveur, ...

La neige. C'est idiot, comme concept. Aveuglant, froid, ça fond sur votre fourrure pour s'y insinuer sans que vous ne puissiez rien y faire. Mais bon, personne ne peut rien y faire : la neige vient se mettre dans nos pattes - littéralement - plusieurs fois l'an, et il faut bien s'y accommoder.

Je sors donc de l'antre des guerriers en m'ébrouant avec humeur, jetant un regard critique aux alentours. Je vais me rendre utile, autant transformer toute cette frustration en actes concrets. Je me dirige d'un pas vif vers la rivière, je n'ai pas envie que quelqu'un vienne se coller dans mes pattes - en plus de cette foutue neige.

Et là, je le vois.

Il n'a pas l'air farouche, à peine sur ses gardes, bref, sans doute un curieux ou un inconscient. Dans tous les cas, il n'a rien à faire ici.

« Je peux vous aider ? »

Même si je serai bien la dernière personne à lui venir en aide.

D'un coup de patte, il fit dévaler des volutes de neige en bas de la colline et se laissa distraire par le mouvement qu'il entendit une voix l'interpeller:

— « Je peux vous aider ?

Coup de Foudre se hissa légèrement depuis sa position pour tourner la tête et voir que se profilait, de ce côté-ci de la Rivière, la silhouette d'une chatte qui détonnait avec le paysage. Car son poil était noir et sombre et lui rappelait non sans un sourire celui d'un autre matou qu'il avait rencontré récemment - exempte de ses gants blancs. Elle n'était pas rousse, comme Émeraude, pas soir comme l'était Étoile d'Or, ni de lune et d'écume comme la belle Museau Bleu. Juste noire à reflets, comme Nuit Bleutée l'était au Tonnerre. Mêmes sans fioritures dans son poil il dénota néanmoins quelques caractéristiques : visiblement elle l'entretenait, lui donnait une forme, se rendait intéressante et se sculptait une image.

C'est donc sans se soucier du fond de sa question "qu'est-ce que tu fais ici?" " tu n'as pas le droit d'être là" "retourne sur ton territoire!" qu'il répondit, en offrant à la dame son meilleur profil:

— Qui sait ♡ »

Et il fit mine de ne plus s'intéresser à elle pour se pencher à nouveau sur ses butes et congères à la cherche d'herbacées. Ceux qui soignaient leur apparence désiraient être regardés alors il fit exactement l'opposé, trahissant toutefois son amusement d'une ondulation de la queue.

« Qui sait ♡ »

Ce n'est pas le type de réponse auquel je m'attendais. Un inconscient aurait pris ses jambes à son cou en bredouillant des excuses, son ardeur guerrière toute refroidie par le danger. Un idiot aurait été étonné, il aurait posé des questions puis serait parti sans demander son reste. Alors, qu'est-ce que ce matou, aussi séduisant qu'insolent, vient faire sur notre rive ? Contrariée, je murmure pour moi-même :

« Tu ne doutes de rien, toi. »

Il a arrêté de me regarder, comme si c'était moi qui le dérangeait. Peut-être bien qu'il est idiot, finalement.

« Allez, retourne de ton côté de la frontière mon chaton. Aucun de nous ne voudrait se décoiffer. »

J'ai remarqué l'entretien impeccable de sa fourrure, ses gestes étudiés, son regard taquin. Je ne sais pas bien si j'aime ou je déteste ce type de personnages.

HRP :

Sa tactique avait marché, enchaînons: il ne l'entendit pas réfléchir bien sûr (quoi que Douces Caresses pensait il n'en avait pas le pouvoir!), mais il entendit toutefois le silence qui suivit ses mots, comme quoi elle ne sut pas comment le meubler.

Après un moment, elle maugréa pour elle même:

— « Tu ne doutes de rien, toi, ce qui rima dans les tons d'un "tu ne perd rien pour attendre, toi".

Ce qui raviva son sourire, le motivant à pousser avec plus d'énergie le tas de neige pour en libérer quelques lames d'herbe flétries et humides de la saison précédente. Il pencha sa tête, tendit sa patte à tâtons et tiqua de la langue lorsqu'il ne sentit sur ses coussinets aucune tige. Alors il reprit sa patte en la repliant, se rééquilibrant sur quatre, bifurquant pour se pencher sur une nouvelle congère à côté et retenter l'expérience. Vraiment c'était à se demander comment lui et Firmament, du temps où elle était Nuage, avaient réussis à trouver des pissenlits dans la neige sur le bord du chemin du Tonnerre.

— « Allez, retourne de ton côté de la frontière mon chaton. Aucun de nous ne voudrait se décoiffer.

Chaton - le même surnom que lui avait donné Petit Serpent. Décidément...! Faisant fi de l'avertissement, Coup de Foudre inclina sa tête pour se calibrer puis s'arracha du sol dans un bond à la verticale en propulsant autour de lui quelques flocons, retombant de tout son poids ensuite dans la neige comme un renard mulotant.

— _Huff!   Si tu t'ennuies tellement, il répondit, aussi las qu'amusé, tu n'as qu'à m'escorter. Ma guérisseuse m'envoie ici chercher des plantes.

Il s'ébroua de long en large pour se débarrasser de la neige qui lui était retombée dessus, enfoncé jusqu'en dessous des coudes, agrandissant son rayon de recherche. S'il y avait autant de neige sur les Terres de la Rivière (quoi qu'il n'en savait rien, il ne l'avait jamais exploré) il n'imaginait pas les Landes du Vent...! Il eut un petit sourire en imaginant les tout petits coureurs tenter de marcher au travers de ces remparts d'hiver avant de comprendre que puisqu'ils étaient petits, justement, ils étaient légers, et devaient par conséquent moins caler là-dedans qu'un, disons, bengal et sa masse musculaire spécifiquement adapté à l'escalade...

HRP:

Comme un diablotin en boîte, il rebondit sur des tas de neige. A vrai dire, je n'ai aucune idée de ce qu'il fait, et depuis tout à l'heure, je ne m'y suis pas franchement intéressée. Il a l'air de dégager de la neige, comme s'il en voyait pour la première fois. Demeuré. Il renâcle, puis répond sur un ton qui me déplaît d'autant plus :

- Si tu t'ennuies tellement, tu n'as qu'à m'escorter. Ma guérisseuse m'envoie ici chercher des plantes.

Ma guérisseuse. Pas notre. Ma. Je fais mine de regarder derrière lui, et de l'autre côté de la rivière, avant de dire sur un ton distrait :

- Votre guérisseuse ... la bonne excuse. Tu viens juste t'amuser ici, non ?

Je suis à peu près certaine qu'il a profité de la gelée pour étancher sa soif de curiosité ou essayer d'espionner. Mais il n'a pas tord sur un point : je m'ennuie, et il a l'air pour le moins divertissant ... Ce serait dommage de le chasser tout de suite, un si beau matou ...

- Pour ce qui est de t'escorter, j'aurais dit oui si l'odeur du Tonnerre ne m'irritait pas autant la gorge. On se demande toutes les sales choses que vous faites dans vos bois ...

J'emphase subtilement sur le mot sale ... à voir comment il voulait l'interpréter.

— Votre guérisseuse ... la bonne excuse. Tu viens juste t'amuser ici, non ?
— Ha hah ! »

Aucune réponse, il se disait qu'il pouvait profiter de la mauvaise foi de la belle inconnue pour passer sous silence tout trop plein d'information de sa part. Après tout il ne savait pas les répercussions qu'il causerait s'il lui avouait qu'il aurait préféré voir comment Étoile d'Or se portait, après l'incident, ou si Museau Bleu s'était remise de ce problème concernant son fils du - c'était quoi déjà? Son fils adoptif, un (autrefois?) apprenti du Clan du Vent. Quoi qu'il lui aurait bien demandé si Nuage d'Émeraude avait enfin choisi la faveur qu'il lui devait!

Coup de Foudre écarta la tête pour regarder ce qu'il faisait et tassa la neige en découvrant une nouvelle zone d'herbe - sans sortir les griffes, il y passa la patte, et lorsqu'il sentit une tige il se contorsionna au point de se poser sur le coude, tendant le cou pour attraper la tige entre ses dents et la tirer - et ce sans la moindre délicatesse, forçant du dos et (il roula ses postérieurs pour s'arc-bouter fermement dessus) campant ses pattes en se sentant déraciner quelque chose.

— « Pour ce qui est de t'escorter, j'aurais dit oui si l'odeur du Tonnerre ne m'irritait pas autant la gorge.
— Gnnf -hm?
Pour l'éloquence on en reparlera - c'était tenace, ce truc!
— On se demande toutes les sales choses que vous faites dans vos bois ...

SNAP ! La tige cassa et le contrepoids envoya le bengal bouler dans la neige avec en gueule un rameau de prêle beaucoup trop sec et gorgé d'eau à la fois pour être utile. Il termina son tour sur le dos, aux pattes de la chatte, se remettant de sa chute en expiant à nouveau l'air par le nez et en lâchant le prêle pour tendre ses pattes vers vers le ciel, se rouler sur le ventre et se hisser face à son interlocutrice, sans se gêner de pousser un ronron ou deux. Profitant de la proximité, il lui souffla au visage:

— ...Ça t'intéresses?

Et il se tourna à demi pour regagner le prêle qui l'avait catapulté sans tout de suite se détourner de la belle inconnue: Je te préviens, la dernière a fait bannir Nuit Hivernale ~   il lui décocha un clin d’œil et roula ses épaules en poussant un soupir histoire de se motiver à reprendre le travail.

C'était quoi un guérisseur, un sur-chat?? Devait-il se mettre à croire que Secret du Firmament et les autres avaient le force de déraciner ce genre de, d'arbre (pas un arbre) sans le moindre effort?

Je fais un pas en arrière lorsque le mâle, qui tirait sur une mystique racine de je ne sais quelle plante, se fait propulser jusqu'à mes pattes après un bruit sec. Je ne sais toujours pas définir si c'est un rigolo ou un demeuré.

- ...Ça t'intéresses?

Je découvre mes crocs dans un sourire.

- Tout m'intéresse.

Surtout si ça concerne des choses que les autres ne savent pas.

- Je te préviens, la dernière a fait bannir Nuit Hivernale ~

Nuit Hivernale, l'ancienne guérisseuse du Tonnerre. Il y en a qui ont leurs petits fétiches. Après un roulement d'épaules et un clin d'œil, il fait mine de retourner à ses recherches.

Quel drôle d'énergumène ... J'ondule de la queue, sa manie de répondre à mes questions à demi m'agace et me stimule. On doit moins s'ennuyer avec lui au Tonnerre qu'ici à relever des frontières. Parfois, la politique d'Etoile d'Or - que j'aime pourtant plutôt bien - est assommante de bien-pensance. La plupart de ses lois sont basées sur l'équité. Comme si on était tous égaux face à la vie ...

- Et toi, qu'est-ce qui t'intéresse à part ta guérisseuse et ses plantes ?

Je me rapproche, je souris. Je ne songe plus un seul instant à le chasser.

En s'éloignant sur ces mots, quelque chose lui parut... curieux, mais il ne sut mettre tout de suite la patte dessus. Au contraire il fut contraint à lever hautes toutes ses quatre jusqu'à ce qu'il ne retrouve le petit périmètre de neige dégagée avec le prêle qui ployait complètement en dessous. Il voyait d'autres rameaux y pointer, mais à vue de nez ils avaient tous l'air dans un état aussi lamentable que le premier. Sans parler qu'il était distrait maintenant - "Tout" l'intéress[ait], hm?

— « Et toi, fit c'était maintenant sa spectatrice, qui se fit bien plus amène maintenant qu'elle avait son attention. Qu'est-ce qui t'intéresses à part ta guérisseuse et ses plantes ?

Lorsqu'elle s'approcha de lui, de la neige dégagée et de son prêle devant lequel il s'était laissé tombé, Coup de Foudre eut le déclic quand à ce qui l'avait tiqué : elle n'avait même pas reniflé lorsqu'il lui avait admit être le père de petits d'une guérisseuse. Ceci signifiait qu'ou bien elle n'avait pas compris ce qu'il lui avait dit (ce qu'il doutait, il testait sa réceptivité depuis le début et il lui semblait bien qu'elle avait toute sa tête...?) ou bien qu'elle s'en fichait - ce qui lui révélait peut-être une croyance plus relâchée des Étoiles, ce qui était curieux venant d'une de ces prétendues "puritaines de la Rivière" (dont la belle Museau Bleu faisait malheureusement partie)...

— Ce qui m'intéresse, ce qui m'intéresse, il répéta pour lui-même, la joue écrasée par terre, agitant le bout de sa queue dans la neige tout en tendant une patte vers le prêle A^Ii! - il s'était piqué un coussinet sur un rameau!

Il secoua sa patte dans le vide, sortit les griffes et la ramena vers lui, l'aplatissant dans la neige, les yeux ronds, puis la surprise passa et il se moqua de sa propre douleur en riant tout bas, optant pour changer de stratégie. Très bien! Il avait compris! Il n'aurait pas ce qu'il voulait en tentant de couper les coins!!

--Ce qui m'intéresse, il répondit à l'intention de la belle inconnue, s'étant vite remis de l'accident pour bondir à nouveau dans la neige, répétant le mulottage autour du périmètre du plant, c'est de jouer à toutes sortes de jeux (il se réceptionna) avec toutes sortes de chats.

Tiens, maintenant qu'elle était suffisamment près... Il en profita pour appuyer son poids dans un antérieur, ce qui aida sa croupe à se hisser et sa queue marbrée à se recourber, pour aller lui effleurer le nez du bout.

« ...Ouuu de chattes ♡ » Après quoi il la chassa d'une ondulation succincte, ramenant sa queue à lui en la montant au dessus de sa croupe autant en guise d'invitation à se présenter, autant pour attirer ses yeux, lui jetant à l'aide des siens un petit air suggestif. Car si vraiment tout l'intéressait...