Some nights I think of you ~ ft. Rusty - end

Lorsque je regardais ce ciel étoilé, j’avais l’impression de m’envoler. Pourtant, je savais que je ne pourrais jamais atteindre ces étoiles si j’avais des ailes, il fallait ma mort pour les toucher. Je les avais côtoyés lorsque mes vies se sont écoulées, je les avais dans mes pattes, et même sur mes pattes. J’étais fais de poussière d’étoile. J’étais une Etoile. Une vieille Etoile pas encore éteinte. Au final, une de mes pattes, un de mes yeux y étaient déjà là haut. J’étais un meneur déchu par lui-même, un meneur à qui il ne restait qu’une vie. La dernière. Et celle-ci je la chérirais, je l’aimerais et rependrait tout ce que je pouvais de bon. J’étais une étoile encore vivante, et j’allais en profiter.

Par ces temps froids je trainais encore dehors pour voir ces merveilles de la nature. Je me sentais proche de mes ancêtres également. Je les voyais scintiller tout là-haut, veillant au moindre petit détail de nos vies. Veillant à ce que le code soit respecté. Ce code qui d’ailleurs exposait quelques illogismes. Est-ce que pour cette pensée vous pouvez me priver de ma place qui me revient à vos cotés ? Je continuais à marcher, boitant légèrement. Cet hiver avait été moins rude que les précédant, même si la faim se faisait sentir. Les guerriers faisaient bien leur travail. Quant à moi, je profitais de ma retraite, me baladant régulièrement sur nos terres, observant la tribu de mon seul œil. Et je pensais. Je pensais beaucoup. Je pensais à mes enfants, je voulais les voir grandir, les voir vivre, et j’espérais même avoir des petits enfants à choyer. Je pensais à nos lois et le point de vu de Rusty vis-à-vis de ces dernières. Je pensais à cet étrange solitaire. Intriguant et bien pensant. Il était intéressant, et j’avais compris que, grâce à lui, j’étais cruel et mauvais de m’opposer à ma fille. Je n’étais plus qu’un vieux matou borgne et estropié, alors pourquoi ne pas me défaire de tout cela. J’ai vécu toute ma vie selon les lois, selon les règles des clans, alors maintenant que j’avais accompli ma destiné, je pouvais enfin me reposer et profiter. C’est pourquoi cette nuit, j’étais allongé tel le sphinx, regardant le ciel, attendant qu’une étoile passe pour lui poser une énigme. Mon regard ne quittait la nuit noire. Et j’attendais. Je venais pour voir mes ancêtres, mais aussi, au fond, et ça je ne me l’avouais pas, pour revoir ce mystérieux solitaire aux belles paroles.

La dernière fois qu'il avait enfourché Ollie c'était avant cet hiver, l'automne dernier. La dernière fois qu'il avait enfourché Ollie, il avait monté toute la départementale, sans s'arrêter à la jonction qui contourait le bourbier du Clan de l'Ombre, poursuivant le chemin à côté des phares des voitures passantes. Il avait roulé longtemps, jusqu'à ce qu'il n'y aille plus de route sur laquelle rouler - plus qu'un sol même-pas-herbeux avec de la pierre sous la patte où s'accidentaient les roues du skateboard. La dernière fois qu'il avait enfourché Ollie, c'était avant cet hiver, il avait monté toute la départementale pour atteindre les falaises car Monsieur Houx lui y avait donné rendez-vous.

Et cette nuit-là, Monsieux Houx n'était jamais venu, car Monsieur Houx était mort.

Cette nuit-là avait été la plus longue de sa vie. Cette nuit-là, Rusty s'était à haute-voix demandé ce qui lui prenait à "toujours attendre comme un con". Cette nuit-là il s'était fait ami de Mimosa, qui pleurait avec lui, partageant chacun le deuil de l'autre. Il avait rangé Ollie depuis cette nuit - il dormait dans un coin de leur cabane à outils, et un soir Rusty avait capté de l'oeil les griffures d'usure dans ses roues. Rusty vieillissait, lui aussi, il était moins vif, moins agile, moins prêt à se camper sur ses pattes et affronter mille périls pour sauver un seul chat. Sans humain ou tournevis, il n'avait pas l'option de changer ses boulons à Ollie - alors Ollie aussi, vieillissait.

Et à le regarder, il ne pouvait s'empêcher de revoir toute cette nuit et toute cette souffrance - le chat au milieu de la route, l'aube avec Mimosa, le feu au Clan du Vent, Trash qui l'avait empêché de s'y précipiter...

Une patte sur son skate, Rusty sentit sa gorge se nouer. Il tourna la tête pour constater que Trash dormait, avant de se lever et de pousser à deux pattes sur le skate et le faire glisser sur quatre roues. Nouveau coup d'oeil - toujours rien. Les oreilles de l'abyssin se dressèrent hautes sur sa tête et il vint délicatement prendre le nez du skate entre ses dents pour l'amener au seuil, ouvrir la porte de la cabane en le poussant d'un postérieur (la neige avait beaucoup fondu) et le sortir sur l'herbe. La nuit était belle Rusty se dit qu'il pouvait bien montrer à La Fée des Étoiles un ou deux tricks du temps où il était plus jeune.

Comme Ollie s'enfonçait dans la terre et l'herbe Rusty n'eut d'autre choix que de le traîner jusqu'à l'asphalte de la départementale, ce que les Claniques appelaient le "Chemin Du Tonnerre". Une voiture passa et il la regarda faire, suivant son chemin à l'inverse, vers la pollution lumineuse de la ville au loin qui l'appelait avec tout ce qu'il avait autrefois connu. Il mit une patte sur Ollie - se rappelait-il du parc? Des rampes et du marché? Se rappelait-il du jardin où il le glissait sous la clôture tandis qu'il le rejoignait après l'avoir escaladée pour se jeter sur lui ensuite? Rusty n'était pas sans savoir qu'Ollie était juste un skate et qu'il ne pensait pas, et qu'il ne parlait pas, mais Rusty était aussi un chat accablé de solitude et comme Ollie l'avait suivi dans tout le parcours de sa vie ou presque il le respectait comme un membre de sa propre famille.

Il leva les yeux sur la Toison Argentée - en hiver, tout lui parraissait plus sombre, mais le printemps allégeait les ténèbres ruraux en peignant le ciel de qui sait combien d'Étoiles qui jouaient et chassaient à l'instant. La Fée des Étoiles se chargeait de toutes les réveiller - il entendait presque Monsieur Houx râler! Il baissa les yeux sur son skate, balayant l'herbe mouillée qui s'était collée sur son dos pour se pencher et lui sourire, un sourire fatigué et meutri mais où y brillait encore une étincelle de connivence:

« On va s'promener Ollie? »

Il sauta sur le skate, l'impulsion le propulsa sur la départementale et un coup de croupe à l'opposé ainsi qu'un vif coup de patte contre l'asphalte l'engagea sur l'accotement cahoteux. Chaque coup de patte lui fit prendre de la vitesse et chaque coup de patte stabilisa Ollie et bientôt ils filèrent tout deux en flèche droite, le poil en rafale. Rusty riait. Rusty vivait. Rusty redevenait Rusty à qui on présentait Ollie. Rusty skatait avec son humain, il l'entendait dire Rusty, Rusty ! Et lui de répondre "C'est moi!" "C'est moi!" même si son humain ne le comprenait pas et qu'est-ce qu'il avait aimé cette vie.

Qu'est-ce qu'il avait aimé cette vie.

Ollie ralentit sa course comme s'il était à bout de souffle (un skate ne souffle pas) mais c'est à cause que Rusty ne donnait plus vraiment de coup de patte, le laissant graduellement perdre de la vitesse jusqu'à son naturel arrêt où, sans se stopper vraiment, se contenta d'osciller vers l'avant. Et Rusty baissa la tête, peut-être à cause d'un souvenir, mais tout le monde sait qu'un skateboard n'est dangereux qu'à l'arrêt - le contrepoids fit ruer Ollie et Rusty, « OUp --! », fut complètement désarçonné et tomba tête la première dans les orties.

Il y avait longtemps qu'Ollie "n'en avait pas fait à sa tête", mais débutants comme professionnels se faisaient désarçonner, alors Rusty se mit à rire, secouant son poil et sa queue en se hissant du mieux qu'il le put sur ses quatre pattes.

« C'est bien de voir que tu fais encore le malin » Il envoya à Ollie, et Ollie ne répondit rien car Ollie est un skate.

Rusty s'ébroua de long en large en secouant ses pattes par petits sursauts, tâchant de se débarrasser de ce qui s'était collé à son poil, trottinant les coudes hauts vers son ami avant de se figer car dans cet angle et sous les étoiles et dans ce coin-ci de la jonction dans la route une lueur avait réfléchi dans les yeux d'un chat et l'abyssin bondit sur ses pattes sentant son poil se gonfler pour fixer d'yeux haggards la silhouette qu'il ne reconnut pas à première vue...

--Pardon, ais-je dit dans les yeux? Dans un seul oeil - se gonflant d'autant une inspiration que de courage, Rusty réenfourcha son skate pour lentement s'avancer vers le bord de la route et tenter de percer le mystère de cette silhouette à l'orbe réfléchissante, avant de stopper Ollie d'une patte. « Mais... »
Il pencha sa tête dans une drôle de position, car l'une de ses oreilles restait encore basse tandis qu'il levait l'autre, au contraire, très haute.

— « ... Monsieur Oeil Vert??

Entre un estropié et un cascadeur au poil rempli d'orties (en réalité il ne s'agissait qu'un peu d'herbe-folles, rien d'aussi dangereux), ils faisaient bien la paire, en ce moment!

L’air majestueux, j’avais le museau pointant vers le ciel, et mon unique œil était fermé. Il faisait encore frais, mais j’aimais tant profiter de cet air. La canicule avait été si difficile. Alors je fermais l’œil et je pensais. J’essayais de mettre de l’ordre dans ma tête où tous mes souvenirs se mélangeaient. Oh ma douce nuit, lumineuse et si sombre à la fois. et cet instant devrait durer indéfiniment.
.Je ne savais pas réellement comment me sentir. J’étais à la fois partagé entre le chagrin et la fierté. Ma fille avait déployée ses ailes, elle était partie en quête de son bonheur, et je lui avais dis de suivre ce que son cœur lui dictait de faire. Il n’y a rien de plus important que d’écouter son cœur pas vrai ? Et le mien me disait de laisser partir ma fille pour qu’elle soit heureuse, mais moi… Moi j’étais triste de son départ. J’étais triste du fait que je n’allais plus voir son si beau pelage qui me rappelait sa maman, mon dernier amour. Au moins, ma douce Violette avait mes yeux. Partout avec elle, elle emporterait mon souvenir. Je n’écoutais plus rien, j’étais dans bulle indestructible, ou presque…

« ... Monsieur Oeil Vert?? »

Surpris, je sursautais. Je tournais la tête vers la voix avant de me redresser. Le sphinx avait été dérangé dans sa contemplation. Quelqu’un venait chercher une énigme. Et ce quelqu’un n’était d’autre que… Je levais mon museau pour reconnaitre le matou à l’odeur. N’avoir qu’un œil de nuit, c’était bon uniquement pour regarder les étoiles. Oh… C’était Rusty. Mon pelage qui avait légèrement gonflé par la surprise retomba aussitôt. Aucune once d’agressivité dans mon cœur, juste une paix immense. L’intrigant solitaire de la dernière fois était là. Ravi de voir cette petite truffe brune et rousse, je descendis de mon rocher, et je m’approchai de lui. Son terme « monsieur » m’amusait toujours autant.

« Oh bonsoir cher Rusty. Comme il est bon de te revoir. »

C’était sincère, j’appréciais le matou. Je le saluais d’un hochement de tête. Je venais de remarquer quelques brins d’herbes dans son pelage. Il y avait une chose étrange avec, mais je lui demanderais ce que c’était après, ça ne m’avait pas l’air trop dangereux, du moins, ça ne bougeait pas.

« Que fais-tu ici ce soir ? »

Le soulagement fut mutuel, et Rusty envoya un petit regard à son skate, un peu pour lui dire qu'il "[lui] avais dit qu'il n'y avait rien à craindre!".

— « Oh bonsoir cher Rusty. Comme il est bon de te revoir.

Rusty avait entrouvert sa bouche pour ciller par deux fois, avant qu'un très grand sourire ne vienne étirer ses babines. Comme c'était gentil! Il faut dire qu'il trouvait étonnant de pouvoir revoir deux fois ce qui était leur ancien Chef du Clan de L'Ombre. Il avait toujours cru que leur foyer au centre du territoire avait tout les accodements nécessaires à enrichir leurs vies (peut-être que leurs arbres à jeu étaient de vrais arbres! Bon, il ne trouvait pas vraiment ce qu'il y avait d'amusant dans un arbre (surtout qu'il arrivait à des chats d'y surgir pour l'attaquer...) mais bon, les coutumes Claniques, tout ça) -- où j'en étais?

Ah oui: il avait toujours cru que leur foyer au centre du territoire avait tous les accodements nécessaires à une vie enrichissante, alors les chats qu'il croisait sur les limites, du moins ceux qui n'étaient pas Véto, étaient habituellement des chasseurs ou des "patrouilles". Et comme Oeil Vert ne lui semblait en état d'être ni l'un, ni l'autre,..

— Que fais-tu ici ce soir ?
— Oh - cette nuit, je faisais une promenade avec Ollie, (il dirigea d'un geste de la tête et de la queue l'attention de l'aimable aîné vers l'ombre du Skate, sur l'accotement, qui avait cessé de rouler). Ça fait longtemps que je ne l'ai pas sorti.

Tu dis bonjour Ollie?

Et un coup de vent fit lentement rouler le skate dans la direction opposée.

— « Ah--!  Mais non, Ollie! » L'abyssin fit tout de suite volte-face pour courir à la suite de son skate qui s'enfuyait.

« Ne fait pas ton timide ! » Il l'arrêta d'une patte sur la queue (ou la "tail"), le tirant vers lui en bondissant à l'impulsion de la traction pour le stopper en s'asseyant sur son dos. Rusty lui donna un coup de la sienne - ce que c'était embarrassant! Ils étaient au milieu d'une conversation! Mais il poussa un soupir, car il ne lui apportait rien de se fâcher contre un skate.

— « ...La plupart des claniques qui l'ont rencontré en ont eu peur, mais je vous rassure, Monsieur Oeil Vert, Ollie n'est pas dangereux. Juste un peu malin!

Lentement il se hissa sur ses quatre pattes, se disposant en abaissant la croupe pour donner une impulsion du postérieur et faire rouler le skate près du rocher du sphinx afin d'aider aux présentations.

— Monsieur Houx - les Étoiles le protègent - croyait même qu'il s'agissait d'un jeune monstre ! Oh, ce monsieur Houx! Rusty stoppa Ollie dans sa foulée. Il n'y a bien que les chats de Clans pour confondre une voiture avec un skate, ahaha! ♫

Le matou roux souriait à pleine dent. Il semblait content lui aussi. Je n’en sentais presque plus le froid de la nuit tant son sourire me procurait de la chaleur. Un aimable et curieux solitaire. J’avais une très bonne estime de lui après tout, c’était celui qui avait permis à ma remise en question. Grâce à lui j’avais accepté le destin de ma petite Violette. Mon cœur en était gonflé d’amour de la savoir heureuse. Enfin, le solitaire me désigna de la tête et de la queue l’étrange objet.

« Oh - cette nuit, je faisais une promenade avec Ollie. Ça fait longtemps que je ne l'ai pas sorti.
Tu dis bonjour Ollie? »

Je penchais légèrement la tête sur le côté sans comprendre. L’objet n’était pas un objet ? Je fixais le compagnon de route de Rusty, et comme une affirmation de ma pensée, l’objet plat avança légèrement. J’en sursautais en reculant légèrement. Il marchait ! Il avançait ! Cela veut dire qu’il est vivant ! Mais le solitaire ne semblait pas en avoir peur, il lui faisait confiance. Je n’osais pas adresser la parole à cette chose étrange. D’ailleurs, l’ami Rusty courut après « l’objet vivant ».

« Ah--! Mais non, Ollie! »

Il arrêta Ollie avec sa patte et bondit dessus. Quel animal accepterait de se faire traiter ainsi ! Il devait vraiment s’agir d’un objet non vivant. Par la réaction détendue de Rusty je fis de même. Je faisais confiance au matou. Il ne semblait pas avoir un mauvais fond.

« ...La plupart des claniques qui l'ont rencontré en ont eu peur, mais je vous rassure, Monsieur Oeil Vert, Ollie n'est pas dangereux. Juste un peu malin! »

Je riais légèrement. Que c’était amusant. Il avait des petits bouts ronds en dessous de lui, c’était ce qui devait le faire avancer aussi facilement. J’observais le rouquin qui avait autre chose à ajouter.

« Monsieur Houx - les Étoiles le protègent - croyait même qu'il s'agissait d'un jeune monstre ! Oh, ce monsieur Houx! Il n'y a bien que les chats de Clans pour confondre une voiture avec un skate, ahaha! »

Oh je n’étais pas vexé de ses mots, nous n’étions pas nés du même monde, et c’était la raison pour laquelle je le respectais, il a réussi a s’adapter dans un milieu difficile. A l’inverse, je crois que je n’aurais jamais pu m’adapter à devenir un chat domestique ou un solitaire. La vie en groupe était toute ma vie. Grâce à elle j’ai pu élever et voir mes enfants grandir, j’ai pu avoir deux étoiles dans mon cœur qui sont à présent dans les cieux, dont l’une d’elle m’avait donné des petits. Mon clan protégeait mon petit garçon Mite, ainsi que tous les autres. Oh dans la nature, sans personne, j’aurais eu du mal à faire survivre ma famille.

« Hé bien, je suis enchanté de faire la connaissance de Ollie… Le skate ? Je n’en avais jamais vu des comme lui. »

Rusty évoqua d’ailleurs Feuille de Houx. Je n’avais que peu de souvenir de lui, et pourtant je savais bien qu’il avait un lien avec moi… Mais lequel.

« D’ailleurs tu viens de me parler de Feuille de Houx… Tu as du en rencontrer de nombreux félins ! »

Je savais ! C’était le frère de Papillon de Lune ! L’oncle de mes premiers enfants. Celui que j’avais fait assassiner à cause de sa non loyauté. Décidément, mon passé me rattrapait.

« Feuille de Houx était l’oncle de mes premiers enfants. Tu as croisé d’autres membres du clan de l’Ombre d’ailleurs ? »

Monsieur Oeil Vert (Monsieur Oeil, ou Monsieur Vert?) riait à ses petites tentatives d'alléger l'atmosphère, et il penchait sa tête, et il observait Ollie sans lever son poil, contrairement à beaucoup de guerriers qui l'avaient surpris en pleine course... Et puis il alla plus loin:

— « Hé bien, je suis enchanté de faire la connaissance de Ollie… Le skate ? Je n’en avais jamais vu des comme lui.

Les grandes oreilles de Rusty tombèrent de chaque côté de sa tête en même temps qu'il tomba des nues, la bouche entrouverte, penaud de voir quelqu'un d'autre se prétendre "enchanté" de "faire connaissance" avec un skate. C'était... Rusty voulut prévenir Oeil Vert que parfois, - et il ne s'en rendait pas compte - il donnait des mots à Ollie ainsi qu'une personnalité, mais rassurez-vous il n'était pas fou au point de croire son skate vivant! Mais ce tout petit effort de compréhension lui réchauffa le coeur, et à vrai dire, le bout des pattes aussi.

— « D’ailleurs tu viens de me parler de Feuille de Houx… Tu as du en rencontrer de nombreux félins !

Rusty s'assied sur le dos de son skate, admiratif de l'admiration qu'il voyait briller dans l'oeil unique de cet ex-chef de Clan. Même s'il avait été malade entre temps (et suffisament malade pour porter atteinte à Trash et l'attaquer...), il n'oubliait pas que sa toute première rencontre avec Monsieur Oeil Vert ne s'était pas faite de façon aussi... Légère. Que la nuit et la cueillette s'étaient déroulées dans une joute de mots et d'opinions qui les avait tout deux fait étrangement ressortir vaincqueurs de nouveaux idéaux (ou, dans le cas de Rusty, d'idéaux plus fermes.) Peut-être que c'était l'âge, ou la brise, ou bien le fait qu'ils avaient tout deux survécus de la maladie qui avait sévi Cerfblanc avec la canicule mais leurs mots étaient ceux de deux amis de longue date:

— « Euh ! Ses deux oreilles ramollies pointèrent vers le haut, découpant la silhouette triangulaire de l'abyssin dans la nuit. Mais oui! Plus de félins que de skates, ça c'est sûr, ahha-ha!
— Feuille de Houx était l’oncle de mes premiers enfants. C'était-- l'oncle! À l'époque, Monsieur Houx lui avait dit être devenu chasseur pour aider à nourrir les nouvelles bouches dans sa famille, ses neveux et nièces, et un lien de parenté s'était formé entre lui et le tabby estropié sur son rocher. Tu as croisé d’autres membres du clan de l’Ombre d’ailleurs ?

Et cette question, joint à tout le reste, aida à dénouer sa langue à l'abyssin:

— Tout mes amis ou presque viennent du bourbier, Monsieur Oeil Vert! Et il se garda bien de lui rappeler qu'il savait pourquoi ils ne l'avait jamais mentionné.

Je vous ai parlé de la Fée des Étoiles, et de Monsieur Houx qu'elle protège, mais de son vivant, pendant une leçon de chasse avec lui, j'ai rencontré Monsieur Queue de Serpent qui chassait la même souris que moi!

J'ai aussi rencontré Espresso, Nuageux Feulement, ma fille Muguet - comme elle est grande maintenant! - et ma jeune amie Mimosa... »

Le souvenir de son Amie-mosa envoya se ramollir ses oreilles à nouveau, et baisser la tête en sortant les épaules. Impossible ni de se l'enlever de la tête, ni d'oublier cette nuit aux Falaises, à attendre son rendez-vous qui ne vint jamais. ...Et puis il y avait un autre chat dont il ne savait pas le nom, et Rusty parut moins enjoué:

— « Une fois - je n'étais pas avec Ollie ce jour-là - un chat tacheté s'est avancé au milieu de la route. Je ne sais pas s'il était distrait, ou si, et son train de pensée s'égara, et sa voix se tut, et lorsqu'il ferma ses yeux il fronça durement ses sourcils comme pour retenir à tout un flot d'émotions de remonter, avant de poursuivre: ... ou si c'était volontaire, il osa dire, mais une voiture - ce que vous appelez un "Monstre" - arrivait sur lui, alors j'ai sauté.

C'était difficile à oublier - ses muscles s'étaient campés, ses griffes avaient cliqueté sur le bitume et il s'était propulsé dans les airs dans un bond en longueur en se transformant en éclair cannelle. Il avait percuté de plein fouet le malheureux, l'avait attrappé par la nuque comme il l'aurait fait d'un chaton et l'élan les avait tout deux envoyé bouler dans le fossé de la frontière entre le bourbier et l'accotement. Un long silence accompagna ce souvenir, car la gorge de Rusty s'était nouée, et il entrouvrit ses babines sur un sourire chagriné:

— Je ...   Je n'ai jamais su son nom, vous savez? Et, entre vous et moi... je pense que, je crois que, son coeur battait vite, et il secoua sa tête car elle se débattait avec l'information et Rusty n'avait jamais été vraiment doué à faire face aux froides réalités.

... Qu'il est aux soins de la Fée des Étoiles, maintenant. »

Il déglutit - qu'est-ce... Qu'est-ce qui lui prenait d'être aussi déprimant lors d'une nuit aussi légère? Alors il voulut changer le sujet, ou plutôt retourner la balle (il avait toujours été doué pour les poursuivre et les rapporter, mais poursuivre ce genre de balle-sujet lui semblait être un énorme faux-pas):

« Euh - oui, enfin, bon -- et sinon vous avez déjà rencontré d'autres chats solitaires???

Il aurait pu JURER avoir entendu Ollie ricaner.

Le solitaire était surpris de ma considération pour son skate. C’était un objet étrange, tout comme ce Rusty qui m’intriguait toujours plus. J’avais un fort sentiment de confiance avec lui, et je n’avais presque aucun doute sur sa sincérité. Pourtant, il pouvait être mauvais, mais non, je ne me méfiais pas de lui. Je pourrais mourir 1000 fois s’il le décidait. Moi je restais là, à écouter ses paroles, attendant la suite avec impatience. Il plaisanta lui aussi d’ailleurs. D’humeur joyeuse, un sourire se dessinait sur mes babines avec un léger rire.

« Tout mes amis ou presque viennent du bourbier, Monsieur Oeil Vert!

Je vous ai parlé de la Fée des Étoiles, et de Monsieur Houx qu'elle protège, mais de son vivant, pendant une leçon de chasse avec lui, j'ai rencontré Monsieur Queue de Serpent qui chassait la même souris que moi!

J'ai aussi rencontré Espresso, Nuageux Feulement, ma fille Muguet - comme elle est grande maintenant! - et ma jeune amie Mimosa... »

Il était alors au courant de la mort du guerrier. Je me gardais bien de lui préciser qui en était le responsable. Je souriais à l’évocation de mes chasseurs. Je me demandais bien qui il appelait Espresso. Nuageux Feulement qui est devenu Feulement. Et enfin Muguet… Sa fille ? Il était le père de Muguet ? Les oreilles droites, je le regardais droit dans les yeux. Mais l’évocation de ma douce petite Mimosa me réchauffa le cœur. Mon enfant, mon âme, ma vie. Cependant, l’air du matou roux semblait moins enjoué. J’allais attendre avant de lui poser la question, il me répondra peut-être de lui-même. L’air inquiet, j’étais prêt à poser une patte réconfortante sur l’épaule de Rusty.

« Une fois - je n'étais pas avec Ollie ce jour-là - un chat tacheté s'est avancé au milieu de la route. Je ne sais pas s'il était distrait, ou si, ... ou si c'était volontaire, mais une voiture - ce que vous appelez un "Monstre" - arrivait sur lui, alors j'ai sauté. Je ... Je n'ai jamais su son nom, vous savez? Et, entre vous et moi... je pense que, je crois que ... Qu'il est aux soins de la Fée des Étoiles, maintenant. »

Et moi je crois qu’il parlait de mon ancien apprenti. J’avais beaucoup apprécié le jeune chasseur, il était doué et était un vrai guerrier. Je me souvenais encore de Fougue du Léopard.

« Fougue du Léopard. Il s’appelait Fougue du Léopard. Il a été mon apprenti dans le passé. Maintenant, il se balade auprès du clan des étoiles. »

Paix à son âme. Mais comme un sursaut de vie, le solitaire reprit une pointe de joie dans ces paroles.

« Euh - oui, enfin, bon -- et sinon vous avez déjà rencontré d'autres chats solitaires??? »

Je voyais dans mes souvenirs lointains de guerrier fougueux et bagarreur un félin noir et imposant. Il m’avait battu et m’avait amené aux portes de la mort. J’abusais sûrement mais bon.

« J’ai rencontré par le passé, lorsque j’étais tout jeune, un solitaire noir, couvert de cicatrises. J’étais impulsif et bagarreur à l’époque, alors je n’ai pas hésité à me lancer contre lui pour le chasser. Hé bien, il m’avait sacrément amoché ! J’en garde des marques. Cependant, je ne me souviens plus de son nom. »

Je rigolais de ce souvenir. Cœur Maudit ou Etoile Maudite n’aurait pas rigolé de cette défaite. Celui que j’étais à présent, Œil Vert, considère ça comme une aventure, et un apprentissage. Fier comme un paon, je décidais de reprendre ses propos.

« D’ailleurs tu as parlé de Mimosa, Cœur de Mimosa. Il s’agit de ma fille. Ils sot quatre dans la portée, Cœur de Mimosa, Violette Fanée, Bois d’Aulne et Lys Blanc. Quatre de mes merveilleux enfants. J’en ai de tout jeunes aussi qui sont nés il n’y a pas si longtemps que ça. Du coup, tu as rencontré ma chère fille. »

Je marquais une pause.

« Tu as parlé de Muguet d’ailleurs… Tu es son père ? »

Monsieur Oeil Vert mit un nom sur le chat à pois que Rusty avait sauvé. Il l'appela Fougue du, "Fougue du Léopard", et il lui dit qu'il avait été son mentor. Qui aurait cru que la chat qu'il avait sauvé, le chat qui se trouvait dans les Étoiles (car Monsieur Oeil Vert lui confirma ses soupçons) avait été si proche de, eh bien, Monsieur Oeil Vert? Rusty voulut penser quelque chose, mais il ne trouvait pas de mots pour s'exprimer outre que "Deux autoroutes qui se croisaient à la même sortie". Par où commencer pour expliquer quelque chose d'aussi concrètement alien à un chat de Clan? Comme la jonction entre deux rues résidentielles - comme, enfin Rusty se hâta de changer de sujet car il se trouvait beaucoup trop morose, et bizarrement, sa.... "diversion" fonctionna, aiguillant Monsieur Oeil Vert à se concentrer sur quelque autre vécu.

— « J’ai rencontré par le passé, lorsque j’étais tout jeune, un solitaire noir, couvert de cicatrises.
— Oh!!
— J’étais impulsif et bagarreur à l’époque, alors je n’ai pas hésité à me lancer contre lui pour le chasser. Hé bien, il m’avait sacrément amoché ! J’en garde des marques.
— Oh-ho-ho, oh non!!

Rusty ne pouvait s'empêcher de rire malgré lui car les yeux de ses pensées étaient plus que capables de lui faire voir la scène d'un Oeil Vert plus jeune se frottant au terrible gros chat noir du verger.

— Cependant, je ne me souviens plus de son nom.
— Il s'appelle Trash! s'exclama l'abyssin. C'est mon meilleur ami, on vit ensemble dans la même cabane dans le Verger dans la Lande! Je n'arrive pas à croire que vous ayez rencontré Trash, ahha! ♫ »

Par contre il arrivait plus qu'à croire que Trash l'ait, dans les mots d'Oeil Vert, "sacrément amoché"! Trash était gentil avec lui et son ami mais Rusty ne se cachait pas que son ami, du temps où il vivait avec feu son père, Monsieur Toucan, devait farouchement défendre ses terres. Et puis il était gros, et puis il avait le corps déchiré de cicatrices (Rusty les avait toujours trouvées très belles, jusqu'à ce qu'on ne lui en marque sur sa peau à lui), et puis ses griffes étaient toujours sorties. D'entre les deux Trash faisait plus guerrier que lui!

Oeil Vert riait - le trauma d'être attaqué n'était pas le même chez les chats de Clans que chez lui, il faut croire, et Rusty se joint à son rire. Peut-être que c'était l'âge, mais ils enchaînaient les anecdotes sans s'asseoir sur aucune d'entre elles. Et lui était assit sur son skate à profiter de la fraîcheur de la saison des feuilles neuves, de l'odeur de l'air rural (profitant que, dans cet angle, avec son Sphinx sur sa pierre, il ne voyait pas les fausses-lumières de la ville l'appâter à y retourner).

— « D’ailleurs tu as parlé de Mimosa, Cœur de Mimosa. Il s’agit de ma fille. Ils sont quatre dans la portée, Cœur de Mimosa, Violette Fanée, Bois d’Aulne et Lys Blanc. Quatre de mes merveilleux enfants. J’en ai de tout jeunes aussi qui sont nés il n’y a pas si longtemps que ça. Du coup, tu as rencontré ma chère fille.
— Oui. C'était le soir où je devais chasser aux falaises avec Monsieur Houx, et je crois les Étoiles le savaient, car elles m'ont fait veiller toute la nuit à l'attendre... Mimosa est arrivée à l'aube pour veiller sa maman -  oh... toutes mes condoléances, Monsieur Oeil Vert...

— « Tu as parlé de Muguet d’ailleurs… Tu es son père ?
— « Ah- Euh !!

L'abyssin se redressa si vite sur Ollie que ce-dernier eut la maligne idée de se reculer. Ce qui provoqua l'abyssin à reculer sa patte, et brusquement le skate se cabra pour le désarçonner par l'arrière.
Les roues claquèrent en retombant sur leurs quatre et le choc fit s'avancer Ollie jusqu'à la pierre où était couché Oeil Vert, s'arrêtant d'un toc! à son pied. Rusty se redressa à demi sur le flanc avec l'horrible impression d'être à découvert.

— « N-non...   Pas exactement...?   J'étais venu voir Madame Fée pour des conseils pour aider des amis à moi qui s'apprêtaient à avoir des chatons - je les hébergeais dans ma maison - et, par je ne sais quel tour des Étoiles, une chatte, enceinte, s'est mise à miauler à l'aide.

C'est avec un peu de mal qu'il sortit les épaules pour se hisser assit, avancer les pattes et se secouer des brindilles et des feuilles qui s'étaient entremêlés dans sa mue.

Je peux en rire aujourd'hui, te faire la blague (il ne s'était même pas rendu compte qu'il le tutoyait) "maintenant que tu connais la théorie, zou les travaux pratiques, kiddo!" mais à l'époque, j'avais tellement peur de mal-faire...! Et puis deux chatons sont nés - je me rappelle encore de leurs noms - et j'ai personnellement rencontré Muguet quand elle était "Petite", puis, quand elle était "Nuage". C'est bien comme ça que vous dites?

Elle a un frère, Crocs, que je n'ai en revanche jamais rencontré... »

Il se rabaissait. Lorsque son menton toucha presque le sol il se hissa sur ses quatre pattes pour se remettre en mouvement vers Ollie. Une patte le fit se cabrer à nouveau mais il s'immobilisa contre le Rocher, et le soutien de celui-ci lui fit maintenir sa position. Rusty put donc le monter comme une pente, et rejoindre le Sphinx à sa hauteur, sans toutefois avoir le courage de monter avec lui.

— « Si j'peux être honnête, et il regardait ailleurs, et sa queue eut un nerveux tic au bout, je n'ai pas envie de lui imposer quoi que ce soit?... C'est que les chats de Clans, un petit gloussement le trahit, vous êtes un peu particuliers, avec vos antécédents, n'est ce pas!

Rusty m’avait appris le nom du terrible matou noir que j’avais croisé dans ma jeunesse. Trash. Je riais avec légèreté face à ce que me racontait le rouquin. Ils étaient donc amis ! Maintenant que je n’étais qu’un vieux matou à la recherche de calme et de tranquillité, peut-être que je pourrais apprécier, et être apprécié de ce bagarreur. Cependant, je ne pouvais m’empêcher de me sentir rassurer que Rusty soit avec cet animal. J’étais bien placé pour connaitre ses capacités en combat, et il était entre de bonnes pattes si besoin. Est-ce que je commençais réellement à m’en faire pour ce solitaire ? Je… Je crois que oui. Il était gentil, et discuter avec lui était si agréable. Lorsque j’ai évoqué Feuille de Houx, mon beau-frère, je… J’étais si malade à ce moment là, je me faisais un devoir de ne jamais oublier les actes atroces que j’avais commis. Certes le matou avait déjà maltraité Feulement, selon les dires du félins, mais il aurait du avoir un jugement. La première fois où j’ai plongé mes crocs de sang-froid…Ça aurait dû me servir de leçon, et j’aurais du jamais recommencer par la suite. Finalement, j’ai été plus sombre, plus cruel et plus violent que Serpentaire. Et puis finalement, vient ma question sur Muguet. Rusty était tellement surpris qu’il tomba d’Ollie. Inquiet, les oreilles droites, je me redressais en vitesse pour voir si le matou allait bien. Je ne m’approchais pas trop pour pas qu’il pense que j’en profite pour l’attaquer. En même temps, en tant qu’estropié est-ce que j’aurais pu avoir la moindre chance contre un chat valide ? Je sentais en tendant le coup Rusty, voir si je voyais la moindre odeur d’une blessure, mais rien. Les oreilles abaissées, le rouquin dit :

« N-non... Pas exactement...? J'étais venu voir Madame Fée pour des conseils pour aider des amis à moi qui s'apprêtaient à avoir des chatons - je les hébergeais dans ma maison - et, par je ne sais quel tour des Étoiles, une chatte, enceinte, s'est mise à miauler à l'aide. »

Alors il connaissait la mère des deux orphelins ! Quel doux félin s’était d’aider ceux dans le besoin. Il se redressa et continua :

« Je peux en rire aujourd'hui, te faire la blague "maintenant que tu connais la théorie, zou les travaux pratiques, kiddo!" mais à l'époque, j'avais tellement peur de mal-faire...! Et puis deux chatons sont nés - je me rappelle encore de leurs noms - et j'ai personnellement rencontré Muguet quand elle était "Petite", puis, quand elle était "Nuage". C'est bien comme ça que vous dites? Elle a un frère, Crocs, que je n'ai en revanche jamais rencontré... »

Je souriais. C’était tant une intonation de famille « kiddo » ! Je me souviens quand j’avais accepté que l’ancienne guérisseuse revienne parmi nous. Je l’avais fais pour deux raisons, pour Esprit Soucieux à qui ça faisait tant plaisir, et a elle qui devait à présent pouvoir se reposer les pattes. Après tout, c’était elle qui avait aidé ma mère lors de ma naissance. Lorsque je n’étais qu’un tout petit chaton. Ce temps me paraissait si longtemps ! Je hochais la tête pour confirmer l’emploie du Nuage pour les apprentis. Le matou remonta finalement sur Ollie, et le calla contre le rocher où j’étais installé. Mais il ne vient pas avec moi. Il aurait pu, après tout je ne mords plus !

« Si j'peux être honnête, et, je n'ai pas envie de lui imposer quoi que ce soit?... C'est que les chats de Clans, vous êtes un peu particuliers, avec vos antécédents, n'est ce pas! »

Je riais en douceur aux paroles du matou. Il me faisait sourire et je redécouvrais cette belle et merveilleuse joie qui se déversait dans mon cœur. Une pensée au fond moi… Craignais que ce cœur finisse par déborder de tout cela. La dernière fois que ça m’était arrivé, c’était pour Papillon de Lune. Etait-ce possible que mon cœur déborde pour… un mâle ? Je n’en savais trop rien. Ce que je sentais bien par contre, c’était le bonheur que me procurait cet instant, sous le ciel étoilé. Je profitais de chaque battement de mon cœur aux côtés de l’animal qui me redonnait le sourire. Oh j’étais bien sûr sorti depuis longtemps de cette période sombre qui avait tourmenté mon âme, mon esprit. Mais ce soir là… Quelque chose de différent se dégageait, sans que j’arrive à l’expliquer. Un sentiment de bien-être profond, une envie de rire, et de roucouler auprès de… Je secouai ma tête éloignant ces pensées. C’était réellement possible ?

« Je pourrais lui demander de venir te voir un jour si tu veux. De tous les guerriers du clan, c’est le plus valeureux, le plus doux. Je suis heureux du félin qu’il est devenu, avec des valeurs. Je serais vraiment ravie de te le présenter. »

J’étais réellement fier du guerrier. Dents de Sabre, l’un des meilleurs du clan. Mais soudainement, cette pensée fût chassée par un coup de folie. Sans réfléchir plus que ça, je me levai et sautais à terre en regardant Rusty et Ollie.

« Dis-moi Rusty… Ce que je vais te dire peut s’apparenter à une folie pour le matou estropié que je suis… Mais, tu crois que tu pourrais m’apprendre à monter et utiliser Ollie comme tu le fais ? »

Ce bien-être qui se déversait en moi me donnait des envies folles, des choses que jamais auparavant je n’aurais imaginé faire, même en rêve. Je ne connaissais même pas les Ollie avant ce soir ! J’étais curieux de ce tout petit monstre sur petites roues. Je me tenais debout, ma patte folle touchant légèrement le sol, l’œil pétillant et la queue haute. Il était loin le chef et le guerrier. Et je crois que ce n’était pas plus mal. Au moins, maintenant, j’étais heureux. En cet instant, je ne connaissais que le bonheur qui irradiait mon corps entier. Je ne connaissais que cette émotion intense. Je sentais quelque chose que je n’avais presque jamais senti avant. Arrête dont ces histoires…

— « Je pourrais lui demander de venir te voir un jour si tu veux. De tous les guerriers du clan, c’est le plus valeureux, le plus doux.

L'abyssin sentit l'émotion lui gagner le ventre, la gorge, les yeux. Il espérait de tout coeur pouvoir rencontrer un jour Crocs, ce frère à Muguet, mais il ne voulait pas l'indisposer! Mais Oeil Vert l'avait dit valeureux et doux, et c'est cette douceur qui devait constituer sa véritable force. Devant tant de louanges au tout petit chaton qu'il ne s'était contenté que d'aider à faire naître, Rusty se sentit choyé. Fier, proche et entouré d'une famille, même si elle n'était pas vraiment la sienne.

— Je suis heureux du félin qu’il est devenu, avec des valeurs. Je serais vraiment ravi de te le présenter.
— Je... j'en serais ravi aussi » avoua Rusty d'une toute petite voix, du haut du dos d'Ollie, risquant un petit coup d'oeil sur le chat à qui il manquait une patte.

Et puis sa gorge se noua - il ne sut dire pourquoi. Il n'était pourtant pas triste? Et Monsieur Oeil vert se leva - la rapidité du mouvement fit s'arrondir ses yeux à l'abyssin, mais le mouvement de se jeter du haut du rocher " Eh mais ! " le fit aussitôt piler vers l'arrière pour descendre Ollie à quatre pattes d'un claquement des roues.

Oeil Vert était à sa hauteur maintenant - enfin outre qu'il le dépassait bien d'une demie-tête, sur son skate.

— « Dis-moi Rusty… Ce que je vais te dire peut s’apparenter à une folie pour le matou estropié que je suis… Mais, tu crois que tu pourrais m’apprendre à monter et utiliser Ollie comme tu le fais ?

Les oreilles de l'abyssin échappèrent à son contrôle. D'abord il les pointa très hautes, puis elles se pivotèrent chacunes de leur côté, vers l'extérieur. Il - mais - Mais dis quelque chose, Rusty !

— « Kouaah???

Ses mots se perdirent sur un miaulement confus, et un fou-rire lui prit. Ce- pour Trash il comprenait, Trash c'était un chat de gouttière, un vieux de la vieille, un chat des villes, quoi! Mais qu'un, un clani-- un chats des Clans comme Oeil Vert s'intéresse à son skate! C'était une chose de se sentir enchanté de le rencontrer, et aussi d'utiliser son nom mais c'était... c'était...

Rusty dut cligner des paupières avant de vite refermer sa bouche, craignant qu'une mouche n'y soit entrée. Il mâcha sa langue, sans savoir s'il devait la claquer. L'émotion lui noua la gorge - il déglutit le noeud bruyamment.

— « M-.. m.. Mais ouais!   Deux soleils bleus se mirent à briller de mille feux dans ses yeux. Il bredouilla des excuses en se hâtant de descendre d'Ollie, de mettre les coussinets à terre, de tendre la patte comme s'il pouvait contrôler celle d'Oeil Vert à faire pareil.

— « Commence par mettre ta patte! C'est, je whouah...

Rusty n'arrivait à rien cacher:

— « Tu veux dire qu'il te fait pas peur???