Tender rain || Boule de Roc - abandon

La tête émergeant à peine de ses pattes, Édelweiss Sauvage fixait l'entrée de la tanière des guerriers, pressée par l'envie d'aller se dégourdir les pattes. Deux de leurs camarades de tanière n'avaient pas cessé de tousser de la nuit et, bien que cela n'ait pas semblé gêner les autres habitants outre mesure, la femelle aux tâches grises n'avait pas pu trouver le sommeil. Elle était néanmoins restée sur son nid, épuisée du grand nombre de patrouille auquel elle avait participé dernièrement — comme celle en compagnie de Merle Noir, qui lui restait encore au travers de la gorge quelques lunes après.

Mais rien à faire, elle avait beau se tourner dans tous les sens, le sommeil n'arrivait pas jusqu'à elle. Belle-de-Nuit, endormie dans le nid voisin, poussa un grondement sourd lorsqu'elle lui toucha accidentellement l'arrière-train en s'étirant.
C'était peut-être le signe qu'elle devait arrêter de s'agiter et sortir prendre l'air.

Mmfch .

Elle se leva tant bien que mal, les muscles ankylosés par la fatigue et l'inaction, puis tituba jusqu'à la clairière. Les nuages déversaient un léger crachin sur la clairière et les gouttes brillaient dans la nuit, éclairées par l'astre lunaire. C'était beau, et la femelle tachetée en oublia un instant l'épidémie qui traînait en longueur, son frère aîné qui s'épuisait à vue d'œil, ou encore ceux qui fuyaient le campement et leurs terres. Elle trouva refuge sous le promontoire, au sommet duquel l'eau s'entassait avant de tomber en grosses gouttes.

S p l o c , faisait l'eau en tombant.

S p l o c .

S p l o c .

S p l a s h !

Édelweiss Sauvage se tourna vivement en direction du bruit, baissant les yeux jusqu'au petit chaton tout gris et tout rond, trempé jusqu'aux os, qui traînait dehors. Elle écarquilla les yeux, surprise, avant de froncer les sourcils.

Qu'est-ce que tu fiches ici, toi ? Fit-elle en attrapant l'enfant par la peau du cou et en le tirant à l'abri. Regardes-toi, tu es trempé !

Sans aucune douceur mais avec beaucoup de bonne volonté, la guerrière fit une rapide toilette à la petite boule de poils. L'affaire fut pliée en quatre coups de langues, tandis que la petite fille (elle venait de le comprendre) se débattait.

Bon alors tu m'expliques pourquoi tu n'es pas là-bas ?

Elle indiqua la pouponnière du bout de la queue.

Little april shower

D'étranges bruits me réveillèrent. En pleine nuit! Je fronçais les sourcils, en me concentrant sur ces sons ou devrais-je dire ce vacarme. Je connaissais déjà les légers clap clic clap clic, plus ou moins rapides. Parfois cela faisait même plipliplipliplic tellement cela allait vite! Mais aujourd'hui j'entendais surtout des gros SPLASH SPLASH SPLASH! Intriguée, je voulus jeter un coup d'oeil par moi-même. Avec d'énooormes précautions, je levais une patte, après l'autre, pour ne réveiller ni maman ni mon frérot. Avec une patte, je suivis la tête de mon frère, anciennement sur mon épaule, pour la déposer délicatement au sol. Une fois délivrée, j'accourus à l'entrée de la pouponnière. Subjuguée j'observais les perles de pluie se répandre au sol, à toute vitesse.

Nous n'étions pas encore en hiver et il ne faisait pas si froid que ça. Je n'avais encore jamais testé d'aller sous la pluie (on m'en avait décrit les divers méfaits! rhume, froid, poil collant,...) Mais cette averse me semblait différente. Les roseaux se courbaient sous le poids des gouttes. Sans perdre un seul instant, je bondis à l'extérieur!

Je ne fus pas déçue. Presque immédiatement, je sentis l'eau couler à travers mes poils. (Heureusement que les chats de la rivière avaient un pelage légèrement plus imperméable que la normale, sinon je serais déjà frigorifiée, l'eau infiltrant les interstices entre mes poils, pour mordre ma peau directement.) Je ronronnais (doucement pour ne réveiller personne!) et regardais le ciel. Enfin, je tentais de regarder le ciel, puisqu'à peine avais-je lever la tête, que les gouttes se faufilaient pour atteindre mes yeux de préférence ou mon museau! Une intense envie d'éternuer me prit... Mon torse et ma gorge se contractèrent, ainsi que mes muscles faciaux, m'obligeant à lever à nouveau la tête pour ... pour ...

Mais ce ne fut pas un énorme ATCHOUM qui sortit parce que le sol soudain s'éloigna de mes pattes, ce qui me déconcentra suffisamment pour couper court à ce réflexe. Un instant je restais sans vraiment comprendre ce qu'il m'arrivait, voyant ce sol qui défilait sous mes pattes et qui s'était affaissé. Ensuite, mes autres nerfs se mirent en marche, m'indiquant notamment que l'on me touchait la nuque. Ou plutôt qu'on la tirait. Ou plutôt, on me... portait? Et accessoirement quelqu'un m'avait parlé. Hey!!! Je gigotais pour que l'on me lâche, ce que la personne fit... mais à l'abri, loin de l'eau. Ma mine s'assombrit pour indiquer mon mécontentement.

Bon alors tu m'expliques pourquoi tu n'es pas là-bas ? miaula l'embêteuse et la casseuse de test.

Mais (pour l'instant) elle ne m'avait pas grondé. Mieux, elle voulait que je lui expose mon projet nocturne! Un large sourire se dessina sur mon visage, et je miaulais gaiement (peut-être un peu trop fort d'ailleurs, il faudra que j'apprenne, un jour, à faire attention à mon environnement. Le sommeil des guerriers pourrait m'en remercier) :

"Les gouttes étaient énooooormes! On me dit toujours patati patata il ne faut pas aller sous l'eau pour ne pas être mouillé! Mais d'abord, on est des chats de la rivière donc être mouillé c'est normal, et ensuite je voulais voir ce que faisais cette sensation! C'est troooop cool de sentir l'eau glisser dans son pelage!"

Je m'assis en face d'elle, les yeux pétillants.

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