Talk to me [PV Curieuse Pénombre] - abandon

« Curieuse Pénombre ! »

Je tournais la tête vers cette voix qui m’appelait. C’était Graine de Tournesol. Un guerrier que je connaissais peu finalement, sauf ses origines de chat domestique. Il trottinait vers moi, accueillant. J’aurais préférée être seule… Mais bon, parler aux félins de mon clan ne me ferait pas forcément de mal ? Je ne savais pas trop ce qu’il voulait de moi d’ailleurs mais bon, pour cela, il fallait l’écouter.

« Si tu n’as rien à faire, ce matin, veux-tu aller marcher un petit peu en forêt avec moi ? On dirait que tu as besoin de te changer les idées. »

Mon air de déterré se voyait tant que cela ? Soit. J’acceptais d’un hochement de tête. Je crois pouvoir dire que c’était dans ces moments là que je me sentais plus grande, plus adulte. J’avais grandi et au final… J’avais connu l’horreur de la guerre, malgré mon jeune âge. En vérité, j’aurais voulu prouver ma valeur, et ne pas être une petite chose fragile aux yeux des miens et de tous. Je n’aimais pas la guerre et j’en avais peur. Je n’avais personne au final pour me confesser. Parler de ce qui tourmentait mon cœur. Tous comprenait pourquoi j’étais triste, mais… Personne ne peut m’aider. Je pense que mon isolement au sein du clan est involontaire mais… Je ne fais plus d’effort pour partager avec les autres, j’essaie d’être à l’écart pour ne pas empoisonner les autres de ce mal qui me ronge. Ce Graine de Tournesol semblait, lui, vouloir me parler. M’aider sûrement ?

Nous sortîmes ensemble du camp pour s’enfoncer dans la forêt. Je me souviens, lorsque je l’ai découvert pour la première fois. Elle semblait magique, cet endroit que j’affectionnais tant. Le jour où je ne serais plus là, c’est bien ce qui me manquera le plus. L’odeur de la mousse, la sensation du sol herbeux ou terreux sous mes pattes, les fougères qui frôlaient mon pelage… La chanson des oiseaux, le sifflement d’un petit ruisseau ou le ru d’une grande rivière, la chaleur des Rochers du Soleil. En bref, cette belle forêt que manquera ce jour là.

« Elle te manque, n’est-ce pas ? Pour être honnête, moi aussi. J’avais beaucoup de respect pour ta mère, elle le méritait amplement. Elle avait l’âme noble. »

Ma contemplation de la forêt pris fin aux paroles du matou. Je devais avouer que ça me faisait chaud au cœur d’entendre quelqu’un d’autre parler d’elle comme cela. Je souriais au guerrier.

« Elle était douce, belle, gentille… »

Je regardais les étoiles, espérant voir une étoile brillante qui survivrait au ciel bleu du printemps. J’avais un air doux, un sourire chaud, que j’avais perdu depuis longtemps maintenant.

« Maman me manque oui. C’était mon modèle, je voulais être comme elle, suivre ses traces et surtout, la rendre fière. Je voulais voir le regard de Maman, sur nous, Aubépine et moi lors de notre baptême. Malheureusement, toutes les deux n’étaient pas là. »

Je laissai échapper une petite larme, du coin de l’œil. Je fixais toujours le ciel, en quête de deux étoiles brillantes.

« Je voulais juste qu’elle soit fière de moi. Mais je n’ai pas pu la sauver. »

« Ça va peut-être te paraître prétentieux de ma part, après tout, je suis né domestique. Je veux dire, on a pas les même mœurs, j’ai été enlevé à mes parents très jeunes, si bien que je ne me souviens plus de leur tête à cette heure-ci, donc je ne sais ce que tu peux ressentir, toi qui a grandit auprès de ta mère. Mais je suis sûr de pouvoir dire une chose, ce n’est pas parce que ta mère n’est plus là et que tu ne la vois plus que tu dois pour autant l’oublier. Au contraire, toi, tu as eût cette chance de pouvoir faire sa connaissance et avoir d’excellents souvenirs avec elle, alors, il ne faut pas les effacer. Chéris-les, justement, afin de ne jamais l’oublier. »

J’oubliais le ciel pour le regarder. Il n’avait pas connu sa mère ? Ni son père ? J’étais triste pour lui. Après tout, il n’avait peut-être pas de manque ? Je trouvais cette coutume si étrange chez les bipèdes et domestique, être séparés de leurs parents alors qu’ils ont à peine l’âge d’un apprenti. Justement pour cette raison que cela devait être habituels pour eux ? Je ne savais plus si je devais être peinée pour le guerrier. Mais je hochais la tête à ses conseils, jamais je ne l’oublierais. Chaque souvenir avec elle était un refuge, c’était mon antre secret à moi. Sa chaleur, sa présence, sa voix rassurante et aimant me manque. Ne plus la voir après chaque sortie dehors, ne plus lui apportée sa ration quotidienne ou même partager le moindre repas avec elle… C’était ça le plus difficile. Ma mère était tout pour moi. Cette pensée m’abattait plus encore. Tu me manques… Je sentais la queue du guerrier me tapoter l’épaule, en signe de réconfort. Il était gentil avec moi. Il fallait arrêter finalement avec les préjugés sur les domestiques.

« Je ne saurais parler exactement en son nom, d’ailleurs, je n’étais pas assez proche d’elle pour pouvoir le faire, mais je peux t’affirmer une chose : Elle est fière de toi et veille sur toi de la Toison Argenté avec Petite Aubépine. Rien ne comptait plus pour elle que ses enfants. Elle devait être une mère formidable. »

Je tournais le regard vers lui, un faible sourire marqué sur le visage. Sans me retenir plus que ça, je réfugiais ma tête contre son cou. Une petite étreinte qui me réconfortait. Ses paroles étaient douces. Ma maman était bien la meilleure. Je profitais au maximum de la chaleur du félin. Au fond, je devais être toujours une chatonne en quête d’affection. J’avais ma mère, c’est vrai, mais il me manquait mon père. J’ai toujours cherché la chaleur de ma maman pour compenser le manque de mon papa. Je ne le connaissais pas, il n’était jamais venu nous voir.

« Elle était formidable, c’est vrai. »

Je mis fin à l’étreinte avec Graine de Tournesol. Le guerrier avait réussi à me redonner une pointe de sourire !

« Désolée de jouer les chatonnes, je voulais pas trop me montrer comme une petite qui à besoin d’affection. C’est gentil de ta part en tout cas, vraiment. Merci. »

Je lui offrais un sourire sincère. Mon cœur était toujours triste mais réchauffé.

« Ne t’excuse pas, voyons. Tu as perdu ta mère dans une guerre qui n’avait pas lieu d’être. C’est compréhensif que tu sois mal. Je m’inquiéterais du contraire, plutôt. »

Mon manque de confiance en moi allait-il perdurer encore longtemps ? Cependant le guerrier, bien qu’affichant une mine intrigué, se montrait bienveillant. Je tâchais toujours de défendre mes camarades après des autres… Sans comprendre la vie qu’avait vécu ce chasseur, ni ce qu’il avait abandonné pour nous rejoindre, je ne disais rien. A présent, si quelqu’un doute de sa loyauté, je défendrais le guerrier avec ferveur. Il continua :

« Mais dis-moi, Aile de Mouche ne t’aide pas à faire ton deuil ? Enfin, je sais que vous n’avez pas les mêmes parents, mais vous avez tout deux été élevés par Mirage du Désert, non ? Fut un temps, vous étiez inséparables. Enfin, ça me regarde pas, tu me dira. Vous devez avoir chacun vos vies, à présent. »

J’émis un doux ronron rieur. Nous n’étions pas si proches que ça avec Moumouche, il l’était avec son jumeau, le défun P’tit Ver, je me suis juste battue à ses côtés le jour où Maman est tombée... Evidement, je considérais le jeune guerrier comme mon frère, mais… Je crois que je préférais rester seule. Je m’isolais de mon propre chef, et ce n’était pas vraiment une bonne idée, après tout, j’étais dans un clan.

« Et tes petits frères et sœurs ? Ils ont été bouleversés en apprenant la nouvelle. Ils arrivent à s’en remettre ? »

Ces petits qu’évoquait Graine de Tournesol étaient les derniers nés de ma Maman. J’étais là le jour de leur naissance ! Ils étaient tellement mignons quand ils étaient encore tout petit. Je sentais une douce chaleur se répandre en moi en pensant à ces souvenirs.

« Pour Moumouche tu sais… Je l’aime comme mon frère, mais nous n’étions pas si proches que ça. Et je pense que les petits ont encore du mal. J’essaie d’être là pour eux au maximum. Je leur dois bien ça. Leur raconter les histoires de Maman, pour ne pas qu’ils l’oublient, ou grandissent qu’avec de maigres souvenirs. »

Nous continuions la promenade, comme me l’avait invité à faire le félin tigré. Je respirais l’air pur de la forêt. C’était mon foyer. J’appréciais tellement ces arbres, ces broussailles, ces fougères… Tout ce qui composait cet endroit était un véritable bonheur. Je tournai la tête vers le guerrier. Une question me venait à l’esprit.

« Tu connaissais bien ma mère quand même ? Tu l’appréciais ? Elle me racontait tant d’histoire ! Surtout sur mon papa. Je ne sais toujours pas qui il était, mais elle m’a assuré que c’était un fort guerrier du clan du Tonnerre. »

« Nous avons participer à quelques patrouille ensemble, avant son accident. Honnêtement, comme je te l’ai déjà dit, j’avais beaucoup de respect pour elle. Ton père par contre, il n’était déjà plus là à mon arrivée. Je ne saurais rien te dire à son propos. »

Je n’en attendais pas plus sur mon père, il a été absent de ma vie, et… Même si Maman m’a dit plein de chose bien sur lui… Je le voyais passer dans le camp sans même jeter un regard vers nous. Il était peut-être un grand guerrier, mais pas forcément un bon père. Je lui en ai toujours un peu voulu d’ailleurs.

« Tu as faim ? Ça te tente, de manger un bout ? »

Oh de la chasse ? Je hochais la tête et me mis en position de chasseur. Il ne fallait pas faire de bruit pour débusquer la moindre proie. Techniquement… C’était une sorte de patrouille donc on pouvait chasser et manger un bout. A la limite on pourrait en ramener au camp ensuite ! Je respirais l’air intensément à la recherche d’un petit rongeur. Et j’eu de la chance ! Il y avait un petit écureuil juste devant moi. Il était au pied d’un arbre, derrière des broussailles. J’avançais furtivement, à petit pas histoire de faire le moins de bruit possible. J’étais prête à bondir, mais un autre bruit, un craquement de branche sûrement, mais ne venant pas de moi, attira son attention. Il bondit d’un coup dans l’arbre. Tant pis. Je revenais vers Graine de Tournesol, bredouille. Je lui chuchotais :

« A ton tour, je n’ai pas eu le mien. »

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