Jamais assez de preuves [PV Coup de Foudre] - end

L’Assemblée du Clan s’était fini dans le chaos. Deux-trois annonces avaient fait tiquer Nuage du Ciel, mais rien n’avait entaché sa joie d’être l’apprentie de son père, mais surtout du nouveau chef du Clan. Enfin, l’apprentie avait un mentor à sa hauteur. Elle allait beaucoup mieux évoluée, à présent ! Elle avait hâte d’apprendre auprès de son père.

La queue dressée bien haut, la tête bien haute aussi, Nuage du Ciel marchait d’un bout pas jusqu’à la combe sablonneuse, où son père lui avait ordonner de l’attendre. Alors, un peu bête, la femelle vint se placer dans un coin, la queue autour des pattes, et de ses yeux amandes, elle observait les alentours, guettait les odeurs et les bruits, les mouvements dans les branches. Elle savait à quel point son père adorait sauter d’arbre en arbre, comme un écureuil.

Mais après plusieurs minutes, son père n’était toujours pas là. La femelle tricolore détendit son corps, s’étirant longuement. Etre restée stoïque tant de temps avait légèrement engourdit son corps. Puis, elle décida de faire une toilette complète. Mais même après, Coup de Foudre n’était toujours pas là. L’avait-il déjà oubliée ? Était-il déjà partit chercher ses vies ? Décidément, son père était insondable.

Nerveusement, la femelle décida de refaire une toilette complète. Elle n’aimait pas du tout qu’on la fasse attendre. Pourtant, au bout de moment, la femelle suspendit son geste, s’arrêtant pour réfléchir. Sa patte arrière, qui était levée, finit par descendre, petit à petit, tandis que sa patte avant se refermait, nerveusement.

Il s’en était passé des choses à l’Assemblée. La femelle n’avait pas vraiment prit le temps d’y réfléchir, parce que pour elle, ça sortait comme un flot de bêtises hérétiques. Et pourtant. Maintenant qu’elle l’avait qu’en pensait-elle réellement ?

Plus que le fait qu’il ait fait descendre sa fille d’un coup de queue, c’était vraiment les révélations de son père qui l’avait outrée. Pas choquée. Outrée. Son père, tout aussi respectable qu’il soit, semblait s’essuyer les pattes sur le code du Guerrier. Et ça ne lui plaisait pas. Le Code du Guerrier n’était pas là pour faire joli. Il fallait le respecter, c’était une question de vie ou de mort. Les foudres du Clan des Étoiles pouvaient s’abattre n’importe quand. Il fallait les éviter.

Ce qui l’avait vraiment plus outrée, c’était que son père propose à ses guerriers de lui ôter une vie si jamais ils ne le croyaient pas. Quel genre de chef ferait ça ? C’était interdit par le code du Guerrier. Le chef était censé montrer l’exemple. Son père saurait-il montrer l’exemple ? Elle savait que non. Son père méritait-il son rôle de chef ? Elle savait que non aussi. Pourtant, il avait été nommé lieutenant puis maintenant chef, et elle, du haut de son rôle d’apprentie, qui était-elle pour juger les décisions des adultes ? Elle savait bien que ce n’étaient pas le Clan des Étoiles qui avait participé à la montée en grade de son père, c’était autre chose. Parce que sinon, les étoiles aurait choisir leur plus fidèles croyants. Elle n’était pas si bête, cette apprentie.

Mais, cela ne fit que renforcer ses convictions. Son Clan était sur le chemin de la perdition. Si elle voulait lui faire retrouver le droit chemin, elle devait monter sur le Promontoire à son tour. Elle faisait ça pour son Clan. C’était important. Comment son Clan pouvait briller s’il se détournait des étoiles ? Et comment elle pourrait briller si son Clan sombrait dans les ténèbres ? Pour redonner à son Clan sa gloire d’antan, elle devait devenir une étoile. Une étoile qui brillerait si fort qu’il serait impossible d’oublier son éclat.

L’arrivée de son père coupa court à toutes ses réflexions. Elle tourna sa tête tricolore vers lui et la novice alla au devant du bengal, s’arrêtant devant lui dans un dérapage très bien contrôlé.

- Papa ! Ciel a plein de questions ! Pourquoi tu dis des bêtises ? Pourquoi tu vas pas chercher tes vies maintenant ? Raton Laveur, il reviendra plus ! Pourquoi t’as pas nommé de lieutenant ? Pourquoi tu dis à tes guerriers qu’ils peuvent t’ôter la vie ? C’est interdit par le Code ! Pourquoi tu suis jamais le Code du Guerrier ? Pourquoi c’est Amour-en-Cage qui a fait le baptême ? C’est pas son rôle ! Pourquoi tu veux que les guerriers choisissent leur chef ? Le chef est pas choisi, il est nommé ! Pourquoi t’as chassé Ciel du Promontoire ? Elle y montera un jour, tu le sais ! Pourquoi tu la laisse pas s’habituer à la vue qu’on a dessus ? Pourquoi Ciel a dut attendre aussi longtemps avant d’avoir un bon mentor ? Pourquoi tu veux évaluer Ciel ? T'as pas confiance en ses capacités ?

Avait-elle tout dit d’une traite ? Pratiquement, oui. L’apprentie semblait un peu essoufflée. Mais toutes ses questions étaient posées. Et maintenant, elle savait qu’elle ne quitterait plus son père des yeux tant qu’il n’aurait pas répondu à toutes ses questions.

L'avantage, c'est que les membres du Clan prenaient au sérieux ce qu'il avait dit à Coeur de Puma. J'entend par là que pour l'instant et probablement le reste de la journée on lui ficherait la paix - personne ne lui connaissait ce pas militaire, non plus.

— « Papa !

Après être sorti entre deux arbres il descendit la pente d'herbe humide jusqu'à la combe de sable, secouant un postérieur un peu sèchement lorsque des grains se collaient à ses coussinets. Il en était à faire un autre pas qu'il dut se raviser et le piler ailleurs car Nuage de Ciel s'était fichée devant lui, les yeux grands ouverts, certes, mais la bouche aussi, déblatérant unes à unes ses questions.

— Ciel a plein de questions ! Pourquoi tu dis des bêtises ? Pourquoi tu vas pas chercher tes vies maintenant ? Raton Laveur, il reviendra plus ! Pourquoi t’as pas nommé de lieutenant ? Il aurait répondu, vraiment, il l'aurait fait, il aurait fait un effort (n'est-ce pas Brisé) si seulement le flot s'était arrêté avant.
Pourquoi tu dis à tes guerriers qu’ils peuvent t’ôter la vie ? C’est interdit par le Code ! Pourquoi tu suis jamais le Code du Guerrier ? Pourquoi c’est Amour-en-Cage qui a fait le baptême ? C’est pas son rôle ! Les deux oreilles du bengal se pivotèrent vers l'arrière. Pourquoi tu veux que les guerriers choisissent leur chef ? Le chef est pas choisi, il est nommé ! Ses épaules se raidirent.

Pourquoi t’as chassé Ciel du Promontoire ? Sa queue frôla le sable. Elle y montera un jour, tu le sais ! Pourquoi tu la laisse pas s’habituer à la vue qu’on a dessus ? Pourquoi Ciel a dut attendre aussi longtemps avant d’avoir un bon mentor ? Pourquoi tu veux évaluer Ciel ? T'as pas confiance en ses capacités ?

Et il modula sa voix avec force, audible, pour une fois, en allongeant la plainte d'un miaulement distinctement irrité:

— « Arrête.

Sa queue serpenta au sol, une grande inspiration lui retint la patte qui aurait échappée à son contrôle. Il en leva une, par réflexe (elle sursauta en l'air avant de retrouver le sable) et il reposa tout son pied dessus pour se distancer d'un pas et d'un autre et retrouver un peu d'espace personnel, sans oublier de balancer sa queue d'un swish énervé au nez de sa fille, derrière, la sortant un peu brusquement de sa spirale.

— J'ai pas la tête à argumenter de ta vision xénophobe nourrie par la propagande de vieux débris qui devraient apprendre à s'éteindre - il acheva d'un feulement, le poil levé.

Il cilla, surpris par son propre débordement, se recomposant sans la désinvolture de "papa cool relâché qui aime draguer", s'arrachant complètement de son masque pour plutôt faire front de glace.

— Et en parlant de ça - qu'est-ce que ton précieux Code m'oblige à t'apprendre, maintenant? Dépêche-toi, qu'on en finisse. »

Ne pas avoir trouvé Source et encore frais du précédent rassemblement, leur futur leader-en-devenir avait vu de meilleurs jours. Au moins sa toilette était impeccable.

... Ouais, comme si ça lui importait, en ce moment.

Elles étaient loin, les expériences à jeter des cadavres de souris et des cailloux pour comprendre comment les oiseaux volaient (même s'ils n'avaient jamais vraiment réussis). Mais c'était toujours pareil - arrivait un moment où ses enfants atteignaient la maturité de faire leurs propres choix et de le décevoir - Roux par son absence de discrétion, Neige pour la souffrance qu'elle avait fait subir à Fifi, Brisé par-... t-têtutetté - quoi qu'il en soit. Nuage de Ciel lui avait prouvé la dernière fois qu'elle était suffisament vieille pour souhaiter la mort des chats de tout un autre Clan ? Elle n'avait donc plus le droit aux pincettes.

_________________

Nuage du Ciel regardait son père, attendant ses réponses. Pourtant, un vent glaciale lui fit face. Autant dans ses paroles, son père lui disant clairement qu’il ne voulait pas argumenter, que dans sa gestuelle, avec son feulement et son poil retroussé. La novice tricolore comprit aussitôt. Son père ne voulait pas être là, ou du moins, il ne voulait pas être avec elle. Mais du moins, ça ne la blessa pas. Si le message était plus ou moins clair, la femelle appréciait visiblement l’effort que faisait son père d’être là malgré tout. Et elle était prête à en faire un aussi. Peut-être, pour un après-midi, elle pourrait accorder ses propos aux siens. Si ça lui faisait plaisir.

— Et en parlant de ça - qu'est-ce que ton précieux Code m'oblige à t'apprendre, maintenant? Dépêche-toi, qu'on en finisse.

La chatte recula d’un pas, la patte levée, le poil en bataille et crachant. Apparemment, son père ne ferait pas d’effort, elle s’était trompée. Il voulait être ailleurs, avec quelqu’un d’autre. Il comptait expédier son entraînement. Se débarrasser d’elle, comme si elle n’était qu’un poids mort à ses yeux, un fardeau. Pourtant, la jeune chatte voulait rester avec son père, elle en avait besoin. Aussi, elle essayerait de faire un effort. Même s’il y en aurait pas en face. Alors, elle rabaissa la patte et son poil, et s’assit, essayant de garder un visage neutre, ne voulant pas montrer à quel point l’attitude de son père l’avait blessée.

- Pourquoi t’es méchant? Pourquoi t’as fait de Ciel ton apprentie si t’as pas envie d’être avec elle ? Pourquoi t’es venu, si t’as pas envie d’être ici ? Personne t’as obligé à rien. Va-t-en ? Ciel apprendra toute seule.

Il l'entendit cracher derrière lui, et c'est pourquoi il tourna sa tête, pour la foudroyer d'un coup d'oeil, grondant tout bas en rentrant la tête entre les épaules et en sentant comme une tension lui prendre à l'échine. Eh bien? Qu'allait-elle lui dire? Qu'allait-elle bien pouvoir possiblement inventer pour démontir ses propos à lui? Mais après ce premier élan de frustration, Nuage de Ciel se retint. Et cette démonstration d'abaisser sa patte, et son poil, lui firent immédiatement se voir en elle. Car immédiatement sa propre fille imita la froideur de son regard, sa neutralité, son impartialité, cherchant à cacher tout ce qui bouillonnait derrière.

— « Pourquoi t’es méchant? Méchant - elle mettait la patte sur le problème. Pourquoi t’as fait de Ciel ton apprentie si t’as pas envie d’être avec elle ? Mais Ciel c'est pourtant évident. Pourquoi t’es venu, si t’as pas envie d’être ici ? Personne t’as obligé à rien. Va-t-en ? Ciel apprendra toute seule.

— ...Non.

Sa queue chassa l'air. Un grondement lui échappa, mais s'éteint dans le fond de sa gorge, rageur, et il pila des pattes sur place en forçant la tension dans son échine à le faire s'asseoir, tout comme elle. Bien qu'il ne lui faisait pas complètement face, s'étant plutôt mit sur la défensive par le côté.

— Je n'ai pas confiance en tes capacités, pas après avoir vu comment tu te comportes.

Il regardait ailleurs - au cas où il verrait le nez de Source, pour la consoler, au cas où il verrait celui de Tigre, pour l'arrêter. Et puis il y avait autre chose, et la tension lui fit donner un coup dans le sable, mais plutôt que de lever un, qui sait, un nuage de poussière satisfaisant que le vent aurait pu balayer de façon poétique, les grains et les sédiments restèrent collés à ses coussinets et firent augmenter de plusieurs crans son mécontentement. Il agita la patte en l'air, contrarié.

— Et je ne te laisserai pas seule! Il serra fortement ses dents, chercha à retrouver son souffle, reposant la patte après un soupir.... avant d'immédiatement redonner des coups dans le vide. Il tenta de se distraire lui en tournant les yeux vers Ciel. Si tu tombes face à un chien, tu finiras comme Elle. »

Il se rappelait que selon ses dires, Flocon D'amour ne lui avait pas appris à se battre. Il n'en avait que faire des guerres inter-clan mais pour ce qui était de savoir se défendre contre des prédateurs qui menaçaient leur paix, c'était une autre histoire.

_________________

La novice serra des dents. Ce qui semblait, à première vue, une journée géniale ne s’annonçait, au final, pas si top que ça. Son père ne lui faisait pas confiance. A cause de son comportement, apparemment. La jeune chatte haussa les épaules. C’est Ourse Polaire qui lui avait appris ça. Bien que la femelle soit plutôt en froid avec sa nourrice, c’était la seule référence qu’elle avait. Elle n’avait rien connu d’autre. Sa mère n’avait jamais été là pour lui expliquer son point de vue, alors, elle avait fait ses propres conclusions. Et comme son père ne lui avait jamais rien dit, elle s’était mise en tête que c’était la bonne façon de penser. A qui allait la faute alors ?

- Ciel se comporte mal ? Mais c’est Ourse Polaire qui lui a appris ça. Et toi, tu n’as jamais rien dit. Est-ce que Ciel est vraiment à blâmer ?

Lui reprochait-elle d’avoir manqué de présence ? Complètement. Peut-être que la jeune chatte aurait été différente, si elle avait eût sa mère et un père un peu plus présent. Mais, on ne change pas le passé. Le mal était déjà fait. La plaie était déjà purulente. Ciel pouvait encore évoluer, mais, elle ne pouvait plus changer. C’était trop tard.

— Et je ne te laisserai pas seule! Si tu tombes face à un chien, tu finiras comme Elle.
- Ça t’arrangerait bien, non ? Ça te ferait une épine en moins dans la patte, non ? Ou bien tu t’inquiètes pour ta réputation ?

Elle allait rajouter quelque chose, mais resta plutôt la gueule ouverte quelques instants. Nuage du Ciel savait qu’elle avait tenue des propos déplacés, qu’on ne sort ni à son père ni à son chef, ni à son mentor respecté. Et surtout, elle s’était promis de faire un effort même si son père n’en faisait pas. Alors, la femelle s’assit et leva la patte comme en signe de pardon.

- Ciel s’excuse. Elle n’a pas à tenir ce genre de propos.

Ciel se renfrogna, ce que justement il lui reprochait de faire. Elle haussa les épaules, et une fois encore il se vit en elle - elle faisait mine de s'en battre la queue de ses reproches, mais en réalité il la savait aussi piquée au vif que lui. Car quand il fit part de la faiblesse qu'elle se reprochait (ou plutôt qu'elle reprochait son ex-mentor de ne jamais y avoir palié) la chatte tricolore dilluée se retrouva sur quatre pattes à nouveau:

— « Ça t’arrangerais bien, non ? Piqué au vif il redressa haute sa tête. Ça te ferait une épine en moins dans la patte, non ? Ou bien tu t’inquiètes pour ta réputation ?

Et il s'immobilisa - ni sa queue ni son corps ni son poil ne s'étaient levés, et il avait coupé sa respiration. D'une infinie lenteur il abaissait sa tête, ignorant à quel point son coeur battait fort dans sa poitrine, pile derrière son souvenir de Secret du Firmament. Les hydrauliques fléchissaient, toutes ses tensions se relaxaient, sa vision se focalisait en un seul point - il allait se ruer sur elle.

Elle avait la gueule ouverte, il avait fermé la sienne - non, l'avait scellée, et seules ses moustaches le trahissaient en se contractant pour faire front à son apprentie. Mais son apprentie s'assied, même courroucée, et leva sa patte, plein de sable, l'agitant en l'air. Elle voulait chasser la dispute plutôt que les grains, mais le sentiment était le même. Ils étaient sur la même longueur d'ondes.

— « Ciel s’excuse. Elle n’a pas à tenir ce genre de propos.

Était-elle sincère? Le bengal sortit les griffes d'une patte mais plutôt que d'y appuyer le poids et de bondir, il la ramena bruyamment vers lui, se distrayant par le crissement qu'elles firent dans le sable.

— Tss... »

Ses deux oreilles étaient tombées de chaque côté de sa tête, mais il fit l'effort de les faire se relever - ironiquement en se renfrognant, tout comme elle.

— « ... Même si.  Même si ça m'arrangeait, même si ce serait une épine de moins dans ma patte, comme tu le dis, je ne peux pas me permettre de me relâcher et de choisir la voie facile.

Il rétracta les griffes, les sortit à nouveau. La détente cartilagineuse lui était thérapeutique.

— Sinon, tu crois pas que j'aurais fait exactement comme le voulait le protocole? Le baptême, ne donner la chance à personne, choisir Puma (ses babines se déformèrent de dédain) comme Lieutenant... La grimace prit la forme d'un sourire, pointu et agressif et suintant de fiel: Chercher les vies une lune plus tôt...

Il regarda ailleurs.

— Je me fiche de ce qui est interdit par le Code. Nous avons changé trois fois de chefs qui prétendaient le suivre, et les trois sont morts de la même manière; les choses ont besoin de changer, Nuage de Ciel.

Pour quelqu'un qui "ne pouvait pas se permettre de se relâcher", il avait la tête bien basse, mais ce n'était ni à cause de sa fille (celle dont il s'était fait le mentor et celle dont il s'inquiétait des blessures au psyché), ni à cause du stress considérable de faire ce premier pas, certes maladroit, certes mal reçu, vers le progrès. C'était les lieux - il y avait bien une raison pourquoi il préférait longer la combe qu'y mettre les pattes.

— « Tu savais?... C'est ici que je l'ai rencontrée.

... Ta mère, Secret du Firmament.  Mon amie.

_________________

Sa remarque l’avait piqué au vif. Elle l’avait constaté. Sa posture semblait menaçante, et Nuage du Ciel était prête à se protéger en arrondissant le dos, la gueule suffisamment entrouverte pour laisser voir juste ses canines. Pourtant, rien ne vint et son père sembla se détendre. L’était-il ? Dur à dire. La jeune chatte sa rassit, cependant et ferma la gueule pour le moment. Elle se contenta de l’écouter.

— Je me fiche de ce qui est interdit par le Code. Nous avons changé trois fois de chefs qui prétendaient le suivre, et les trois sont morts de la même manière; les choses ont besoin de changer, Nuage de Ciel.

La femelle fronça les sourcils, intriguée pendant un instant et réfléchit. Puis, après quelques secondes, elle releva la tête, ses yeux reflétant sa compréhension.

- Mais… Papa… Ils sont pas morts de la même façon… Étoile de Suie a été exécutée publiquement, Étoile du Vautour est mort de maladie, je crois, Étoile de Cendres est mort de la canicule et Étoile Masquée a disparu. C’est pas du tout pareil.

Coup de Foudre ne parlait probablement pas littéralement, et ça lui avait totalement échappé. Mais, ce n’était pas si important dans le fond. Elle voyait son père la tête basse. Refusait-il de la voir, de la regarder ? Avaient-ils atteint ce point de discorde qu’elle en devenait affreuse à regarder ?

- Tu savais?... C'est ici que je l'ai rencontrée. ... Ta mère, Secret du Firmament. Mon amie.
- Ici ? Mais… Maman vient du Clan du Tonnerre comme toi, tu as bien dû la voir avant dans le… Ah ! Oh ! Tu veux dire que c’est ici que tu lui as parlé pour la première fois ? Qu’est-ce qui t’a poussé à lui parler ? Elle ressemblait à quoi, Maman ? Je m’en souviens pas. Est-ce que je lui ressemble ?

Son interrogation, tout comme sa curiosité, étaient sincères. Qui de mieux pour parler de sa mère, que quelqu’un qui l’avait très bien connu ? Bien sûr que dans le camp on lui en avait parlé, bien sûr qu’elle s’était interrogée. Mais rien ne valait les réponses de son père. Parce que si Nuage du Ciel avait appris à mentir très tôt, d’autres guerriers pouvaient bien lui mentir sur sa mère. La novice était persuadée que seul son père saurait se montrer honnête. Et elle était prête à boire ses paroles.

La dispute s’était envolée de son esprit.

— « Ici ?

Ici.

— Mais… Maman vient du Clan du Tonnerre comme toi, tu as bien dû la voir avant dans le… Ah !

Oh !

Il l'avait peut-être jugé trop vite. Il avait cru que sa salve d'innombrables questions étaient des reproches, mais

— Tu veux dire que c’est ici que tu lui as parlé pour la première fois ? Qu’est-ce qui t’a poussé à lui parler ? Elle ressemblait à quoi, Maman ? Je m’en souviens pas. Est-ce que je lui ressemble ?

... c'était juste la façon dont Ciel s'exprimait. L'ombre d'un sourire passa aux babines de son père, qui secoua sa tête, se retenant de glousser, mettant immédiatement la griffe sur la chose:

— Tu lâches pas l'affaire, hein... Tu sais, si tu les posais unes à la fois, tes questions, et que tu donnais le temps aux autres de répondre et de réfléchir, je - je quoi, Coup de Foudre. Il pivota ses deux oreilles. Je serais moins déçu? Moins irrité? Le prendrait moins comme une attaque? Et les repointa vers l'avant, se redressant dans sa position assise. ...J'aurais moins de difficulté à te parler.

C'était quand même marrant. Nuage Brisé lui mettait des mots dans la bouche, et Nuage de Ciel ne lui laissait pas en placer une. Il n'était pas très proche de Nuage de la Louve - le plus loin elle serait de lui le mieux elle se porterait, de toute manière, et Nuage de Lycaon,...

"Tu le vois, lui"

— ...Tu lui ressembles beaucoup, mais en même temps, pas vraiment... Pareil pour Brisé - elle avait une longue queue, aux poils duveteux comme la tienne, mais ceux de son corps n'étaient pas assez long pour couvrir le nez en s'engouffrant dedans. Ah, et elle était color-point, comme Neige et Chance, mais en différent...

Il regardait le ciel, maintenant (pas sa fille, mais l'étendue du dégagé au-dessus). Ses moustaches eurent un rebond, il cilla, et baissa les yeux sur l'apprentie, qui s'était comme rapprochée, ses yeux brillants lui rappelant ceux qu'avaient Brisé quand il avait échappé un mot ou deux à propos de Fifi. Est-ce que c'est vraiment tout ce que ça leur prenait? Qu'il leur parle de son amie? Qu'il souffre de se rappeler d'elle, pour satisfaire leur curiosité?

— ...Une siamoise, quoi!

_________________

Son père sourit. Ça ne dura qu’un instant, mais il sourit. Et ça suffit à faire pousser un petit sourire chez Nuage du Ciel, probablement par pure mimétisme. La conversation serait plus détendue, la femelle joua un instant des épaules, détendant les muscles de son corps. Elle entreprit même une nouvelle toilette, écoutant son père. Sa légère reproche, à laquelle elle se contenta de hausser de nouveau les épaules, et ses explications.

La femelle leva la tête de son poitrail et posa ses yeux verts sur son père avant de les poser sur son arrière-train et surtout sur sa queue qui frétilla un instant de plaisir. Alors au final, Ciel avait bien quelque chose de sa maman. Et aussi de son papa, évidemment. En cet instant, ses yeux pétillaient d’un plaisir immense. D’ailleurs, la novice délaissa même son poitrail pour faire la toilette de sa queue.

- Ah, et elle était color-point, comme Neige et Chance, mais en différent... ...Une siamoise, quoi!
- Comme Vipère Audacieuse ?

Se lavant à présent le ventre, la femelle avait roulé sur le dos pour observer son père durant l’espace de quelques secondes, attendant une confirmation ou non. Puis, elle replongea dans la toilette de son ventre. Elle tiqua des oreilles et redressa à nouveau à la tête, déroulant de nouveau le haut de son corps.

- Et son caractère ? Il était comment ? On m’a dit qu’elle était gentille et très douce, c’est vrai ? Parle-moi plus de Maman, s’il te plait ! T’as eût la chance de la connaître, toi.

Les yeux de la novice s’assombrirent durant quelques secondes. De tristesse ? De colère ? De jalousie ? Peut-être tout ça à la fois. Sa mère l’aurait-elle aimé ? L’aurait-elle regarder grandir et évolué avec cette pointe d’inquiétude mais surtout d’admiration dans le regard ? Nuage du Ciel aurait-elle eût cette impression de vide dans son cœur ? Ce besoin d’être aimée et observée ? Nul ne le sait. Les yeux de la femelle se brouillèrent un instant, mais elle chasse cette sensation d’un clignement d’yeux et retourna à sa toilette, s’appliquant.

— « Comme Vipère Audacieuse ?

Ciel laissait la tension redescendre d'un brin de toilette, se vautrant dans le sable, sur le dos (il ne lui dit pas qu'il trouvait la manoeuvre inutile, surtout puisqu'à la base ils étaient ici pour s'entraîner).

— Ouais! Il répondit, avec un entrain que la seconde portée ne lui connaissait pas non plus. C'est sa cousine.  Était.

Sauf que Vipère Audacieuse était plus bien plus vieille que ne l'était Secret du Firmament - Fifi était aussi un peu plus jeune que lui, d'une poignée de lunes tout au plus.

— Et son caractère ? S'enquit Ciel, entre un ou deux coups de langue. Il était comment ? On m’a dit qu’elle était gentille et très douce, c’est vrai ? Parle-moi plus de Maman, s’il te plait ! T’as eût la chance de la connaître, toi. »

Il ne sut dire si la fin était un nouveau reproche. D'une part... il l'était? Mais d'une autre, il pouvait voir dans les yeux de sa fille que c'était plus compliqué. Il ne pourrait jamais comprendre la peine d'avoir perdu un parent et de ne l'avoir jamais connu car même si c'était ce qui était arrivé à ses parents, ses attaches familiales allaient hélas à son mentor. ... "Tire D'Aile", "Herbe Folle", c'était des noms dans une comptine que lui avait enseignée Printemps Fatigué. Ils n'évoquaient aucun visages, aucun corps.

Le blizzard effaçait tout, après tout...

— « Elle était... stupide. Une sorte de rire lui échappa.  Et naïve! Des chatons étaient morts comme ils en meurent tout le temps, mais ça l'avait poussé à abandonner son apprentissage de guerrière pour devenir guérisseuse.

Pourtant, elle excellait à la chasse! Toi c'est ta plus grande lacune, c'est ça?

Sa vue lui joua des tours, et il se hissa sur quatre pattes, en approchant son ventre à ras le sol pour provoquer un souvenir. Il replia une patte, faisant mine de chasser quelque chose.

— Je l'ai vu chasser une souris - juste ici, je lui ai dit que c'était un coup de chance, haha, qu'elle arriverait pas à en chasser une deuxième. Et il se redressa d'un bond. Mais Ciel, elle l'a fait! Dans le même cadran, il se tourna vers sa fille, toute la lumière du soleil semblait briller dans ses yeux, et un grand sourire bénet étirait malgré lui ses babines. Quelle idiote! C'était à n'y rien comprendre, alors je l'ai mise au défi d'un deux-de-trois - mais non, cette veinarde, elle m'en a bouché un coin avec son trois-de-trois!


La Grande Nuage du Firmament !   Ha ha hah! ♡


... Ha ha hah, la Grande Nuage du Firmament.  

Qui a gaspillé son futur de brillante chasseuse pour aller collectionner des fleurs. En plus, à l'époque, le Clan du Tonnerre haïssait ses brouteuses-d'herbe.

Personne ne lui laissait sa chance. »

Les soleils et les brasiers s'éteignirent, et son sourire se surit d'auto-dérision. Sa queue, qui était montée très haut au-dessus de sa croupe, en revivant ces souvenirs où il brinqueballait des hanches, où il souriait à tout vas, où il penchait agréablement la tête, où il agitait la queue pour attirer les yeux où il voulait, retomba dans le sable, traçant un sillon à peine.

— « ... Elle aussi, refusait la voie facile. »

_________________