Faire ses Preuves [Baptêmes + Annonces] - end

Le temps passe et toujours aucune trace d’Etoile Masquée. Tout le monde commence à s’inquiéter de l’avenir du Clan. Le Clan de la Rivière est toujours en parti présent et l’odeur de poisson commence à en déranger plus d’un. A la recherche de son mentor pour un entraînement, Nuage de la Louve est surprise d’entendre l’appel de Coup de Foudre du haut du promontoire. Son oreille tique. Très vite, tout le monde se rassemble au pied du rocher. Elle prend place non loin de sa fratrie et se prépare à écouter attentivement tout ce qu’il va se passer. La jeune craint l’annonce que son père est sur le point de faire. Elle ne sait pas trop quoi en penser ni ce qu’il adviendra de l’avenir du clan. Plus qu’à attendre pour être fixée. L’excitation de deux chatons au pied du promontoire laisse penser qu’ils vont enfin devenir apprentis. Elle repense alors à sa nomination avec nostalgie. Elle ronronne et ramène sa queue autour de ses pattes en attendant la suite. Installée juste derrière son frère – Nuage de Lycaon, elle observe son père qui ne semble pas à l’aise tout là haut.

« - Je vais en venir aux faits, Le Clan est en pagaille, et, je l'admets, une part de la faute me revient. Je sais que je ne suis pas prêt à prendre cette place sur ce caillou, et je sais que vous n'êtes pas prêts de m'y accepter. Mais le temps se fiche de nos préparations. On a pas tous le droit à un aurevoir. Tout le monde ici a ressenti au moins une fois le froid d'être privé de quelqu'un qui comptait. C'est pourquoi veiller nos pertes est si important - mais repenser et réfléchir et s'agripper à ce qui était avant est la définition-même d'un poids mort. Et un poids mort est mort, quoi qu'on en souhaite. Sinon vous oubliez où vous êtes et presque un cycle a passé. Non, le temps n'attend personne, qu'il s'agisse des aînés que nous avons toujours respectés aux petits qui viennent à peine de mettre les pattes dans la vie. »

Il n’a pas tort. Beaucoup de guerriers ne lui font pas confiance et on peut comprendre qu’il en soit ainsi vu les différentes trahisons de mon père. Mais … S’il est là-haut c’est que le Clan des Etoiles est d’accord avec cela. Pourquoi est-ce que mes camarades ne veulent pas lui laisser une chance ? La femelle secoue sa tête, agacé de se prendre autant la tête avec toutes ces suppositions. Le monologue de son père est intéressant, elle ne le nie pas mais elle ne comprend pas où est-ce qu’il veut en venir. Comme pour la sortir de ses pensées, il reprend :

« - Eh, vous deux. Ouaaais, ha hah, tu tiens pas en place hein ! ♫ Tu devines bien, c'est le grand jour ! Bon, d'habitude, le chat sur le caillou demande aux jeunes s'ils sont prêts à respecter le Code, les Étoiles, tout ça, mais puisque le jurer devant MOI serait carrément indécent … Amour en Cage ? »

Le leader du jour s’assied et laisse la guérisseuse prendre place. La stupéfaction est générale, Nuage de la Louve reste bouche bée devant cette action. Il tourne le dos au Clan des Etoiles ? Mais à quoi joue-t-il ? Nuage de la Louve n’a jamais été une grande croyante en leurs ancêtres. Elle conçoit que certains y croient mais elle-même ne sait pas quoi y penser mais voir que son père les rejette ainsi devant tout le monde lui rappelle vite que cela est mal vu. Elle fronce le nez tandis qu’Amour en Cage prend la parole, sous l’ordre de Coup de Foudre :

« - Moi, Amour-en-Cage, guérisseuse du Clan du Tonnerre, j'en appelle à nos ancêtres pour qu'ils se penchent sur ces chatons. Ils ont maintenant six lunes et sont dignes de devenir apprentis à leur tour. »

La guérisseuse se trouve maintenant aux côtés du lieutenant critiqué. Nuage de la Louve regarde autour d’elle, observant les réactions de ses camarades de Clan. La surprise n’est pas générale, certains semblent à peine surpris du choix de Coup de Foudre. Il reprend alors la parole, nommant les deux nouveaux apprentis, Nuage de Lézard et Nuage de Rossignol. L’ensemble du clan commence à acclamer leurs nouveaux noms. Cependant, Nuage de la Louve pressent que Coup de Foudre en a pas fini. Elle entend Nuage Brisé lâcher une remarque mais Aile de Mouche le fait rapidement taire. Elle ronronne, amusée par l’impatience de son frère et la réaction de son mentor. Le silence revient doucement sur le camp et le bengale reprend la parole :

« - Nuages de Ciel et Lycaon, personne n'ignore que vos mentors respectifs sont... disons, indisponibles. Nous n'attendrons pas qu'ils reviennent. Ciel, je vais me charger personnellement de ton entraînement. Lycaon - j'ai choisi de donner sa chance à Dame de Coeurs.»

Les yeux de Nuage de la Louve s’arrondissent. Son regard se pose sur Dame des Cœurs. Venant de son père, il s’agit d’une drôle de décision. Je ne le comprendrai donc jamais. Coup de Foudre reprend alors pour justifier son choix :

« - Elle et moi ne sommes pas en très bons termes mais, c'est justement ce qui m'intéresse. Elle est la seule à être capable de me reprocher les choses en face sans se cacher derrière la foule. Ces plaintes, croyez-le ou non, m'ont été d'un précieux conseil. Si j'avais choisi de l'ignorer, je ne serais pas monté sur ce rocher. J'aurais continué d'attendre, comme tout le monde. Elle m'a toutefois fait comprendre que vous aviez besoin de rigueur. Alors qui de mieux que ma plus fervente opposante pour vous servir de Voix ? Vous avez compris ? Si vous avez des reproches sur ma façon de diriger le Clan, c'est à Dame de Cœurs que vous le ferez. Bien sûr ces conditions te conviennent, n'est-ce pas ? ♡»

Nuage de Ciel lâche des remarques entre les justifications du père. Comme d’habitude pense Nuage de la Louve en levant les yeux au ciel. La sœur fait demi-tour et traverse la combe, jouant de ses épaules pour se frayer un passage sans louper Flocon d’Amour son ancienne mentor.

« - Oh, Foudre. Il faut croire que tu aimes un peu trop ma compagnie – haha. Pour te répondre, ce sera un plaisir de les accueillir à bras ouverts. ♡ »

Nuage de la Louve tourne le regard vers son frère qui semble totalement en colère face à cette nouvelle invention. Il hoche la tête en signe de refus et jette un regard à leur père. Pourquoi est-ce qu’ils ne discutent pas tous les deux ? Ils pourraient mettre tout à plat. L’apprentie a juste envie de courir rassurer son frère, lui expliquer qu’elle sera là pour lui comme l’ont toujours été Nuage de Ciel et Nuage Brisé. Leur fratrie est une force et ils se doivent de l’utiliser. Scrutant une nouvelle fois la foule, il n’en faut pas plus à Nuage de la Louve pour repérer l’indignation de Cœur de Puma. Il regarde avec insistance Coup de Foudre sur le haut du promontoire. Comment analyser tout ça … Je ne comprends pas. Pourquoi personne ne veut donner sa chance à mon père ? Pourquoi est-ce que le jugement est aussi fort dans ce Clan ? L’incompréhension de l’apprentie est totale. Fixant la foule, elle cherche des têtes familières, des regards bienveillants sur son père mais ils sont rares. Le Clan est entrain de se déchirer. Sans que personne ne puisse faire quoique se soit, Nuage de Ciel se hisse sur le promontoire aux côtés de leur père. A quoi joue-t-elle ? Ce-dernier la chasse très rapidement d’un coup de queue et regarde la foule en reprenant :

« - Pour ceux qui s'inquiètent : si Masquée ne revient pas avant la prochaine Assemblée, j'irai en tant que Lieutenant en servant mon rôle de remplaçant. J'irai chercher les neuf vies après - enfin, à condition qu'on me les accorde. Si on me les refuse, je rentrerai au Camp et me remettrai de mes fonctions ; à vous de choisir qui vous nommerez à ma place. Ce ne sont pas les valeureux qui manquent, mm ? Si on me les accorde. Je vous le dirai aussi ; bien sûr, je m'attends à ce que beaucoup doutent de mon honnêteté, c'est pourquoi... Je vous accorde aussi le droit de m'en enlever une, pour vous convaincre. En revanche, il ne m'en resterait plus que huit, pour vous protéger. »

Les yeux de l’apprentie s’arrondissent. Un haut le cœur traverse l’ensemble de son corps. Elle comprenait que son père veuille avoir la confiance du clan mais les autoriser à lui retirer une vie n’était pas la bonne façon de faire. Choquée par cette annonce, elle a un mouvement de recul et regarde autour d’elle pour chercher du réconfort, en vain. Son regard passe sur Source des Secrets qui s’effondre face à l’annonce de leur père. Elle aimerait pouvoir aller la réconforter mais elle n’est pas la mieux placée pour cela et la foule l’en empêche. Coup de Foudre reprend alors la parole du haut du promontoire :

« - Pensez-y bien : êtes-vous prêts à courir ce risque ? Dame de Coeurs. Dis au Clan ce que je t'ai montré. L'entendre de ta bouche plutôt que de la mienne les aideront à y croire. »

Le regard de Louve se tourne vers l’intéressée mais est vite dévié par un feulement et un grognement puissant. Elle reconnaît très vite son frère qui semble prit d’un excès de rage. Le choc est grand pour Nuage de la Louve, elle est entrain de voir sa famille entière se déchirer. Nuage Brisé s’élance pour s’en prendre à leur père mais est stoppé dans sa progression par Œil du Tigre qui s’en prend violemment à lui.

« - Quelqu'un d'autre veut s'exprimer ? »

Abasourdie et sonnée. Nuage de la Louve ne sait pas où donner de la tête. Elle cherche du réconfort et se rappelle la présence de Lycaon à quelques rangs d’elle. Elle joue des épaules et se faufile pour se lover contre lui. Sa queue enroule la sienne et elle niche son museau au creux du coup de son frère et lui chuchote la voix brisée :

« - Il est entrain de détruire notre famille … »

Une larme coule le long de sa joue. Elle a peur. Elle est même terrorisée par ce qu’il se passe. La situation va dégénérer, elle n’en doute pas. Collée à son frère, si bien que leurs fourrures se confondent, elle essaye de se convaincre que la situation va s’apaiser. Elle voudrait pouvoir remonter le temps de quelques heures pour éviter ce moment. La jeune a un pressentiment. Le pire est à venir … Que va nous annoncer Dame des Cœurs ? Elle frissonne et regarde cette assemblée, impuissante.

Et alors. Tous les regards. Ceux dont elle allait faire la connaissance. Ceux qui allaient préférer rester dans leur coin, se braquer, broyer du noir. Dame de Coeurs connaissait seulement trop bien sa réputation : mauvaise gueule, mauvaise compagnie, mauvais caractère. Mauvais, hein ? Tout ce qu’elle voyait de mauvais pour l’instant était les regards. De Nuage de Lycaon à Nuage Brisé en passant par Nuage de Ciel. Elle grimaça. La siamoise observait les alentours sans se permettre un mot de plus, la tension était à son comble. Ils devaient bien le croire fou, comment oser nommer sa plus grande ennemie comme Voix ? De la folie, ça l’était, oui. Pourtant, à ce moment précis, la Voix ne parlait pas. Elle ne s'adressait même pas au Tonnerre. Elle se contentait d’un simple regard. Et alors, une nouvelle voix porta sur l’assemblée. Tranchante.

ー « Pour ceux qui s’inquiètent : si Masquée ne revient pas avant la prochaine Assemblée, j’irai en tant que Lieutenant en servant mon rôle de remplaçant. J’irai chercher les neuf vies après - enfin, à condition qu’on me les accorde.

À condition qu’on me les accorde. En effet, Coup de Foudre n’était pas leur favori, inutile d’avoir un entretien avec les étoiles pour le deviner. Après toutes ses galipettes - membres du clan ou non - dont elle avait même difficulté à discerner mensonge de vérité à cause du nombre incalculable de rumeurs qui couraient à son sujet. Et maintenant. Maintenant quoi ? Changer le cours de la tradition des baptêmes - l’effort était de bonne volonté, elle devait l’admettre. Et quoi alors ? S’il ne recevait pas ses vies, quoi ensuite ?

ー Si on me les refuse, je rentrerai au Camp et me remettrai de mes fonctions ; à vous de choisir qui vous nommerez à ma place. Ce ne sont pas les valeureux qui manquent, mm ?

Elle gloussa. Elle verrait bien qui sont les valeureux. Ceux qui oseront venir lui faire la conversation. Et encore, oser est un bien grand mot.

ー Si on me les accorde - il marqua une pause alors que le regard de la siamoise glissa au rythme de sa patte jusqu’à l’une de ses cicatrices - Je vous le dirai aussi ; bien sûr, je m’attends à ce que beaucoup doutent de mon honnêteté, c’est pourquoi… - nouvelle pause, les yeux de Dame de Coeurs se plissèrent - Je vous accorde aussi le droit de m’en enlever une, pour vous convaincre. Tsk. Elle claqua la langue. Elle ne voyait pas le point, laisser le Tonnerre lui enlever une vie, à quoi bon, convaincre qu’il était honnête. Elle gloussa. Drôle de façon de convaincre, ça ne fonctionnerait pas de son côté. Cela prouverait simplement son inaptitude à devenir chef mais bon, après tout, il était prêt à tout tenter pour remonter dans l’estime des autres. Qui était elle pour l’en empêcher ? La Voix ? Tsk.

ー En revanche, il ne m’en resterait plus que huit, pour vous protéger.

Les étincelles s’embrasèrent. Dans les yeux de chats avides de pouvoir. Dans les yeux de chats hypocrites. Mais tout d’abord, dans les yeux de Nuage Brisé. Son visage se raidit. Les muscles se crispèrent. Sa mâchoire claqua. Nuage Brisé. Faisait un fou de lieu. Donnant son spectacle - il n’avait jamais vraiment passé inaperçu, de toutes façons. Avec ses origines, la réputation venait avec. Les regards venaient avec. La haine venait avec. Elle crut même entendre la fracture qui provoqua la faille. La fissure laissant échapper toute cette rage accumulée. Elle ne le blâma pas. Chacun trouvait une façon de l'extérioriser. Il avait uniquement choisit le mauvais moment. Sa course fut coupée brusque par le vétéran tigré. Il n’allait pas aller plus loin, et se débattre ne servirait à rien. Son regard bifurqua, désintéressée.

ー Dame de Coeurs.

Sa tête se renversa en direction du bengal. Elle en profita passer un coup de langue à sa patte.

ー Dis au Clan ce que je t’ai montré. Ils échangèrent un regard. Elle se contenta d’hocher la tête. L’entendre de ta bouche plutôt que de la mienne les aideront à y croire.

Les murmures débutèrent. Elle ne s’y prit pas deux fois, elle préféra les couper court :

ー Fermez-la. Tous. Chacun d’entre vous. Son regard balaya l’assemblée alors que ses pattes la menèrent au bout du promontoire. Sa voix portait et un silence s'abattit sur la foule. Elle en profita pour souffler un peu - une migraine s’annonçait à la fin de cette journée. Chacun d’entre vous. A le droit de péter les plombs. Son regard croisa celui de Nuage Brisé. A le droit de vouloir faire la princesse devant tout le monde. Nuage du Ciel. A le droit de pleurer. Flocon d’Amour. A le droit de vouloir foutre le camp. Source de Secrets. Et a le droit d’avoir peur. Son regard balaya de nouveaux l’amas de félins qui se trouvait plus bas.

Son postérieur rejoignit le sol alors qu’elle marqua une pause. Elle savoura le silence qui planait.

ー Coup de Foudre - bien qu’il ne soit pas mon ami - semble le plus apte à diriger ce clan. Vous connaissez forcément la relation que nous entretenons, j’éviterai donc d’en parler plus longtemps. Coup de Foudre - Foudre. Il m’a emmené dans la forêt il y a peu, dans un coin isolé. Qu’aurait-il pu faire alors, mh ? Elle ramena sa patte à son cou et en sortit l’une de ses griffes pour mimer un coup fatal. Ç’aurait été si facile, hein ? Ça aurait pas fait plus d’histoires, vu ma réputation. Un sourire trancha son visage. Non, il a tout simplement préférer me montrer un petit tour, un petit spectacle privé, sympa, pas vrai ? Son rire parcourut l’assemblée. Son postérieur quitta le sol, sa queue fouetta l’air. Dites, vous aimez les monstres, pas vrai ? Leur puanteur, le vent qui balaye votre pelage après leur passage. Le danger qu’ils représentent. ~♡

Elle porta sa patte contre son menton.

ー Eh bien Foudre semble bien les aimer, haha~ Il même caressé le ventre de l’un d’entre eux. Parole de Dame.

Sa tête se renversa dans la direction du bengal, elle s’adressa désormais à lui, ses paroles se firent plus basses alors qu’elle quittait l’extrémité de la roche pour le rejoindre, gardant une distance raisonnable entre eux deux.

ー Tu me montreras comment faire, dis ? ♡ Clin d’oeil.

Son regard se reporta sur l’assemblée. Il ne restait plus qu’à observer le tout faire son oeuvre. La Voix avait parlé. Et la Voix ne pouvait que dire la vérité.

Cœur de Puma se tient bien droit, déjà contrarié par la précédente annonce. Il n'en revient pas ! Dame de Cœurs, chargée de communication ?! Ce doit être une mauvaise blague. Il est en colère, mais dans un dernier espoir accroche son regard à la typée siamois, prêt à lire dans ses yeux qu'il se trompe, qu'elle est prête, qu'elle sera assez douce et accessible mais à la place il lit tout le venin qu'elle injecte d'un mauvais sourire à Nuage de Lycaon. Il souffle bruyamment, le visage renfrogné face à cette énième confirmation que l'Assemblée est un fiasco. Dame de Cœurs n'a rien retenu de ses enseignements.

Mais si ce n'était que ça...

« Pour ceux qui s'inquiètent : si Masquée ne revient pas avant la prochaine Assemblée, j'irai en tant que Lieutenant en servant mon rôle de remplaçant. J'irai chercher les neuf vies après » Le matou au museau balafré hoche la tête, se calme un peu. Enfin une décision raisonnable. « - enfin, à condition qu'on me les accorde. » Mais Coup de Foudre reprend : « Si on me les refuse, je rentrerai au Camp et me remettrai de mes fonctions ; à vous de choisir qui vous nommerez à ma place. Ce ne sont pas les valeureux qui manquent, mm ? »

Alors que le charcoal toise tour à tour ses guerriers, la fourrure de Cœur de Puma se gonfle. Mais on est où là, c'est quoi ces manières, c'est quoi cette façon de jeter les responsabilités à la première difficulté ?! Il se mord la langue pour s'empêcher d'intervenir mais le vétéran le sait, il se connaît : cette Assemblée va finir en scandale.

« Si on me les accorde, je vous le dirai aussi ; bien sûr, je m'attends à ce que beaucoup doutent de mon honnêteté, c'est pourquoi... » Il ferme les yeux, comme si ça pouvait le protéger des bêtises à venir. « Je vous accorde aussi le droit de m'en enlever une, pour vous convaincre. En revanche, il ne m'en resterait plus que huit, pour vous protéger. » Vague. Grosse vague dans la foule. Le vétéran a l'impression de chuter du Grand Sycomore, et ses pattes qui peinent subitement à supporter son poids le forcent à se lever.

Cœur de Puma s'apprête à exploser. Alors qu'il avance machinalement parmi ses camarades à grands coups d'épaule, il croise Source de Secrets qui semble manquer d'air. Pris dans sa colère, il ne voit même pas bien que la bicolore agonise et lorsqu'ils se bousculent, ce n'est qu'un énième coup d'épaule. Tout ce qu'il voit, c'est que c'est la fille du lieutenant qui file. Arrivé dans les premiers rangs, le vétéran brun-roux aperçoit Œil de Tigre mécontent interceptant un Nuage Brisé déchaîné. « Quelqu'un d'autre veut s'exprimer ? » demande alors le fauve. Mais personne ne répond. Juste le voile discret des murmures inquiets ou satisfaits.

« Dame de Cœurs. Dis au Clan ce que je t'ai montré. L'entendre de ta bouche plutôt que de la mienne les aideront à y croire. »

Il atteint ses petits, logés au premier rang. Dans un geste protecteur, il pose sa queue sur l'épaule de son fils et laisse les poils de son épaule se mélanger à ceux de sa fille. Il est là. Il est furibond, retient encore la tension de se libérer mais il est là pour eux.

Les murmures fusent -et à raison- de toute part. Il accorde un regard derrière lui pour jauger ses camarades. Il tombe rapidement sur Nuage de la Louve, qui a rejoint son frère dans une étreinte qui lui brise le cœur. Comment un père peut-il infliger ça à ses petits ? Comment un chef peut-il accorder ça à son Clan ? Il est dégoûté. Déçu ne suffit plus à exprimer le poids qu'il sent dans sa poitrine.

Il tient bon jusqu'à ce que son ancienne presque-apprentie prenne la parole. Elle ne manque pas de mauvaises manières non plus quand elle commence par parler au Clan comme à une troupe de novices indisciplinés.

« Fermez-la. Tous. Chacun d’entre vous. » Les yeux noisettes du mâle se plantent droit dans les orbes glacées de la femelle. Pour qui tu te prends, bon sang ?! Elle laisse un silence s'installer, jouant son rôle avec soin dans cette grande pièce de comédie. Elle énonce comme une chef donneuse de leçons comme chacun a le droit de ressentir des émotions. L'animal brun-roux est agacé, sa queue ne tient pas en place. Il a honte. Elle parle comme l'idiot qui se tient sur le Promontoire. Il a affaire à deux clowns.

Et l'apprenti-clown de continuer son discours ridicule comme si ce qu'elle disait avait un sens. Elle évoque la possibilité que Coup de Foudre l'éloigne du Camp pour l'abattre, sous-entend presque avec maladresse qu'ils auraient pu s'amuser autrement, tout ce charabia pour dire que le typé bengal n'a pas peur des monstres. Mais g é n i a l, en plus d'être complètement idiot leur futur meneur est doublé d'un imprudent. Super annonce, bande de clowns.

Enfin. Enfin les pantins désarticulés surréalistes ont fini leur acte. Cœur de Puma s'arrache à ses petits pour se poster encore plus en avant de la foule. Là, il lance un regard à Œil de Tigre pour répondre à sa dernière intervention : « Oui, moi. »

Il se tourne vers la foule. Cœur de Puma est connu de tous; il s'est occupé de presque tous les apprentis au moins une fois et sinon, il s'est présenté à eux naturellement. Les mentors aussi le connaissent comme un conseiller, une patte tendue vers eux à toute heure de la journée. Mais il ne s'exprime jamais ainsi, ne se donne jamais en spectacle. Habitué à parler en privé aux intéressés, c'est pour ainsi dire la première fois que Puma revête son costume et se lance sur la scène. Il toise l'assemblée avec dureté.

« Et je n'ai pas besoin d'une Voix » commence-t-il avec dédain pour le rôle « pour causer à ma place. » Quelle idée ridicule. Dame de Cœurs a parlé deux fois, et il peut déjà dire que la moitié du Clan la déteste encore plus qu'avant.

Puis il se retourne vers Coup de Foudre, lève la tête vers le promontoire.

« Pour qui tu te prends ?! » rugit-il, laissant enfin sa colère se répandre dans la clairière. « Pour qui tu te prends ?! » Mais il va cueillir la Dame du regard. « Et toi, ne t'ai-je donc rien appris ? » Il lance un regard circulaire au reste du Clan, réprobateur.

« C'est normal pour tout le monde ce qui s'passe là ? » il continue. « C'est normal ?! Celui qui touche à un poil de Coup d'Foudre pour tester brisera le Code. Et ne mérite pas de rester parmi nous. » Il dévoile ses crocs, fixant sans gêne les opposants les plus extrêmes du bengal. « Vous voulez vivre comme des sauvages ? Alors cassez-vous !! Tirez-vous d'là !! Moi je ne laisserai pas mes gamins coucher près d'assassins. »

Il revient au bengal.

« Toi, pauvre con! proposer au Clan de briser notre Code ?! » Tant de déception. Tant d'incompréhension. Tant de dégoût. « Ta Voix d'merde, tu peux t'la garder. » Mépris pur et dur. « Je veux m'entretenir avec toi en privé après ça. Je refuse que tu détruises mon Clan. » lâche-t-il dans un grognement sourd.

Il lance un regard mauvais audit Clan, prenant soin de fixer les moins regardants du Code comme un ultime avertissement tandis qu'il se mélange à nouveau à la foule. Le poil encore gonflé, Cœur de Puma reprend place entre ses deux petits, pensant les protéger de sa seule présence. Il ne leur réserve pas cet avenir pourri jusqu'à la moelle. Il fera mieux, ils feront mieux pour que Rossignol et Lézard jouissent de la tranquillité qu'ils méritent. Parole de Puma.

Comme prévu.

Brisé détala (Coup de Foudre suivit son galop des yeux), et comme prévu Oeil du Tigre capta sa demande. "Saisis-le et ne lâche pas", car Nuage Brisé n'était pas du genre à se laisser faire. Les dents de Tigre plongèrent dans la nuque de son fils - Coup de Foudre ne cilla pas. Puis ce furent ses griffes, le borgne taclant l'apprenti en retournant son élan contre lui pour le stopper et le renverser au sol dans la poussière - des chats s'éloignèrent prestement, en se reculant ou en s'écartant de côté, créant un espace à la joute. Car même tombé Brisé n'en démordait pas. Ses pattes griffaient le sol, les sédiments et les cailloux griffaient sa peau, et chaque mouvement amplifiait la poigne de Tigre sur lui. Même quand il vit du sang perler, Coup de Foudre ne cilla pas. Brisé finit par s'abandoner à la contention du vétéran, qui gonfla son dos, tendant la nuque et l'échine en donnant une courbe à son ventre, jetant un regard en biais au reste des chats autour en leur présentant la hauteur de ses rayures comme un rempart aux chats qui voulaient du mal au chef-en-devenir.

— « Quelqu'un d'autre veut s'exprimer ?

Il rentra les griffes, il s'excusa à Brisé, il renvoya un coup d'oeil au bengal - je sais, lui dirent ses yeux. Ils en reparleraient quand tout serait terminé. Comme prévu il vit Source quitter la scène:

« Tu ne peux pas—

Je sais, ses yeux lui dirent aussi, même si les siens étaient reluisants de larmes et qu'elle lui fit dos pour prestement détaler. Ne serait-ce que s'imaginer un monde sans lui l'avait dévasté, il le savait, il n'ignorait pas le poids derrière ses mots. À elle aussi, il lui en reparlerait quand tout serait terminé - il n'avait pas le choix, il ne laisserait pas une graine pareille croître et porter ses fruits - il la déracinerait quitte à s'en faire saigner les gencives (figuratives).

— « Fermez-la. Tous. Chacun d’entre vous.

Sa plus fervente opposante s'adressa au reste du Clan ¸- ça aussi, c'était prévu. Comme l'acidité qu'il devina dans ses mots. Elle leur parla de ce jour-là aux terres brûlées, près des Rochers des Serpents. Elle leur parla de ce jour-là sur le Chemin du Tonnerre lorsqu'il était passé sous un monstre - pas par accident. Volontairement. En calculant le moindre de ses pas, en analysant la situation, et en triomphant, au final. Son absence de peur avait ses avantages et c'est ce qu'il avait voulu leur prouver.

— « Eh bien Foudre semble bien les aimer, haha~ Il même caressé le ventre de l’un d’entre eux. Parole de Dame.

Parole de Dame. Il sourit, même si l'ombre forte due au contre-jour masquait les expressions de son visage. Seuls ses yeux semblaient étinceller. Ceux de Dame de Coeur aussi, lorsqu'elle inclina sa tête en sa direction et qu'il fit pareil à l'opposé, chacun s'observant de biais, chacun miroir à l'autre, chacun considéré comme des hérétiques, comme des rébuts du Clan du Tonnerre.

ー Tu me montreras comment faire, dis ? ♡
— Bien entendu. Tout est une question de technique, après tout. »

Il l'apprendrait à bon entendeur - il l'avait apprise en observant Graine de Tournesol le faire. Et Graine de Tournesol, ce chat qui ne manquait pas de culot, s'en était servi afin d'éliminer un renard. Il aurait du l'apprendre à Fifi - il aurait du lui apprendre à contrôler sa peur à maîtriser la technique et peut-être qu'elle serait encore là aujour - non.

Sors de la flaque, Coup de Foudre.

Tu l'as bue.

Elle n'existe plus.

Et puis s'approcha Coeur de Puma - sans doute en avait-il eu assez de constater que ses regards incendiaires n'immolaient pas le Lieutenant comme il le voulait.

« Oui, moi. »

Quant à qui d'autre voulait s'exprimer. Coup de Foudre hocha la tête.

ー Et je n'ai pas besoin d'une Voix, pour causer à ma place.

Pour toute sa tirade, Coup de Foudre se tut - c'était la moindre des choses. Coeur de Puma était furieux et avait besoin d'extérioriser sa colère? Qu'il l'extériorise. Le faire devant tous les autres chats du Clan comportait ses avantages et ses désavantages - il tenta de les rallier à sa cause. Que ce rassemblement n'avait rien de normal - assurément, car les chefs précédents ne laissaient pas la parole au Clan. Alors lorsqu'il s'évertua à défier tout guerrier qui soit de s'attaquer au Lieutenant (pour le protéger? en voilà une chose qu'il n'avait pas prévue!), on se jeta des regards affolés. Est-ce que Coup de Foudre les ferait tuer? Comme Étoile de Suie tuait les dissidents? Tout le monde connaissait les histoires. Mais Coeur de Puma poursuivait - il traita le chef en devenir de Con, lui reprocha de vouloir briser le code, en alla jusqu'à insulter sa précédente apprentie en traitant sa nouvelle discipline de "merde", et enfin, face à tout un chacun, exigea un rendez-vous au charcoal - et pas du genre qui se finissaient sous la queue.

Coeur de Puma était gonflé - l'attitude, l'audace (Dame de Coeurs était suffisament près pour entendre la toute petite vibration d'un ronron dans le ventre du Lieutenant), le poil même, en agitant sa queue avec un affolement.

Et Coup de Foudre lui sourit.

Un sourire empreint de douceur et de sincérité, retirant la main à son coeur pour tendre sa patte vers l'intéressé en contrebas, le couvant d'un regard.

ー « Ah, enfin. Tu m'as fait attendre, j'avais prévu que tu réagirais il y a une ou deux piques de cela.

Vous voyez? Il remit patte sur pierre. Si on me refuse, Coeur de Puma serait un candidat i-dé-al pour vous servir. Il est droit, un amoureux du Code, ses enfants ne sont pas "maudits"... C'est un excellent parti, vous ne trouvez pas?

Sa tête se pencha d'un geste frivole, en levant les épaules, fermant ses yeux avec ce ravissement véritable.

Il les rouvrit.

ー Quant au reste, je trouve pourtant mes idées sensées:

Pour respecter votre amour des ancêtres, je délègue toute responsabilité d'ordre spirituel à la Guérisseuse. Mieux vaut qu'elle s'en charge qu'un... "con", c'est bien ça?   Hn, j'ai entendu plus original.

Pour apprendre à mieux vous comprendre, je délègue la responsabilité à celle qui se plaint le plus ici de se charger de toutes vos plaintes. Une façon de... la discipliner, en quelque sorte. (il glissa un rapide regard en coin à la siamoise)    ...Sans vouloir t'offenser.

Quoi qu'était-il vraiment si offensant pour lui de lui donner une chance de prouver sa valeur? Son propre mentor l'avait traité de "Voix d'merde".

ー Si je n'ai pas les vies, je laisserai ma place; si je les obtiens, je vous autorise, si vous doutez, à le tester. C'est peut-être contre le Code de tuer un camarade, mais ne le vous recommande-t-il pas de le faire pour les hérétiques?

Il haussa les épaules - ça coulait de source. Il avait réfléchi à tous les chiffres et c'était la meilleure décision qu'il pouvait prendre. Il ne pouvait pas contrôler les émotions de tout les chats du Clan alors grand bien leur fasse de le haïr, de lui vouloir du mal, de le réprouver - mais pour être honnête, il préférait le flegme de Tigre, Vipère et Coeurs. Leur manque d'expressivité s'accordait au sien, se sentant moins seul dans sa placidité. Il hocha la tête, tendit le cou pour faire porter sa voix plus loin:

ー « Quelqu'un d'autre veut s'exprimer?

Sans quoi je finirai sur la distribution des patrouilles de ce matin et de ce soir.

RAPPEL:

Le typé bengal sourit du haut de son promontoire. En contrebas pourtant, Cœur de Puma ne lui accorde pas une once de sympathie. Qu'il garde ses sourires hypocrites pour les autres, ça ne prend pas avec lui.

« Ah, enfin. Tu m'as fait attendre, j'avais planifié que tu réagirais il y a une ou deux piques de ça. »

Mâchoires tenues serrées. Il n'a pas l'habitude de se donner en spectacle de la sorte, pas la peine d'en rajouter une couche.

« Vous voyez ? Si on me refuse, Cœur de Puma serait un candidat i-dé-al pour vous servir. Il est droit, un amoureux du Code, comme vous l'aimez, et ses enfants ne sont pas maudits. C'est un excellent parti, vous ne trouvez pas ? »

La vétéran secoue la tête de droite à gauche avec mépris. Quelle réaction puérile. C'est fou comme Coup de Foudre a la capacité de tomber encore plus bas dans son estime, toujours et encore alors même qu'il pensait qu'il avait déjà touché le fond. Et pourtant. Et pourtant le balafré s'accroche bêtement à chaque fois à de maigres espoirs, à une rédemption, à la possibilité que peut-être, après tout, il est envisageable que Coup de Foudre fasse mieux. Fasse bien.

Et il ne répond pas, laisse le groupe constater sa désapprobation. Il n'est pas ambitieux. Qu'on lui fiche la paix avec ces histoires de politiques, de guerres, de responsabilités supplémentaires. Donner du sens à son existence et un avenir meilleur pour ses enfants sont bien assez. Il n'a pas besoin de le dire, il n'a pas besoin de se retourner vers les autres pour leur affirmer qu'il ne veut pas de ce pouvoir. Au fond, il aime à croire qu'ils le savent. Au fond, il se convainc qu'il n'est pas le seul simplement révolté par la situation.

« Quant au reste, je trouve pourtant mes idées sensées : » Il écoute plus attentivement. « Pour respecter votre amour des ancêtres, je délègue toute responsabilité d'ordre spirituel à la Guérisseuse. » Il hoche la tête; Coup de Foudre a raison sur ce point, même si le mot amour n'est pas mieux choisi que respect. « Mieux vaut qu'elle s'en charge qu'un... "con", c'est bien ça ? Hn, j'ai entendu plus original. »

Il tente de rester impassible, mais sa queue fouette l'air malgré lui pour tout signe de tension. Il n'a pas l'habitude de jurer, et il ne le fait pour ainsi dire jamais. Il n'est même pas sûr que Nuage de Rossignol ou Nuage de Lézard l'ait déjà entendu dire de telles vulgarités. Ça l'énerve. Déjà, qu'il se soit lâché au point d'en laisser échapper sa gueule mais aussi que Coup de Foudre prenne plaisir à le relever.

« Pour apprendre à mieux vous comprendre, je délègue la responsabilité à celle qui se plaint le plus ici de se charger de toutes vos plaintes. » Là, il lève les yeux au ciel, visiblement outré. Quelle logique de diminué. Même avec cet argument, Dame de Cœurs ne peut être un bon choix. S'il voulait tant les comprendre, il viendrait à eux. Tout comme lui était venu à Coup de Foudre et Source de Secrets lors de ses suspicions. « Une façon de... la discipliner, en quelque sorte. » Haussement de ses gros sourcils. Quelle audace. « ...Sans vouloir t'offenser. »

« Ce n'est plus une apprentie. »

On ne donne pas des responsabilités à un adulte pour lui faire plaisir, pour le faire se sentir important ou pour lui apprendre à en endosser. On le fait parce qu'on le juge compétent. Et malgré toute l'affection qu'il porte à l'égard de la siamoise, il ne pourrait jamais croire qu'elle est apte à mener un tel travail. Sa façon de s'exprimer à ses camarades suffit à le démontrer. Dame de Cœurs est glaciale, volontairement intimidante, prend plaisir à faire peur, solitaire, méprisante, antipathique avec presque tout le Clan. C'est une horrible Voix. Une grande guerrière hein, mais vraiment une horrible Voix. Elle ne représentera jamais le Clan à sa juste valeur.

« Si je n'ai pas les vies, je laisserai ma place; si je les obtiens, je vous autorise, si vous doutez, à le tester. C'est peut-être contre le Code de tuer un camarade, mais ne le vous recommande-t-il pas de le faire pour les hérétiques ?
- Non. N'importe quel simplet le connaissant par cœur sait que la mise à mort n'est autorisée qu'en cas de légitime défense. Quand sa propre vie est menacée, donc. » il rappelle, agacé par ces inexactitudes volontaires au mieux, négligentes au pire. Que le Clan du Tonnerre en soit témoin; il brise un Code qu'il ne connaît même plus.

Et il ne relève même pas l'utilisation de camarade à voix haute. Assez de spectacle, il n'est pas beau-parleur comme son lieutenant. Cette affaire se réglera en privé, là où Coup de Foudre arrêtera ses idioties artificielles.

Ce dernier finit par s'adresser au reste de la foule. Cœur de Puma quant à lui est au moins redescendu en pression. Entre Nuage de Rossignol et Nuage de Lézard, le brun-roux relâche enfin ses muscles mais il n'oublie pas : il a à s'entretenir en privé avec Coup de Foudre. Pour la Voix, pour le Code brisé, pour ses craintes personnelles mais aussi pour son irresponsabilité et son égoïsme de père. La fuite de Source de Secrets ne le laisse pas de marbre, et l'étreinte effondrée de Nuage de la Louve et Nuage de Lycaon non plus. Ces gamins méritent mieux.

Il souffle à ses petits, avec une douceur en plein contraste avec son courroux passé : « Vous devriez peut-être essayer d'être gentils avec Nuage de Lycaon, Nuage de la Louve, Nuage Brisé et Nuage de Ciel... Ce qu'ils vivent là n'est pas facile; je sais que vous êtes assez grands pour le comprendre. »

Il peut au moins faire confiance à ses enfants. Ils sont intelligents, tous les deux. Ils sauront.

Faire ses Preuves.

Il n'y avait plus eu que ce poids, que ses griffes dans sa peau, la traversant parce qu'il avait refusé de cesser le combat, un temps ... et l'odeur de son sang et ... La douleur physique comme exutoire à celle là dedans. L'apprenti saignait, assez pour qu'il en résulte à l'avenir des cicatrices sur le pelage encore presque parfait. Mais pas assez pour le soulager vraiment. Et si le poids avait cesser, s'était juste parce qu'il était à bout de souffle, à bout ...

L'apprenti resta là, allongé, il entendis bien cette pimbêche de Dame de Va voir Ailleurs mais il n'écouta rien, il en était incapable. Et doucement, il se mit à répéter son nom, d'abord juste pour lui, dans sa propre tête. Firmament ... Firmament ... Secret du ... Firmaman ... Et alors elle revint à la charge, cette douleur, le détruisant dedans, faisant naître dans ses yeux des larmes qui ne s'écoulèrent pas. Il n'avait pas reçu ça d'elle, cette faculté à laisser voir sa douleur. Mais sa vision en devint flou malgré tout ... Firmaman ..., Fir ... maman ... Douce complainte que seul Tigre put peut-être entendre de ce chat qui gisait au sol, étaler entre poussière poil et sang. Et subitement, le jeune chat se leva, sans regarder quiconque, sa fourrure poisseuse et en bataille. et sans un mot, il quitta le groupe, se coulant tel une ombre inhabituelle pour s’enfoncer dans la tanières des apprentis alors vide de toute présence. Nuage Brisé portait si bien son nom en cet instant que quelque part, dans un brouillard opaque, une siamoise devait pleurer sa famille en ruine ...

Ce système voulait qu’on s’utilise les uns, les autres. C’était là la logique d’un clan, une symbiose défaillante, une association où les différents partis étaient bénéficiaires mais avec certains plus privilégiés que d’autres. Depuis sa naissance, il en avait été exclu. Ou plutôt considéré comme la gangrène de celle-ci, tout enfant maudit qu’il était. La nature ne lui avait même pas laissé une chance de s’intégrer, même s’il l’aurait souhaité de tout son cœur. Un faible, qui ne serait jamais un guerrier apte, complet, et les regards ne s’étaient qu’intensifiés. Etait-ce sa condition qui l’avait poussé à haïr les combats, l’idée même de faire couler le sang d’un semblable, l’idée d’être utilisé ? S’il avait un chaton normal dans une famille normale, aurait-il ressenti ce mal-être, ce sentiment de non-appartenance ? Probablement pas. Mais cela n’avait aucune importance de toute façon. Les si n’étaient que des regrets fondés sur l’inexistence.
Ne devrait-il pas se réjouir ? Son père lui avait trouvé une utilité après tout. Non, il n’avait jamais demandé à naitre ici, ainsi. Il ne faisait pas partie de ceux satisfaits par la loterie de la vie. Ainsi aurait-il aimé garder un peu de contrôle, mais non.

Il ne perdait pas son objectif, d’à défaut de contrôler ce qui arrivait, le comprendre. Depuis sa place initiale qu’il avait maintenant rejoint, il vit Vipère Audacieuse s’en aller en jetant un regard au meneur. Il vit Flocon d’Amour s’effondrait en larmes, sans doute touchée en plein cœur par les mots de Ciel, et terrassée par sa propre culpabilité. Il vit Bec la rejoindre, pour apporter certainement un peu de réconfort à la mère de ses futurs enfants. Il vit Foudre chassait Ciel du promontoire. Il vit Brisé, au côté de Chaleur, griffes plantées dans le sol, quelque chose clochait. Il devait aller le voir, comprendre, assimiler cette colère qui semblait luire dans ses yeux. Elle semblait si forte, un sentiment extrême que son frère n’arrivait pas à imaginer.

Le bengal avait recommencé à parler. Il écoutait bien évidement, mais son cadet avait toute son attention. Vies accordées ou non. Valeureux si besoin. Poils hérissés de son frangin. Doute sur son honnêteté. Le temps de pause que le lieutenant donna après son pourquoi, lui fit lever la tête. Ce suspens, c’était un effet de théâtre bien trop connu, comme celui d’un avant-climax.

Je vous accorde aussi le droit de m'en enlever une, pour vous convaincre.

Que…
Un remous sans précédent prit la foule. C’était trop d’un coup pour son esprit, il ne pouvait capter toutes les informations. Alors il suivit la logique. Quand on ne peut pas gérer plusieurs tâches en même temps, on se concentre sur la plus importante. Ainsi, presque instinctivement, son regard se braqua sur Source. Elle le suivait partout, était sa mémoire, si quelqu’un était au courant de cette idée pour le moins extrémiste, c’était el- Son raisonnement se stoppa. Source avait le visage déformé, dans un appel de détresse silencieux, les larmes aux yeux. Elle pleurait, elle manquait d’air, elle semblait éprouver tant de souffrance subitement. Mais pourquoi ? Oui elle tenant à leur père, plus qu’eux réunis peut-être mais ? Elle allait bien si peu auparavant, c’était..brutal. Il la vit s’enfuir. Il essayait de comprendre, ses pensées allaient à mille à l’heure, revoyaient les scènes du passé, dans une recherché de causalité. Un feulement strident le fit détourner les yeux. S’élançant vers le père, dans une libération de rage si impulsive.
Que…
Œil de Tigre était maintenant sur lui, ses griffes dans ses épaules. Il vit son frère, gesticulait, s’enfonçant encore plus les tenailles tranchantes dans sa peau. Il vit le sang, celui qui le rebutait tant. Il resta la, bloqué. Il ne comprenait pas. Comment quelques mots, certes pas anodins, mais des mots avaient engendré de telles réactions ? Il ne comprenait rien. Louve le rejoint, se collant en lui, enlaça sa queue, se fondit dans sa fourrure, sa tête au creux de son cou. Son frère ainsi, crée un étrange sentiment dans sa gorge, si déplaisant et il ne savait que faire à propos de lui. Il entendit les larmes de Louve, ainsi mit-il sa tête au-dessus de la sienne, dans un geste protecteur, affectueux, comme il avait déjà vu faire, et qu’il recopiait maintenant par instinct.

« - Il est entrain de détruire notre famille … »

Il sentait la peur de Louve à plein nez. Il sera encore plus l’étreinte, à la recherche d’un point d’ancrage, essaya de se concentrer sur la respiration de sa sœur, pour calmer le flux des pensées qui allaient beaucoup trop vite pour qu’il soit en capacité de le gérer. Il se fondit encore plus, comme s’il pouvait absorber cette peur, l’assimiler, la comprendre, pour qu’elle puisse lui donner des réponses.

Dame de Cœurs parla, il essaya de se fixer sur ses mots. Mais ils n’avaient aucun sens. Qu’est ce que les monstres venaient foutre là ? Son père avait frôlé l’un d’eux et ? Ou était la logique dans cette affirmation, sa place dans la conversation ? Ce dernier, d’ailleurs n’avait aucune réaction particulière, comme si tout était prévu. Peut-être l’était-ce. On aurait dit un metteur en scène qui regardait les acteurs évoluaient, dans le schéma et l’ordre qu’il avait crée et pensé.

Cœur de Puma intervient, très en colère. Il explosa, c’était le mot. Demander pour qui il se prenait, demandant aux autres si tout était normal.

Lycaon resserra l’emprise de sa queue sur celle de Louve, voulant s’empêcher de faire une connerie, car ce qu’il se retenait de faire en serait une, et il n’avait guère envie de l’inquiéter. Elle était déjà mal et comme pour se le rappeler, il agissait comme si leur fourrure pouvait transmettre leurs émotions à l’un l’autre . Un grattement furieux prenait sa gorge.

Il avait envie de rire
Rire du ridicule de cette comédie
Rire du pathétique de cette tragédie.

Eclaté en mille morceaux l’ennui. On ne se fait pas chier là, pour le coup, papa. Ironique pensée qui lui venait à l'instant.

Il n’avait qu’une chose à faire. Etre un bon grand frère pour une fois. Le seul rôle imposé qu’il était capable d’enfiler sans rechigner, en situation d’urgence. Et pour cela, identifier les besoins de sa fratrie.

Coup de Foudre lui confirma par ses mots qu’il avait tout prédit. Le reste de ses paroles étaient au second plan, il reviendrait plus tard à celles-ci, il les enregistrait dans sa mémoire. Là, il pensait à ce qu’il pourrait dire, comment agir avec Brisé, qui s’était enfui dans la tanière des apprentis.

Il n’attendait qu’une chose. Que cette assemblée se finisse, et qu’ils puissent rejoindre leur frère, qui n’avait jamais si bien porté son nom.

Après l’invitation de Coup de Foudre, Dame des Cœurs jubile. Nuage de la Louve, toujours lovée contre son frère, ne compte pas intervenir. Son frère la serre au plus près d’elle et pose sa tête sur la sienne. J’espère que Nuage Brisé va bien se laisse-t-elle penser. Le brouhaha présent dans la combe donne mal au crâne de la jeune.

« - Fermez-la. Tous. Chacun d’entre vous. Chacun d’entre vous. A le droit de péter les plombs. A le droit de vouloir faire la princesse devant tout le monde. A le droit de pleurer A le droit de vouloir foutre le camp. Et a le droit d’avoir peur. »

Le discours de la femelle glace le sang de Nuage de la Louve, son regard balaye une à une les personnes visées par cette tirade. Elle n’a aucune autorité en vue de la hiérarchie du clan mais elle se permet de juger chacun des faits et gestes de ses camarades. Comment ose-t-elle nous demander de nous taire de la sorte ? Aucun des vétérans ne va intervenir ? L’apprentie voit sa réflexion coupée lorsque Dame des Cœurs reprend :

« - Coup de Foudre - bien qu’il ne soit pas mon ami - semble le plus apte à diriger ce clan. Vous connaissez forcément la relation que nous entretenons, j’éviterai donc d’en parler plus longtemps. Coup de Foudre - Foudre. Il m’a emmené dans la forêt il y a peu, dans un coin isolé. Qu’aurait-il pu faire alors, mh ? Ç’aurait été si facile, hein ? Ça aurait pas fait plus d’histoires, vu ma réputation. Non, il a tout simplement préférer me montrer un petit tour, un petit spectacle privé, sympa, pas vrai ? Dites, vous aimez les monstres, pas vrai ? Leur puanteur, le vent qui balaye votre pelage après leur passage. Le danger qu’ils représentent. ~♡ Eh bien Foudre semble bien les aimer, haha~ Il même caressé le ventre de l’un d’entre eux. Parole de Dame. Tu me montreras comment faire, dis ? ♡

- Bien entendu. Tout est une question de technique, après tout. »

Le jeu des deux aînés dégoûte Nuage de la Louve. Cependant, l’annonce de la guerrière est très révoltante. La foule commence à bavarder, chuchoter mais très vite, une voix se détache des autres. Cœur de Puma.

« - … Et je n'ai pas besoin d'une Voix. Pour qui tu te prends ?! Pour qui tu te prends ?! Et toi, ne t'ai-je donc rien appris ? C'est normal pour tout le monde ce qui s'passe là. C'est normal ?! Celui qui touche à un poil de Coup d'Foudre pour tester brisera le Code. Et ne mérite pas de rester parmi nous. Vous voulez vivre comme des sauvages ? Alors cassez-vous !! Tirez-vous d'là !! Moi je ne laisserai pas mes gamins coucher près d'assassins. Toi, pauvre con ! proposer au Clan de briser notre Code ?! Ta Voix d'merde, tu peux t'la garder. Je veux m'entretenir avec toi en privé après ça. Je refuse que tu détruises mon Clan. »

Oh. La tension monte d’un grand. L’énervement de Cœur de Puma est plus que palpable. Les rugissements et grognements du matou doit en effrayer plus d’un, Nuage de Louve y comprit. L’apprentie est d’accord avec l’ensemble des paroles de son aîné. Pourquoi personne n’ouvre les yeux ? Quand est-ce que ce spectacle ridicule va prendre fin ? Bien que Coup de Foudre soit attaqué directement par cette réponse, Nuage de la Louve est bien obligée d’admettre que le veuf a raison. Lycaon serre une nouvelle fois l’étreinte. La jeune en fait deux même par peur qu’il se décide à intervenir comme avait pu le faire Nuage Brisé.

« - Ah, enfin. Tu m'as fait attendre, j'avais prévu que tu réagirais il y a une ou deux piques de cela. Vous voyez Si on me refuse, Cœur de Puma serait un candidat i-dé-al pour vous servir. Il est droit, un amoureux du Code, ses enfants ne sont pas "maudits"... C'est un excellent parti, vous ne trouvez pas? »

Arrête tout ça Papa bon sang. Je ne comprends pas. On dirait qu’il veut vraiment que quelqu’un s’en prenne à lui. Je suis peut être encore trop jeune pour comprendre toutes ces querelles d’adulte …

« - Quant au reste, je trouve pourtant mes idées sensées :
Pour respecter votre amour des ancêtres, je délègue toute responsabilité d'ordre spirituel à la Guérisseuse. Mieux vaut qu'elle s'en charge qu'un... "con", c'est bien ça? Hn, j'ai entendu plus original.
Pour apprendre à mieux vous comprendre, je délègue la responsabilité à celle qui se plaint le plus ici de se charger de toutes vos plaintes. Une façon de... la discipliner, en quelque sorte ... Sans vouloir t'offenser.
- Ce n'est plus une apprentie.
- Si je n'ai pas les vies, je laisserai ma place; si je les obtiens, je vous autorise, si vous doutez, à le tester. C'est peut-être contre le Code de tuer un camarade, mais ne le vous recommande-t-il pas de le faire pour les hérétiques ?
- Non. N'importe quel simplet le connaissant par cœur sait que la mise à mort n'est autorisée qu'en cas de légitime défense. Quand sa propre vie est menacée, donc.
Quelqu'un d'autre veut s'exprimer ? Sans quoi je finirai sur la distribution des patrouilles de ce matin et de ce soir. »

Cœur de Puma ne cherche pas à répliquer. Il se penche vers ses petits – fraîchement apprentis – pour leur murmurer quelques mots inaudibles de la part des autres. Au plus bas, Nuage de la Louve ne trouve même pas de mots. Elle qui d’habitude ne peut se retenir d’intervenir, on peut le dire : son père lui a cloué le bec. Ses pensées dévient vite à son frère qui a fuit dans la tanière des apprentis. Entre deux sanglots, elle parvient à articuler :

« - Lycaon … Je m’inquiète pour Nuage Brisé. Vivement que ces bêtises se terminent qu’on puisse aller le réconforter … Il a besoin de nous plus que jamais. »

Le cœur lourd, l’apprentie reste simple spectatrice de toute cette scène et prie pour qu’elle se termine au plus vite.

Je me sens tellement perdue, je fixe depuis un instant mes pattes sans les voir. Je sens deux nouvelles larmes s'écouler. J'ai l'impression que la moindre brise pourrait m'envoyer au sol. Une voix perce à travers ce cauchermar éveillé. Un murmure, un simple désolé. Je relève la tête et plonge dans le regard solaire de mon aimé. Je marmonne que ce n'est pas de sa faute avant de fondre contre lui. Ma tête s'enfonce dans son poitrail, son odeur me rassure au delà des mots. S'il est à mes côtés, j'ai une chance de pouvoir me relever, j'ai une chance de pouvoir tenir. Je reste contre lui, un instant avant de tourner la tête vers notre Lieutenant qui ne semble pas avoir fini.

Je me raidis aux premiers mots. Si Masquée ne revient pas... S'il ne revient pas. Je ne veux pas y penser. Est-il vraiment là-haut, avec les autres étoiles, à veiller sur nous? J'aime cette idée, même si celle de sa mort m'est insuportable. À condition qu'on me les accorde... Comment ça? Un lieutenant devient toujours chef et toujours on lui accorde les neuf vies qui vont avec. Je ne suis pas sans savoir son histoire avec l'ancienne Guérisseuse, mais... ce n'est que de l'amour. En quoi l'amour serait condamnable? Pas à mes yeux en tout cas. Je me serre un peu plus contre Bec, cherchant du réconfort, à contrario d'avoir des réponses.

La suite me semble comme un mauvais rêve. Encore. Comme ça, nommer un autre chef? Et puis vient la phrase. Celle qui est de trop. Lui enlever une vie pour tester? Lui donner la mort consciemment? Assassiner notre nouveau chef? Le souffle me manque et je recule d'un pas sous l'horreur de la proposition. Un petite voix se fait entendre. De là où je suis, je l'ai à peine perçue et peut-être que d'autres ne l'ont carrément pas entendu. Un regard à la petite bicolore et mon coeur se fend, on souffle se perd et mes larmes remontent.

Un mouvement de foule et mon regard s'accroche sur le pelage d'un de mes nombreux beaux-frères. L'action a été si rapide que je cligne plusieurs fois des yeux. Nuage Brisé. Au sol. Pelage du Tigre au dessus de lui alors qu'il allait sauter sur son père. Mes yeux s'écarquillent en réalisant. Je sens mon chéri à mes côtés se tendre. Il a un air si inquiet qui traverse son regard qu'il me bouleverse. J'ai presque l'impression qu'il va se jeter dans la foule, rejoindre son frère... Et je crois que je le suivrai si c'est le cas. J'ai du mal à calquer le jeune et si innocent chaton qui est venu me rendre visite à celui qui se trouve sous mes yeux. Je n'entends pas la question du grand mâle qui surplombe l'apprenti, tant mes yeux font des aller retours entre lui et son mentor. Sans y penser je passe une patte contre mon gros ventre. Ce n'était peut-être pas une si bonne idée de tomber enceinte là, maintenant... Un nouveau regard vers la Guerrière bicolore, à peine plus âgée que moi et je ne vois plus son visage. Elle sort du Camp. À mes côtés mon amour s'éloigne. Même si ça me rend un peu triste de ne plus l'avoir contre moi, lui qui m'a ancrée ici, me sortant de la torpeur dans laquelle je plongeais, je ne peux lui reprocher. C'est sa famille, sa soeur. Elle sera toujours prioritaire, non? Mais cela ne veut pas forcément dire que je ne compte pas à ses yeux, ne serait qu'un tout petit peu, si?

Mon regard le suit un long moment, jusqu'à ce que son pelage disparaisse dans le passage, jusqu'à ce qu'une voix retentisse, me faisant sursauter. Je me retourne soudainement, grimaçant sous une petite douleur que je ressens. Je fixe alors la féline à laquelle elle appartient. L'horreur et l'angoisse monte. Je n'écoute même pas entièrement. Sa voix... j'ai l'impression qu'elle m'entoure, qu'elle m'opresse. Depuis la première fois où je suis allée chasser avec elle, cette féline me terrifie. Sa voix, son sourire en coin, tout en elle se retrouve dans mes cauchemars. Je baisse les yeux, tombant sur les formes des deux autres enfants de Foudre. Louve et Lycaon. Je tremble. Jamais, au grand jamais je ne permettrais à quiconque de malmener ainsi mes enfants. Et même les enfants des autres. Je tremble encore plus. Lâche, je suis lâche. Mes pattes n'avancent pas. Je voudrais tant attraper ces chatons, les envelopper dans mes pattes et les éloigner des horreurs du monde. Je n'ai peut-être que six lunes de plus, et pourtant cette envie m'enveloppe.

La voix puissante et familière de mon ancien mentor résonne, tandis que mon coeur s'envole. Je me sens plus rassurée, depuis que Coeur de Puma s'est levé. Un élan d'affection et d'admiration pour mon ancien mentor me prend. Lui si courageux pour dire haut et fort ce que certains, dont moi, pensent tout bas. Il est tellement valeureux, brave... Un vrai enfant du Tonnerre. Je suis tellement d'accord avec lui, que, sans y penser, je hoche la tête. Je ne peux qu'être d'accord avec lui... Et ne pas comprendre Coup de Foudre. Je ne comprends ni ses pensées, ni ses idées, ni sa volonté qu'on le teste. Si Etoile Masquée est bien parti, alors c'est lui le nouveau meneur, quoi que certains puissent lui reprocher. Il est le Lieutenant que notre Chef a choisi. Pour ce qu'il en est, jamais je n'oserai lever une griffe sur le matou tigré. Pas parce que je suis incapable de lever une griffe sur n'importe quel matou, que je refuse de faire couler un sang félin... Non. parce que pour moi, il est légitime qu'il soit chef. Pas la peine d'éprouver son nombre de vies, ou l'accord des étoiles. Il est le choix de notre Ancien chef. Je n'ai qu'une hâte, que cette Assemblée se termine. Je pourrais retourner à ma pouponnière, laisser mes pensées naviguer vers mes futurs enfants. Quoi qu'il arrive, je les protégerai.. De tout.

Faire ses Preuves (lune 68)


Mon flanc collé contre celui rond de ma compagne, ce dernier élément ne m’inquiétait même plus à cause du clan au bout de l’explosion. Le baptême d’apprentis et le renouvellement de mentors de mes frères et sœurs étaient éclipsés par la nomination de la Voix, représentée par mon amie. Je semblais être le seul content pour elle, content aussi de voir que des chats opposés en tout pouvaient trouver un terrain d’entente. Comme un avant-goût de cohésion entre chats différents. J’étais content, mais l’ambiance générale me força à baisser mes commissures. Je ne voulais pas être contre la pensée unanime et être mal vu -voir rejeté- par le clan.

Et le discours continua encore, plein de nouvelles. Les chats semblaient de plus vouloir d’informations supplémentaires, comme si chaque chose que disait le Bengal était mauvaise. Des poils étaient hérissés juste par le fait de le voir sur le promontoire mais .. cela faisait quelques lunes qu’il était lieutenant. Pourquoi refuser ce qui coulait de source ? Coup de Foudre était le prochain chef, et comme il le disait, à la prochaine assemblée, ce sera véridique. Un frisson me parcouru. Il y a un cycle, lui et moi on fantasmait seulement à cette idée. Un rêve un peu fou qui nous arrangeait tous les deux. Lui voulait jouer avec les cadeaux des Étoiles, moi je voulais jouir de cette protection supplémentaire, apportée par mon père. Et dans moins d’une lune, ça se réalisera.

Et tandis que mes pensées se perdaient face à cette réalité, Léopapard exposa son plan pour que le clan lui fasse confiance. Il les laisserait lui prendre une vie. Je grimaçais, plus que ma tête habituelle. Les plaintes sortirent de partout, ils étaient outrés d’une telle idée, qu’un chat se laisserait se faire tuer. Je baissais les oreilles. J’aurais voulu être heureux pour mon père, le lien le plus fort de ma famille qui me restait. Et la famille, la scène du dernier dîner semblait s’inverser. Coup de Foudre s’amusait et tout le reste se demandait ce qu’ils faisaient là. Perdus mais pendus à ses lèvres. A la fin de son annonce, une question planait et seule Dame de Cœurs semblait avoir la réponse. Mais moi aussi je la connaissais, depuis un cycle.

" Il n’a peur d’abs’olument rien... " lâchais-je dans un souffle, rien que pour moi.

Donc pourquoi être triste ? Il le voulait, et il risquait déjà sa vie sans en avoir neuf -je me souvins de la fois où il parti aux bords des Falaises pour me confirmer que c’était dangereux-. Et au pire il changera d’avis après en avoir perdue une, à ma manière. Failli mourir, d’accord, mais grâce à des événements divers, ma propre mère ne m’avait pas tué... et sans père pour me sauver, pas comme dorénavant.

Mais bref, mes yeux allèrent directement vers mes petits frères et sœurs. Aucune joie, personne avec qui j’aurais pu partager mon avis. Une pensée envers ma jumelle s’échappa. Je cherchais mon autre soeur dont j’étais proche du coup, Source de Secrets, par réflexe. Je ne vis que sa fourrure bicolore partie au milieu de la foule, quelques larmes l’accompagnant. Les mêmes qu’il y a quelques jours où elle n’en pouvait plus.

Je fis peut-être du favoritisme, mais j’avais perdu une soeur il y a des lunes et Source l’avait remplacée. Pour moi, si je la laissais tomber, j’en laissais tomber deux. Ma fourrure quitta la grise de la reine, ma queue caressant sa patte d’un au revoir maladroit, et je fendis à mon tour l’amas de chats pour sortir du clan en pleine assemblée.

Une fois dehors, je pourrais retourner ma fourrure. Arrêter de suivre les pensées et le mouvement de foule pour dire à Source ce qu’on voulait : notre père sera chef et on l’y aidera.