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Le puant était propre et immobile. N'importe qui qui l'aurait connu dans sa jeunesse aurait pu facilement constater que le feu s'était en quelque sorte échappé de son regard. Dans sa fatigue, un guerrier comme lui devenait incapable de dissimuler le grand vide qui le rongeait en profondeur sans qu'il s'en soucie d'ailleurs.
Il avait fini par tout accepter.
" Hmmmmmmm... " s'étira paresseusement l'exubérant Poil de Cyclone, en le trouvant là.
Les Étoiles seules savaient ce qui pouvait bien le pousser parfois, au crépuscule, à rejoindre un puant comme lui. Son pelage doux ? Souffle Poivré, autrefois, s'était surpris à se poser la question. Mais il n'y attachait plus la moindre importance. Leur relation à tous les deux était au fond assez bizarre. Souffle Poivré était convaincu que Poil de Cyclone savait quelle sorte de raté il fréquentait en lui. Et son ami touffu ne pouvait pas se leurrer sur le peu de considération qu'il avait pu gratter en échange de plusieurs lunes d'association.
Ils étaient en quelque sorte des compagnons que rien sauf l'infortune ne réunissait. Deux minables qui se méprisaient presque autant l'un l'autre qu'ils se méprisaient eux-mêmes.
" Quelle belle journée, c'était merveilleux... " lâcha-t-il, en se raidissant.
Le Cyclone devenait parfois susceptible, depuis que Souffle Poivré lui avait demandé pardon. Il tenait beaucoup à préserver une sorte de vaine mondanité, de bonheur de façade, entre eux. En se donnant en spectacle ainsi, il reprochait en quelque sorte à Souffle Poivré sa goujaterie, car le puant ne faisait même pas semblant de s'intéresser à son arrivée.
" C'est ça. " ronchonna Souffle Poivré, que ces minauderies agaçaient encore.
" Allons, quoi, Souffle Poivré... " soupira à son tour Poil de Cyclone, en se rapprochant mollement.
" Tu me fais encore une mine d'enterrement.- Pardonnez-moi, votre Altesse. " grogna l'autre, cassant.
" C'est que justement, je profitais des dernières minutes de soleil. "Et le Cyclone lui faisait de l'ombre..." Si ce n'est que ça ! " rétorqua son tempétueux camarade. Et, comme pour lui accorder une faveur très exceptionnelle, il contourna le guerrier au poil de poivre.
Un dernier filet de jour lui éclaira la tête. Il en fut tout apaisé.
" Oh, merci. " lâcha-t-il, la voix brusquement pleine d'une chaleur authentique et touchante. Ronronnant aussitôt, Poil de Cyclone s'installa quelque part dans son ombre.
Et un évènement remarquable se produisit.
Les souvenirs d'autrefois refaisaient surface. Souffle Poivré, l'esprit délirant entre des images d'aubépines en fleurs et une merveilleuse lumière orangée au parfum de rose,
rajeunissait littéralement. C'était comme une douce fièvre.
Il aurait donné n'importe quoi pour qu'elle ne cesse jamais.
Mais comme toujours, le faisceau s'estompa.
" Devine qui j'ai vu, aujourd'hui. " chuchota Poil de Cyclone, quelque part dans son dos.
Souffle Poivré frissonna, comme pris de terreur, et se releva, brusquement.
Pas un bruit. Simplement un soupir las, dans son dos.
Il ne se retourna même pas, et se contenta, sanglotant, de s'installer à peu près là où il avait senti les derniers rayons du soir lui caresser les oreilles.
Il ne se retrouvait même plus.
