Faire ses Preuves [Baptêmes + Annonces] - end

Coup de Foudre s'était levé à l'aube, au milieu des branches d'un arbre près du campement. Il ne dormait plus dans sa renardière, il passait rarement dans la tanière des guerriers (désolé, Tigre...), et il ne s'approchait même pas de l'Antre du Chef alors de grimper la pierre de son promontoire... Il s'était étiré, il s'était posé par terre, il s'était ébroué et il était allé à la Rivière. D'abord il s'était chargé de son corps, puis de ses joues, puis de ses moustaches qu'il avait finement lissées. Dans son reflet trouble, il constata que ses poils d'oreilles étaient longs - il s'aida de ses pattes arrières pour en arracher le trop-plein et les alléger. Quelle horrible tête, mais rien qu'un peu d'eau ne pouvait réparer. Puis, il s'en était allé en direction de la palissade de ronces entourant leur campement, reniflant les parages afin de s'assurer qu'aucun indésirable n'était passé la nuit dernière. Suivant l'examen il entra dans le campement.

Il était vide.

... Enfin, pas exactement, juste que même les lève-tôts dormaient encore. Il y avait du mouvement dans la pouponnière (il entendait les voix étouffées des reines qui discutaient ensemble). Il y avait un éveil progressif dans la tanière des guerriers (les ronflements se taisaient peu à peu). Les apprentis dormaient couchés sur leurs pattes. Il s'attarda sur les nids de ses enfants et son attention capta celle de Lycaon qui avait entrouvert un oeil las. Ils s'échangèrent un regard, puis un mouvement de la tête, et Coup de Foudre lui fit signe de le rejoindre dehors.

Ils s'échangèrent quelques mots, à la rosée du matin. Coup de Foudre lui parla qu'il s'agissait du grand jour, et il l'invita à la pile de proies avec lui pour partager une souris. Le soleil, au-dessus de la clairière, continua sa course. Un cadran plus tard des chats se levaient. D'autres décidaient de rester couchés - à quoi bon se lever lorsque leur chef avait disparu et que leur lieutenant ne prenait même pas la peine de se charger des patrouilles? Source de Secrets avait été bien sûr la première à sortir - et bien sûr, fut la première à les repérer, se hâtant de les rejoindre pendant leur petit déjeuner.

Le moral du Clan n'était pas au plus haut, et les mauvaises langues marmonnaient à demi-ton. Après le repas, Coup de Foudre les invita tout deux à le suivre, et il se dirigea d'un bon pas vers ce qu'il redoutait. Ce haut rocher couché qui formait l'antre du chef. Il inspira l'air de la matinée. Il s'arma de courage. Il se ramassa sur lui-même (le geste attira l'attention de quelques guerriers qui le regardèrent faire, interdits), et il bondit à mi-hauteur, se tractant de ses pattes pour se hisser tout en haut. Et de tout en haut il vit tout les campement, la construction de chaque tanière (la pouponnière dans les ronces, comme celle des apprentis, la souche des anciens, l'arbre mort)... C'était risible de se rendre compte de la formation du campement après y avoir vécu toute sa vie. C'était risible, qu'il connaisse mieux les branches des Quatre Chênes ou le sol en terre noire du Chemin du Tonnerre que la pierre et la terre de son propre campement.

« Tu es un solitaire du Clan du Tonnerre maintenant ?! »

« ...Rassemblement. »

Sa voix porta - il en fut momentanément surpris, avant de retrouver sa contenance et de se faire grand dans cette hauteur, à contre-jour du soleil qui embrasait de lumière dorée le bout de ses poils sombres. Depuis qu'il était lieutenant, il n'avait pris aucune responsabilités pour le bien Clan - oh, certes, il s'était assuré que la pile de proies soit bien garnie, et il s'était assuré de s'occuper personnellement de leurs invités de la Rivière, se chargeant des négotiations et de taire les disputes, mais pour eux, ça n'avait pas suffi.

Aujourd'hui serait différent - il leur ferait savoir à tous.

Mon oeil bleu s'ouvre puis se referme. Mhh? C'est déjà le matin? Hmm? Ah oui le soleil brille un peu. Pourtant je suis toujours fatiguée, mais c'est plutôt normal. Ma queue se lève pour effleurer et caresser doucement mon ventre rebondi. On pourrait croire que les proies sont tombées en masse sur les Terres du Tonnerre et que je me suis goinfrée au delà du raisonnable mais non. Ce sont bien des petits chatons qui grandissent dans ce gros bedon. Des petits d'Amour, créés par le Destin qui nous a réuni mon Becounet et moi-même. J'ai bien senti que mon cher Amoureux est à la fois heureux et inquiet de cette portée, mais moi, je ne suis que joie et bonheur. Peu m'importe la particularité de Becounet, peu importe si l'un de nos enfants l'a, moi je trouve ça juste mignon et unique, juste parfait. Maman vous aime mes enfants, j'ai hâte de faire votre connaissance. Je baisse ostensiblement et tourne un oeil vers ma compagne de Pouponnière. Belle Châtaigne aussi est enceinte, on mettrait bas à peu près en même temps et ça me rassure un peu de n'être pas seule ici.

« ...Rassemblement. »

Mes deux yeux s'ouvrent grands. Ça c'est une voix que je connais, puisque c'est celle de Beau Papa. Même si c'est inhabituel de l'entendre aussi fort, surtout de si bon matin. Je force sur mes pattes pour me mettre debout tandis que ma compagne de Pouponnière s'éveille. Je m'étire comme je peux, baille une nouvelle fois et sors dehors à pas mesurés. Une fois à l'extérieur, je cligne plusieurs fois des yeux, éblouie par la luminosité. Le Clan, enfin ceux qui sont là, semblent étranges, ils fixent tous le Promontoire. Est-ce qu'Etoile Masquée serait enfin de retour? J'avance encore avant d'écarquiller les yeux. Tout en haut du rocher, ce n'est pas le pelage gris du Meneur, mais bel et bien celui de notre Lieutenant, mon Beau Papa. Que fait-il donc là-haut? Enfin bon, on saura bien assez vite ce qu'il a à nous dire pour convoquer un rassemblement. Plus important. Où est mon Amoureux Eternel? Je ne l'ai pas vu ce matin et je suis déjà en manque d'Amour!

Il a encore rêvé d'Elle.

Elle est là, et la brise printanière l'entoure de pétales dansant. Son sourire, ses yeux plein de malice... Tornade Vive n'a rien perdu de sa superbe. Elle ne dit rien; ils n'en ont pas besoin et se met à galoper devant lui. Il la suit, ses pattes tambourinent l'herbe fraîche de la clairière au rythme du rire coquin de sa belle. Parfois, elle tourne la tête et lui accorde un regard complice. Le vert pâle de ses yeux. Il fond. Il n'arrive pourtant pas à la rattraper. Et quand il bondit, grand sourire à la gueule pour écraser son corps contre son corps, Cœur de Puma se sent plus léger qu'une plume. Les plumes. Il se réveille en sursaut dans sa litière fournie de plume, libérant un hoquet de surprise, et un bruyant En « fin! ». Surpris -au moins autant que ceux qu'il vient de réveiller- le vétéran réalise ce qu'il vient de se passer.

Son cœur se resserre. Il est seul, dans cette litière trop grande pour lui. Malgré les lunes qui passent, le vétéran balafré dort encore dans la mousse qu'il partageait jadis avec sa bien-aimée. Cette pensée alourdit sa tête, et il fourre son museau dans son lit, comme un apprenti capricieux qui refuse de vivre une nouvelle journée de corvées. Mais Cœur de Puma n'est pas capricieux. Il est triste. Triste de revoir la bouille toute ronde de Tornade Vive, et son regard amoureux quand elle lui avait fait promettre de ne pas tasser son côté alors qu'elle rejoignait la pouponnière pour quelques lunes. Elle lui manque. Tous les soirs au coucher et tous les matins au réveil, il ne peut retenir son esprit de chercher encore et encore des souvenirs d'Elle, des pensées joyeuses et contrariantes. Il ne veut pas l'oublier.

« Rassemblement. »

Soupir. Il se lève, s'accorde quelques coups de langue pour se rendre présentable et quitte la tanière des guerriers. Ses yeux fatigués sont tout de suite captés par la silhouette de Coup de Foudre. Dressé sur le Promontoire, le charcoal -pour une fois mal-assuré- attend que ses camara les autres se regroupent. Il ne faut pas plus d'informations au brun-roux pour comprendre. Étoile Masquée a disparu depuis trop longtemps, et même s'il redoute ce moment plus que jamais depuis son échange avec le mâle aux yeux électriques... il doit bien avouer qu'il est temps. Le Clan ne peut pas se permettre de rester dépourvu de leader indéfiniment.

Il coule assez rapidement un regard vers la pouponnière, d'où ont déjà jailli ses petits excités à l'idée que c'est peut-être leur journée. Leur enthousiasme apaise son cœur endeuillé et apeuré. Heureusement qu'ils sont là. Un sourire apaisé au visage, il trotte jusqu'aux deux chatons et à la nourrice qui a veillé sur eux durant toutes ces lunes. Il la salue d'un geste de la queue avant de plonger la tête la première vers les presque-plus-duvets de Petit Rossignol et Petit Lézard. Là, il libère un ronronnement rauque. Il les regarde un à un : il ne cache pas son émotion à l'idée qu'ils deviennent à leur tour des Nuage. A la place, il leur accorde chacun un long coup de langue entre les oreilles, avant de prendre place auprès d'eux, ses yeux noisettes levés vers le lieutenant.

Pitié, ne me déçois pas encore...

Inutile de se le cacher : Petit Rossignol n’est déjà plus en train de dormir au moment où les premiers rayons du soleil percent l’horizon pour darder la forêt comme des langues de lumières caressant le dense feuillage des arbres. Cette nuit comme les précédentes, elle a eu beaucoup de mal à trouver le sommeil et lorsque ce fut le cas, son repos fut perturbé par les réveils à répétitions qui rythmèrent sa nuit celle de son frère. Elle soupçonnait Petit Lézard d’avoir eu encore moins de sommeil qu’elle : le jeune chat avait toujours eut du mal à s’endormir et à passer des nuits paisibles, c’était un petit anxieux. Lorsqu’elle tourna la tête pour en juger par elle-même, ses doutes se confirmèrent. Le petit marbré avait les yeux ronds comme des balles de mousse et les pupilles si dilatées qu’elle emplissaient la quasi-intégralité de ses iris.

“Eh bien alors, tu as fait un cauchemar ?” le taquina-t-elle en murmurant pour ne pas réveiller les reines.
“Mais non, tête de linotte ! J’ai vu Coup de Foudre passer il y a quelques minutes. Coup de Foudre ! De si bon matin, et il se dirigeait vers le promontoire. Ça ne peut signifier qu’une seule chose” ses yeux brillaient d’excitation lorsqu’il les tourna sur Petit Rossignol qui sentit son propre coeur battre à tout rompre “C’est notre jour, j’en suis sûr !”
“Tu le penses vraiment ?”
Petit Rossignol posait la question comme pour se persuader elle-même de ne pas se faire trop d’idées car nombreux avaient été les faux espoirs ces trois derniers jours. Or, elle sentait, au plus profond d’elle, que l’heure était venue.
“Mes petits !” murmura leur nourrice en passant quelques coups de langue affectueux entre les oreilles de chacun, et contrairement aux autres chatons sur le point de devenir apprentis, ils ne refusèrent pas cette délicate attention. “Ça m’a tout l’air d’être le grand jour !” une trace dans sa voix laissaient deviner qu’elle était à la fois fière et triste. Petit Rossignol, hâtive de découvrir la forêt, ne voulait toutefois pas laisser celle qui s’était le mieux occupée d’elle dans l’embarras. Et se pressa fort contre la reine en ronronnant de tout son saoul et Petit Lézard l’imita. “Je te promets que ce n’est sûrement pas le dernier câlin que nous te faisons !” dit-il.
“... Rassemblement.”
“C’est pour nous ! Oh je ne rêve pas, ça y est, nous allons enfin devenir des apprentis guerriers… À nous les souris et les écureuils, on va découvrir le territoire, patrouiller avec les grands, aller aux Assemblées Petit Rossignol !”
“Je dis oui à tout ! Mais les Assemblées… Beurk, je n’ai pas hâte de sentir l’odeur puante de ces poissons-chats de la rivière !”
Leur nourrice les calma “Aha, il est vrai que vous avez toujours été très sages et que vous n’avez jamais fait de bêtises. Vos petites pattes doivent brûler de courir dans la forêt.”
“Papa arrive !”
Petit Rossignol surgit de la Pouponnière et s’éprit d’une joie immense en voyant son père au beau pelage s’avancer vers elle. Il avait l’air si fier que rien n’aurait pu la rendre plus heureuse sur l’instant, même son baptême à venir. “Papa !” s’exclama-t-elle en déboulant sur lui, poursuivie par son frère. “Ça y est, ça y est, je vais devenir apprentie !”
“Hep hep hep, qu’est-ce que je vous ai dit avant de sortir ? Vous n’allez pas saluer votre père et vous présenter à votre baptême dans cet état !” La joie noya sa honte de ne pas avoir pensé à un tel détail et elle se lava vigoureusement le poitrail “Là, c’est bien mieux ! Bonjour Cœur du Puma. Tu peux être fier de ces deux petits. Ce seront d’excellents apprentis. Ils vont me manquer…”

Quelques apprentis matamores étaient déjà réveillés et rassemblés au milieu de la clairière. Petit Rossignol en salua quelques-uns qu’elle connaissait, parmi eux Nuage de Ciel et Nuage Brisé. Flocon d’Amour s’était réveillée après eux mais les avait devancés, prenant place avec les autres. Coup de Foudre trônait du haut du grand rocher : c’était la première fois que Petit Rossignol le voyait depuis ici. Il ne ressemblait pas vraiment à un chef, mais il était bien là. Peut-être que ça rassurera les autres et qu’ils se rendront compte qu’il est notre meneur et que désormais c’est lui qu’il faut écouter que ça plaise ou non… Eh, mais Petit Rossignol, pourquoi tu le défends ? Papa ne l’aime pas. Elle eut un pincement au cœur qui la fit légèrement flancher. Qui va être mon mentor ?
Coup de Foudre. Il était tout désigné pour. Alors qu’elle s’avançait au premier rang avec son frère aux côté de leur nourrice et Cœur de Puma, elle ne put s’empêcher d’angoisser. Ce serait très certainement le bengal qui s’occuperait d’elle, car elle doutait que leur chef tiendrait compte des états d’âme de son père. Et Petit Lézard ? Elle se tourna vers son père.
“Je ferai tout pour te rendre fier de moi, papa.”

Faire ses Preuves.

Nuage Brisé n'était plus un chaton, et pourtant pas un adulte non plus. Malgré tout, il s'était fait un nid douillet hors du camp - à l'instar de son père d'ailleurs - sous un charme, profitant d'un creux entre les racines. Et cette nuit là, il avait entraînée Nuage de Sapin à ses côtés, discutant jusque tard avec elle, avant de faire bien plus. Il avait découvert ça il y a un moment déjà, le plaisir que laisse ce genre d'effort. Mais elle avait fini par le laisser, préférant rentrer au camp, retrouvée son frère, Nuage Clair. Et le croisé bengal s'était à nouveau retrouver seul ...

- Brisé ? Aller je sais que tu es là ! Viens donc, ton père vient de lancer une assemblée.

Vol de Colibri ... Paresseusement, le bengal s'étira avant de se lever au moment où la chatte passait la tête dans sa cachette. Il souffla du museau avant de se jeter sur elle, lui offrant moult lèche sur la face jusqu'à ce qu'elle le repousse en riant. Coup de Foudre avait demander à rassembler le clan et elle était aussitôt parti le chercher. C'est pas sa place, c'est la place à Étoile Masquée... Mais du meneur, nul trace depuis un moment déjà. Les deux félins se pressèrent sous les arbres, gagnant le camp ensemble pour que Brisé y découvre son père, juché là haut, attendant que bon nombres se rassemble. Lui pourtant se mit de côté, un peu hors de vue. Vol de Colibri s'en alla plus loin mais il ne fut pas seul longtemps, déjà, Coup de Chaleur venait le rejoindre, lui balançant à la gueule qu'il était trop jeune encore. Et toi trop jeune pour jouer les anciens ... Les deux frères se lançèrent un regard complice, avant de reporter leurs attentions sur leur géniteur.

Le bon sommeil était denrée rare ces jours-ci pour Dame de Cœurs. Certes, les temps se réchauffaient peu à peu, mais les nuits lui semblaient tout aussi glaciales qu’en pleine saison des neiges. Voyons le bon côté des choses : elle n’était pas tirée de son sommeil par les cris des chatons surexcités - sans oublier les foutus oiseaux criards – parce qu’elle était déjà réveillée. Sympa, non ? Elle s’était privée d’une petite escapade nocturne lors de son réveil et s'était contentée de laisser ses muscles engourdis profiter de leur temps de repos. Lorsqu’elle jugea qu’ils avaient suffisamment eu de temps pour récupérer, elle débuta par réveiller tranquillement les muscles de sa gueule, baillant bientôt à s’en décrocher la mâchoire. Puis, vint les muscles de ses pattes arrière, le mouvement suivit alors que son dos s’arqua et, finalement, ses pattes avant s'étirèrent alors que ses griffes vinrent remuer le sol pendant un bref instant. Elle ne perdit pas de temps : la toilette matinale fut aussitôt entamée. Et, aussitôt le calme établit, aussitôt le calme envolé alors que la voix de Coup de Foudre parvint à ses oreilles :

‎‏‏‎ ‎‏‏‎ ‎‏‏‎ ‎‏‏‎ ‎‏‏‎ ‎‏‏‎ ‎‏‏‎ ‎‏‏‎ ‎‏‏‎ ‎━ « ... Rassemblement.

Que dire, que dire... Elle ne fut pas étonnée d’entendre sa voix ce matin-là. Cela faisait déjà un bon moment qu’Étoile Masquée brillait par son absence, rien pour améliorer sa réputation au Tonnerre – l’accueil des chats de la Rivière n’avait pas été son meilleur coup -. D’ailleurs, son implication envers le clan avait largement diminué après l’arrivée des riveux, ce qui n’avait pas passé inaperçu. Et qui d’autre pour combler le vide que Coup de Foudre, maître en l’art d’organiser les patrouilles ! Un rire saccadé se faufila entre ses dents, qu'elle entrecoupa d'un claquement de langue agacé. Elle se décida enfin à s'approcher du promontoire où trônait le bengal et, heureusement, elle put utiliser la foule déjà sur les lieux pour excuser sa position, éloignée du promontoire. Elle profita de l'espace à sa disposition pour poursuivre sa toilette, en profondeur. Le discours ne tarderait pas, elle devait bien être dans les dernières à rejoindre ce rassemblement.

Le matin était à peine levé, mais un bruit léger suffit à faire ouvrir un œil à Lycaon. Son sommeil n'était que du somnolement après tout. Il croisa le regard de son père, qui l'invita à le suivre. Il se leva donc et le rejoignit à l'extérieur où quelques mots furent prononcés. Ils partagèrent ensuite une souris - ou plutôt le fils prit une bouchée et laissa le reste au lieutenant.

Le grand jour. Le fameux. Celui pour qui Coup de Foudre semblait avoir toutes les réticences. Mais Masquée ne reviendrait pas. Les espoirs d'un retour n'étaient que des illusions. Etait-il triste en sachant que son mentor était sans doute mort? Difficile à dire. Il appréciait le fait que l'ancien chef ne l'ait jamais forcé à combattre ou qu'il ait respecté ses limites corporelles. La vie sans lui était juste une vie en voyant un visage familier en moins. Étrange, mais pas si dérangeant une fois la première impression passée.

L'écaille de tortue se demanda bien pourquoi il était celui que son paternel avait réveillé. Il était évident qu'aujourd'hui , il allait passer entre les pattes d'un nouveau formateur, et ce dernier devait savoir que ce n'était la plus charmantes des perspectives pour lui. Peut-être, implicitement, car tous les deux avaient été laissés derrière par le meneur, et que pour tous les deux, c'était une nouvelle étape dans leur vie. Qu'est ce qu'il en savait au final, il vaudrait mieux qu'il arrête de faire des hypothèses sur des questions qui resteront sans réponse et le tourmenteront.

Source les rejoignit ensuite. Leur père n'était pas des plus appréciés, et pas mal de rumeurs courraient. Médisances et compagnie également. Il en avait assez entendu.

Coup de Foudre monta sur le promontoire. Étrange de le voir là-haut, et visiblement, ça l'était tout autant pour lui.

« ...Rassemblement. »
On y était. A présent, tout le monde arrivait. Il allait falloir être attentif, et il comptait bien guetter chacune des réactions. Il s'agissait d'un de ces moments dont l'Histoire se rappelait, un de ses tournants, et il allait y participer. Et une pensée dans sa tête, surgit.

Que le spectacle commence.

RAPPEL:

Il aperçut des reines sortir de la pouponnière, l'une d'elle traînant avec elle un ventre bien rond, signe d'une future portée à venir. Des chatons suivirent de peu, puis, tout un amas de guerriers. Il reconnut Coeur de Puma, surtout lorsque ce-dernier se laissa tacler par deux chatons déjà grands, la queue haute et en équilibre, à ronronner et à trépider sur place. Il reconnut Rossignol à ses pattes blanches, suivant leurs pas jusqu'à ce qu'elle ne s'installe sous son ombre et celle du promontoire qui s'étirait par terre.

D'autres guerriers s'approchèrent - outre Lycaon et Source, il vit baîller Ciel qui sortait du feuillage du buisson des apprentis, et il vit Poil de Musaraigne aider à contre-coeur le vieux Printemps Fatigué à sortir du trou sous la souche des anciens. Son regard croisa celui de son ancien-mentor, de son père-surrogat, de son modèle de parent idéal sur lequel il s'était calqué pour devenir celui de ses propres enfants. Le vieux chat, aidé de son fils, lui envoya un poli sourire, et sa tête s'abaissa lourdement comme si l'effort de sortir l'avait déjà épuisé. Il tourna la tête en avisant Nuage Brisé, qui s'était assied contre un arbre, bizarrement à l'encontre du ressemblement qui aurait pourtant s'agit d'occasion idéale de rapprochements et des contacts qu'il aimait tant. Il vit Dame de Coeurs aussi, bien qu'elle était en retrait à son tour, se préoccupant d'une énième toilette pour feindre la désinvolture (un autre point que les réunissait).

Il se rappelait l'époque où c'était lui qui était par terre, à faire pareil, à attendre que celui sur le promontoire ne parle, pour vite lever ses yeux au ciel et ronfler aux mots qu'il entendait.

Il baissa les yeux sur Lycaon, Source, mais au premier rang se trouvait aussi une vieille amie, dont la présence le surpris. Vipère Audacieuse n'était pas heureuse d'être assise, et pas heureuse de l'état du campement, ou de l'essouflement inévitable de ses camarades de gloires passées, mais malgré la rondeur de son ventre et malgré le voile à ses yeux elle avait fait l'effort de venir lui tendre l'oreille, à lui, lui accordant un dernier test de lui prouver qu'il offrirait à sa progéniture future un Clan non pas exactement comme elle l'eut espéré, mais hardi malgré tout.

Si Coup de Foudre avait eu une tête saine, comme n'importe qui, comme tout ces autres chats, toute cette attention lui aurait nouée la gorge. Toute cette attention l'aurait émeut, et peut-être que là, sur ce Rocher, en plus d'avoir l'air maladroit, il aurait eu l'air ridicule. Mais s'il avait eu une tête saine il n'aurait pas été qui il était, et il n'aurait pas fait les choix qu'il avait fait, et qui sait - il n'en serait pas là aujourd'hui. Ce dernier espoir d'être comme les autres s'aggrippa à ses épaules comme des griffes (il se tendit distinctement du haut de la pointe du rocher, l'une de ses pattes glissant du rebord en reculant ses postérieurs afin de vite corriger sa posture), mais lorsqu'il ouvrit la bouche, faisant porter cette voix qui beau-parlait, ces pensées "dont tout le monde s'en fout", les rayons à contrejour l'obscurcissant tellement que sa belle toilette matinale était imperceptible, une sorte de légèreté l'envahit:

« Je vais en venir aux faits, il leur dit à tous. Le Clan est en pagaille, et, je l'admets, une part de la faute me revient.

Je sais que je ne suis pas prêt à prendre cette place sur ce caillou, et je sais que vous n'êtes pas prêts de m'y accepter.

Mais le temps se fiche de nos préparations. On a pas tous le droit à un aurevoir.

Tout le monde ici a ressenti au moins une fois le froid d'être privé de quelqu'un qui comptait. C'est pourquoi veiller nos pertes est si important - mais repenser et réfléchir et s'aggriper à ce qui était avant est la définition-même d'un poids mort.

Et un poids mort est mort, quoi qu'on en souhaite.

Il regarda ailleurs - se détourna du rassemblement en regardant dans une direction où il n'y avait aucun chat car aucun chat d'ici ne pouvait voir ce qu'il voyait: Sinon vous oubliez où vous êtes et presque un cycle a passé.

Il se reprit d'une secousse de la tête et se redressa sur le rocher, sortant ses griffes afin de se donner une meilleure adhésion:

Non, le temps n'attend personne, qu'il s'agisse des aînés que nous avons toujours respectés (son regard alla de Vipère Audacieuse à Printemps Fatigué), aux petits qui viennent à peine de mettre les pattes dans la vie (cette fois, il le porta plus loin, allant spécifiquement chercher Coeur de Puma pour repérer Rossignol et son frère, veillant à attirer leur attention respective).

— Eh, vous deux.

Il les avisa d'un geste sec du menton, laissant un sourire poindre à ses babines. Petit Lézard sautillait sur place et Coup de Foudre hocha sa tête.

Ouaaais, ha hah, tu tiens pas en place hein ! ♫ Tu devines bien, c'est le grand jour!

Il se recula sur le promontoire pour jeter un regard derrière lui - non-loin de l'extérieur du campement, vers la grotte et l'herbier de la guérisseuse. Lorsqu'il vit Amour-en-Cage, il l'avisa du même geste sec du menton, lui faisant signe de s'approcher, avant de s'adresser au Clan:

— Bon, d'habitude, le chat sur le caillou demande aux jeunes s'ils sont prêts à respecter le Code, les Étoiles, tout ça, mais puisque le jurer devant MOI serait carrément indécent,...

Il s'assied.
Amour en Cage ?