Isolement temporaire ft.Pelote -end

Les yeux fermés, j'humai lentement les effluves qui baignaient en ce lieu. Cette odeur fruitée des pommes... L'odeur végétale, peut-être plus acidulée, des herbes qui recouvraient ce verger. Mais aussi les fumets multicolores, des différents chats qui étaient passés par là. Certains étaient ténues, forts, prenant à la gorge comme une menace. Ces solitaires ou claniques s'étaient relaxés en ces lieux calmes quelques heures auparavant, tout au plus. Ceux qui vivaient une vie sauvage étaient reconnaissables à cette odeur âpre, aigre, comme leur vie difficile. Mais on pouvait tout aussi déceler d'autres animaux. Mais leur venue étant plus rare, et généralement la nuit, il fallait se concentrer pour réussir à les remarquer.

Une soudaine envie d'étirer mes muscles me tira de mes songes. J'obtempérai alors, me relevant, et poussa au maximum mes pattes, le plus loin possible, afin de les étendre pour mieux les détendre. Le tout accompagné d'un grand bâillement, signe de complète sérénité ici.

Mes oreilles frétillèrent à un bruit plus loin. Je me retournai, et pouf, j'observais avec étonnement des corbeaux s'envoler, dans une symphonie dysharmonieuse de croassements retentissants. Intrigué, je me décidais à m'approcher, pour voir tout ceci de plus près...

Et tout à coup, je me retrouvais à manger la poussière. Aussitôt, une grimace déforma mon visage, sous la douleur de l'impact... et le goût de la terre, qui ne me rappelait que de bien mauvais souvenirs. Je baissais mes oreilles en signe de soumission, et retins ma respiration, inquiet. Il fallait dire que se battre était loin d'être mon domaine. Pourquoi cet individu m'avait-il attaqué d'ailleurs?

Heureusement, à la vue de mon collier, il me délivra. Je m'ébrouais violemment, mécontent... et surtout stressé par cet évènement imprévu. Peut-être avais-je l'espoir de me débarrasser de cette montée d'adrénaline, comme si cette dernière n'était que de vulgaires grains de poussière.

Je peut savoir ce que tu fou ici? Et t'es qui d'abord?

Son ton froid, et son regard méprisant me serrait le coeur. Je portais mon poids vers larrière et le bas. Ma queue s'était placée entre mes pattes, et mes oreilles restaient plaquées contre ma tête, toujours en signe de soumission. Je ne voulais surtout pas me battre, et je ne voulais pas être une menace pour lui.

"Euh... jsuis Pelote et euh... ici, c'est mon endroit préféré. J'aime bien me reposer là... et euh sentir les odeurs, ça me rappelle de bons souvenirs... "

Ma voix tremblait un peu. Je n'étais pas très rassuré, mais en même temps, j'aimerais bien adoucir mon interlocuteur... Peut-être pourrait-il devenir mon ami, par la suite?

"Je euh... suis désolé si j'ai eu l'air d'être une menace pour toi, je euh... n'aime pas la bagarre tout ça... "

Orage d'Or parut offensé par ma remarque.Il faut dire que le terme marrant, pour moi, était un terme générique, un peu... fourre tout. Que j'utilisais facilement, et sans vraiment penser que ce nom allait me plier en deux, hilare. Cette simple pensée disparut aussi vite qu'elle était venue puisqu'il répondit à ma question.

Tu était loin, ton odeur était étrange... Je ne savais pas à qui j'avais à faire.... Et je préférais attaquer le premier... Il faut toujours être sur ses gardes quand on ne connait pas l'endroit.

Je fis la moue, indiquant à mon nouvel ami (oui j'étais du genre à aller vite) que je n'étais pas vraiment d'accord. Ce n'était qu'être une brute à mon sens. Et franchement, j'en avais vu assez des brutes. Mais je n'eus pas le temps d'indiquer mon mécontentement qu'il enchaîna:

Tu... Tu n'as pas répondu à ma question de tout à l'heure... Un domestique avec autant de cicatrices ne devrait pas être en vie à l'heure actuel...

C'est vrai qu'il avait déjà posé la question. J'avais oublié plus que n'avais pas répondu sciemment.
"Ah oui c'est vrai" répondis-je en riant

Je m'assis, et enroulai ma queue autour de mes pattes, pensif. Fallait-il que je dise que je provenais des LP? Les réactions pouvaient être brutales parfois. Et il m'avait déjà attaquer. Ce n'était guère prudent. Mais en même temps, est-ce-que j'étais capable d'amener mon raisonnement aussi loin? Non. Avec la plus grande innocence du monde, je racontais:

"J'étais chez les lunar pods avant. Ils fonctionnaient avec la loi du plus fort, et j'étais considéré comme faible. Donc ils me tapaient dessus. D'où mes cicatrices. Et ils s'amusaient en général à les rouvrir tout le temps, du coup elles n'ont jamais cicatrisé... Sauf depuis que je suis chez mes bipèdes, ils m'ont bien soigné."

Je ronronnais très légèrement en pensant à eux. J'étais très attaché à eux.

"Mais le pire c'était ne pas savoir que l'on pouvait avoir des amis. Ca n'existait pas... Puis, mes prunelles s'éclairèrent, et mon sourire s'élargit. Si tu promets de ne plus être agressif, j'aimerais bien être ton ami! "

Oui c'était les chatons qui disaient ce genre de chose. Le problème de la captivité. Je n'étais qu'un chaton dans ma tête. Je penchais la tête sur le côté.

"Enfin, si tu en as envie..."

Et murmurai pour moi-même, presque imperceptiblement.

"Enfin c'est bizarre de ne pas vouloir d'ami."

Je remarquais que les muscles de mon nouvel ami (?) n'étaient presque plus bandés. Orage d'Or semblait s'être relâché, oubliant sa posture aggressive de tout à l'heure. Cela me convenait bien. Je me sentais également beaucoup plus à l'aise. Et puis, j'avais l'impression d'avoir réussi quelque chose quelque part. Il était tout grognon, tout mécontent et maintenant il acceptait de me parler! J'en ronronnerais presque.

Tu n'es pas si faible, tu as survécu; tu es un survivant Pelote... Mes oreilles remuèrent d'avant en arrière. Je n'étais pas gêné par ses mots mais disons que... je n'avais pas vraiment l'habitude de les entendre. Et puis, il fallait l'avouer que le contraste entre l'Orage d'Or du début et celui de maintenant qui me... réconfortait? était plutôt perturbant. Je lui souris gentiment en guise de merci, et écoutais attentivement la suite. J'ai moi aussi eu des problèmes avec eux, tu sais et j'ai été plus faible que toi... J'était trop jeune et je n'ais pas réussis à sauver mes amis. J'aimerais devenir ton ami mais, je suis pas sur que ça soit une bonne idée... Tous mes amis sont tous mort quasiment...

Je fronçais les sourcils. N'importe quoi. Et je le dis franchement. Quelque part, avec mon manque d'éducation j'ignorais beaucoup des codes de la vie. Moi, en général, ce qui me traversait par l'esprit, je le disais. Sauf si cela pourrait provoquer de la tristesse (quand je m'en rendais compte, que cela pouvait la provoquer. Mais ça, c'est une autre histoire.)

"Tu racontes des bêtises."

Je secouais la tête. Un peu comme quand les enfants vous prenez la main dans le sac, à dire des mensonges, ou alors lorsqu'ils trouvaient quelque chose... d'illogique.

"Ca ne marche pas comme ça la vie." miaulais-je, d'un ton pourtant étrangement neutre. Pas de jugement particulier qui sous entendrait qu'Orage d'Or était débile. Loin de là. Je repris d'une voix plus douce.

"Je suis désolé pour tes amis. Et repris d'un ton neutre.
Mais la mort ne se dit pas "tiens donc, lui jlaime pas alors je vais contaminer de mort tous ses amis". C'est terrible pour tes amis... Mais ça ne veut pas dire que tu n'as pas le droit de vivre et d'en avoir d'autres!"

J'allais pour continuer, mais seule ma bouche se mit à s'ouvrir comme pour parler. Je restais ainsi, figé. La mort... Contagieux?? Et soudain, cette idée me fit froid dans le dos. Je marmonnais. Plus ou moins audiblement.

"Mmm non je raconte pas de bêtises hein, la mort ça contamine pas?" pris soudain d'un horrible doute. Et si c'était contagieux??? J'en oubliais la présence d'Orage d'Or, pris d'assauts par des pensées les plus farfelues que les autres. Et cela me donnait sacrément mal à la tête. Et la terre se mit à bouger.

"Oula, pourquoi la terre elle bouge?" dis-je, accentuant pour déséquilibre en voulant la pointer de la patte... ce qui ne fit que me faire tanguer davantage et tomber au sol. Depuis ma position assise. Plutôt cocasse.

Spoiler:

Orage d'Or fonça vers moi. Je sentis sa langue rapeuse laper mon front plusieurs fois. Cela déclencha aussitôt une vague de relaxation à travers mon corps. Ce n'était que Perce Neige qui me faisait ça. Il fallait dire que c'était la seule avec qui j'avais été si proche. C'était presque devenu une relation mère-enfant. La chaleur du corps proche de moi m'envahit. Cela me rappelait mes câlins avec mon amie. Amie que je n'avais pas vu depuis si longtemps d'ailleurs.
Toutefois, même si les tremblements s'estompaient un peu, mes boyaux restaient tordus de stress. Mes yeux paniqués rencontrèrent les siens, tout aussi affolés.

"Pelote!! Réveille toi!! La terre ne bouge pas!!Pelote la mort n'est pas une maladie, elle ne peut pas être contagieuse. Et tu n'as rien à craindre, je te protégerais de tout!"

Un immense soupire relâcha toute la tension qui s'était accumulée. Mes muscles se décontractèrent tous en même temps. Par conséquence, je m'affaissais, me laissant aller tout contre Orage d'Or le temps d'un instant. Le temps de reprendre mes esprits. Pfiou. Puis me rappelant de ses dernières paroles, je ronronnais légèrement. J'étais très content de la tournure des évènements.

Il me fallu tendre l'oreille pour comprendre ce qui suivit :

"Je veut bien etre ton ami... "

Mon ronronnement allait pour augmenter crescendo quand...

SEULEMENT SI TU LÈVE TON CUL!"

Le sursaut que me provoqua ce hurlement suffit pour me lever. Mon corps se raidit et se tendit en une fraction de seconde, et je fis un bon sur le côté. Mes yeux s'étaient arrondis, presque hagards, et c'est ahuri que je fixais mon nouvel ami. Sans piper mot. Puisque ce brusque changement d'atmosphère m'avait quelque peu perturbé.

Mais mes esprits revinrent vite, et je souriais largement.

"C'est génial d'avoir des amis!"

Je ronronnais.

"Qu'est-ce-que tu aimes le plus faire dans la vie?" ajoutais-je, toujours ronronnant aussi bruyamment qu'un moteur de voiture. Et oui, j'étais déjà passé outre mon étonnement. Avoir un nouvel ami était bien plus important.